En 68, après l’expulsion de Cohn-Bendit, les étudiants criaient : « Nous sommes tous des juifs allemands ! » On n’a encore entendu personne revendiquer son appartenance à la communauté des gens du voyage. Mais au fait, que faut-il
pour être considéré comme un nomade ? J’ai feuilleté le dictionnaire et j’ai trouvé cette définition : personne qui n’a pas de domicile fixe et qui se déplace continuellement.
Et d’un seul coup, le choc ! Plus possible de se dire « ça n’arrive qu’aux autres »… Moi qui ai déjà découvert mon identité nationale chez le garagiste du coin, voilà que je m’aperçois que pendant quatre ans, n’ayant plus de domicile fixe, j’ai fait partie des gens du voyage.
Pour savoir à quelles foudres judiciaires j’avais échappé, pour m’être ainsi mis hors la loi, je suis passé du dico au Code pénal, et notamment à la loi du 3 janvier 1969 « relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile fixe ».
On y dit, en deux mots, que les personnes âgées de plus de seize ans, dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois doivent être munies d’un titre de circulation si elles logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou un autre abri mobile.
Lorsque j’ai vendu mon appart, mes meubles et même mes livres (sniff !) pour m’offrir le bateau dont je rêvais depuis tout môme, j’ignorais ça… Étant du coup sans domicile fixe, et vivant donc dans un « abri mobile », j’étais manouche sans le savoir ! Et à ce titre, n’aurais-je pas dû être en possession de ce fameux livret de circulation à faire viser tous les trois mois ?
Pour obtenir ce titre de circulation, nous dit la loi, il faut être rattaché à une commune. Décision prise par le préfet ou le sous-préfet, après avis motivé du maire. Et, bien entendu, si l’on est étranger, on doit fournir les documents qui justifient sa présence sur le sol français.
Vous me direz, des gens qui vivent sur un bateau, c’est pas foison ! Pourtant, loin de la péniche friquée du quai de Seine, on trouve dans de petits ports fluviaux ou maritimes, voire au mouillage sauvage, dans des criques parfois inaccessibles, des mouille-cul à la carène envasée à jamais. Des marins qui se sont contentés de larguer les amarres avec la société. Des SDF de la mer. Ils ne sont pas à plaindre. D’ailleurs, si vous gagnez leur confiance, et qu’ils acceptent de raconter leur histoire, votre vie vous semble bien terne.
Certes, cette loi sur les gens du voyage ne s’applique pas aux bateliers. Mais un batelier, c’est un professionnel. Or ceux-là ne sont pas des pros. Ce que confirme d’ailleurs le Code civil (art. 102) en parlant des « personnes vivant à bord d’un bateau de navigation intérieure immatriculé en France ».
C’est aussi ce que doit penser le maire de Lattes, commune près de Montpellier, qui a décidé d’interdire aux « plaisanciers » de Port Ariane d’habiter leur bateau plus de trois mois par an. Et, au passage, d’augmenter les loyers de 30 à 60 %. Et comme ces manouches fluviaux ne veulent pas se laisser faire, et qu’ils se sont regroupés en une sorte de comité de défense, il les menace de saisir le tribunal administratif en vue de les expulser.
A Lattes, on appelle ça un coup de latte en vache. Il paraît que cet élu fait la même chose pour ceux qui habitent en mobil-home…
Il est comme nos dirigeants : tout le monde dans le rang. Et je veux voir qu’une seule tête, scrogneugneu !
Pour les gens qui vivent en caravane, c’est bien plus simple : obstruction sur la voie publique. Une modeste contravention de 4° classe (art. R 644-2 du Code pénal), et après, on enchaîne : contrôle d’identité, titres de séjour, situation…
Bien sûr, l’amalgame entre les gens du voyage, comme ci ou comme ça, ne tient pas vraiment la route. Mais ils ont en commun une vie de bohème qui nous renvoie une image, vraie ou fausse, d’insouciance, de liberté. Comme un pied de nez à la société. Et je crois que c’est en çà qu’ils sont le plus dérangeants. Mais de là à les mettre à l’index…
D’ailleurs, s’il fallait mettre à l’index tous ceux qui nous dérangent, on n’aurait pas assez de ses deux mains.
________________________________________________________________________________
C’est le cauchemar du législateur, ce qui explique sa grande prudence. La crainte que certains ne confondent légitime défense et « permis de tuer ».
Les deux tiers de ces meurtres sont dits passionnels, et, dans les trois quarts des cas, l’assassin est un proche de sa victime.
La course-poursuite, sirène hurlante, gyrophare rageur, c’est le petit coup d’adrénaline que chacun rêve de s’offrir. Même si cela pose 
