LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

La défaite des blogueurs

On aurait dû se méfier. « La toile » ne pouvait exister sans une araignée. Et c’est une grosse, une tueuse. Elle va nous piquer, et on ne s’en relèvera pas.

Tandis que la moitié des Français est persuadée que l’autre moitié n’est qu’un ramas d’électeurs bornés, tandis que les médias nous organisent un show politique qui ressemble à une série télévisée, tandis que les blogueurs, censés traduire la pulsation du « peuple », se contentent d’amplifier le phénomène en crachouillant des insultes, tandis qu’on se demande pour qui on va bien pouvoir voter, Internet va mourir.

prison.1177507313.gifNotre seule zone de liberté, depuis mai-68, cet écran, ce clavier, cette souris…, toutes ces petites choses qui nous relient au monde, vont être placées sous tutelle. Une loi fourbe et hypocrite va claquemurer notre liberté d’expression derrière une porte barreaudée, blindée des meilleures… arrière-pensées.

En effet, un décret est sous le coude, nous apprend le président du groupement des éditeurs de sites en ligne, Philippe Jannet, dans Le Monde du 21 avril 2007, un décret qui va reléguer la France, derrière la muraille de Chine. Car, qu’on se le dise, nous serons les premiers à aller aussi loin dans le contrôle des moyens d’expression. Même les Etats-Unis n’ont pas osé. Ce texte, sorti tout droit de l’esprit malade de quelques technocrates sarkosyens, va obliger les fournisseurs d’accès à Internet à conserver pendant un, deux ou trois ans, toutes les traces que nous laissons sur le web. Les sites que nous visitons, nos pseudos, nos mots de passe, nos numéros de comptes bancaires, nos numéros de cartes de crédit, chaque clic de souris, chaque frappe sur une touche, etc. – et les blogs, bien sûr. Car il n’est plus question de laisser des gens… ordinaires, vous ou moi, dire n’importe quoi sur n’importe quoi, ou sur n’importe qui. La première alerte est récente. Dimanche dernier, les blogueurs ont été informés que leur liberté était terminée. On leur a interdit la moindre allusion aux estimations du scrutin en cours. Et les médias ont relayé l’information, et personne ne s’est offusqué.

Amis blogueurs, de ce premier tour des élections présidentielles, il ne faut pas retenir la défaite d’untel, ni la chute abyssale du parti communiste, ni le score ridicule des chasseurs ou de José les belles bacchantes. Non, de ce tour de scrutin, il faut retenir cette interdiction. Car ce jour-là, les seuls vrais perdants ont été les utilisateurs d’Internet. C’est-à-dire nous tous. tetedemort.1177508170.jpg

Ce 22 avril 2007, on a introduit le poison dans les tuyaux.

3 Comments

  1. Georges Moréas

    Je me permets, en complément à cet article, d’ajouter ce texte en commentaire – mais sans commentaire :

    INFORMATION – Soirée électorale du 6 mai 2007
    Selon la législation en vigueur, il est interdit de publier et/ou de diffuser, la veille et le jour de chaque élection, tout sondage et résultat partiel ou définitif avant la fermeture des bureaux de vote et la fin du scrutin.
    Selon cette législation, dimanche 6 mai avant 20 heures (heure de Paris), toute personne qui publierait sur son blog des informations ou commentaires sur les estimations ou résultats du premier tour de l’élection présidentielle pourra faire l’objet de poursuites pénales et s’exposer à une amende allant jusqu’à 75 000 euros. Sont concernés par cette mesure : toute information et/ou lien hypertexte (y compris vers un site Internet hébergé à l’étranger) publié dans les billets de blogs ou les lignes de commentaires apportés par les lecteurs.
    Nous vous invitons à respecter cette obligation. Merci de votre compréhension.

    L’équipe des modérateurs
    http://www.lemonde.fr

  2. Bibine73

    Merci pour cette information que je fais suivre. Cordialement.

  3. Guillaume S.

    Le stockage des données pendant une durée aussi longue est digne des méthodes chères à la STASI. Il ne s’agit plus de mesures sécuritaires (lutte contre le terrorisme, la pédophilie), mais une intrusion dans la vie privée. Ce décret est une veritable boîte de Pandore.

    L’Allemagne sous pretexte de menaces terroristes est tentée de faire la même chose, mais veulent limiter la durée à six mois. Passer ce délai, les données ne seraient plus utiles. Que désire faire le gouvernement ?

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