LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Chroniques du procès AZF (1)

I – De la catastrophe au procès 

azf-explosion_nouvelobs-copie.1239209555.jpgLe procès de la catastrophe AZF est peu suivi par la presse nationale. Pourtant, il est unique en son genre : une salle de 1.200 places, des images sur écran géant, une durée prévue de 4 mois et un coût de 3,8 millions d’euros. Alors sur ce blog, chaque semaine nous allons faire le point.

Enfin, quand je dis « nous »… C’est Jean-Christian Tirat qui va se mettre aux manettes. Il est vraiment bien placé pour cela, en tant que victime, témoin et journaliste.

Ce jour-là, ce fameux 21 septembre 2001, il venait de rentrer d’une mission humanitaire en Roumanie. Le 4X4 médicalisé qu’il avait utilisé était remisé dans son garage. C’est sa compagne qui a réagi en premier à l’explosion. Lui, il a cru à un voisin bruyant. Puis il y a eu la « vraie explosion ». Le souffle. Énorme. Les vitres ont volé en éclats. Instinctivement, il a récupéré son appareil photo et il a grimpé sur le toit de l’immeuble. À 3,5 km de là, une énorme colonne de fumée montait vers le ciel. Il a compris tout de suite : le pôle chimique ! Il a craint que ce nuage ne soit toxique. Il a foncé à l’école pour récupérer sa fille de 5 ans, et il a entassé autant d’enfants qu’il pouvait dans le 4X4. Direction l’Est, à l’opposé de la direction prise par le nuage.

Aujourd’hui, il regrette son choix. Il n’y a pas eu de gaz toxiques. Avec le matériel médical qui se trouvait dans son véhicule, il aurait sans doute pu aider des blessés…

Depuis, il cherche à comprendre les causes de cette catastrophe, une explication scientifiquement crédible, indiscutable. Avec Frank Hériot, il a écrit un livre, AZF, l’enquête assassinée, chez Plon. Si vous voulez en savoir plus sur lui et sur ses livres, il a ouvert un blog (ici).

Chaque jour, du mardi au vendredi, Jean-Christian Tirat (photo ci-dessous) se trouve dans la salle d’audience, à Toulouse, et une fois par semaine, il nous fera un compte-rendu sur ce blog.

En attendant, il nous dresse l’état des lieux :

__________________________________________________________jc-tirat-copie.1239371065.jpg
La catastrophe AZF a fait officiellement 31 morts, 2.800 blessés et a provoqué pour le moins deux milliards d’euros de dégâts. L’enquête de flagrant délit a duré 7 jours, l’instruction judiciaire 5 ans et il a fallu 32 mois pour organiser les audiences.

Un contexte toulousain tendu
Dix jours à peine après les attentats de New York, les causes de la catastrophe industrielle la plus grave qu’ait connu la France sont sujettes à caution : origine accidentelle ou volontaire ? Des éléments troublants alimentent en effet la rumeur d’un attentat, au point que le procureur de la République, Michel Bréard, déclare à la presse (ici), le 24 septembre : « Il y a plus de 90 % de chances pour que ce soit un accident… ».  Cette petite phrase bien maladroite, alors que l’enquête débute à peine, va perturber toute l’instruction en laissant penser que l’« on » chercherait à dissimuler la vérité. Son incidence est incontestable sur la perception de l’enquête par la population. Le procureur voulait-il désamorcer une bombe socio-ethnique qui menaçait d’exploser ?

Un mois de septembre chargé
Depuis les émeutes de décembre 1998, qui suivirent la mort d’Habib, un jeune voleur de voiture tué à Toulouse par un brigadier de police, la tension est palpable. Le 6 septembre 2001, le policier est condamné à trois ans de prison avec sursis, une condamnation « légère » et mal perçue. Le week-end suivant, des violences se produisent à la Reynerie, à Bellefontaine et à Empalot. Le 12 septembre, une manifestation réunit 500 personnes dans le centre-ville. Selon le quotidien régional La Dépêche du Midi, des jeunes auraient apostrophé les policiers aux cris de « Justice ou vengeance ?… Vengeance ! ». Pas de quoi rassurer les toulousains au lendemain du drame américain. Et puis, on l’apprendra plus tard, la très sensible SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs) qui fabrique des carburants pour missiles et fusées, voisine directe d’AZF, avait reçu la visite de policiers venus l’avertir de risques d’attentats. C’était le premier septembre. Le cahier des gardes de l’entreprise et celui de l’unité de stockage de l’acide chlorhydrique en conservent la trace. Mais ces policiers n’ont toujours pas été identifiés.

Que s’est-il donc passé ?… Cliquer ici pour lire la suite.

17 Comments

  1. arlette Bonnet

    Je fais un effort énorme pour écrire un mot, cela soulagera ma douleur qui est immense, j’ai perdu mon fils de 28 ans ce jour là. La vie n’a plus la même couleur, je ne verrai pas veillir mon fils…Le vide est énorme et surtout cette porte qui ne s’ouvrira plus sur son sourire. Le souvenir est désormais un devoir de mémoire.

  2. arlette BOnnet

    Bonjour à tous.
    Je me fais violence aujourd’hui, pour écrire un mot, peut être que cela soulager

  3. jean

    Un article récent sur Geopolintel traitant de la question sous un angle différent:

    http://geopolintel.kazeo.com/AZF-attentat-ou-accident-La-verite-sort-de-la-bouche-des-temoins-,a763275.html

  4. herge

    Bonjour !
    N ayant jamais cru à l explosion spontanée, c est donc très librement que je vais prendre « la défense » de Madame Souriau !
    Madame Sauriau n a jamais menti !

    Extrait du communiqué du CNRS/UPS du 28 09 01 :
    « Si le délai entre les deux « bangs » perçus par la population ne variat pas avec la distance, il
    s agirait de deux explosions distinctes.. Dans ce cas, la première explosion n aurait pas été détectée par le sismographe de l Omp Toulouse à cause de sa trop faible énergie ou de son faible couplage avec le sol (explosion aérienne) »
    Fin de citation.

    Résumons:
    Madame Souriau n a enregistré qu un seule explosion.
    La première n était pas couplée au sol.
    Les 5 ou 6 enregistrements sonores montrent bien que le délai entre les deux « bangs » ne varient pas donc il y a bien eu deux explosions;
    C est Madame Souriau qui le dit !

  5. ARNAUDIES Jean-Marie

    Bonsoir M. Tirat,

    vous pouvez effacer mes deux interventions, car suite à la vôtre, je n’ai plus l’intention d’utiliser ce blog. Je regrette amèrement d’y être intervenu, on ne m’y reprendra plus. Je n’en veux qu’à moi-même, rassurez-vous. Un peu plus de clairvoyance de ma part aurait dû me mettre en garde.

    Meilleures salutations,

    JMA

  6. Tirat

    Bonsoir M. Arnaudies,
    Vous allez trop vite, vous-vous emportez.
    Nous n’avons pas encore abordé ici la déposition de Mme Souriau. Votre commentaire est donc hors sujet.
    Laissez nous s’il vous plait le temps de rattraper l’actualité du procès, ensuite nous pourrons débattre des éléments qui ont été évoqués par les uns et par les autres.
    Nous vous prions aussi d’éviter les accusations de mensonge.
    Le procès est en cours, lui seul permettra ou non la manifestation de la vérité.
    Les vaines accusations n’ont pas leur place ici. Nous souhaitons un débat dépassionné.
    Patience
    Bien cordialement

  7. ARNAUDIES Jean-Marie

    L’enquête a été dès le départ menée comme si CERTAINES personnes haut placées savaient déjà tout ce qui s’est réellement passé.

    La discrimination préalable des témoignages contraires à ce qu’il faut bien appeler, hélas, la  »thèse officielle » a été manifeste et parfois outrancière, même si elle n’a pas été systématique.
    Monsieur Tirat connaît aussi bien que moi la liste de ces témoins importants dont le témoignage a été refusé par la PJ ou même par des gendarmeries locales le jour même de la catastrophe ou le lendemain

    Mais il n’y a pas eu que ces témoins capitaux envoyés sur les roses. Il y a eu aussi et surtout les actes non accomplis.

    Voici un exemple caricatural de ce refus de s’informer :

    Nous avons réussi à retrouver une petite trentaine de témoins qui ont VU les colonnes de fumée (disons fumées faute de mieux) qui se sont élevées du site SNPE dans la dizaine de secondes précédant l’explosion du hangar 221 d’AZF.

    Mais en réalité il y a eu beaucoup plus de témoins de ces fumées, qui ont pris la forme de deux colonnes verticales impressionnantes, l’une de 700 m de hauteur et l’autre, plus au nord, de 150 m de hauteur.

    Voici pourquoi : vu l’exploitation médiatique massive de l’explosion du hangar 221, la plupart des témoins qui ont vu des panaches s’élever du site ont subliminalement cru avoir vu  »l’explosion d’AZF ». De là où ils étaient, ils ne pouvaient discriminer les sites SNPE et AZF, cachés par l’environnement urbain. J’en ai retrouvé plusieurs persuadés d’avoir vu l’explosion d’AZF, dont j’ai pris l’azimut précis, confirmé par géomètre-expert, et qui avaient en fait vu l’une ou l’autre colonne s’élevant de la SNPE.

    Si les enquêteurs avaient accompli leur travail en ne sachant pas, de bonne foi, ce qui s’était passé, pour chaque témoin sérieux et fiable ayant vu des panaches s’élever du site, ils auraient sans délai dû déterminer l’azimut exact de ces panaches par rapport à ces témoins, et cela, avec l’aide d’un géomètre expert agréé par le tribunal.

    Ils auraient alors découvert que Michel C., Mme B..t, Monsieur N., Mme B.x, Monsieur C., Mme D….Monsieur Rx-L. et d’autres n’avaient nullement vu le panache de l’explosion du hangar 221 d’AZF mais l’un ou l’autre des panaches s’élevant de la SNPE.

    S’ils n’ont pas procédé à ce travail élémentaire, il y a fort à parier que ce n’est pas à mettre sur le compte d’un prétendu  »débordement » par la catastrophe ! on n’est quand même pas encore tout à fait un pays sous)développé à ce point ! s’il s’étaiut agi d’une bombe A de terroristes à déclouvrir d’urgence, n’y aurait-on pas procédé, à ces vérifications ?

    Donc la cause de la catastrophe a été connue en haut lieu dès le 21 septembre 2001 au matin.

  8. ARNAUDIES Jean-Marie

    Bonjour,

    je me plais à croire que ce blog ne pratique pas la censure, et ne demande que la politesse et la transparence des intervenants.

    S’il en est bien ainsi, je donnerai au fur et à mesure des informations importantes pour ce procès.

    Je vais aujourd’hui commencer par celle-ci : Annie Souriau, directrice de l’OMP de Toulouse, qui a témoigné à l’audience du 9 avril 2009, avait été confrontée avec moi durant quatre heures le 6 février 2003 devant le juge d’instruction Thierry Perriquet.

    Or le 9 avril 2009, à une même question capitale compte tenu du rôle joué dans l’affaire par ses deux rapports principaux (rapport à la DRIRE du 26 septembre 2001 et article aux CRAS de mars 2002, elle a donné une réponse très différente de celle qu’elle avait donnée le 6 février 2003.

    Vu son niveau, on ne peut mettre en doute la mémoire de cette dame. Donc soit le 6 février 2003 soit le 9 avril 2009, elle a menti.

    On ne voit donc pas pourquoi on devrait accorder du crédit à ses autres témoignages dans l’affaire : elle a menti soit en déposant sous serment devant le juge Perriquet, soit en témoignant au procès le 9 avril 2009. Or ses autres témoignages (le sismomètre au rebut, sa non-relation avec une base de temps de référence, son emplacement, l’interprétation de son enregistrement, le fait même qu’il était au rebut, etc) ont été le socle de l’accusation des employés d’AZF au moins jusqu’en 2005. Si on retirait du procès la totalité de ses apports, il ne resterait quasiment rien de l’accusation actuelle.

    A suivre….

  9. Didier

    Je doute que nous sachions la vérité. Remarquons la proximité de la SNPE. Et si c’était un attentat raté à moitié ?

  10. Alain

    Bonjour,

    Pour ma part j’aimerais qu’on m’explique comment seulement « quelques balayures » de DCCNa ont pu faire sauter le tas de nitrate alors que dans le même temps on nous explique qu’il faudrait 50, 100kg d’explosif voire plus pour y arriver.

  11. amghar

    Bonjour Tirat,
    mon message était tout de même une digression : s’il y a erreur humaine dans l’affaire d’AZF, il y’ a culpabilité humaine et certifié dans l’affaire de Grasse (ou le jeune Hakim Halimi a trouvé la mort dans les bras d’agents de police, étranglé et étouffé pendant 20 minutes (20 minutes, oui!)) et malheureusement dans tellement d’autres affaires mettant en cause la responsabilité directe de policiers – des dizaines de témoins objectifs en attestent.
    Celle ci n’est pas DU TOUT reconnu. Il n’ y a même pas de procès ! Il y a négation total de la douleur de l’autre (en même temps, quand l’autre, c’est un arabe ou un handicapé, c’est beaucoup moins grave, n’est-ce pas).
    Il ne s’agit pas de compassion et la justice devrait pouvoir s’exercer en toute sérénité. Seulement là, elle ne s’exerce pas du tout…

    Merci.

  12. Tirat

    Bonsoir « amghar »
    Votre mail n’est pas une digression, bien au contraire, il souligne l’un des problèmes de cette affaire, le plus humain. Cependant, la justice républicaine doit s’exercer dans la sérénité. Pour ce faire, elle ne soit pas être compassionnelle. Souvent dur a admettre pour les victimes il est vrai. Mais si tel n’était pas le cas, ne risquerions-nous pas de retourner à la barbarie et à la pratique du linchage, porte ouverte au massacre d’innocents ?
    Il est vrai, et c’est malheureux, que dans cette affaire, les victimes sont divisées et se montrent mutuellement du doigt. Raison de plus pour que la justice fasse preuve de raison, pas de compassion.
    Bien cordialement

  13. amghar

    Bonjour à tous. La douleur est une chose grave et importante.
    Lorsqu’elle est causé par une catastrophe, naturelle ou non, elle est difficile, voire impossible à oublier et très difficile à supporter.
    Lorsqu’elle est causée par la violence et l’injustice des hommes, elle est impossible à supporter. Lorsqu’en plus elle n’est pas reconnue et que les hommes qui ont causé cette injustice restent à leur place et ne sont aucunement inquiété, la douleur insupportable se transforme en révolte tout à fait légitime. Et lorsque cette révolte légitime est menacée d’étouffement, accusée de tous les maux, que les victimes se retrouvent montrés du doigt comme coupables, alors, c’est un grand risque pour la paix civile et l’on peut considérer comme morte et enterrée l’idée même de la Justice.

    Désolé pour la digression.

    Merci

  14. JC Tirat

    Bonjour « Totore »

    Comme je vous comprends, il m’arrive aussi de pleurer quand j’écris sur ce malheur. Que dire des moments douloureux évoqués sans cesse pendant le procès ?
    Fasse qu’il nous apporte la vérité, incontestable.

    A Loïc:
    Ton message me renvoie à Théran. Tu souviens-tu de Napo, le gars de l’AFP ? (réponds stp sur ma boite perso)

    Bien cordialement

    JC Tirat

  15. Totore

    L’explosion, on en a encore peu parlé. C’est pas facile à dire, vous trouverez peut être ca ridicule mais pour moi ce jour là, c’était Bhopal.
    J’ai attendu de mourir, coincé dans mon bureau, emporté par un nuage toxique. Oh, ca n’a pas duré longtemps, deux heures au plus mais aujourd’hui encore cet article ( et d’autres ) me mettent en larmes.

  16. Loic Haroche

    Bravo, toujours une longueur d’avance, je vais suivre avec intérêt la suite…. donne moi la référence de ton livre. A plus sincèrement peut e^tre en bretagne??? Loic.

  17. Paul Corcia

    Je pense que le procès démontrera , la vérité ,c’est certainement accidentel , mais lorsque des gens manipulent des produits dangereux , cela devient une routine dangereuse si personne n’est là , pour vous rappeler le danger permanent.
    Le fait d’être classé Seveso , le site ne doit-il pas être l’objet d’une surveillance renforcée ?
    Tout ce qui rentre dans le hangar 221 !
    compatible ? pas compatible ?

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