Le casse de la banque LCL de la place de l’Opéra n’est pas une première, mais il est suffisamment rocambolesque pour mettre l’imagination en surchauffe. Et l’on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec d’autres affaires…
En juillet 1976, en un seul week-end, les coffres de la Société Générale, en plein centre de Nice, sont vidés de toutes leurs richesses. Pour commettre ce vol, que les journaux baptisent « le casse du siècle », les malfaiteurs réalisent un travail titanesque. À l’aide d’un véhicule tout-terrain, ils passent par le lit du Paillon, un torrent souterrain (à sec à cette époque) qui traverse la ville, et ils rejoignent les égouts pour finalement déboucher derrière la salle des coffres de la banque. Des journées et des journées de travail… Mais, si j’ose dire, ils voient le bout du tunnel. Encore quelques heures d’efforts, le temps de fracturer les coffres personnels des clients friqués de la Côte… Un jeu d’enfant. Puis ils repartent comme ils sont venus, avec un butin estimé à quarante-cinq millions de francs. En laissant derrière eux, comme un pied de nez, l’inscription : « Ni armes, ni violence, et sans haine ».
Un banal contrôle d’identité, effectué un mois plus tôt, sur deux petits malfrats qui trimballent du matériel et des outils de terrassement (ce qui est rare pour des voyous, généralement peu enclins aux travaux manuels), met les policiers sur une piste qui les conduira à une équipe de voyous marseillais. On murmure alors que Gaétan Zampa… Mais on ne prête qu’aux riches. Rien ne viendra corroborer cette piste.
L’enquête piétine. Ça ronchonne dans les hautes sphères. C’est alors qu’un informateur anonyme « souffle » aux oreilles d’un enquêteur le nom d’Albert Spaggiari. Ce n’est pas un truand, mais un petit magouilleur qui fréquente le milieu interlope de la mairie de Nice. Arrêté, l’individu, fabulateur et mégalomane, est vite submergé par une gloire médiatique qui lui monte à la tête, jusqu’au point de revendiquer l’entière paternité de ce vol hors du commun.
Pourtant, encore aujourd’hui, certains sont dubitatifs. Et dans cette affaire, il reste bien des mystères.
Ce casse, et les règlements de comptes entre truands qui vont suivre, auront une conséquence inattendue : la création de la brigade antigang de Nice.
Nous étions vingt-cinq ou trente. Moyenne d’âge : une petite trentaine. Assis en rond, par terre, dans une salle vide de tout mobilier, c’était notre premier briefing. Nous avions à notre disposition une caserne entière, désaffectée, dans le quartier Saint-Roch – et pas un bureau, pas une chaise, pas un crayon. Tout était à faire. L’une de nos premières grosses affaires nous mena à Paris.
Une filature de mille kilomètres. Je crois que nous avons été les seuls flics capables d’effectuer ce genre d’exercice, à notre initiative, sans en référer à quiconque. Les lascars que nous surveillions préparaient un coup, mais quoi ? L’un d’eux, surnommé l’ingénieur, était un spécialiste des systèmes d’alarme. Une nuit, il avait réussi à pénétrer dans une agence bancaire – et il s’était endormi. Au petit matin, les employés l’avaient réveillé. Il avait simplement voulu démontrer l’inefficacité des protections de la banque. Six mois de prison. Y a des gens qui n’ont pas le sens de l’humour. En fait, on l’a compris plus tard, nos truands voulaient répliquer le casse du siècle. Et la filoche nous amena devant la Société Générale de la rue de Sèvres, à Paris, là où notre ingénieur avait passé la nuit.
Je vous laisse imaginer ce petit picotement de satisfaction, lorsque nos zigotos, en bleu de travail, s’engouffrent dans un immeuble face à l’agence bancaire…
Accoutrés comme des employés EDF, ils percent un tunnel pour rejoindre les égouts et déboucher derrière le mur de la chambre forte de la banque. Et pendant ce temps, trente flics de Nice se relaient dans la capitale pour surveiller une bande de malfrats – et personne n’est au courant !
Mais les meilleures choses ont une fin. Il va être temps de se couvrir avant que les choses ne tournent à l’orage. Je vais voir Lucien Aimé-Blanc, le chef de l’OCRB, il me dit que son service est mobilisé sur le cas Mesrine. Alors, je passe de la rue du Faubourg-Saint-Honoré au quai des Orfèvres. Broussard me dit que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. Mais finalement, le vieux roublard renifle la bonne affaire, et il met une équipe sur le terrain.
Et les planques reprennent. Jusqu’au jour où nos casseurs sont confrontés à une difficulté imprévue : ils n’ont pas le recul suffisant pour manipuler la lance thermique et ils risquent de fondre avec le béton. Alors, avec Broussard, et son adjoint, le commissaire René-Georges Querry, on décide d’intervenir, avant qu’ils ne plient les gaules. Délit impossible, argueront plus tard les avocats. C’était un peu vrai. Ils écopèrent de peines gentillettes.
C’était la première fois que je descendais dans les égouts parisiens.
Pour en revenir au casse de la place de l’Opéra, les enquêteurs de la BRB sont sur les dents. Ils ont, dit-on, la chance de travailler dans une excellente ambiance. Ça tient peut-être à leur patronne, qui arrive au boulot en vélib, souvent avec un sac de croissants pour ceux qui ont passé la nuit sur une enquête…
Que des histoires d’un autre âge, je vous dis.
@flic du 5 avril: je ne savais pas que le 14° arrondissement à Paris était si dangereux pour les voitures de GDF… en tout cas les flics y ont tout aussi mauvaise réputation qu’à Saint Denis. Pourquoi? Peut-être pourriez vous le demander à vos collègues?
Sinon, la gendarmerie en province traite également de zones urbanisées, du fait de l’étalement urbain et de la relative fixité des divisions administratives. Il est vrai que c’est globalement plus calme. Il est vrai aussi que les services d’enquête de la police ont plutôt meilleure réputation pour les enquêtes longues/crimes graves/spécialisés (stupéfiants, police scientifique…).
Sans être directement concerné (Dieu merci!), j’ai noté de loin, via un syndicat à forte présence médiatique, une tendance des policiers à applaudir aux mesures prises à partir de 2002 par un certain ministre de l’intérieur, quand je m’interrogeais sur leur pertinence (police de proximité, renforcement de la répression, affaiblissement du budget de la Justice, lois sécuritaires en tout genre…). Aujourd’hui, les mêmes se font plumer, et j’avoue avoir du mal à me retenir d’une certaine jubilation, un peu malsaine je le reconnais.
A quand un rééquilibrage?
« Si la PN n’est pas très aimée de nos concitoyens et la GN appréciée, ce n’est pas par hasard. »
C’est parceque la GN travaille la plupart du temps en secteur rural où les gens respectent l’autorité et les forces de l’ordre tandis que la PN a les secteurs les plus « difficiles » ou le simple fait d’avoir un gyrophare sur une voiture de gaz de France est considéré comme une « provocation » .
La PN et la GN sont constituées d’excellents professionnels .
@ « éhène »:
Vous citez un article mais l’avez-vous lu?
Le voici, un peu d’instruction ne peut qu’élever le débat:
Article R7
Modifié par Décret n°94-983 du 15 novembre 1994 – art. 2 JORF 16 novembre 1994
L’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire aux candidats reçus à l’examen technique est prononcée, suivant les besoins du service, sur avis conforme de la commission, par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la Justice, et du ministre des Armées.
Par dérogation aux dispositions des articles R. 5 et R. 6 et de l’alinéa qui précède, sur avis conforme de la commission, la qualité d’officier de police judiciaire peut être attribuée sans examen technique, par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la Justice, et du ministre des Armées, au gendarme blessé dans le service à l’occasion d’une opération de police au cours de laquelle il a fait preuve de qualités particulières de courage.
En aucun cas, l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire ne peut prendre effet avant que les bénéficiaires aient accompli quatre ans en activité de service dans la gendarmerie.
Dans tout les cas je ne vois pas le lien entre ce fait et un hypothétique rattachement de la police aux armées.
Bonsoir, il y a un bon moment que j’ai appri que ce document paraissait sur le net. Vous etes un des seul à prendre mon parti et cela me touche. Comme le dit ce christophe (de merde) j’ai obtenu l’OPJ mais maintenant cet espèce de con si on peut le nommer qu’il prenne mon « putain » d’handicap et surtout je pense que ce moins que rien n’a jamais eu affaire avec du lourd. Pour moi une seule question: A quand remonte ça dernière patrouille de nuit ? Je ne parle pas pour moi, mais au contraire pour ce couillon, je parle à tous les policiers et gendarmes qui se battent et tombent pour des connards comme ce christophe.
étant toucher par l’article R7 , je dois monter a malakoff , y es tu aller aussi ???
éhène, je vous rassure, vous ne serez jamais rattaché au MinDef.
Mais arrêtez de vous plaindre et de stigmatiser la GN car la PN ne lui arrive pas à la cheville. Si la PN n’est pas très aimée de nos concitoyens et la GN appréciée, ce n’est pas par hasard.
Spaggiari n’aurait-il pas été « doublé » par les truands car ne faisant pas partie du « milieu » de l’époque ? Et c’est bien lui, semble t’il qui a eu l’idée du casse mais a été obligé de s’accosier à de vrais truands pour le réaliser ? Vous semblez-dire que l’Albert serait un mytho …ceci dit c’est bien lui qui a écrit : » sans arme, sans haine et sans violence » ? C’est bien lui qui s’est évadé en sautant par la fenêtre de son juge ? C’est bien lui qui a nargué la police pendant des années en se balladant en plein Paris ? Il semble plutôt rigolo Spaggiari …Enfin certains flics qui l’ont rencontré comme « client » en gardent plutôt un bon souvenir d’après ce qu’ils m’ont dit …
Mytho je crois pas…Mégallo sans doute !
Aujourd’hui, le Journal Officiel publie une liste de 367 gendarmes venant de se voir gratifiés du statut d’OPJ et d’un 368e qui n’a même pas passé d’examen technique, seulement un examen médical (En application des dispositions de l’article R. 7 du code de procédure pénale, la qualité d’officier de police judiciaire est attribuée, sans examen technique, au gendarme : Develey (Christian, Paul) Nigend : 190515 LS : 8039231.)
A ce rythme soutenu, il faut se demander jusqu’à quel naufrage nous allons conduire notre police nationale française, progressivement déboulonnée et mise au pas par la gendarmerie nationale ?
Ne finira-t-elle pas par être purement et simplement rattachée au ministère de la Défense ?
L’avantage, c’est que là, je peux un peu parler. Non pas de l’enquête, vous imaginez bien, mais du service.
Il est vrai que notre patronne est une fan du vélocipède, ce qui est assez singulier. Le « croissant », c’est un peu la tradition, pour ceux qui se lèvent tôt.
Pour être un peu plus « concret », il est vrai que travailler dans un tel service amène pas mal de « tranches de vie », mais je ne vous apprend rien, monsieur Moreas. Les époques changent, les hommes aussi, mais quel beau métier faisons-nous, aussi difficile puisse-t-il être, parfois.
Mais quels souvenirs ! Que de fierté de passer par un tel service.
La semaine passée, j’ai eu l’opportunité de « croiser le fer » avec une équipe un peu similaire, quoique, à mon sens, un peu moins « belle ». Nos « amis d’un jour » s’occupaient des bijouteries. Mais, quand-même, du beau boulot (le leur, j’entend); avec un un mode opératoire un peu similaire; des trous. Du « beau » voyou, même si l’adjectif n’est pas forcément le meilleur qui soit. Au total, plusieurs centaines de milliers d’euro, plusieurs bijouteries.jMais, au final, la prison. Un jour ou l’autre, ces équipes finissent comme tel.
Les gendarmes et les voleurs, les cowboys et les indiens. On en revient toujours aux même « jeux ». C’est ce jeu qui vous plaisait, non? Perso, je pense que ça m’aurait plu. Peut être ai je manqué une vocation?
Quoi qu’il en soit, on retrouvera les voleurs, dans ce genre d’affaire on les retrouve toujours. Non?
L’histoire se répète, les braqueurs sont nostalgiques. Reste à savoir si ce « remake » aurait plu à Spaggiari.
Quelques noms d’une police oubliée et qui font réver les flics d’aujourd’hui…
Quant aux raleurs avides de billets sanglants et bruyants, ils peuvent guetter la création d’un blog « Le nouveau détective »
Le niveau baisse dangereusement et les internautes s’essouflent…, le Monde va devoir bientôt sévir : rançon comme une autre de billets resucés et sans grande inspiration. C’est également l’aventure naufragée de « Police mon amour », flop incommensurable !
un lic de l’intérieur, c’est quoi c’te bête-là ?
Je vous recommande le livre du maître des lieux : un lic de l’intérieur
Génial! J’adore vos histoires. Merci
Traitez donc des banquiers malfrats du blanchiment, ça nous changera de stigmates ! C’est moins vendeur, je sais, mais pourtant plus juteux pour eux que les maigres ressources des casseurs de coffre-forts qui ne font plus rêver personne !
🙂