LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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La Cour de Justice de la République : un tribunal bon enfant

Il y a quelques jours, le ministre de la Justice a été relaxé par la Cour de Justice de la République (CJR). Les juges professionnels qui forment la « commission d’instruction » ont considéré que les éléments recueillis contre lui constituaient l’infraction de prise illégale d’intérêt, mais les juges qui l’ont jugé, 3 magistrats et 12 parlementaires (6 députés et 6 sénateurs), en ont décidé autrement : Éric Dupond-Moretti a été relaxé, faute « d’élément intentionnel » : en deux mots, il a bien accompli les actes qui lui étaient reprochés, mais il ne savait pas qu’en agissant de la sorte il commettait des infractions.

C’en est presque vexant pour un homme qui a plus de 30 ans de barreau derrière lui !

Le procureur général, Rémy Heitz, dans son réquisitoire n’a pas fait dans la dentelle. Il a souligné d’entrée que M. Dupond-Moretti se trouvait à l’évidence en situation de conflits d’intérêts et a affirmé avoir la conviction de sa culpabilité. Il a réclamé contre celui-ci une peine « juste et significative » d’un an de prison avec sursis, et pourtant il a préféré ne pas se pourvoir en cassation. « Le ministre dit qu’il faut tourner la page, souligne-t-il, je suis dans le même état d’esprit. » Il faut reconnaître qu’il n’était pas facile pour ce haut magistrat, nommé à son poste il y a quelques mois par décret du président de la République sur proposition de la Première ministre, d’aller plus loin dans l’attaque de son « patron ».

Pour l’avocat de l’association Anticor, à l’origine de la plainte contre le garde des Sceaux, il se trouvait devant « un conflit de réalité juridique et politique qui lui interdisait de former ce pourvoi ».

Ainsi, le prévenu était en situation de conflits d’intérêts et l’avocat général, qui représente la société, était en situation de conflit juridico-politique. Cette justice feutrée devrait servir d’exemple à bien des magistrats, notamment lorsqu’ils jugent à la chaîne des hommes et des femmes en comparution immédiate.

Le délit de prise illégale d'intérêt

Autrefois appelée délit d’ingérence, la prise illégale d’intérêt est aujourd’hui prévue par l’article 432-12 du code pénal. C’est une infraction punissable de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende Continue reading

Anticor et à cri

Depuis 18 ans, l’association Anticor s’est imposée comme l’acteur principal de la lutte anticorruption. Elle est sur tous les fronts : l’affaire de l’ancien PDG de Radio France Mathieu Gallet, qui vient d’être condamné en appel pour favoritisme, l’enquête sur les Mutuelles de Bretagne, qui a valu à Richard Ferrand une mise en examen et son portefeuille de ministre ; la saisine de la Cour de justice de la République concernant Éric Dupond-Moretti ; l’affaire Alstom, les milliards du Grand Paris, les fraudes aux subventions agricoles en Corse, Sarkozy, Buisson, Benalla… (voir la liste des affaires) ou encore l’enquête sur les manquements du maire de Pourrières, dans le Var,  après le décès de deux jeunes filles lors de l’accident d’une navette scolaire…

Inutile de dire combien cette association empoisonne le panthéon de la politique en s’appliquant à combattre un mal bien implanté en France : la corruption. Un mal qui, selon une étude du parlement européen, coûte 120 milliards d’euros par an aux contribuables que nous sommes, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale, et qui mine la confiance dans les institutions (3 Français sur 4 estiment la société politique « plutôt » corrompue).

Le fait de profiter de sa fonction pour obtenir un avantage personnel, quel qu’il soit, est un acte de corruption. Ce délit (et son avatar le trafic d’influence) est donc lié au pouvoir. Il ne concerne pas que les élus ou les membres du gouvernement, mais toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. On parle là de corruption publique, car une loi de 2005 a introduit la corruption privée dans le code pénal (art. 445-1 et 445-2). Cela concerne aussi bien les salariés, que les dirigeants, et même les entreprises en tant que personnes morales.

Mais pour qu’une association puisse ester en justice, il faut qu’elle ait intérêt à agir, et en matière de corruption ou autres délits proches, qu’elle obtienne un agrément ministériel. Tout est dit dans l’article 2-23 du code de procédure pénale qui autorise les associations anticorruption déclarées depuis au moins cinq ans à exercer les droits reconnus aux parties civiles – sous réserve d’être agréées selon les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce qui se traduit par une décision ministérielle renouvelable tous les trois ans.

Il faut donc l’accord du pouvoir exécutif pour lutter contre la corruption.

« L’action associative devant les juridictions traduit de façon modeste la possibilité d’un autre rapport au pouvoir. Elle a permis à une citoyenneté vigilante d’entrer dans les prétoires », dit Éric Alt. Il sait de quoi il parle puisqu’il assume à la fois son rôle de vice-président de l’association et ses fonctions de magistrat (ce qui lui a valu de faire l’objet d’une enquête interne). Mais les associations sont poil à gratter Continue reading

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