LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Terrorisme (Page 4 of 8)

L’inflation sécuritaire

L’état d’urgence est déclaré pour 3 mois. Et, selon une procédure qui semble maintenant habituelle, le gouvernement a sauté sur l’occasion pour modifier en catastrophe la loi de 1955. Une époque où François Hollande réclamait son biberon et où Manuel Valls était encore dans les tuyaux. Une loi qui, à l’époque, avait été jugée suffisante pour faire face à un terrorisme qui a fait au moins 4 000 morts. Et ceux qui à nos yeux représentent encore la France des droits de l’homme se taisent. J’allais dire se terrent. Après un simulacre de débat parlementaire proche des propos tenus au café du coin, ce consensus gauche-droite à quelque chose de… déroutant. On sent bien qu’on se fait bananer, mais on l’accepte, car la peur échappe à la raison. La com’ a pris le pas sur la démocratie. Et ça marche bien, du moins si l’on en croit les sondages.

CapturePourtant, cette impression d’être plus dans la réaction que dans l’action ne s’applique pas au président actuel. Du moins je ne le crois pas. À la différence de son prédécesseur, François Hollande est un calculateur, il veut tout planifier. Et à chaque nouvel événement, il avance un pion dans une stratégie longuement mûrie, quitte à en changer en cours de partie. Continue reading

Ces armes dites « démilitarisées »

Vendredi dernier, Emmanuel Toschi, un ancien instituteur reconverti dans l’armurerie, a été condamné en appel à 6 ans de prison. La même peine qu’en première instance. Un signal fort de la justice pour tenter de freiner la prolifération des armes de guerre. Sa spécialité : la remise en état d’armes démilitarisées. Lesquelles étaient destinées en l’occurrence au grand banditisme, via le sieur Secrettand, un truand « retraité de la banlieue sud ». Après la sentence, celui-ci a dit : « Je suis un vieux cheval de retour qui ne demande qu’à rentrer à l’écurie ». La prison, sa deuxième maison.

Revolver démilitarisé

Mais il n’y a pas que les voyous à utiliser des armes recyclées, les terroristes aussi. Ainsi, l’un des deux fusils d’assaut d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Cacher, proviendrait d’un trafiquant du nord de la France. Il aurait été acheté tout à fait légalement en Slovaquie et aurait transité par la Belgique. Et il semble qu’il en soit de même du fusil d’assaut AKM d’Ayoub El Khazzani, le tireur du Thalis, qui serait en partie constitué de pièces rapportées.

Qu’est-ce qu’une arme démilitarisée ?

La neutralisation d’une arme (ce mot est préférable) consiste à apporter à celle-ci des modifications internes afin de la rendre inapte au tir : boucher le canon, le rendre indémontable, neutraliser le chien, etc. Tout cela sans changer son aspect extérieur ni son fonctionnement apparent. Continue reading

Renseignement : la peau de banane du Conseil constitutionnel

La loi sur le renseignement a été publiée au JO telle qu’elle a été votée par une forte majorité des parlementaires, à l’exception de 3 articles censurés par le Conseil constitutionnel. Ce qui laisse augurer d’une nouvelle loi. Et peut-être d’un nouveau débat de société – ce qui n’est pas fameux pour l’image du pouvoir en place. Mais il est intéressant de noter qu’en quelques lignes, les Sages ont de nouveau marqué leur terrain en rappelant que les pouvoirs exceptionnels de surveillance accordés par cette loi ne peuvent pas être utilisés pour des enquêtes judiciaires.

manifestant-seul-dans-fumee-gaz_manifs-lyon-2010_extrait-film-lyon-capital.1297499333.JPGLes techniques utilisées sont donc constitutionnelles uniquement dans la mesure où elles s’appliquent à la prévention des infractions et à la préservation de l’ordre public (la manifestation des éleveurs ?). Elles ne peuvent pas être mises en œuvre pour constater une infraction (faire un flag, par exemple) ou pour rassembler des preuves ou rechercher les auteurs d’un crime ou d’un délit. Continue reading

Terrorisme : une interprétation à géométrie variable

La qualification du terrorisme est loin d’être aussi simple qu’il n’y paraît. Surtout lorsque ce mot est récurrent dans le discours politique. Pour le code pénal, le terrorisme est défini soit comme un acte autonome, soit comme un acte se rattachant à « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Une définition suffisamment vague pour pouvoir être interprétée selon les opportunités. Trois événements récents nous en font la démonstration.

BerreAprès la double explosion sur un site sensible de Berre-l’Etang, le 14 juillet dernier, le mot d’ordre, largement repris par les médias, a été la malveillance. Donc pas de trouble grave à l’ordre public. Et cela malgré la découverte de trois dispositifs de mise à feu. Alors que 3 semaines auparavant on s’interrogeait sur les motivations de Yassin Salhi, cet individu qui aurait assassiné son patron avec lequel il aurait eu une altercation – avant de se tailler un costume de djihadiste. Au point que le procureur de Paris a dû se fendre d’un communiqué, comme pour justifier sa saisine : « Le choix de tuer quelqu’un à qui il en voulait n’est pas exclusif du mobile terrorisme », a-t-il dit. Continue reading

Lutte antiterroriste : le ministre prend la barre

Bernard Cazeneuve a annoncé la création d’un service à sa main pour coordonner la lutte antiterroriste. Il s’agirait d’un état-major « opérationnel » rattaché à son cabinet comprenant des représentants des différents services de police et de gendarmerie en charge de cette mission. Et ils sont nombreux.

L’objectif évoqué est de mettre fin à la concurrence qu’ils se livrent. « Il ne doit plus y avoir de loupé ! » a dit le ministre de l’Intérieur. Ce qui sous-entend qu’il y en a eus.

Pirate_site_coloriage-dessinDonc pour harmoniser la ribambelle de services concernés, on va en créer un autre.

J’aime mon pays et ses bizarreries. Et je suis sûr que les Grecs pensent comme moi.

Alors, puisque le mot « opérationnel » est lâché, faut-il imaginer que notre ministre, entouré de fins stratèges, va, depuis un PC secret dissimulé dans les sous-sols, sous la cour Beauvau, diriger des opérations de terrain… « Là, vous me mettez deux voitures de planque… Et le RAID, il est où le RAID, hein ?… Attention les gars, ça chauffe… Intervention ! Intervention ! ». Une sorte de flashback de l’époque où Pasqua et Pandraud s’appropriaient le pupitre radio lors d’une opération de police.

Cela prête à sourire et n’a évidemment aucun sens. Il faut donc en déduire que ce nouveau service sera plutôt en charge de recenser les informations, de les rapprocher et de faire la liaison entre les différents services. Autrement dit de coordonner la lutte antiterroriste.

Ce que fait déjà l’UCLAT. Continue reading

Tarnac : peut-on parler de justice politique ?

Le parquet de Paris a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de trois des personnages mis en examen dans l’affaire de Tarnac sous la qualification d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Or, le fait d’utiliser des mots quasi identiques pour incriminer, par exemple, l’assistance apportée par les complices supposés de Coulibaly ou des frères Kouachi, et la tentative d’immobiliser un TGV en le privant d’électricité, a évidemment quelque chose d’incompréhensible.

Drôles_googleEt dans une société où la défiance est de mise, certains dénoncent une décision politique contre une mouvance qui n’a démontré sa dangerosité qu’à travers des écrits et – peut-être – un vandalisme dans un but de nuisance.

Alors, chez nous, en France, avons-nous une justice politique ?

Si la juxtaposition de ces deux mots est choquante, la réponse est néanmoins oui – car justice et politique sont indissociables. Continue reading

Terrorisme : comment se tirer une balle dans le pied

Les explications qui ont suivi l’arrestation de Sid Ahmed Ghlam, étudiant algérien de 24 ans, soupçonné d’avoir voulu commettre un acte terroriste contre une ou deux églises de Villejuif, laissent perplexe. Ce pied nickelé se serait blessé lui-même après ou avant avoir tué Aurélie Châtelain pour lui voler sa voiture.

Puis il aurait appelé les secours. Et les policiers auraient suivi la piste des gouttes de sang jusqu’à son propre véhicule dans lequel ils auraient remarqué des sacs de sport susceptibles de contenir un « arsenal de guerre », comme on a pu le lire dans la presse.

Une balle dans le piedSous le feu des déclarations anxiogènes des autorités, je me suis dit, comme beaucoup, qu’on avait eu chaud. Et puis, en réaction à une communication excessive, j’ai été victime du syndrome de l’éclairage du frigo : comment savoir si la lumière est éteinte une fois que l’on a refermé la porte !

Mais n’est-il pas normal de devenir suspicieux, voire parano, dans une société où les acteurs politiques sont sans cesse en représentation ! Une pièce sans entracte dans un théâtre où l’on est mal assis. Continue reading

La loi sur le renseignement est-elle constitutionnelle ?

Le gouvernement n’a pas souhaité solliciter le Conseil Constitutionnel sur le projet de loi sur le renseignement. À gauche comme à droite, certains députés – très peu – ont renâclé, estimant que cela jetait la suspicion sur un texte qui concerne nos libertés fondamentales. Puis une voix inattendue s’est élevée, celle de l’ancien Premier ministre François Fillon : il s’est fait fort de réunir 60 parlementaires pour sauter le pas.

FillonDu coup, je me suis abonné à son compte twitter, histoire de ne pas l’oublier, quand le moment sera venu.

La politique est quand même un drôle de truc… En 2006, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy soutient une loi pour lutter contre le terrorisme. Celle-ci prévoit entre autres de recueillir les données conservées par les opérateurs de téléphonie mobile sans l’aval d’un magistrat. Tollé parmi les sénateurs socialistes, qui dénoncent le passage d’un contrôle judiciaire à un contrôle administratif. Ils saisissent le Conseil constitutionnel. Continue reading

Loi sur le renseignement : les petits, les gros, les bons et les méchants…

Lundi 13 avril, les députés vont débattre de la nouvelle loi sur le renseignement. La discussion risque de tourner court puisque, fait rare dans l’hémicycle, droite et gauche sont quasi d’accord. Dans le même temps, devant les portes de l’Assemblée, des opposants vont manifester. « Les citoyens doivent montrer qu’ils refusent de céder à la logique de surveillance généralisée et sans garantie présentée comme indispensable par le gouvernement », disent les organisateurs.

Téléphone  2À défaut d’y trouver les syndicats de police, seront représentés dans cette manifestation: les magistrats, les journalistes, les avocats ainsi que les défenseurs des droits de l’homme. Et pourtant, je ne suis pas sûr que cette loi, mitonnée par des cerveaux de la politique, de l’armée et de la police, fasse l’unanimité chez les agents de terrain.

En tout cas, elle met un terme à la légende de la France « pays des droits de l’homme ». Et pour paraphraser la déclaration de 1789, une société où la séparation des pouvoirs n’est pas affirmée, « n’a point de Constitution ».

Bizarrement, la presse n’est guère convaincante lorsqu’elle dénonce ce projet de loi. Probablement en raison de la difficulté à visionner, à comprendre et à décrire les procédés techniques. Les journalistes ne sont pas les seuls à ramer. Certains députés eux-mêmes reconnaissent ne pas y piper grand-chose, se contentant de faire confiance au grand… ordinateur, Jean-Jacques Urvoas.

Je me demande si cette loi portera son nom ! Continue reading

Un avenir privé de vie privée

Du long séjour à l’Élysée de François Mitterrand, il restera la fin de la peine de mort, et de celui de François Hollande, la fin de la vie privée. Politiquement, cela n’a guère d’importance, puisque plus de la moitié des Français s’en ficheraient, selon un sondage tout récent d’Amnesty International. Ce désintérêt part d’un argument souvent entendu : on n’a rien à cacher ! Alors, qui a raison, celui qui se bat pour protéger sa bulle ou celui qui se dit que la sécurité passe avant tout ?

Sondage Amnesty International

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La vie privée ne se résume pas à deux mots. Mais comment la définir ? S’agit-il simplement des petits secrets de nos conversations ou de nos sms ; ou de la protection de notre ordi ; ou de nos données personnelles… Il serait réducteur de croire cela : notre vie privée, c’est notre personnalité. Au point que la cour de cassation a envisagé, il y a une cinquantaine d’années, et pour la première fois, l’existence de droits attachés à la personnalité. Ensuite, la jurisprudence a tracé la route, et, en 1994, lors de l’apparition du nouveau Code pénal, un chapitre a été consacré aux « atteintes à la personnalité ». La section 1 de ce chapitre vise les atteintes à la vie privée d’une personne, lorsque celles-ci sont effectuées sans son consentement.

Les droits de la personnalité concernent, outre le droit au respect de la vie privée, le droit sur les données à caractère personnel, le droit à la présomption d’innocence, le droit à l’image, le droit moral de l’auteur, le droit de réponse, les droits sur son propre corps… Continue reading

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