Il y a quelques jours, une équipe de la BAC remarque un Trafic Renault qui circule à vive allure. Les policiers tentent de l’arrêter, mais le véhicule accélère, au risque de les percuter, et s’engage sur le boulevard périphérique de l’est parisien. Après un gymkhana
de quelques minutes, le fourgon s’encastre dans le rail central. Le conducteur s’en extrait, traverse le périph et s’enfuit en courant.
Situation pas facile à gérer. Il faut à la fois éviter que cet accident ne provoque un carambolage et rattraper le fautif. Lequel, au bout de quelques centaines de mètres, stoppe un cycliste d’un coup de poing au visage et s’empare de son vélo. La poursuite pourrait se terminer là. Mais l’un des policiers, Jérôme, arrête un autre cycliste et (sans coup de poing) réquisitionne son engin. Et le voilà dans la roue du fugitif… Lequel peu à peu perd du terrain.
On imagine… L’homme se retourne, la chaleur est écrasante, il sue à grosses gouttes, il n’en peut plus, et ce flic qui se rapproche encore et encore… Alors, il abandonne sa bicyclette et plonge dans le lac Daumesnil. Ni une ni deux, Jérôme se débarrasse de son gilet pare-balles et de son arme et il plonge à son tour. Quelques instants plus tard, ses collègues récupèrent son équipement et se précipitent vers une barque.
C’est la fin de l’après-midi. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de touristes autour du lac du bois de Vincennes, mais en tout cas, ils auront quelque chose à raconter en rentrant chez eux : un policier qui crawle derrière un fuyard, tandis que d’autres rament vivement dans leur direction…
Uns scène qui rend complètement ringards les rodéos à l’américaine, généralement filmés depuis l’hélicoptère d’une chaîne télé.
Finalement, les deux hommes prennent pied sur l’îlot central. Ils se retrouvent face-à-face, trempés, extenués. L’homme glisse la main vers sa poche, mais il n’a même plus la force de sortir le long tournevis qu’il porte sur lui. À moins, comme un sportif fair-play, qu’il ne reconnaisse sa défaite…
Le bilan est sans appel. L’homme, âgé de 24 ans, a un STIC long comme un dimanche de permanence, il était au volant d’un véhicule volé muni de fausses plaques d’immatriculation à l’intérieur duquel il y avait une cagoule, une sorte de masse pouvant servir de bélier, du ruban adhésif, et différentes petites bricoles. Il est l’auteur avéré de sept ou huit infractions, et notamment d’avoir mis en danger la vie d’autrui. Des faits qu’il ne nie d’ailleurs pas.
Ce qu’il refuse de dire, c’est ce qu’il comptait faire. Probablement un braquage, ou un saucissonnage, va savoir !
À l’issue de sa garde à vue, le procureur l’a laissé en liberté en demandant aux policiers de poursuivre les investigations en enquête préliminaire. Ce qui, je le suppose, a dû entraîner quelques réflexions dans les vestiaires de la BAC, du genre : La pêche a été bonne, mais le poisson n’était pas assez gros… On se demande pour qui et pour quoi on se mouille ! Une préli, comme pour Bettencourt… Etc.
Non, non, Jérôme n’a pas été inquiété non plus. L’administration ne lui a pas cherché des noises pour avoir pris le risque de faire rouiller ses menottes ou pour avoir plongé dans un endroit interdit à la baignade. Au contraire, il a été chaudement félicité par ses amis et par sa patronne.
Et comme après dix ans de voie publique en région parisienne, il aspire à une vie un peu plus… familiale, je suis sûr que celle-ci va appuyer sa demande de mutation dans un commissariat d’une ville de province.
La course-poursuite, sirène hurlante, gyrophare rageur, c’est le petit coup d’adrénaline que chacun rêve de s’offrir. Même si cela pose question. Mais pour courir derrière un fuyard à la force du mollet, il y a déjà moins de volontaires. Quant à se transformer en triathlonien… Je ne l’avais jamais vu.
Chapeau, M’sieur Jérôme !
une scène à la Tintin : « Non, ce n’est pas le brigadier Méluchon, ici c’est la boucherie Sanzot… » Lors des essais, parait qu’ils étaient pliés, les RG. Nous, on risque rien, vu qu’on n’a pas de portable administratif. Certains ont quand même des radios.
les abus anciens, on en voit la correction ; mais on voit encore les abus de la correction même… »
Il y a comme un parfum nauséabond autour de l’héritage de l’Oréal. Les milliards de Bettencourt, c’est un peu la caverne d’Ali Baba, il ne reste plus qu’à identifier les quarante voleurs.
Ce que je sais, c’est qu’il faut un certain courage pour sacrifier sa carrière à l’autel de ses idées.
