LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Le clown devant les juges

Le 31 octobre, la justice doit trancher dans une affaire délicate, mais cette fois pas de morts, pas de violences : c’est du cinéma… En effet, il appartient aux magistrats de la 3e chambre du TGI de Paris de nous dire si demain nous pourrons revoir Yoyo, Le Soupirant…, ces films des années 60 signés Pierre Étaix.

affiche-le-soupirant-1962.jpgQui est Pierre Étaix ? se demandent peut-être les plus jeunes. C’est le clown blanc de L’école du cirque, qu’il créa avec son épouse, Annie Fratellini. Mais c’est aussi un cinéaste, un scénariste, un dessinateur, un magicien… en un mot, un artiste. Un vrai.

Tellement artiste qu’à la différence de tant d’autres qui se contentent de faire du business, lui, il a conservé sa pureté, on pourrait dire sa naïveté. Et un beau jour, il a signé un bout de papier qui lui a fait perdre tous ses droits sur ses films.

Ses films, ce sont des chefs-d’œuvre du cinéma français… Cinq longs-métrages en tout, dont quatre écrits en collaboration avec son complice, Jean-Claude Carrière.

Comment ces deux hommes ont-ils pu commettre pareille boulette ? De la façon la plus simple. La pellicule a souffert des ans, et, pour assurer de nouvelles diffusions, une restauration s’avère indispensable. Mais pour cela, il faut de l’argent. Les artistes sont rarement fortunés. Alors, ils font confiance à un « chevalier blanc ». Mais à l’usage, celui-ci n’est pas aussi blanc qu’il n’y paraît, et malgré les promesses, l’argent n’arrive pas. Et le temps passe. Un an, deux, trois… Alors Étaix et Carrière trouvent un mécène, la fondation Groupama Gan pour le cinéma.

Ouais mais voilà ! Ils n’avaient pas lu les petites lignes du contrat, les annie-fratellini-et-pierre-etaix-_cl-prest-explorer.jpgdeux artistes. Et illico, ce fameux chevalier blanc les traîne devant les juges, ils sont condamnés.

Trop tard pour Yoyo. Le film a eu le temps d’être restauré et il est projeté en ouverture du festival de Cannes, en 2007, et à la cinémathèque de Paris. Un triomphe !

L’affaire ne s’arrête pas là. C’est très compliqué, nous explique Laurent Delpit sur son blog (que je vous invite à consulter en cliquant ici) : La société Gavroche productions (le faux chevalier blanc) qui s’estime être seule propriétaire des droits sur lesdits films, poursuit Pierre Étaix, Jean-Claude Carrière et la fondation Groupama Gan. Elle affirme en effet que le fait d’avoir restauré et présenté Yoyo à Cannes et à Paris, nuit à la redistribution du film, ainsi qu’aux quatre autres : Le Soupirant, Tant qu’on a la santé, Le Grand Amour et Pays de Cocagne. Elle demande 1.400.000 euros de dommages et intérêts. Raison pour laquelle, vendredi prochain, nos deux scénaristes vont se retrouver devant les juges, où ils seront d’ailleurs assistés par la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques).

logo-films-etaix.jpgOn n’a pas entendu beaucoup d’artistes français soutenir Pierre Étaix, mais Jerry Lewis, malgré sa maladie, lui a manifesté son appui et son amitié. Il a eu cette jolie formule : « Deux fois dans ma vie, j’ai compris ce qu’était le génie : La première fois en regardant la définition dans le dictionnaire et la seconde fois en rencontrant Pierre Étaix. »

Mais tous deux sont des clowns, comment les prendre au sérieux ?

En tout cas, de ce combat juridique va déboucher une décision qui nous concerne : A-t-on une chance de revoir, sur le grand ou le petit écran, ces petits bijoux du cinéma français ?

Espérons que les magistrats sont cinéphiles…

 _____

Une pétition circule sur Internet (cliquez ici). On dit qu’elle a réuni déjà plus de 20.000 signatures.

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P.S. Conformément à la déontologie de ce blog (voir dans « A propos »), j’ai supprimé le message que m’avait adressé Laurent Delpit.

3 Comments

  1. laurent delpit

    par souci de transparence, j’ai moi-même fait une petite mise à jour sur le billet faisant écho au « clown devant les juges » / cordialement

  2. Voxx

    Bonjour,
    J’ai lu un texte sur internet qui raconte l’affaire de Pierre Etaix et cela me pose problème car comme vous pourrez le lire les faits ont l’air différents de ce que j’ai pu lire sur votre site,
    pouvez vous m’expliquer, merci à vous,
    Jean Claude Voxx

    PIERRE ETAIX  INTOX !

    Pierre ETAIX empêche le « Chevalier blanc » (nommé ainsi dans son site : LES FILMS D’ETAIX) d’exécuter le contrat qu’il a signé pour organiser la restauration et l’exploitation de ses films !

    Dates clés de compréhension : 

    – Décembre 1996 :
    • Renouvellement du contrat de cession de droits d’auteur par Jean-Claude CARRIERE avec la CAPAC, société de production des cinq films d’« ETAIX ».
    • Refus de renouvellement par Pierre ETAIX ce qui bloque les films.

    – septembre 2002 – Ordonnance de référé :
    Pierre Etaix et Jean Claude CARRIERE  font un procès à la CAPAC et obtiennent le droit d’accès aux négatifs de leurs films pour les faire restaurer et exploiter.

    – octobre 2002 : 
    • Appel en cours des sociétés productrices des films d’ETAIX et CARRIERE 
    • Acquisition et donc financement  par GAVROCHE productions – en 48 heures – à la demande expresse de Pierre Etaix pour l’inauguration d’une salle de cinéma « ETAIX » à Roannes d’une copie du film « Le soupirant »- sans garantie écrite des auteurs sinon l’accord de Pierre ETAIX sur la qualité de la copie.

    – février 2003 –Arrêt d’appel de référé :
    Confirmation du droit d’accès des auteurs pour restauration et exploitation de leurs négatifs, sauf pour Jean-Claude CARRIERE à attendre la fin du contrat qu’il a renouvelé seul avec la CAPAC jusqu’au 31 décembre 2006, productrice principale des films longs métrage. 
     
    – Août 2003 :
    La CAPAC renonce à son pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel de référé.

    – Mai 2004 
    Contrat de cession de droits entre les auteurs et GAVROCHE PRODUCTIONS
    Inscription impossible du contrat au RPCA avant la fin du  contrat de CARRIERE avec la CAPAC le 31 décembre 2006, sauf solution amiable avec les co-producteurs des films auparavant.

    – De Janvier 2003 à Septembre 2006:

    • Négociations de GAVROCHE Productions – par l’intermédiaire des avocats de chaque partie – avec la CAPAC et les coproducteurs des films pour acheter les négatifs et le matériel des films et avec les laboratoires pour obtenir un inventaire et connaître le montant des frais de conservation et de transfert des négatifs.

    • Négociations de GAVROCHE Productions avec les AFF, AFCAE, ADRC, banques, les co-producteurs éventuels, distributeurs et propriétaires de salles, responsables de programmation télévisuelle…… et en mars-avril 2006 avec le Ministère de la Culture: M. Etaix ne peut pas avoir oublié la rencontre avec le Ministre de la Culture RDDV…

    – Juillet 2006:
    rencontre des auteurs et de leur avocate avec le juriste de la SACD qui ne peut rien faire.

    Résultats : Les décisions sont suspendues jusqu’à expiration du contrat établit entre M. Carrière et la CAPAC jusqu’au 31 décembre 2006.

    – Novembre et Décembre 2006 :
    Dénonciation unilatérale, sans explication, de leur contrat par Etaix et Carrière avec GAVROCHE Productions.

    – Janvier 2007 :
    • Début : Inscription du contrat de cession conféré à Gavroche productions au RPCA pour faire restaurer les films par les AFF (Archives Françaises du Film) comme prévu depuis 2004 et mettre en place le plan média réfléchi pour commencer l’exploitation des films au bénéfice des auteurs.

    • Fin : La Fondation Gan – liée au GROUPAMA- annonce la « restauration » de YOYO dans le FILM FRANÇAIS et fait tirer un internégatif et une copie 0…sans avoir pris contact avec GAVROCHE Productions cessionnaire des films, ce qui casse  la relation entre les auteurs et la société Gavroche Productions.

    • Annonce d’un référé par les auteurs contre GAVROCHE Productions et leur ancienne avocate ce qui bloque l’exploitation des films.

    – Mai 2007 : Annonce de la « restauration » du film YOYO et projection pour le prestige, au festival de Cannes sans réponse aux questions de GAVROCHE Productions et au mépris de ses droits de cession inscrits au RPCA. Cette fondation a ainsi bénéficié du prestige de ce Festival international pour sa communication personnel.

    – Juillet 2007 : Perte, par les auteurs, de leur référé contre GAVROCHE Productions et leur ancienne avocate, tendant à obtenir la radiation de l’inscription de leur contrat au RPCA.

    – Septembre 2007  
    • Gavroche productions assigne la fondation GAN pour non respect de contrat pourtant établi au RPCA.
    • Les auteurs assignent GAVROCHE productions pour obtenir l’annulation de leur contrat de cession ce qui bloque à nouveau les films.
     

    – De décembre 2007 à Avril 2008  les auteurs se répandent dans les médias:
    • Des articles de presse, des émissions de télévision et de radio, un site internet où Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière se présentent comme victimes de la disparition de leurs films.

    • Diffusion d’un film vidéo dans lequel Pierre ETAIX fait lui-même disparaître ses films.

    • Dénigrement par Pierre ETAIX et Jean-Claude CARRIERE de la société GAVROCHE Productions puis de son gérant – Le chevalier blanc » selon leur site internet – et de sa sœur, leur ancienne avocate – Fée du droit selon leur site internet – pour en fait avoir présenté le gérant de GAVROCHE aux auteurs dans l’urgence.

    • Calomnies de la part des auteurs à l’encontre du gérant de GAVROCHE Productions et railleries à propos de son avocat pour appartenir à un Cabinet spécialisé dans le domaine des « droits de l’homme ». Le « Chevalier blanc » ne serait  donc pas un homme, mais il est un cinéphile !

    CONCLUSIONS :

    •          Les auteurs sont responsables de l’invisibilité de leurs films depuis 1996.

    • Jean-Claude CARRIERE pense que le procès risque d’être long en raison de sa défense par d’habiles avocats.
    Inexact :
    GAVROCHE Productions, sur les conseils desdits avocats qui partagent son esprit de justice et de cinéphilie propose une médiation – procédé rapide et moins coûteux pour trouver une solution des conflits les plus sensibles – entre la Fondation GAN, les auteurs, elle-même et leurs conseils respectifs.

    Attente d’une réponse qui n’est pas encore venue de la part de la Fondation GAN et des auteurs.

    • Pierre ETAIX n’a jamais accepté que ses films soient édités en vidéo lorsqu’il était sous contrat avec la CAPAC ce qui les rendait invisibles ;
    Il a accepté – en mai 2004 seulement- l’exploitation vidéo de ses films sous son contrôle et avec un droit de préférence  pour lui et Jean-Claude CARRIERE dans leur  contrat avec GAVROCHE Productions, et ce,  pour toutes autres exploitations des films.

    Questions : 
    Pierre ETAIX a-t-il encore peur de l’exploitation de ses films par des moyens de diffusion de masse et d’un échec commercial possible?
    Si la réponse est négative : 
    – Quelle est la raison qui a conduit Pierre ETAIX à préférer une fondation liée à une compagnie d’assurances plutôt qu’un producteur qui a montré – aux côtés de deux avocats spécialisés dans la défense des auteurs et artistes – son dévouement pendant près de quatre ans ?
    – Pourquoi avoir accepté la «  restauration » d’un seul film alors que celle de tous les films était programmée pour début 2007 avec GAVROCHE Productions et les AFF ?
    – Pourquoi avoir empêché GAVROCHE Productions d’exécuter son contrat quand cela était possible en dénonçant – deux mois auparavant – un contrat plus favorable que ceux conclus selon l’usage ?
    – Pourquoi saborder de façon partiellement irrémédiable la réputation d’une société de production récente, de ses avocats connus dans le domaine pour leur dévouement, et se donner ainsi en boomerang une réputation de procédurier difficilement compatible avec l’exploitation de ses droits ?
     

     Réponses à venir en fonction de :
    • l’accord de Pierre ETAIX pour une médiation.
    Son refus sera un aveu d’esprit chicanier.
    Son accord sera une démonstration de sa volonté réelle de faire réellement restaurer, numériser et exploiter tous ses films.

    Pour Gavroche Productions

  3. incognito

    J’espère que cela donnera lieu maintenant à un article dans le quotidien Le Monde. Pour ma part, j’ai tenté de motiver mes collègues de la culture à France Inter et France Info d’aller au tribunal aujourd’hui. Je crois que France Info ira faire un reportage. Mais sinon, j’ai eu un peu de mal à mobiliser les foules sur cette histoire pourtant exemplaire.

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