Ils ont la rage, les flics de PJ, car ils sont les grands perdants de la réforme de la police nationale dont le ministre de l’Intérieur a fait son marqueur. Cette réforme, qui se veut « dans l’esprit et la continuité des réformes engagées depuis 2017 », supprime d’un trait de plume les services extérieurs de la direction centrale de la police judiciaire – une maison vieille de plus d’un siècle, tout de même ! – qui sera absorbée au sein de nouvelles structures départementales regroupant l’ensemble « des forces de sécurité intérieure ». Un organigramme calqué sur celui des grands groupes privés.
Cette réforme trouverait sa justification dans la nécessité de restaurer une relation de confiance entre la population et les forces de sécurité.
Y a du grain à moudre !
Depuis sa création par Clemenceau, en 1907, la police judiciaire n’a cessé d’évoluer. Et son terrain de chasse n’a cessé de s’agrandir. En 1941, les sûretés urbaines et les brigades mobiles fusionnent pour devenir des services régionaux de police judiciaire (dissous à la Libération et recréés peu après). En 2003, pour s’adapter à l’évolution de la criminalité organisée et pour mieux mutualiser les moyens d’action, des structures territoriales de la DCPJ sont regroupées au sein de directions interrégionales. En décembre 2020, un décret soutenu par Gérald Darmanin agrandit le territoire de certains services en créant des directions zonales de police judiciaire (DZPJ).
Billet de décembre 2013 : La vraie histoire du logo de la PJ
La zone sud, que dirigeait Éric Arella avant d’être limogé, s’étend sur l’ensemble de l’arc méditerranéen. Son ressort de compétence englobe les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Occitanie et Corse, ce qui représente 30 tribunaux judiciaires et 8 cours d’appel.
Demain, cette structure sera balayée et ses 1350 fonctionnaires seront répartis dans 21 départements, au sein des services de sécurité publique.
L’horizon se rétrécit pour la police judiciaire. Pourquoi une telle régression ? Il y a des non-dits dans cette réorganisation simpliste, par exemple, supprimer l’autonomie des enquêteurs de PJ et, en les plaçant directement sous la coupe d’un directeur « généraliste », bras droit du préfet, les éloigner des magistrats.
Cette réforme est présentée comme une volonté de déconcentration alors qu’elle est le reflet d’un contrôle renforcé, tant sur l’action de la PJ que sur la teneur des dossiers judiciaires, comme cela se passe à Paris. On comprend bien l’intérêt politique de reprendre la main sur des affaires potentiellement sensibles.
Existe-t-il un seul avantage, pour nous, citoyens, à cette liquidation de la police judiciaire ? Continue reading
4 réponses à “Entre l’État et la police, chèque en gris ou chèque en bois ?”
» le leader marocain, choisi par Che Guevara, était en passe de devenir le chef de file d’un mouvement intellectuel pour une révolution économique mondiale, téléguidé par le Tiers-Monde »
Je ne comprends pas:
à l’époque de l’assassinat (on ne disait pas encore neutralisation, qui rime avec castration) de Ben Barka, le Tiers-Monde n’était pas défini (et ne l’est toujours pas) : était ce l’Inde? Cuba? la Chine (en conflit armé avec l’Inde…) une revendication en perpétuel devenir?
En tous cas, je vois mal comment cette entité pouvait avoir un pouvoir de téléguidage…
Un très intéressant article qui de références historiques aux difficultés contemporaines, pose bien les défis qui attendent la police de demain.
Quant à la gendarmerie que vous évoquez dans votre conclusion, elle se réforme ou évolue depuis des années et vous le savez très bien en essayant de rester fidèle à son histoire, ses forces et ses faiblesses, le terrain et les adversités dont elle a la charge et auxquelles elle doit faire face.
Il me semble que la PN devrait en faire de même, sans mélanger les genres.
Un prochain billet peut-être…
Merci pour cet article, notamment pour les nombreuses questions qu’il soulève.
« Cette réforme en trompe-l’œil décidée par Charles de Gaulle pour endiguer les vagues de l’affaire Ben Barka (alors qu’à l’évidence sa disparition a été l’œuvre de services secrets : le leader marocain, choisi par Che Guevara, était en passe de devenir le chef de file d’un mouvement intellectuel pour une révolution économique mondiale, téléguidé par le Tiers-Monde) »: s’agit-il d’une assertion, ou bien avez vous la preuve formelle de l’implication du SDECE?
Un prochain billet peut-être…