LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Auteur/autrice : G.Moréas (Page 14 of 82)

Le business des écoutes et des données personnelles

Au moment où les États-Unis sont en train – timidement – de faire machine arrière sur le Patriot Act, la France se dote d’une véritable armada de machines électroniques pour surveiller ses propres ressortissants – et à l’occasion, les étrangers de passage dans notre beau pays. Dans cette guerre secrète contre le crime et le terrorisme, qui s’est amplifiée ces dernières années, pas de chars, pas d’avions, pas d’armes, mais un chiffre d’affaires en pleine érection. On peut se demander à qui profite le crime et combien cela va nous coûter… Dans quelle poche va-t-on prendre les sous ? Au détriment de quels services publics ?…

Nous sommes tellement habitués à ces projets qui capotent, comme Ecomouv ; ou d’autres qui aboutissent, mais dont la facture a été multipliée par 2, 3, 4…

Extrait brochure ThalesTiens, par exemple, parlons de la plateforme nationale d’interceptions judiciaires (PNIJ). En 2007, il était question d’une enveloppe de 17 millions d’euros. En 2010, elle était de 42 millions, et en 2014, de 47. En cette année 2015, alors que les premiers essais ont commencé dans certains services de police et de gendarmerie sur le ressort des cours d’appel de Paris, Versailles et Rouen, on se rapprocherait des 55 millions. C’est du moins ce que dit Le Canard enchaîné daté du 20 mai 2015, ajoutant malicieusement, que, pour l’instant, seuls les clients d’Orange peuvent être mis sous écoute. Continue reading

Insécurité juridique : l’hôtel Carlton sur l’autel du droit

L’affaire du Carlton de Lille se termine par une déculottée des juges d’instruction. Elle montre les limites de l’enquête pénale dans notre système judiciaire et le danger de ces infractions qui s’emboîtent comme des poupées gigognes. À force de triturer les lois, au nom de la sécurité, et de plus en plus souvent de la morale, notre pays souffre aujourd’hui d’un autre mal, plus tortueux : l’insécurité juridique.

L’insécurité juridique commence lorsque l’on ressent une inquiétude dans l’accomplissement d’une tâche familière. C’est le cas, par exemple, au volant de sa voiture, tant il est difficile d’éviter les chausse-trappes d’une signalisation parfois imprévisible. Mais c’est autrement plus grave dans notre vie quotidienne. Ainsi, pour revenir dans le domaine de la prostitution et de son corollaire, le proxénétisme, que risque-t-on à prêter son appartement à un ami dans l’hypothèse où il passerait la nuit avec une prostituée ?

L’insécurité juridique, c’est ne plus savoir ce qui est interdit, autorisé, légal ou obligatoire. Ce risque indéterminé incline à modifier son comportement, parfois même à renoncer à un projet, une envie. Puis-je cliquer sur ce site sans être confondu avec un pervers ou un terroriste ?

L’insécurité juridique nous fait baisser la tête car tout ce qui dépasse est suspect. Continue reading

Vers une réforme de la prescription

À la fin juin, la cour d’assises de Douai va avoir à se prononcer sur une affaire peu ordinaire : un octuple infanticide. La femme qui se trouvera dans le box a reconnu, qu’après avoir par huit fois accouché clandestinement, elle a tué ses nouveau-nés. Elle est mise en accusation pour meurtres par ascendant et meurtres sur mineurs de 15 ans, le tout avec préméditation, mais se présentera libre à l’audience.

Lorsqu’en juillet 2010, les propriétaires d’une ancienne ferme de Villers-au-Tertre (Nord), creusent leur jardin pour y installer un bassin, ils découvrent les ossements de deux bébés. Dominique Cottrez., la fille de l’ancien propriétaire des lieux est soupçonnée. Elle reconnaît avoir enterré les deux cadavres et dans la foulée avoue qu’il en existe six autres dans la maison qu’elle occupe actuellement. Cette femme, âgée aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, a dissimulé ses grossesses successives et tué ses enfants à leur premier souffle de vie. Des faits qui se seraient étalés sur une dizaine d’années, entre 1989 et 2000. Elle justifie en partie ses gestes meurtriers par la crainte que ses enfants ne soient ceux de son propre père, Oscar Lempereur, aujourd’hui décédé, dont elle subissait l’inceste depuis son enfance.

Les faits datant de plus de 10 ans, ses avocats demandent l’abandon des poursuites en faisant valoir la prescription. Continue reading

Tarnac : peut-on parler de justice politique ?

Le parquet de Paris a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de trois des personnages mis en examen dans l’affaire de Tarnac sous la qualification d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Or, le fait d’utiliser des mots quasi identiques pour incriminer, par exemple, l’assistance apportée par les complices supposés de Coulibaly ou des frères Kouachi, et la tentative d’immobiliser un TGV en le privant d’électricité, a évidemment quelque chose d’incompréhensible.

Drôles_googleEt dans une société où la défiance est de mise, certains dénoncent une décision politique contre une mouvance qui n’a démontré sa dangerosité qu’à travers des écrits et – peut-être – un vandalisme dans un but de nuisance.

Alors, chez nous, en France, avons-nous une justice politique ?

Si la juxtaposition de ces deux mots est choquante, la réponse est néanmoins oui – car justice et politique sont indissociables. Continue reading

Pour les militaires, une justice presque ordinaire

Ainsi, depuis neuf mois, une enquête préliminaire est en cours pour vérifier si des soldats français ont commis des viols ou des agressions sexuelles contre de jeunes enfants en Centrafrique… On peut dire que cette discrétion est étonnante alors que, dans bien des affaires, notamment lorsqu’elles touchent des hommes politiques, on a pris l’habitude de lire dans la presse des extraits des procès-verbaux, voire des écoutes téléphoniques.

Bangui capture d'écran Francetv infoLa « grande muette » est donc fidèle à sa réputation – et la justice a respecté cette tradition. Du coup, nous, nous avons appris l’information d’un journal britannique. Ce qui la fiche plutôt mal. Et comme il en est de même pour les autorités de Centrafrique, cette affaire s’annonce comme un véritable bide diplomatique.

Devant ce mutisme, il n’est pas anormal de s’interroger : les militaires seraient-ils au-dessus des lois ? Absolument pas, a répondu le porte-parole du ministère chargé de la défense, les militaires sont des citoyens comme les autres. Continue reading

Terrorisme : comment se tirer une balle dans le pied

Les explications qui ont suivi l’arrestation de Sid Ahmed Ghlam, étudiant algérien de 24 ans, soupçonné d’avoir voulu commettre un acte terroriste contre une ou deux églises de Villejuif, laissent perplexe. Ce pied nickelé se serait blessé lui-même après ou avant avoir tué Aurélie Châtelain pour lui voler sa voiture.

Puis il aurait appelé les secours. Et les policiers auraient suivi la piste des gouttes de sang jusqu’à son propre véhicule dans lequel ils auraient remarqué des sacs de sport susceptibles de contenir un « arsenal de guerre », comme on a pu le lire dans la presse.

Une balle dans le piedSous le feu des déclarations anxiogènes des autorités, je me suis dit, comme beaucoup, qu’on avait eu chaud. Et puis, en réaction à une communication excessive, j’ai été victime du syndrome de l’éclairage du frigo : comment savoir si la lumière est éteinte une fois que l’on a refermé la porte !

Mais n’est-il pas normal de devenir suspicieux, voire parano, dans une société où les acteurs politiques sont sans cesse en représentation ! Une pièce sans entracte dans un théâtre où l’on est mal assis. Continue reading

La loi sur le renseignement est-elle constitutionnelle ?

Le gouvernement n’a pas souhaité solliciter le Conseil Constitutionnel sur le projet de loi sur le renseignement. À gauche comme à droite, certains députés – très peu – ont renâclé, estimant que cela jetait la suspicion sur un texte qui concerne nos libertés fondamentales. Puis une voix inattendue s’est élevée, celle de l’ancien Premier ministre François Fillon : il s’est fait fort de réunir 60 parlementaires pour sauter le pas.

FillonDu coup, je me suis abonné à son compte twitter, histoire de ne pas l’oublier, quand le moment sera venu.

La politique est quand même un drôle de truc… En 2006, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy soutient une loi pour lutter contre le terrorisme. Celle-ci prévoit entre autres de recueillir les données conservées par les opérateurs de téléphonie mobile sans l’aval d’un magistrat. Tollé parmi les sénateurs socialistes, qui dénoncent le passage d’un contrôle judiciaire à un contrôle administratif. Ils saisissent le Conseil constitutionnel. Continue reading

Loi sur le renseignement : les petits, les gros, les bons et les méchants…

Lundi 13 avril, les députés vont débattre de la nouvelle loi sur le renseignement. La discussion risque de tourner court puisque, fait rare dans l’hémicycle, droite et gauche sont quasi d’accord. Dans le même temps, devant les portes de l’Assemblée, des opposants vont manifester. « Les citoyens doivent montrer qu’ils refusent de céder à la logique de surveillance généralisée et sans garantie présentée comme indispensable par le gouvernement », disent les organisateurs.

Téléphone  2À défaut d’y trouver les syndicats de police, seront représentés dans cette manifestation: les magistrats, les journalistes, les avocats ainsi que les défenseurs des droits de l’homme. Et pourtant, je ne suis pas sûr que cette loi, mitonnée par des cerveaux de la politique, de l’armée et de la police, fasse l’unanimité chez les agents de terrain.

En tout cas, elle met un terme à la légende de la France « pays des droits de l’homme ». Et pour paraphraser la déclaration de 1789, une société où la séparation des pouvoirs n’est pas affirmée, « n’a point de Constitution ».

Bizarrement, la presse n’est guère convaincante lorsqu’elle dénonce ce projet de loi. Probablement en raison de la difficulté à visionner, à comprendre et à décrire les procédés techniques. Les journalistes ne sont pas les seuls à ramer. Certains députés eux-mêmes reconnaissent ne pas y piper grand-chose, se contentant de faire confiance au grand… ordinateur, Jean-Jacques Urvoas.

Je me demande si cette loi portera son nom ! Continue reading

Un avenir privé de vie privée

Du long séjour à l’Élysée de François Mitterrand, il restera la fin de la peine de mort, et de celui de François Hollande, la fin de la vie privée. Politiquement, cela n’a guère d’importance, puisque plus de la moitié des Français s’en ficheraient, selon un sondage tout récent d’Amnesty International. Ce désintérêt part d’un argument souvent entendu : on n’a rien à cacher ! Alors, qui a raison, celui qui se bat pour protéger sa bulle ou celui qui se dit que la sécurité passe avant tout ?

Sondage Amnesty International

Cliquer sur l’image pour le site

La vie privée ne se résume pas à deux mots. Mais comment la définir ? S’agit-il simplement des petits secrets de nos conversations ou de nos sms ; ou de la protection de notre ordi ; ou de nos données personnelles… Il serait réducteur de croire cela : notre vie privée, c’est notre personnalité. Au point que la cour de cassation a envisagé, il y a une cinquantaine d’années, et pour la première fois, l’existence de droits attachés à la personnalité. Ensuite, la jurisprudence a tracé la route, et, en 1994, lors de l’apparition du nouveau Code pénal, un chapitre a été consacré aux « atteintes à la personnalité ». La section 1 de ce chapitre vise les atteintes à la vie privée d’une personne, lorsque celles-ci sont effectuées sans son consentement.

Les droits de la personnalité concernent, outre le droit au respect de la vie privée, le droit sur les données à caractère personnel, le droit à la présomption d’innocence, le droit à l’image, le droit moral de l’auteur, le droit de réponse, les droits sur son propre corps… Continue reading

La Cour règle son compte à la PJ

La Cour des comptes a récemment rendu public la synthèse de son contrôle sur « la fonction de police judiciaire dans la police et la gendarmerie nationales » ainsi que ses recommandations.

Impression générale : un bon point pour la préfecture de police de Paris et carton jaune pour les autres services. Si le coût de l’ensemble de l’activité de la police judiciaire est impressionnant (plus de 4 milliards d’euros en 2013), les dix pages du rapport avancent peu de chiffres, mais tentent plutôt une analyse technocratique de sa gestion.

Organigramme police gendamerie au MID’ailleurs, comment traduire en arithmétique binaire une activité tellement diversifiée ! En fait, en mettant l’accent sur la rivalité entre les services, derrière les mots, j’ai eu l’impression d’un lâcher de ballon-sonde sur un sujet brûlant : la fusion de la police et de la gendarmerie.

La police judiciaire est, avec le procureur, le juge et l’avocat, au centre de l’enquête pénale. Mais lorsque l’on parle de police judiciaire, on a tendance à focaliser sur la PJ, voire sur le Quai des Orfèvres. Il s’agit là d’une image de fiction parfois captivante mais bien loin de la réalité. En fait de nombreux fonctionnaires ou militaires effectuent des actes de police judiciaire. Le nombre d’OPJ ou d’APJ spécialisés ne cessant d’ailleurs d’augmenter. On cite le plus souvent les agents des douanes et ceux des services fiscaux, mais ce sont des dizaines d’agents publics ou privés et de militaires qui assurent des fonctions de police judiciaire. Dans des domaines que parfois on ne soupçonne même pas, comme l’environnement, la pollution de l’air, la santé publique ou les infractions commises en Antarctique. Continue reading

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