Le premier objectif du projet de loi sur la réforme de la garde à vue est d’en réduire le nombre. Tel qu’il est présenté, ce texte atteindra-t-il son but ? Rien n’est moins sûr.
Tout est parti d’une idée simpliste : on remplace une mesure contraignante par une mesure librement acceptée. C’est ainsi qu’est née « l’audition libre du suspect ». Par principe, elle est destinée à se substituer à la garde à vue (qui deviendrait donc l’exception), sauf lorsqu’il existe un mandat de recherche ou si la personne visée se trouve dans un local de police ou de gendarmerie contre son gré.
Il est attendu de cette réforme une baisse importante du nombre de gardes à vue, environ 300.000 en moins, dont 140.000 pour les seuls délits routiers.
Si pour les infractions liées à la circulation routière, le chiffre est réaliste, pour le reste, certains policiers sont dubitatifs.
Il faut savoir d’abord que l’audition libre existe déjà dans les faits. Car, même si l’on trouve le nombre de gardes à vue trop élevé, curieusement, il est deux fois moins important que le nombre de personnes mises en cause pour crimes ou délits : 580.000 gardes à vue (hors délits routiers) en 2009, pour 1.2 million de personnes impliquées. Si l’on se contente d’aligner des chiffres, on peut donc en déduire qu’environ 600.000 « mis en cause » n’ont pas fait l’objet d’un placement en garde à vue. Un sur deux.
En effet, pour les délits punis d’une peine d’amende ou pour les contraventions, dans la pratique, les OPJ n’utilisent jamais la garde à vue. Alors, que le projet limite ou non la mesure aux crimes ou aux délits punis d’une peine d’emprisonnement, cela ne change rien à l’affaire. Impact nul.
C’est uniquement lorsque le suspect suit le policier ou le gendarme de son plein gré, ou lorsqu’il défère à une convocation, que l’audition libre trouve son plein emploi. Ce qui peut être interprété comme l’obligation, a contrario, de placer en garde à vue toute personne qui se trouve « sous main de police » à la suite d’une interpellation. Alors qu’aujourd’hui la décision est à l’initiative de l’OPJ.
Prenons l’exemple d’une bagarre. Les policiers arrivent et embarquent tout le monde : auteurs, victimes et témoins. Une fois au commissariat, on s’explique et l’OPJ ne va placer en garde à vue que les suspects sérieux, et parfois, personne, s’il n’y a pas de blessés.
Il reste donc au législateur à faire la différence entre une invitation, une interpellation et une arrestation, sinon, on risque de voir grimper sérieusement le nombre de gardes à vue…
Très franchement, à ce stade du projet de loi, je n’ai pas tout compris. Comment, les chose vont-elles s’articuler… Car si l’audition se fait « librement », c’est-à-dire sans la présence d’un avocat, que se passe-t-il le reste du temps ? La personne concernée est-elle libre de ses mouvements ? Est-elle placée en cellule ou lui demande-t-on d’attendre dans le hall d’entrée ? Peut-on lui imposer les opérations de signalisation (photo, empreintes…) destinées à alimenter les fichiers ? Etc.
Et si la personne venue de son plein gré décide de s’en aller… L’OPJ devra-t-il la laisser partir ou la placer en garde à vue ?
On imagine le dialogue dans un polar : « Vous pouvez partir, mais si vous partez, je vous arrête… »
En plus, même si toutes les conditions sont remplies pour procéder à une audition libre, qui peut se prononcer sur le comportement de l’intéressé lorsque l’OPJ lui exposera les faits dont on le soupçonne ? Donnera-t-il son accord pour être privé de ses droits, et notamment de la présence d’un avocat ? Aujourd’hui, nul ne peut répondre à cette question. Car cela va dépendre en grande partie de la manière dont l’OPJ va présenter la chose. Une sorte de négociation pour obtenir – avant chaque audition – l’accord du suspect.
C’est pas gagné.
D’autant que les syndicats de police n’ont pas vraiment été consultés sur cette réforme, ce qu’ils apprécient moyennement, et que beaucoup sont plutôt contre. Ils pourraient bien donner pour consigne à leurs adhérents de montrer leur désaccord en appliquant le texte à la lettre. Une sorte de grève du zèle.
Il n’est donc pas impossible que l’on assiste à une baisse du nombre de gardes à vue pour les délits routiers et, qu’au contraire, elles augmentent significativement pour les autres délits, surtout les plus petits, donc les plus fréquents.
Et pour continuer à parler chiffres, mais cette fois en euros, avec cette réforme, le montant de l’aide juridictionnelle, qui a été d’environ 15.5 M€ pour l’année 2009, devrait être multiplié par 3, 4 ou 5. L’enjeu est donc aussi financier, car si les objectifs de baisse ne sont pas atteints, le budget risque d’exploser…
Quant au ministre de l’Intérieur, il devra débourser 74.8 M€ pour l’équipement et la transformation des locaux. Aucune création de postes n’est toutefois envisagée.
Alors, que faut-il penser de tout ça ? Pour beaucoup, il s’agit d’une réformette bâtie en catastrophe pour se conformer aux recommandations du Conseil constitutionnel. Elle ne tient compte ni des arrêts de la Cour de cassation ni des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Et dans son volet « droit de la défense » (qui n’a pas été abordé ici), on est loin du compte. Mais il s’agit probablement d’une première étape. La suite viendra plus tard, lorsque la nouvelle procédure pénale verra le jour. Et il est probable aussi que ce jour-là, il y aura d’autres noms en bas du texte de loi.
Dernières nouvelles de la garde à vue :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-pdf/3040_garde_a_vue_19012011.pdf
ErgoSum : « …l’audition libre était surtout un moyen d’offrir à la police la possibilité d’interroger la personne pendant 4 heures sans que les droits prévus pour la GAV soient exercés, notamment en ce qui concerne la présence de l’avocat dès la 1ere heure. »
« …soit tu réponds à nos questions sans broncher pendant 4 heures max, soit on te place en GAV pour 48, voire 96 heures. »
Bref, cher ErgoSum, cette fameuse audition libre aurait donc été instituée pour empêcher le mis en cause de bénéficier des droits liés à la garde à vue, « notamment en ce qui concerne la présence de l’avocat dès la 1ere heure » ? En gros, on vous menace d’accepter cette situation, sinon on vous place en garde à vue ? C’est à dire que pour ne pas vous faire bénéficier des droits liés à la garde à vue, on vous menace de vous placer en garde à vue et donc de vous faire bénéficier des droits liés à cette mesure !? Il n’y a pas à dire, c’est un raisonnement qui se tient parfaitement. 😉
Inutile de se voiler la face : chacun comprend bien que l’audition libre était surtout un moyen d’offrir à la police la possibilité d’interroger la personne pendant 4 heures sans que les droits prévus pour la GAV soient exercés, notamment en ce qui concerne la présence de l’avocat dès la 1ere heure.
Le deal est simple : soit tu réponds à nos questions sans broncher pendant 4 heures max, soit on te place en GAV pour 48, voire 96 heures.
Quel individu choisirait la 2eme solution ?
Et le mieux, c’est que si les réponses aux questions ne sont pas satisfaisante à l’issue de l’audition libre, ou si le mis en cause décide d’y mettre fin, et bien à ce moment la on bascule sur une garde à vue classique…
Autrement dit : comment le gouvernement a tenté de faire encore plus répressif en se donnant l’air d’être soucieux des libertés individuelles !
On peut très bien se retrouver en garde à vue,
menotté à sa chaise,comme simple témoin ,sans meme
savoir ce que l’on fait là ,ça m’est arrivé!!!
Ne nous voilons pas la face, si le nombre de garde à vue a augmenté, c’est la politique du chiffre.
Une réforme est nécessaire, je le conçois.
Mais on oublie souvent une chose très importante, tout le monde parle des droits de la personne soupçonnée et les droits des victimes ????
Prenons l’exemple récent, des usurpations d’identité (sujet d’un JT) : une personne s’est fait voler son identité, on sait où se trouve l’usurpateur et qui vit un enfer : la victime …
une autre question ?
Bonjour, je suis OPJ en gendarmerie. Cette réforme est depuis bien longtemps appliquée ! Ce qui se passe, en droit commun: Délit d’une peine inférieure à 1 an = Audition libre de mise en cause (pas plus de 2 heures en moyenne) / Délits sup. à 1 an = GAV (au fait l’avocat ne vient pas 9 fois sur 10).
Rien de nouveau donc… Hum si, les avocats vont devoir faire des efforts !
En tant que capitaine de Police OPJ, je suis pour l’abolition pur et simple de la garde à vue et des auditions des mis en cause par les services de police ou de gendarmerie :
On interpelle les mis en cause, on les emmène devant les enrobés et ils s’en débrouillent, nous on retourne sur la voie publique.
I’ve a dream : Plus de papelard !!!
Merci à la Cour de Cassation, au Conseil Constitutionnel et au Gouvernement de nous laisser ainsi en toute « insécurité » juridique !
La source semble complétement tarie, mais pour ce que j’ai appris hier, de source disons bien informée et pour rassurer les plus péssimistes sur ce blog, certains Magistrats appliquent déja le futur projet de la GAV, alors messieurs les OPJ bon courage.
La France ne respecte pas les traités qu’elle a signés, elle est donc condamnée et c’est normal. En lisant l’article j’imagine bien la scène. Un gamin de 16 ans les bras menottés reçoit des coups dans les parties, il a un testicule fracturé. Je vous rappelle que la riposte doit être proportionnelle à l’attaque…
La honte n’est pas sur la France mais sur les fonctionnaires qui ne respectent pas la Loi et qui se prennent pour la Loi.
Ci-joint un lien illustrant un banal fait divers
qui n’a rien à voir avec le sujet traité, mais où il apparaît une fois encore que la cour européenne se mêle de ce qui ne la regarde pas, en traînant honteusement la FRANCE dans la boue :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/11/04/paris-condamne-pour-la-garde-a-vue-musclee-d-un-mineur_1435460_3224.html
Bien à vous,
A Mic. Votre réponse me conforte dans mon raisonnement, vous n’êtes pas parlementaire, vous êtes un exécutant et à ce titre vous devez faire avec.
Markus, je ne suis pas parlementaire, et il ne vous a certainement pas échappé que le référendum d’initiative citoyenne n’avait pas encore été mis en place en pratique.
Alors je ne vois pas ce que vous sous entendez par « Qu’attendez vous pour y remédier » ?
surtout que dans votre post précédent vous indiquiez bien qu’il n’appartenait pas aux policiers et gendarmes d’interpréter la loi, juste de l’appliquer.
Merci à vous pour votre réponse à ma deuxième question et bonne journée.
A Mic. Mais puisque la Loi n’est pas claire, précise et complète qu’attendez-vous pour y remédier…
En ce qui concerne votre deuxième problème il y a encore des juges d’instruction qui peuvent mener des enquêtes si une information est ouverte par le procureur en cas de crime ou de délit non?
à Markus :
« Les policiers et gendarmes sont là pour appliquer la loi, pas pour la faire et surtout pas pour l’interpréter »
Oui oui. Encore faut-il qu’elle soit claire et précise et complète.
Totalement hors sujet mais si quelqu’un a la réponse à la question suivante je prends :
Quel service diligente les enquêtes mettant en cause un policier de l’IGS ou de l’IGPN ?
Et qu’on me dise pas que le problème ne s’est jamais posé !
@ JPF
Difficile de comparer le formalisme et la délinquance de 1967 avec ceux d’aujourd’hui. Autre époque, autres mœurs, autres contraintes, etc…
@ KM
Mon commentaire est teinté d’un peu d’ironie en effet (quoique) et peut s’apparenter à une certaine provocation… Une réponse tout aussi subtile aux réactions sur l’audition libre, présentée comme une mesure abominable laissant libres les fonctionnaires de police de faire tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi.
Tenez, j’ai une autre proposition pour vous : rebaptisons la « garde à vue » en « mesure de sauvegarde des droits individuels ». Vous verrez, ce sera beaucoup mieux à la Une des journaux et cela déchaînera moins les passions : « Monsieur X, violeur présumé, a été arrêté ce matin et est actuellement entendu par les services de police sous mesure de sauvegarde de ses droits individuels ».
« Les socialistes suggèrent que la garde à vue soit limitée aux infractions passibles d’une peine minimum de trois ans de prison ou aux cas de flagrance. Le projet de loi fixe le seuil à toute infraction passible de la prison. Le PS est opposé à l’instauration d’une « audition libre » sans limite de temps et sans avocat, théoriquement prévue pour les infractions les moins graves. Il lui oppose la création d’une « audition assistée » de quatre heures maximum avec droit à l’avocat.
A la présence de l’avocat aux auditions de son client, prévue dans le projet de loi pour les gardes à vue de droit commun, le PS souhaite ajouter la possibilité pour l’avocat d’assister aux perquisitions effectuées lors des gardes à vue, d’accéder aux procès-verbaux incriminant son client et de poser des questions à l’issue des interrogatoires. »
Voila en 2012 les GAV vont diminuer de 90%. Même si nos amis socialistes ont le temps de changer d’avis. Des lors, je ne vois pas pourquoi ont continuerais à former des OPJ. Dans le commissariat des hauts de seine ou je suis arrivé en 1967 un commissaire Adjt et 2 OPJ, aujourd’hui douze OPJ (officiers et gardiens ) chercher l’erreur s’il y en a une.
@jeff
Vous faites référence uniquement aux grades militaires, il y a bien d’autres types de grades dans l’administration publique (cf http://www.fonction-publique.gouv.fr/article463.html). Mais mon commentaire visait surtout à dire qu’il n’y a aucune raison de dire « grade=militaire ». Un grade n’est jamais plus qu’une indication de la hiérachie, même si très formalisée.
Bien parlé Markus. Et j’ajouterai que les policiers ne sont pas là pour enfreindre la loi.
Pour les calmer, vu leurs commentaires ici, il faut prévoir les peines prévues par la loi pour la séquestration pour tous ceux qui se seraient rendus coupables de ces détentions arbitraires avec les dédommagements qui vont avec. Ca calmera tous ceux qui seraient tenté de faire du zèle.
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France sur la question de la garde à vue.
La France donc le gouvernement a un an pour se mettre en phase avec les directives de l’Europe (juillet 2011).
Alors que les politiques fassent le nécessaire, pour au minimum, respecter les accords européens et les droits de tous les citoyens français.
Les policiers et gendarmes sont là pour appliquer la loi, pas pour la faire et surtout pas pour l’interpréter.
@ Milz
penser que le travail d’un OPJ consiste seulement à appliquer le droit est une erreur.
Si les connaissance en droit pénal, procédure pénale, libertés publiques sont indispensables, les qualités premières d’un enquêteur sont avant tout la capacité d’analyse, le sang froid, la capacité de travailler en équipe, l’organisation, la perspicacité. Bref tout ce qui ne s’apprend pas sur les bancs de la fac.
Une base théorique est nécessaire mais c’est avant tout l’expérience qui rend les OPJ meilleur. Il n’y a jamais deux enquêtes identiques, même pour des faits similaires car comme l’a très justement dit Krugger, le policier travaille sur de « l’humain ».
Les gardiens OPJ seraient moins bons (ou plus mauvais, c’est au choix) que les inspecteur d’antan ? difficile de comparer, le code de procédure pénale a été largement modifié, le code pénal s’enrichit quasi quotidiennement, la délinquance évolue.
Ce qui prenait auparavant trois feuillet et une heure de temps demande maintenant 4 heures et une vingtaine de pages.
@ Antoine
ce qui empêche un OPJ d’appliquer les droits du gardé à vue pour un individu convoqué en audition libre ? c’est simple, le code de procédure pénale.
Lors de la garde à vue, le médecin est requis et donc payé par la Justice. L’avocat également.
En audition libre, si le convoqué veut venir avec son avocat, libre à lui, mais ce sera à sa charge (sachant que l’avocat n’assistera pas à l’audition – non prévu dans la modification de la garde à vue). Idem pour le médecin.
@Milz « Mais les mathématiques sont impitoyables: si on passe de 4% d’OPJ à 40%, le niveau baisse nécessairement [les chiffres n’ont pas vocation à être parfaitement exacts, c’est à titre d’illustration]. »
Les mathématiques… (soupir) !
Je vois qu’on est un adepte des chiffres, la nouvelle Religion. Et donc, sans vouloir offenser votre Dieu (je suis très respectueux des croyances), sachez que l’augmentation du nombre d’OPJ a été une nécessité en raison des nombreuses nouvelles contraintes auxquelles ont été confrontés les pouvoirs publics (forces de l’ordre et justice) ; augmentations et aggravations de la délinquance générale, les auteurs d’infractions de plus en plus jeunes, explosion des plaintes de toutes natures, souvent abusives (j’ai traité dernièrement une plainte pour une rixe dans une école primaire entre 2 écoliers ; jamais personne ne serait allé voir la police ou la gendarmerie pour ça il y a 30 ans > resultat : 9 auditions, 2 confrontations pour un classement sans suite), explosion de nouvelles infractions (liées notamment, mais pas seulement, aux nouvelles technologies).
Mais cela ne veut pas dire qu’on a recruté des OPJ au rabais – le bloc OPJ n’est pas l’école des fans ! Beaucoup s’y sont cassé le nez.
Alors non, je ne suis pas d’accord, et vous pouvez sortir tous les chiffres que vous voulez.
Mais si vous me dites que vous avez rencontré des gardiens de la paix idiots, et bien je vous croirais. Je connais moi même, dans mon entourage proche, un commissaire et trois officiers (dont un qui est limite triso), et dont on se demande encore aujourd’hui comment ils ont pu passer les mailles du filet. Mais pour autant je ne dis pas que tous les commissaires et tous les officiers sont des imbéciles. Car j’en compte un certain nombre dans mes amis les plus proches.
Quant à pensez à réduire le nombre des OPJ aujourd’hui, il faudra d’abord penser à leur enlever le cerveau, l’estomac, et accessoirement les priver de famille. Et pour les raisons que j’ai exposé plus haut, il fraudra également les empêcher de dormir. Car avec 4% d’OPJ aujourd’hui, il faudrait qu’on fasse des journées de 36 heures.
Il faut oublier les mathématiques, les statistiques. Le coeur du problème, et il me semble que beaucoup l’ont oublié, et que la police (ou la gendarmerie, ou la justice) traite de la matière humaine (ce qui en soit n’est pas quantifiable) ; un même délit pour les mêmes causes n’entraine pas nécessairement les mêmes conséquences…. et maintenant essayez d’extraire un modèle mathématique de ma dernière phrase.
Une question simple: plusieurs d’entre vous écrivent que la garde à vue est le seul moyen de garantir au mis en cause ses droits.
Mais qu’est ce qui lui empêche de faire exactement la même chose dans le cas de l’audition libre? Un mis en cause peut se présenter avec son avocat pour une audition libre. Il peut demander un aparté pour ne parler qu’à celui-ci. De même, il peut aller consulter le médecin de son choix, il peut contacter sa famille, il peut demander à être entendu par le Parquet, etc.
En clair: tout ce que le régime de la GAV lui accorde lui est parfaitement accessible dans le cas de l’audition libre. La seule différence concerne l’information de ses droits (qui lui seront – en théorie – explicitement rappelés dans le cadre de GAV) et la question financière (gratuité ou non de certains actes).
Alors partant de ce constat, pourriez-vous m’expliquer en quoi vous estimez que seule la garde à vue est à même de garantir ses droits à un individu?
Merci d’avance, cordialement
@Krugger
C’est bien beau de parler formation, compétences, études, etc.
Mais les mathématiques sont impitoyables: si on passe de 4% d’OPJ à 40%, le niveau baisse nécessairement [les chiffres n’ont pas vocation à être parfaitement exacts, c’est à titre d’illustration].
Par ailleurs comparer le niveau d’un gardien de la paix d’aujourd’hui à un inspecteur d’il y a 30 ans c’est tout à fait ridicule. Le niveau d’ensemble a beaucoup monté, c’est une évidence. Et aujourd’hui un bac+2 dans un petit établissement a un niveau inférieur à un bac d’il y a 30 ans.
La vraie question c’est faut-il réserver les pouvoirs d’OPJ à une minorité très bien formée (peu importe leur grade), ou l’étendre à une portion toujours plus grande des forces de l’ordre?
@custos « Curieux que personne ne remarque que les réformes successives de la GAV ont aussi consisté à “tirer vers le bas” le niveau des OPJ pour pouvoir en augmenter le nombre… »
Autrement dit les gardiens de la paix sont des ânes. Vous l’avez pas dit, c’est vrai, mais ça transpire tellement fort dans vos propos.
Sachez que même si le niveau du concours n’a pas beaucoup évolué, la sélection se fait malgré tout par le haut. Beaucoup de gardiens de la paix ont le niveau d’étude qu’avait les officiers d’il y a 20 ans (et il y a des ânes chez eux également). Beaucoup ont en effet Bac +2, +3. Et j’en connais même avec des maîtrises, mais malheureusement pour eux dans des domaines qui n’offrent plus aucun débouché.
Ne vous en déplaise et à par quelques exceptions (il y en a eu avant aussi), la qualité des OPJ aujourd’hui est bien meilleure que ce qu’elle a jamais été. Et d’autant plus si on tient compte des nombreuses réformes, complications et contraintes qui nous ont été imposés au fil du temps. Pour rappel, une garde à vue il y a 20 ans, c’est une demi ligne à la fin de la procédure… alors vous parlez d’un mérite.
De fait, je trouve vôtre propos réducteur et condescendant.
Compliqué de prévoir le futur. Ce qui est sûr c’est que la réforme n’a pour seul but que de diminuer le nombre de GAV. F. Fillon l’a demandé, M. Alliot-Marie l’a dit aussi. C’est la mode du moment : haro sur la GAV.
Personnellement je n’accepte pas de lire sous la plume de la ministre de la Justice qu’il faut diminuer le nombre de GAV de tant l’année prochaine pour arriver ensuite vers 200 000 ou 400 000 GAV. Qu’est-ce que c’est que cette vision comptable des choses ? On fixerait des chiffres de GAV à la hausse que ça serait tout aussi stupide. Mais c’est pas l’air du temps.
Le deuxième discours actuel qui me sort par les yeux, c’est celui qui consiste à dire qu’avec cette réforme il faut passer du système de l’aveu à celui de la preuve, ou dit autrement les enquêteurs devront « bétonner » leur procédure avec des preuves solides et pas se contenter de rechercher (pardon d’extorquer) les aveux du gardé à vue. Ca m’énerve. Si je trouve des excuses au citoyen moyen de tenir un tel discours, je ne l’admets pas d’un professionnel qui sait parfaitement qu’aujourd’hui pour trouver des preuves il faut
du temps certes, mais aussi pouvoir envoyer des réquisitions aux organismes qui feront avancer l’enquête. Or ces réquisitions sont payantes, et la justice n’a pas de fric. Elle n’en aura pas plus demain pour cela, faut pas se moquer du monde !
Dernier point, l’audition libre : j’ai du mal à comprendre la bronca des avocats sur ce point là (enfin si, je la comprends quand même). Puisque le gouvernement invente l’eau chaude. L’audition libre existe aujourd’hui partout en France. Je dirais d’abord un brin malicieux que c’est le régime normal appliqué à toute victime qui se présente pour déposer plainte; c’est aussi le cas du témoin innocent qui sortait de la boulangerie au mauvais moment et qui a assisté en direct live à un accident mortel de la circulation routière; et c’est enfin le cas pour les suspects qu’on convoque au service sur des faits peu graves. Alors j’entends bien la complainte de l’avocat sur le deal que le l’enquêteur proposerait au suspect : si tu veux sortir vite, choisis l’audition libre; si tu veux exercer tes droits, tu iras en GAV.
Le problème pour ces avocats c’est que les droits reconnus au suspect par les cours de justice le sont en raison de la contrainte exercée contre eux (la GAV) et pas parce qu’ils sont simplement suspects. Mais ça bizarrement certains avocats ont du mal à l’admettre.
Curieux que personne ne remarque que les réformes successives de la GAV ont aussi consisté à « tirer vers le bas » le niveau des OPJ pour pouvoir en augmenter le nombre…
Au minimum Commissaire et Officiers de Paix Principaux il y a 30 ans, au moins Inspecteurs avec 4 ans de travail sur la question (1 an d’école, 1 an de stage, 2 ans titulaires dans un service PJ) il y a 20 ans, aujourd’hui Gardiens de la Paix avec 4 mois de formation derrière eux…
Tout ça pour faire du traitement judiciaire « en temps réel », de la justice qui ne se pose pas de questions…
Juste un ptit mot en passant… et parce que franchement ça me démange !
J’ai parcouru les commentaires (pas tous, je le reconnais – au bout d’un moment ça ma gavé, car pour certains c’était pour ainsi dire puant.. mais bon) et il m’a paru important de vous informer sur un ptit truc (3 x rien) ; voilà maintenant plus de 20 ans que je fais ce métier et ne vous en déplaise, j’ai toujours respecté les gens (même les GAV… si si – mais importe que vous me croyez ou non), mais j’ai surtout respecté les personnes auxquelles plus personne ne pense ; les victimes . Et tout comme M. MOREAS, je n’ai pas encore bien compris ce qu’on allait nous demander dans cette réforme. Je ne suis par principe par réfractaire au changement, mais quand on me demande d’appliquer une connerie j’ai la faiblesse de me croire suffisamment intelligent pour la reconnaitre. Et vu ce qu’il se dit… et ce qui s’écrit… je crois bien en avoir reconnu une, de connerie. Car soyons réaliste, comment va t on financer tout ça ? Il n’y a déjà plus d’argent pour acheter nos cartouches d’imprimantes, les piles pour l’appareil photo (rafistolé au scotch) sont vides et il faut attendre trois semaines avant d’en avoir de nouvelles (faut faire la commande, l’autorisation, … et il faut surtout trouver le pognon). Quant aux véhicules, j’en parle à peine. Si, un ptit peu pour la frime ; on avait deux véhicules pour trois brigages – moins un pour économiser, reste un – comme si on pouvait enquêter dans de bonnes conditions comme ça, car c’est bien connu, les informations ça vient à date et heure fixe et dans l’ordre et par nature : demandez à M. MOREAS s’il a eu à enquêter dans ces conditions ! Sûrement pas ! mais c’est vrai, il était Commissaire ; ça donne droit à quelques avantages (encore plus aujourd’hui – mais c’est un autre débat). Alors de là à nous construire des salles d’auditions comme dans les feuilletons télé américains, avec vitre teintée, vidéo et tout le tintouin (et pourquoi pas des secrétaires ?! – quoique ça me déplairait pas une petite blondinette (je rigole)), et payer des avocats qu’on a même pas (ben oui, c’était pas prévu – va falloir recruter grave !) … REVEILLEZ VOUS LES GENS ! C’EST PLUS L’HEURE DE CASIMIR ! Y A PLUS DE POGNON ! – C’EST CLAIR COMME CA ?
Ahhhh ! le sacro-saint système « anglo-saxon », parlons-en ; en fait, je ne suis pas contre. Car je n’ai pas peur de me remettre en question – et pour « ceussent » qui connaissent un tant soit peu notre métier ; un enquêteur se remet en question à chaque affaire, sinon il n’a plus qu’à mettre la clé sous le pallaisson. Mais si nous voulons vraiment adopter ce système, alors il faut le prendre dans son ensemble (en effet, les exceptions françaises, non merci, on a déjà donné) – Car croyez vous vraiment que ce système (que tout le monde pense être le meilleur au monde) ait été mis en place du jour au lendemain ? Et le nôtre de système, vous croyez qu’il vient d’où ? Non mais c’est hallucinant ! Personne n’a donc jamais relevé le fait que l’accusatoire et l’inquisitoire sont incompatibles ; c’est l’un ou l’autre – pas les deux. Et le nôtre, quoi qu’on en dise, et malgré ses imperfections, reste malgré tout le plus juste. Car ce que vous voulez tous, et c’est ce que vous aurez, c’est la justice à l’américaine ; T’as du pognon, t’as un avocat.. T’as pas de pognon ? t’auras une brèle !
Mais bon, à quoi bon s’énerver, tout ça c’est encore la faute à Sarkozy… pas vrai ?!
Etonnant qu’un ex-commissaire de police ne sache pas lire …ou n’ait jamais pris la peine de lire le CPP …
Art. 63.2 : la GAV n’est possible qu’à l’encontre de personnes soupçonnées d’avoir commis un crime ou un délit puni d’emprisonnement….
Alors forcément, les OPJ ne mettent pas en GAV pour contravention ou délit puni d’une simple peine d’amende…
Quand on pense que la Garde des Sceaux ex Ministre de l’Intérieur tient le même discours stupide en déclarant que grace à sa réforme on pourra plus mettre en GAV pour des faits non punis de peine de prison …
On n’a pas fini de rigoler avec des professionnels de cet acabit…
Enfin… C’est bien triste d’envoyer des personnes en prison mais si c’est la seule solution…
@Péhène
Je vous connaissais modéré et pertinent mais là je ne vous suis plus du tout et je m’interroge sur l’éventuelle ironie de votre proposition…
« je préconise que tous les mis en cause fassent l’objet d’une mesure de garde à vue »
« La garde à vue ne doit plus être considéré comme une “punition” (ce qu’elle n’est en réalité pas) mais bien comme un simple régime juridique »
A ceci près que la garde à vue n’est rien de moins qu’une privation de liberté! On peut retourner le problème dans tous les sens, c’est une mesure de coercition qu’il ne faut surtout pas minimiser.
D’ailleurs (je pense que vous en avez conscience) votre proposition serait illégale et anticonstitutionnelle. Ce n’est pas mon sentiment personnel, c’est celui du Conseil Constitutionnel, qui a rappelé très clairement que tout régime juridique coercitif ne peut être qu’exceptionnel.
A ce titre votre garde à vue « automatique » est inacceptable. Dans les faits elle l’est déjà (automatique) et l’objet de cette réforme est justement de répondre à la condamnation européenne et à la décision du Conseil. En somme, écrire dans la loi le principe de la garde à vue automatique, c’est non seulement aller à l’encontre de l’impératif légal de changement, mais aussi rajouter encore une pierre au système illégal actuel.
J’ajouterai une dernière chose: récemment les magistrats du siège se sont étonnés du nombre croissant de relaxes prononcés sur certains délits. Pourquoi? Parce qu’il faut garder en tête qu’une relaxe ou un non-lieu, c’est la preuve juridique qu’il n’y avait pas assez d’éléments pour condamner ou poursuivre un individu. Qu’il n’y avait donc pas matière à exercer contre lui une procédure coercitive. Evidemment au début de la procédure il est difficile de bien saisir les responsabilités de chacun, mais n’êtes vous pas touché par le fait qu’une personne innocente (innocence établie par un tribunal) puisse subir une procédure lourde et humiliante, qui s’apparente bien à une « punition », ne vous en déplaise.
Si je voulais être polémique, j’ajouterai que le côté « punition » vient bien souvent des personnels de la police et de la gendarmerie, qui trop souvent s’acclimatent très bien des humiliations permises par le régime de garde à vue.
Il m’est difficile de croire que cette réforme de la gav va entrainer une baisse du nombre de ces gav. Si c’était le cas, ce serait reconnaitre par le ministère de l’intérieur que les mesures de gav n’étaient que des « batons », prises pour alimenter des statistiques et non pour les nécessités de l’enquête.
Je suis convaincu que le nombre de gav ne baissera pas et une grève du zèle que pourrait solliciter les syndicats n’y changera rien.
Les auditions libres seront utilisées comme aujourd’hui pour les affaires ne nécessitant que peu d’investigations (aue audition).
Les délits routiers ? le problème se pose pour les alcoolémies où l’interessé doit avoir un taux nul pour être entendu. La garde à vue s’imposera le temps du complet dégrisement.
@ Baptiste
« en gros: tu avoues, sinon c’est 48h au trou. Voilà qui va permettre beaucoup d’erreurs judiciaires! ». La procédure de « plaidé coupable » est déjà largement utilisée dabns notre pays pour des délits mineurs (alcoolémie, vol simple) et permet de désengorger un peu les tribunaux.
C’est évidemment un texte improvisé dans l’urgence et sans connaissance des conditions du terrain. Ce n’est pas l’apanage de ce gouvernement, de nombreux textes sont ainsi rédigés par des crânes d’oeuf dans les ministères et « amendés » par des élus incompétents, sans consulter les praticiens ; disons que c’est plus fréquent avec ce gouvernement.
Tout avocat pourra contester le caractère libre de la mesure : la seule parade serait de faire signer une déclaration en ce sens par la personne concernée, mais que vaudra-t-elle devant le juge si l’intéressé conteste l’avoir signée librement ? De bien beaux cas de nullité en perspective…
Avant de faire quoi que ce soit, revenons un peu à ce qui est à l’origine des excès du nombre de garde à vue. Dans un premier temps, les officiers de police judiciaires sont entièrement maîtres du processus, il les décident, les suivent, informent le procureur de la mesure prise et de ses résultats. Quelques abus constatés dans des commissariats et quelques accidents plus tard, certains dus à une confusion entre l’utilité de la garde à vue pour l’enquête et son aspect coercitif et arbitraire, la procédure devient de plus en plus compliquée. La lecture des droits, le médecin, l’avocat, le contrôle de plus en plus tatillon du procureur qui s’en arroge de facto le droit quasi exclusif et frustre d’autant les OPJ font que la garde à vue tombe en désuétude. Certains dévoiements comme la garde à vue systématique lors d’un contrôle positif d’alcoolémie n’arrangent pas les choses. Leur nombre baisse sans que la loi n’intervienne directement. Tout au plus, peut-on remarquer que l’augmentation des garanties calme l’ardeur des OPJ, nonobstant l’arrivée de nouvelles méthodes d’enquête. Arrive la droite avec sa « culture du résultat ». Tout est mis en chiffre et la garde à vue est un critère de choix pour les crânes d’oeufs du bureau des statistiques, afin de mesurer, « évaluer » dit-on, l’activité des OPJ. Rien n’est plus ridicule mais la statistique a ses logiques que la raison ignore. Au résultat, le nombre de garde à vue explose. Rien ne dit d’ailleurs, si ces gardes à vue sont de 2, 4, 24, 48 ou 96 heures, on vous dit que c’est le nombre qui compte. Autrement dit, il vaut mieux faire 8 gardes à vue de trois heures qu’une de 24 heures. Pour la prime de résultat, c’est nettement mieux. Et le système commence à se mordre la queue. Il faut faire une loi pour limiter les gardes à vue alors qu’on sait que leur augmentation provient d’une politique du chiffre complétement dévoyée. Mais il ne faut pas offusquer les croyances de not’Président et de son électorat supposé. Alors à quand la loi pour fixer un quota de garde à vue par an et par commissariat, avec un policier qui, au mois de novembre va dire au délinquant qu’il vient d’arrêter : « Ah non, nous avons dépassé notre quota de GAV, revenez nous voir au début de l’année prochaine… »? QUAND VA-T-ON COMMENCER A REFLECHIR SAINEMENT SUR CETTE AFFAIRE ? QUAND VA-T-ON ASSOCIER TOUS LES PARTENAIRES DE LA JUSTICE, DE L’OPJ AU MAGISTRAT DANS UN TRAVAIL SIMPLE ET SENSE, SELON UNE LOGIQUE COMMUNE ?
Personnellement, pour ne pas faire de jaloux et ne pas alimenter la polémique sur l’audition libre ou sur les « menaces » de placement en garde à vue, je préconise que tous les mis en cause fassent l’objet d’une mesure de garde à vue (automatique) avec possibilité d’être entendu en présence d’un avocat. La garde à vue ne doit plus être considéré comme une « punition » (ce qu’elle n’est en réalité pas) mais bien comme un simple régime juridique destiné à protéger au mieux les droits des personnes suspectées d’avoir commis un crime ou un délit.
C’est ça le plus fou: la garde à vue pour des faits mineurs, personne n’en veut!
Les citoyens y voient un abus de pouvoir et une démesure, les policiers et gendarmes se retrouvent avec une procédure d’une lourdeur sans égale, le Parquet est submergé par des dossiers qui n’ont pas le temps d’être traités, les juges s’étonnent du nombre de relaxes prononcées, qui démontrent que le travail de tri préalable n’a pas été fait.
Bilan: tout le monde est d’accord, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Le seul qui ne l’est pas, c’est un certain Nicolas S. qui a décidé de rationaliser la police et de lui imposer des indicateurs ineptes pondus par les bureaucrates qui l’ont suivi de Beauvau à l’Elysée.
Résultat on se retrouve avec une dérive majeure et grave (au passage honte à la police et la gendarmerie d’avoir joué le jeu: il ne fallait pas suivre, quitte à obtenir de mauvaises notations). Il ne se serait pas agi d’insubordination puisque ces ordres étaient illégaux, en témoignent la condamnation par Bruxelles et l’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil Constitutionnel.
En clair le problème était mineur avant, il n’a grandi qu’à la faveur de la gouvernance d’un incompétent. Et aujourd’hui tout le monde en paye le prix dans une magnifique unanimité: le parlement obligé de pondre une loi inadaptée dans l’urgence, l’exécutif de terrain soumis à la pression des chiffres, la justice débordée.
Allez, rendons hommage au triste sire responsable de tout cela: sans lui, pas de débat sur le rapprochement police/gendarmerie, pas de débat sur la garde à vue, pas de débat sur la justice qui se meurt, pas de débat sur son indépendance bientôt perdue à coup de suppression de l’instruction… Quel bilan réjouissant!
je suis OPJ et nous pratiquions deja l’audition libre. en effet les articles 63 et 77 du CPP n’obligent pas à placer en GAV ( » l’OPJ peut placer en GAV… »). La GAV etant une mesure lourde (paperasserie lourde, nbeux appels telephoniques a passer: joindre le medecin, l’avocat, la famille qui ne repondent pas tjs) certains OPJ comme moi ne l’utilisent que lorsqu’il y a necessité de garder la personne aux fins de perquisition, confrontation, examen
medico-psy….Bref, lorsqu’il n’y a qu’une audition a faire je ne place pas en GAV car le but de l’OPJ de permanence est de gèrer les affaires rapidement et de ne pas s’encombrer d’affaires mineures car il ignore ce qui peut arriver dans la journée. Du coup l’OPJ ne tient pas à se rajouter des paperasses inutiles ni remplir les geoles avec des auteurs de petits delits car cela lui ferait
perdre du temps pour rien. Pour illustrer, notre but est de « vider les geoles » car on veut traiter au plus vite les affaires simples pour avoir le temps de bien travailler les affaires complexes. En gros si les GAV ont augmenté c’est sous la pression du Ministere de l’interieur qui en a fait un outil statistique de mesure de l’activite de police mais ce n’est pas du fait des OPJ qui trouvent cette mesure lourde de paperasses (une mention dans les annees 80 alors qu’il faut rediger 3 ou 4 pv maintenant, plus filmer l’audition, faire le scellé du cd-rom, les bordereaux de scellé….) et donc contraignante.
@ Yann
Georges Moréas fait allusion aux mis en cause identifiés et pour la plupart (rares sont les personnes en fuite) entendus par les services de police ou de gendarmerie.
@ Georges Moréas
« Peut-on lui imposer les opérations de signalisation (photo, empreintes…) destinées à alimenter les fichiers ? »
Ces opérations ne sont pas liées à la garde à vue. Tout mis en cause peut faire l’objet de cette signalisation sans qu’une mesure de garde à vue n’ait été prise au préalable.
@ Georges Moréas
« Ce qui peut être interprété comme l’obligation, a contrario, de placer en garde à vue toute personne qui se trouve « sous main de police » à la suite d’une interpellation. Alors qu’aujourd’hui la décision est à l’initiative de l’OPJ. »
Vous oubliez peut-être la jurisprudence de la Cour de Cassation qui, de fait, a réduit ce pouvoir de décision, cette initiative, des OPJ, en édictant notamment que toute personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit, et soumise à une mesure coercitive de la part des forces de l’ordre, doit être placée en garde à vue et donc pouvoir bénéficier des droits liées à cette dernière.
« En effet, pour les délits punis d’une peine d’amende ou pour les contraventions, dans la pratique, les OPJ n’utilisent jamais la garde à vue. »
Faux: http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/10/29/Pourquoi-je-veux-un-habeas-corpus-en-France
De plus, la GAV est déjà censée n’être utilisée qu’en cas de faits punis de peine d’emprisonnement i me semble (art 76 du code de procédure pénale):
http://legimobile.fr/fr/lr/code/procedure_penale/67/20090514/
Je ne ferais que citer l’excellent article -comme d’habitude- de Maitre Eolas :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/10/17/Le-jour-de-gloire-est-arrive
[…]retenez d’ores et déjà ce principe, et faites passer le mot : libre audition, piège à con. Si des policiers vous proposent une audition libre, acceptez, puis dites que vous décidez librement de ne faire aucune déclaration et de ne répondre à aucune question, et que vous allez partir librement, après leur avoir librement souhaité une bonne fin de journée. Si les policiers vous menacent alors de vous placer en garde à vue, vous saurez que cette proposition d’audition libre n’avait pour seul objet que de vous priver de vos droits. Vous voilà en mesure de les exercer.[…]
« Car, même si l’on trouve le nombre de gardes à vue trop élevé, curieusement, il est deux fois moins important que le nombre de personnes mises en cause pour crimes ou délits »
Ne serait-ce pas parce que tout simplement ces personnes n’ont pas étés identifiées?
Cet argument semble découler d’une analyse trop rapide tronquant le résultat.
Hadrien, désolé, mais lieutenant, capitaine, commandant, ce sont des grades rencontrés dans l’administration.?? Seule exception, dans la marine marchande, le commandant du bateau, ou en aéronautique le commandant de bord, mais dans ce cas, c’est celui qui commande. Une infirmière surveillante, dans l’hospitalisation publique a un grade,(infirmière hors classe par ex) un indice, mais, que je sache, (encore que sous l’époque Sarkozy, il faille s’attendre à tout), mais certainement pas des appellations du style capitaine et autres. Ces grades sont utilisés dans la gendarmerie, mais les gendarmes sont des militaires, même si maintenant ils sont rattachés au ministère de l’intérieur.
« Elle ne conçoit le travail de police que dans le secret absolue. »
Pour des raisons (au moins partiellement) de présomption d’innocence (ne pas livrer un individu à la vindicte populaire) et de respect des victimes.
Bien sûr on ne retient que l’aspect « efficacité », la police étant effectivement plus percutante lorsqu’elle peut enquêter librement sans que les auteurs présumés ne soient au courant de tout…
Baptiste, vous écrivez « en gros: tu avoues, sinon c’est 48h au trou. »
Quelle que soit la procédure retenue, la parole du mis en cause reste la même… Une personne qui nie les faits lors d’une audition libre continuera à les nier s’il était interrogé sous le régime de la GAV!
L’objectif de la police n’est pas d’obtenir des aveux mais de rassembler les éléments matériels et déclarations pour ensuite confier le dossier à la justice. Dans tous les cas, audition libre ou GAV, la décision sera rendue par un magistrat.
Après savoir si la menace de la GAV sera utilisée comme un moyen de pression c’est un autre débat, qui devrait être réglé assez rapidement par la jurisprudence. Un mis en cause qui propose ou accepte l’audition libre, se rend de lui même au commissariat/brigade et répond aux questions (même en niant son implication) n’a pas matière à être placé en garde à vue. A terme lorsque les choses seront formalisées les OPJ seront probablement sanctionnés en cas de procédure abusive.
Excellent article. Je ferais remarquer simplement que la police (et l’Etat) ont historiquement toujours eu un temps d’avance et ont tojours conçu un mécansime procédurale plus ou moins hors la loi pour enquêter tranquillement:
– l’Avocat n’avait pas accès au bureau de juge d’instruction, c’est-à-dire là où s’était sérieux),
– quand le législateur lui a donné cet accès, on a crée la garde à vue, zone de non droit jusqu’en 1993,
– aujourd’hui le sens de l’histoire veut que la garde à vue ne soit plus une zone de non droit, on crée donc la mesure librement acceptée.
La vraie question est à mon sens culturelle: notre police a intrèséquement peur d’une intrusion extérieure: avocat, journaliste, juge d’instruction ect…
Elle ne conçoit le travail de police que dans le secret absolue. Or nous vivons dans une époque, où nos contemporains n’acceptent plus les lieux de secrets quelles qu’ils soient.
Je crois que c’est le sens de l’histoire et que lnos élites policières devraient réflechir à une nouvelle façon de travailler plutôt que retarder, certes de quelques années ou décennies, des évolutions inéluctables.
» Je rappelle, juste comme ça, que la liberté est la règle, et que la contrainte, l’exception. »
exactement, aujourd’hui rien n’empêche un policier de vous mettre en garde à vue juste pour l’avoir contredit.
@Baptiste
« en gros: tu avoues, sinon c’est 48h au trou. Voilà qui va permettre beaucoup d’erreurs judiciaires! »
Tu préfères le système actuel avec direct 48h au trou?
T’es pris en flagrant délit, on te laisse le choix entre t’expliquer librement ou passer une nuit sur du béton dans l’odeur de la pisse tu choisis la nuit en cellule?
Pour rappel on parle ici de faits mineurs, pas de délits complexes ou de crimes. Personne ne nie le droit à la défense (de toute façon en matière délictuelle ça finira forcément au tribunal), simplement pour ce type de faits établir les responsabilités c’est rarement très compliqué…
Grade ne veut en aucun cas dire militaire. Un grade est juste une formalisation de la chaîne hiérarchique comme on peut en trouver dans n’importe quelle entreprise ou administration publique.
@Marc « alternative lorsque le mis en cause est calme, qu’il reconnait les faits… »: en gros: tu avoues, sinon c’est 48h au trou. Voilà qui va permettre beaucoup d’erreurs judiciaires!
Il ne faut rien attendre de l’ère Sarkozy, et j’appelle « ère Sarkozy » le moment ou ce monsieur était ministre de l’intérieur et maintenant président. les Perben et autres ont aussi largement fait dériver notre droit. Pour des raisons électoralistes. Les peines plancher, etc etc. Il y a fort à parier que d’autres jugements de la Cour Européenne seront nécessaires pour aboutir sur la GAV. D’autres mesures envisagées côté Justice (suppression du juge d’instruction, jury en correctionnelle) vont dans le même sens: la folie sécuritaire continue. La réaction d’un syndicat de police sur les GAV est scandaleuse. Je me demande d’ailleurs au nom de quoi les syndicats existent dans la police, puisque les grades y figurent. Grade=militaire. Donc pas de syndicats. Ou alors les grades sont du folklore.
Bravo @ Marc pour sa démonstration, si je devais faire une observation, c’est que cette loi était sans doute plus applicable il y a 30 ou 40 ans, mais qu’avec le degré de connaissance, de violence, de méfiance et de haine que beaucoup de nos clients habituels ont contre la police et la gendarmerie je souhaite beaucoup de courage et de plaisir aux OPJ qui, contrairement à ce qui est dit plus haut font, dans la majorité des cas preuve d’intelligence et de discernement.
Je rappelle, juste comme ça, que la liberté est la règle, et que la contrainte, l’exception.
Je rappelle aussi qu’un suspect (pas un simple témoin) a des droits, et doit les connaitre – le droit au silence, et celui d’être assisté.
Or la réforme (de ce que j’en ai compris…) ne réponds pas à ces deux exigences.
Soit on est en audition libre, donc libre, mais sans avocat.
Soit on est en GAV, donc privé de liberté, mais avec un avocat.
Donc, même dans le cadre d’une audition libre, on doit se voir notifier l’ensemble de ses droits, y-compris le droit de se taire, de partir, et d’être assister par un avocat.
Je sais, ça va alourdir l’ensemble des procédures, mais la liberté est à ce prix…
« [Les syndicats de police] pourraient bien donner pour consigne à leurs adhérents de montrer leur désaccord en appliquant le texte à la lettre. Une sorte de grève du zèle. »
« Il n’est donc pas impossible que [les gardes à vue] augmentent significativement pour les autres délits, surtout les plus petits, donc les plus fréquents. »
Ce qui est très malheureux dans cette analyse (que je suis bien obligé de partager) c’est que la réforme en question mise sur l’intelligence des OPJ mais qu’elle risque d’être bien mal utilisée, avec les conséquences que vous décrivez.
Je m’explique: derrière cette dissociation gav/audition libre, il y a l’idée de laisser à l’OPJ la possibilité de « jauger » le mis en cause, plus que les faits reprochés.
Si les faits sont graves (vraiment graves, oublions les outrages, vols à la sauvette, etc.) le régime de la GAV s’impose, personne ne préconise le contraire. Pour tous les autres délits « communs », même ceux punis d’emprisonnement, c’est plus la personnalité du mis en cause qui devra orienter la décision de l’OPJ: proposer l’audition libre ou imposer la GAV.
Evidemment c’est difficile voire impossible de mettre ce concept à l’écrit dans un texte de loi, c’est en ce sens que la réforme fait appel à l’intelligence des OPJ. Le but est clairement de leur laisser la possibilité d’une alternative lorsque le mis en cause est calme, qu’il reconnait les faits ou encore mieux lorsqu’il est repentant.
La réforme se base sur le constat qu’une bonne partie de la délinquance courante n’est pas le fait de multi-récidivistes dangereux, mais le fait de « monsieur tout le monde » qui commet un jour une erreur. Et dans ces cas là il n’est certainement pas nécessaire de passer par la case de la GAV, notamment en raison des conditions matérielles absolument désastreuses.
C’est évident pour les délits routiers, mais ça a vocation à le devenir pour les autres délits communs. Dans un pays civilisé, il est logique qu’un traitement différent soit applicable à un primo délinquant mis en cause pour un délit mineur, en comparaison avec une procédure privative de liberté qui doit rester l’exception, pour des délits graves ou des personnalités dangereuses.
Vous comprendrez donc que je déplore profondément l’usage qui risque d’être fait de cette modification de la procédure pénale. Si réellement les syndicats de police devaient dans le futur appeler à la grève du zèle sur ce point, ils feraient ainsi la démonstration que le législateur a eu tort de miser sur leur intelligence et leur discernement. Souhaitons qu’ils en prennent conscience avant de se ridiculiser ainsi…