LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Étiquette : Réforme de la police

La PJ sacrifiée sur l’autel de la politique

Ils ont la rage, les flics de PJ, car ils sont les grands perdants de la réforme de la police nationale dont le ministre de l’Intérieur a fait son marqueur. Cette réforme, qui se veut « dans l’esprit et la continuité des réformes engagées depuis 2017 », supprime d’un trait de plume les services extérieurs de la direction centrale de la police judiciaire – une maison vieille de plus d’un siècle, tout de même ! – qui sera absorbée au sein de nouvelles structures départementales regroupant l’ensemble « des forces de sécurité intérieure ». Un organigramme calqué sur celui des grands groupes privés.

Site de l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ)

Cette réforme trouverait sa justification dans la nécessité de restaurer une relation de confiance entre la population et les forces de sécurité.

Y a du grain à moudre !

Depuis sa création par Clemenceau, en 1907, la police judiciaire n’a cessé d’évoluer. Et son terrain de chasse n’a cessé de s’agrandir. En 1941, les sûretés urbaines et les brigades mobiles fusionnent pour devenir des services régionaux de police judiciaire (dissous à la Libération et recréés peu après). En 2003, pour s’adapter à l’évolution de la criminalité organisée et pour mieux mutualiser les moyens d’action, des structures territoriales de la DCPJ sont regroupées au sein de directions interrégionales. En décembre 2020, un décret soutenu par Gérald Darmanin agrandit le territoire de certains services en créant des directions zonales de police judiciaire (DZPJ).

     Billet de décembre 2013 : La vraie histoire du logo de la PJ

La zone sud, que dirigeait Éric Arella avant d’être limogé, s’étend sur l’ensemble de l’arc méditerranéen. Son ressort de compétence englobe les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Occitanie et Corse, ce qui représente 30 tribunaux judiciaires et 8 cours d’appel.

Demain, cette structure sera balayée et ses 1350 fonctionnaires seront répartis dans 21 départements, au sein des services de sécurité publique.

L’horizon se rétrécit pour la police judiciaire. Pourquoi une telle régression ? Il y a des non-dits dans cette réorganisation simpliste, par exemple, supprimer l’autonomie des enquêteurs de PJ et, en les plaçant directement sous la coupe d’un directeur « généraliste », bras droit du préfet, les éloigner des magistrats.

Cette réforme est présentée comme une volonté de déconcentration alors qu’elle est le reflet d’un contrôle renforcé, tant sur l’action de la PJ que sur la teneur des dossiers judiciaires, comme cela se passe à Paris. On comprend bien l’intérêt politique de reprendre la main sur des affaires potentiellement sensibles.

Existe-t-il un seul avantage, pour nous, citoyens, à cette liquidation de la police judiciaire ? Continue reading

La fin de la PJ de papa

C’est quasi certain, la police judiciaire telle qu’on la connaît va disparaître. En province, ses services devraient se noyer dans des directions départementales de la police nationale (DDPN) qui regrouperont la sécurité publique (SP), la police aux frontières (PAF) et la police judiciaire (PJ). Tandis que les quatre départements autour de Paris et sa petite couronne pourraient se voir rattachés au préfet de police – ce qui meublerait la célèbre casquette de Didier Lallement.

Exit la mythique 1re brigade mobile devenue au fil du temps la direction régionale de police judiciaire de Versailles.

Le Tigre Clemenceau est en deuil !

Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter, à plus d’un siècle de distance, le fossé qui sépare l’approche politique pour lutter contre l’insécurité. C’est un marqueur de l’évolution de notre société. Reste à savoir s’il s’agit d’une évolution positive…

La PJ de papa – En 1907, notamment pour lutter contre une criminalité de plus en plus itinérante, Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur, mais également président du Conseil des ministres, décide d’offrir au pays une police mobile et autonome, dotée de moyens modernes et même de véhicules à moteur, comme la célèbre De Dion-Bouton. Ce qui leur vaudra le nom de « brigades mobiles ». Ces policiers, qui vont défricher un terrain vierge, sont tous partants pour renoncer au train-train du quotidien.

Déchargés des tâches administratives, les « mobilards » vont se lancer dans l’aventure un peu comme des commandos, mais dans les limites du droit, car chapeautés par les magistrats de l’ordre judiciaire. Georges Clemenceau est d’ailleurs intraitable sur ce point. Je ne peux m’empêcher de citer un extrait du courrier qu’il adresse aux préfets : « Les commissaires divisionnaires, les commissaires et les inspecteurs de police mobile ont pour mission exclusive (j’en ai pris l’engagement formel devant les Chambres lorsque je leur ai demandé les crédits nécessaires) de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits de droit commun. Ils ne doivent donc jamais, qu’ils soient au siège de leur brigade ou en route dans l’étendue de leur circonscription, être détrônés par M.M. les Préfets et Sous-Préfets de leurs attributions nettement définies, qui consistent d’une part, dans une collaboration immédiate avec les parquets pour l’exercice de la police répressive, et, d’autre part, dans la recherche et la constatation spontanées des flagrants délits (…). Continue reading

Réforme de la police : on peut toujours rêver…

La France, « patrie des droits de l’homme » a flétri son image internationale par la répression violente des manifestations des gilets jaunes, mais c’est seulement après avoir soulevé une fronde dans les rangs des syndicats policiers par ses déclarations sur les contrôles au faciès qu’Emmanuel Macron a estimé qu’il y avait « urgence à agir ». Dans un courrier adressé à un dirigeant syndicaliste, il a annoncé un « Beauvau de la sécurité » pour une réforme de la police.

Ce Beauvau de la sécurité devrait, selon le communiqué du ministre de l’Intérieur, s’étendre sur plusieurs mois au rythme de débats citoyens hebdomadaires et d’une réunion de travail tous les quinze jours regroupant, outre les représentants syndicaux, des élus et des experts français et internationaux. Ces travaux, dit Gérard Darmanin, « permettront de dessiner des réponses à court terme, mais également de poser les bases de la future loi de programmation de la sécurité intérieure pour 2022 ».

En décortiquant les thèmes retenus, on peut penser que pour le court-terme il s’agit de tenter de calmer les syndicats en revisitant la formation, l’encadrement, les effectifs, les conditions matérielles d’exercice et l’utilisation de la vidéo. Les échanges sur ce dernier point risquent d’être houleux, puisque cela pourrait aussi bien concerner la généralisation des caméras portables pour les forces de l’ordre que l’interdiction (de fait) de les filmer, comme il ressort de la sulfureuse loi sur la sécurité globale.

On s’acheminerait donc vers une réformette, d’autant qu’il n’est plus question de toucher à la monolithique préfecture de police. Pourtant, la création à Paris d’une police municipale ne serait-elle pas l’occasion idéale pour une refonte de ses services afin de mieux assurer la sécurité de l’agglomération parisienne, tout en diminuant les coûts ?

Mais heureusement deux autres points, s’ils étaient menés à terme, pourraient modifier la donne, et même marquer ce quinquennat. D’autant qu’en filigrane, ils sont raccords avec les propos du président de la République Continue reading

Entre l’État et la police, chèque en gris ou chèque en bois ?

Il y a fort à parier que le drame qui s’est déroulé récemment dans les locaux de la préfecture de police va ramener sur le devant de la scène la réforme maintes fois annoncée de la police parisienne. D’autant que, depuis l’affaire Benalla, l’idée tournicote du côté de l’Élysée. Cette réforme pourrait aller de pair avec l’arrivée prochaine de la police municipale voulue par Anne Hidalgo, même si le ferraillement des candidats aux municipales risque de freiner le projet. Pourtant, si l’on se souvient que la création de la police nationale, en 1966, qui a fusionné les fonctionnaires de la sûreté nationale et ceux de la préfecture de police, n’a pratiquement rien changé dans le fonctionnement de la « vieille dame », on peut toujours rêver…

D’ailleurs, est-il judicieux d’entamer une nouvelle réforme alors que les dernières sont loin d’être digérées ? Menées le plus souvent sur un coup de tête, ou un coup de menton, elles ont eu pour premier effet de déstabiliser la police et la gendarmerie. En un rien de temps, celui d’une carrière, on est passé d’un fonctionnement basé sur l’expérience à l’expérience du fonctionnement.

Et, même si les syndicats ont habilement su jouer le coup et obtenir à chaque réforme des avantages inconnus des autres fonctionnaires, cette instabilité a créé de l’incertitude. Et bon nombre de policiers sont encore en recherche de leur identité professionnelle, tant l’exercice de ce métier, marqué de mythologie, est un tiraillement de tous les jours entre ce que l’on voudrait faire et ce que l’on doit faire.

« Originalos » (Netflix)

À la différence de la gendarmerie, la police nationale n’est pas une institution très ancienne, puisqu’elle a été créée en 1941, sous le régime de Vichy. Mais en fait, la police n’est vraiment nationale que depuis la loi du 9 juillet 1966 qui a étatisé la police parisienne en la fusionnant avec la sûreté nationale, compétente sur le reste du territoire.

Cette réforme en trompe-l’œil décidée par Charles de Gaulle pour endiguer les vagues de l’affaire Ben Barka (alors qu’à l’évidence sa disparition a été l’œuvre de services secrets : le leader marocain, choisi par Che Guevara, était en passe de devenir le chef de file d’un mouvement intellectuel pour une révolution économique mondiale, téléguidé par le Tiers-Monde), montre que l’utilisation de la police à des fins politiques ne date pas d’aujourd’hui. Continue reading

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