LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Le flic et le téléphone

Le 8 novembre, les officiers de police sont exhortés à une grève du zèle par le syndicat du corps de commandement de la polilenquete-corse-par-petillon.1194374247.jpgce nationale, SYNERGIE. Et ils sont invités à déposer leur arme.

Le SNOP (syndicat national des officiers de police), majoritaire chez les officiers de police, se joint à la revendication. Mais, plus prudemment, il appelle les policiers « à extérioriser leur vif mécontentement », et à déposer leur téléphone sur le bureau de leur chef de service – ce qui fait quand même moins viril.

Dans les consignes données par Synergie, il y en a deux qui peuvent surprendre. Ce jour-là, le syndicat invite ses adhérents au…

– strict respect du code de la route ;

– strict respect du code de procédure pénale.

Diantre ! Cela voudrait-il dire qu’en des temps ordinaires, les officiers de police ne respectent pas lesdits codes !

Bon, on comprend bien que pour l’accomplissement de leurs tâches les policiers s’affranchissent des règlements qui s’imposent aux automobilistes lambdas. D’ailleurs, ils ne commettent pas d’infraction puisque le code de la route le prévoit expressément. Mais le respect du code de procédure pénale ! C’est-à-dire les textes qui donnent aux OPJ des pouvoirs importants et parfois contraignants, voire coercitifs…

Bon, je pense que c’est une erreur de frappe.

Mais la vraie question qui se pose est la suivante : Les policiers ont-ils le droit de faire une grève du zèle ?

Que disent les textes ?

A/ Le droit de grève est un droit constitutionnel. Il est reconnu aux fonctionnaires, et, dans ce domaine, la France est d’ailleurs l’un des pays les plus libéraux. Par exemple, l’Allemagne, les pays du Benelux, les Etats-Unis…, ne reconnaissant pas le droit de grève à leurs fonctionnaires. Au Japon, cette interdiction touche même les services publics. Toutefois, chez nous, la grève est interdite à certaines catégories de fonctionnaires :

– la police ;

– l’administration pénitentiaire ;

– le service des transmissions du ministère de l’intérieur (je ne sais pas s’il existe encore !) ;

– la magistrature ;

– les militaires.

B/ En revanche, ce droit est assorti de certaines restrictions. Ainsi, il est interdit aux fonctionnaires – à tous les fonctionnaires – de procéder:

– à une grève du zèle ;

– à des grèves perlées ;

– à une grève à caractère politique.

Donc, si on additionne : A + B = Zéro. Le policier n’a pas le droit de grève, qu’elle soit du zèle ou non. D’ailleurs, les plus anciens se souviennent sans doute des châtiments qui ont frappé les chefs de file, lors de certaines manifestations de mauvaise humeur !

 

La justification de ce mouvement du 8 novembre se situe dans la réforme du corps des officiers de police.

En 2004, Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, a engagé un important processus : le passage des officiers de police dans le corps de commandement – corps qui jusqu’à présent était l’apanage des commissaires. Un événement exceptionnel, qui doit prendre effet le 1er janvier 2008. Pour la première fois, sans doute, on va faire basculer tout un corps de fonctionnaires de la catégorie B à la catégorie A.

telephone-par-delucq.jpgPersonnellement, j’ai longtemps appartenu au corps des officiers (inspecteurs) de police et j’ai même activement participé à l’un des syndicats ci-dessus nommé, et ben ! je trouve ça mérité. Les officiers de police ont depuis longtemps de lourdes responsabilités qui méritent largement ce changement de catégorie. Et je pensais qu’ils étaient plutôt satisfaits de cette reconnaissance. D’ailleurs, tous les syndicats, me semble-t-il, ont entériné cette réforme. Cette aspiration par le haut ne pouvait pas se refuser !

Aujourd’hui, ces mêmes syndicats découvrent qu’un chef, ça ne compte pas son temps de travail. Et ils rouspètent de peur de ne plus pouvoir bénéficier des récups ou des heures supplémentaires, ou de je ne sais quoi. Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint de Synergie s’emporte : Les officiers pourront être rappelés de jour comme de nuit et « nous ne pourrons plus récupérer nos week-ends de travail ». corde-qui-casse.jpgHonnêtement, je ne comprends plus. Pas plus que je ne comprends qu’on dépose son téléphone. Il y a quelque chose qui m’échappe. Je suis trop vieux. Je ferais mieux de me taire.

Mais, parmi les stigmates de la vieillesse, il y a l’expérience. Et la bougresse me souffle à l’oreille qu’il ne faut pas trop tirer sur la corde.

 

2 Comments

  1. Nicolas LACHAISE

    Je me permets de laisser à nouveau un commentaire relatif à cette affaire de grogne chez les officiers de police, grogne qui visiblement ne semble pas justifiée à vos yeux.
    S’agissant des heures supplémentaires, j’avais fait une erreur : c’est en fait environ 8,5 € nets imposables que nous a été payée une partie de nos HS. Une fortune ! Qui, dans ce pays, est payé, au titre des HS, à ce tarif ?
    En ce qui concerne notre statut, nous sommes, schématiquement, depuis le 01.01.2008, des cadres (catégorie A) de la fonction publique. Nous sommes soumis à plus de responsabilités (ce qui me convient parfaitement). Nous ne comptons plus nos heures (donc que nous travaillions 40 ou 60 heures par semaine, nous serons rémunérés de façon identique). Cependant la revalorisation indiciaire qui accompagne ce changement s’effectue lentement, progressivement, pour atteindre sa maturité en 2012 (Travailler plus maintenant vous serez payés dans 4 ans !). Un Lieutenant touchera, en moyenne, en 2012, par rapport à maintenant, environ 150 € de plus, 250 € pour un Capitaine, 300 à 400 € pour un Commandant. Quelle évolution ! Quelle reconnaissance de notre statut et de nos responsabilités ! J’ai beau essayer de me remettre en question, je n’ai toujours pas l’impression de tirer sur la corde.
    Cordialement.

  2. Nicolas LACHAISE

    Un « chef » cela touche un salaire de « chef », en tout cas c’est comme cela que ça marche dans le privé. Mais pour ces chers fonctionnaires officiers de police, ce sont les responsabilités (et contraintes qui vont avec) sans véritable compensation financière. C’est un peu exagéré mais c’est l’idée. Je ne trouve pas que nous tirions vraiment sur la corde.
    Dans mon ancien service je tournais à environ 10-12 heures par jour, et ce à un rythme bien soutenu. J’étais content de pouvoir prendre de temps en temps deux ou trois jours pour récupérer (physiquement et nerveusement). Je pense donc aux collègues qui subissent ce régime et qui en compensation de la non-comptabilisation des HS toucheront 10% de leur prime de commandement. Ce n’est pas sérieux. Ou alors on fera comme les commissaires qui quittaient le service une fois la nuit tombée et qui nous prescrivaient de ne les appeler qu’en cas de très gros coups durs insurmontables. En fait quand j’y réfléchis je me dis que c’est le concept de délégation qu’il va falloir intégrer rapidement.
    Juste pour finir, nous acheter les HS restants 6,8 € nets imposables, je trouve cela limite insultant… pas vous ? Mais bon je dois être un peu pinailleur. Cordialement.

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