PARTIE 12 – En ce début des années 80, nombre de démocraties voient apparaître des mouvements prônant l’usage de la force et se revendiquant du marxisme. (Raymond Marcellin aurait-il eu raison ?) Près de nous, en Allemagne, c’est la Fraction armée rouge ; et en Italie, les Brigades rouges. En France, le 1er mai 1979, Action directe revendique le mitraillage
du siège du patronat. Ce mouvement n’a pas fini de faire parler de lui… Cette année-là, le chanteur Daniel Balavoine dénonce les médias, « dont les propos n’intéressent plus personne », et attire l’attention sur la jeunesse, qui se désespère. Hélas ! Il chante à la lune.
Dans la nuit du 1er au 2 février 1980, Joseph Fontanet, ancien ministre de l’éducation nationale et de la santé, est grièvement blessé d’une balle de 11.43 dans la poitrine, devant son domicile du XVI° arrondissement, à Paris. Il meurt quelques heures plus tard. Assassinat jamais revendiqué. L’enquête sera classée sans suite. Le mois suivant, c’est un personnage bien différent qui va nous quitter.
René Juillet, dit le Petit prince, a été un peu le businessman de Gilbert Zemour. Puis, ils se sont fâchés. Pour l’heure, il est dans la panade. Non seulement Zemour le talonne, mais ses affaires sont en pleine déconfiture. Il finit par déposer plainte contre son ancien complice pour racket. Mais, il est sur les nerfs. Toujours armé. Un jour, il tire sur le journaliste Marc Francelet, qu’il soupçonne d’être de connivence avec son ennemi. En désespoir de cause, il collabore avec la police et il balance Gilbert Zemour, lequel se fait interpeller comme un bleu, au volant de sa voiture, alors qu’il revient de Bruxelles. Pour une peccadille : il lui reste treize jours à purger sur les dix mois de prison dont il a écopé. Le 27 mars 1980, neuf jours après que Zemour ait réglé sa dette à la société (sic), au petit matin, devant le restaurant de nuit Le miroir du temps, trois hommes guettent, dissimulés à l’intérieur d’une Mercedes. René Juillet sort pour prendre l’air. Il est en confiance. Ici, c’est son QG. La voiture s’approche lentement. Il aperçoit trop tard le canon du fusil. Sa tête explose sous les chevrotines. Les clients sortent. Claude Brasseur, un habitué, doit penser que c’est mieux au cinéma. Bien sûr, les enquêteurs de la criminelle trouvent étrange la contiguïté de ce meurtre et la sortie de prison de Zemour. Mais, petit Gilbert a un alibi béton. D’ailleurs, malgré les apparences, il n’est pas certain qu’il soit l’auteur de ce règlement de comptes. On peut penser que le Petit prince a été mordu par un autre serpent. En l’occurrence, le gang de la banlie
ue sud, dirigé par Marcel Bennacer, alias Nénesse, et André Gau, celui que Jacques Imbert, alias Jacky le Mat, avait surnommé Dédé gode, après l’avoir « descendu à la cave » pour lui donner une correction. Il se vantait, en effet, d’avoir forcé son intimité avec une bouteille de Perrier… Ce qui le faisait beaucoup rire. D’où ce surnom. Depuis peu, Bennacer et Gau se sont lancés dans la reprise d’établissements de nuit. Au moment des faits, ils sont d’ailleurs en train de négocier le rachat du restaurant Le bœuf sur le toit, dans le VIII°. On ne connaîtra jamais la vérité, car Bennacer est abattu huit mois plus tard, dans les sous-sols d’un café, avenue Trudaine, à Paris. Une nouvelle fois, André Gau, s’en sort bien. Il va bénéficier d’un (long) délai de grâce.
Ce même mois, Marguerite Yourcenar bouscule les traditions. C’est la première femme à être élue à l’Académie française. Et Maître Agnelet, lui, est radié du barreau de Nice. Il est inculpé d’homicide volontaire sur la personne d’Agnès Leroux, la fille de la patronne du casino Le palais de la Méditerranée, que l’on suppose morte, mais dont on n’a jamais retrouvé le corps. Jean-Dominique Fratoni, le propriétaire du casino Ruhl, à Nice, et du casino de Menton, via la SA Socret, dont le capital est détenu pour moitié par de mystérieux italiens, est soupçonné de complicité. Mais, en l’absence de la moindre preuve, le dossier est transmis à la section financière de la PJ. Poursuivi pour fraude fiscale, il quitte la France précipitamment.
Jean-Paul Sartre se meurt et Albin Chalandon, le nouveau président d’Elf-Erap, signe un second contrat avec une petite société implantée au Panama, la Fisalma, dans laquelle on trouve la présence de la banque suisse UBS, quelques personnages interlopes, et un avocat, Jean Violet, ancien correspondant du SDECE, l’ancêtre de la DGSE. Ce nouveau contrat porte l’ardoise à un milliard de francs. Ces sommes astronomiques sont destinées à mettre au point et à fabriquer un appareil susceptible de détecter les nappes de pétrole, en effectuant un simple survol du terrain. Donc, plus de forage. C’est de l’alchimie. Mais le projet fait rêver, et, surtout, il y a la caution morale d’Antoine Pinay. Elf est une entreprise nationalisée, cet accord ne peut donc se faire qu’avec la bénédiction des plus hautes autorités, en l’occurrence, Giscard d’Estaing, Raymond Barre, et son prédécesseur à Matignon, Jacques Chirac. Trop beau pour être vrai, se dit un chercheur, le professeur Jules Horowitz. Il n’a aucun mal à démontrer la supercherie. Les «inventeurs» acceptent de se livrer à une démonstration. Cela consiste à repérer une règle placée derrière un mur. Subrepticement, Hirowitz tord la règle. On démarre l’expérience, et la règle apparaît sur les appareils de contrôle – bien droite. L’image n’est qu’une photographie. Tout était truqué depuis le début. Trois ans plus tard, Le Canard Enchaîné sortira l’affaire en titrant sur « les avions renifleurs ». La commission d’enquête parlementaire, constituée pour calmer l’opinion publique, va pondre un rapport de 650 pages. François Mitterrand interviendra personnellement pour que son prédécesseur ne soit pas entendu. Jean Cosson, chef de la section financière du parquet de Paris, en ces années-là, estime qu’il s’agit d’une fausse escroquerie. Une escroquerie à l’escroquerie, en quelques sortes… Il s’en explique dans un livre (que je n’ai pas lu) Les industriels de la fraude fiscale.
Les mauvaises langues disent que ce pécule aurait atterri dans la caisse noire d’un parti politique… Cette manie de persécuter les grands de ce monde! Heureusement, le 8 mai 1980, l’OMS estime que la variole est éradiquée sur toute la planète. La variole, seulement.
Pendant ce temps, Gilbert Zemour se frotte les mains. Il vient de réaliser le fruit de plusieurs années d’efforts. Grâce de nombreux pots-de-vin auprès des autorités locales, il a réussi à mettre sur pied un magnifique casino à Namur, en Belgique, au bord de la Meuse. Bien sûr, l’homme n’apparaît pas au grand jour. Officiellement, cet établissement est la propriété du groupe Gonzalès, détenu par un financier du jeu, Joseph Kaïda, et un contrôleur général de la police nationale, récemment retraité, Michel-Joseph Gonzalès. Ce dernier s’y connaît, puisqu’il a longtemps officié aux « courses et jeux », au ministère de l’intérieur. Mais ce soir de novembre 1980, rien ne va plus. Ce ne sont pas les joueurs qui flambent, mais le casino. Malgré la présence d’une cinquantaine de pompiers et de nombreux bénévoles, il est détruit aux deux tiers. La police belge établit qu’il s’agit d’un incendie criminel, et l’enquête s’arrête là. N’a pas la baraka, P’tit Gilbert.
Le 3 octobre, un attentat à l’explosif fait quatre morts et une vingtaine de blessés devant la synagogue de la rue Copernic, à Paris. L’attentat, non revendiqué, sera attribué au Front populaire pour la libération de la Palestine.
En décembre, John Lennon nous quitte. Le cofondateur des Beatles est âgé de 40 ans. Et, à quelques mois des élections présidentielles, on apprend que la
France compte un million cinq cent mille chômeurs. Ce qui aujourd’hui nous fait rêver… Quand à Raymond Barre, notre premier ministre, il prépare sa retraite. Il finit d’aménager sa résidence secondaire, une bien modeste demeure, allez ! au bord de la Méditerranée, à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
La mort d’un ami – Grâce à un tuyau d’une informatrice aux yeux bleus, on collait aux baskets d’un trio d’anciens militaires que l’on soupçonnait des pires intentions. Ce jour-là, une écoute téléphonique nous confirme qu’ils préparent un coup. Pour le lendemain. On se met en planque. La BRI de Nice est à présent parfaitement rodée, et les hommes se positionnent d’instinct. Vraiment une bonne équipe ! L’inspecteur Charles Marteau connaît l’un des protagonistes, un certain Richard Ughetto. Il l’a déjà arrêté. C’est donc lui qui se poste dans le « sous-marin ». Faut dire qu’il est un peu remonté, car, à sa sortie du cabinet du juge d’instruction, libre comme l’air, ce jour-là, Ughetto lui avait fait un bras d’honneur. Donc, Charly en veut. Dans son talkie-walkie, il nous décrit la scène : « Il fouille dans sa sacoche. Il sort un truc… C’est un fusil à pompe. Il a un calibre, aussi… ». En tout, ils sont trois. Ils partent avec deux voitures. On prend la RN 202, puis au bout d’un moment, nos lascars bifurquent et empruntent une petite route qui longe la Vésubie. Il fait nuit noire.
Quel coup peuvent-ils préparer ? Un saucissonnage ? Un enlèvement ? Un braquage ? Dans ce coin désert de l’arrière-pays niçois, sûrement pas. On se perd en conjectures, tandis que notre convoi de voitures banalisées, tout feux éteints, file sur une petite route déserte, bordée par le ravin du torrent. Puis, ils s’arrêtent, et s’engouffrent tous trois dans la plus grosse des voitures, une Audi. Laissant sur place la Simca. Et nous laissant sur place aussi. On les a perdus. Je décide de planquer sur ce qui semble bien être la voiture relais. Puisqu’on est dans l’impossibilité de les faire en flag, on va les serrer au retour. Les heures passent. L’un de mes hommes suggère de mettre la Simca en panne. Après réflexion, je me dis qu’en leur interdisant de s’enfuir, on se donne une chance de plus. Et j’acquiesce. Mais rien ne se passe comme prévu. L’Audi revient et s’arrête à
distance. Deux hommes en descendent et la voiture fait demi-tour, et repart. Les deux zigotos se dirigent vers la Simca – mais ils ne pourront pas démarrer, puisque qu’on a retiré les fils des bougies. « Intervention ! » En un éclair, nos clients sont emballés. Mais il nous manque le chef, Richard Ughetto. Il n’a pas pu nous repérer. Donc, il ne se doute de rien. Et la seule route, pour revenir à Nice, passe par ce petit pont, qui surplombe la Vésubie. De nouveau, il faut attendre. C’est fou ce qu’on peut attendre, dans ce métier. Mon plan est simple. Lorsqu’il va s’engager sur le pont, je vais avancer ma voiture, et comme il n’y a pas la place pour deux véhicules, il sera bien obligé de s’arrêter. Et les autres véhicules vont l’encadrer. Ça c’est passé comme ça, exactement. En quelques secondes, la voiture, pilotée par Ughetto, est bloquée de tous les côtés. Il lui est impossible d’en sortir. À part qu’immédiatement, il ouvre le feu. Pas de sommations, chez les voyous. Il tire à travers son pare-brise. C’est du gros calibre. Je vois les flammes sortir du canon. On riposte, bien sûr, mais, avec plus de discernement, car nous avons le risque de tirs croisés. On a su, après, qu’il portait un gilet pare-balles. Ce qui n’était pas notre cas. Il n’y avait pas le budget pour ça. Puis, une fois son arme vide, il se glisse par la vitre et il disparaît. Je fulmine. Marcel, le vétéran de la brigade, a été touché. Heureusement, la balle de 11.43 s’est plantée dans le cuir de son holster, ce qui a freiné sa course. La blessure ne sera pas trop grave. Il nous a fallu un bon moment pour nous apercevoir de la disparition de Charly. Dans la nuit sans lune, on s’est mis à le chercher. Charly ! Charly ! La Vésubie nous a rendu son corps au bout de quatre jours. Charles Marteau avait trente ans.
Le ministre de l’intérieur s’est déplacé pour les obsèques. Devant le cercueil, un petit garçon de dix ans, le regard voilé, mais les yeux secs, n’avait pas encore compris qu’il ne reverrait plus son papa.
Je me souviens de la réflexion de Julien, mon petit-fils, à la mort de sa grand-mère. Il a regardé ses parents en pleurs, et il a murmuré : « J’ai envie de pleurer, mais je ne sais pas. » – On a tôt fait d’apprendre.
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la société Elf Aquitaine, il s’agit du projet « Aix ». Pour la presse, cela va devenir « l’affaire des avions renifleurs ».
En mars 1977, Michel Poniatowski, durement secoué par les révélations qui ont suivi
défricheur. Dès le mois d’octobre, il met sur pied le GIPN de Marseille. Ces brigades, au nombre de onze, ne dépendent pas de la PJ, mais de la direction de la sécurité publique (DCSP). Un an plus tard, c’est la gendarmerie qui installe, sous la férule du lieutenant 
pté. Enfin, la dernière version, juste pour information, mais peu vraisemblable, selon laquelle les deux hommes se sont pris une « sérieuse avoine ». Je vous laisse choisir. Le numéro de téléphone correspond à une adresse à Tremblay-le-Vicomte, en Eure-et-Loir. Michel Guyot, surnommé Michel les bretelles, le patron du SRPJ de Versailles, me réquisitionne vers 19 heures 30. Il reste peu de monde à la brigade. Je fais le tour des bureaux et parviens à recruter une demi-douzaine de « volontaires ». Ça traîne des pieds, car chacun est persuadé que le tuyau est bidon. « Si c’était du solide, ils nous auraient pas invités, les seigneurs du 36… », ronchonne un enquêteur. Maurice Duyck, un vieil inspecteur divisionnaire, qui a été mon mentor durant mes premières années, ne dit rien. Mais je devine qu’il s’est renseigné. C’est du sérieux. Au dernier moment, Aimé Brémond, le sous-chef du SRPJ, doit s’être tenu le même raisonnement. Il me dit : « Tiens, je vais aller avec vous ! » Il pense qu’on n’est pas assez nombreux. Ou il ne me fait pas confiance. Ou il en marre de rester derrière son burlingue… Je plaisante. Brémond, que tout le monde surnomme Mémé, est le genre de patron que j’apprécie. Il n’a pas fait une super carrière, mais il est toujours resté droit dans ses bottes. Il faut être sur place avant 21 heures, l’heure légale en matière de perquisition. Ce jour-là, si on a pris des risques, c’est bien sur la route. À faire exploser les radars automatiques – s’il y en avait eu à cette époque. En chemin, les choses se précisent. Les nouvelles consignes sont de surveiller les lieux jusqu’à l’arrivée des collègues de la PP, et de ne rien faire d’autre. « Même pas en rêve », maronne quelqu’un au-delà des ondes. Ça doit être Patrick !… À l’entrée de Tremblay, les gendarmes nous attendent. Ils nous pilotent. On s’arrête à une centaine de mètres de la maison. Il fait nuit, un bout de lune éclaire une grande bâtisse. Elle se trouve au milieu d’un parc, et de larges portes-fenêtres font face à l’entrée. Il doit y avoir cinquante mètres à découvert. Pour l’effet de surprise, ça ne va pas être évident… Mémé attend des instructions. Je le bouscule un peu. La vie d’un homme peut se jouer à quelques secondes. « On y va », lâche-t-il. En disant ça, il transgresse les ordres. Je l’aimais bien. On escalade le portail, on se faufile dans le parc. Derrière moi, un collègue actionne la culasse de son PM. Je serre les fesses : ça part tellement vite ces trucs-là. Je mets la main sur la poignée de la porte, et… elle s’ouvre. On fonce. La pièce est vide. La maison est vide. Dans un coin, la télé marche en sourdine, sur une table basse, deux verres à moitié vides et un cendrier bourré de mégots. Rien ! « Allez, les enfants, on refouille tout ! ». J’ai lancé ça d’une voix ferme, mais l’heure légale est passée, nous n’avons pas de témoins et nous ne sommes pas saisis de l’affaire. On n’est même pas certains d’être dans la bonne maison. Si on s’est plantés, va y avoir des têtes qui vont tomber… Et Mémé sera aux premières loges. Juste devant moi. C’est bon parfois d’avoir un chef. On se dirige vers la cuisine. De la vaisselle sale, un reste de repas. Rien d’intéressant. Soudain, un léger bruit nous fait tressaillir. On sonde les murs. Ça sonne creux. Il y a une ouverture derrière l’une des cloisons. On la fait sauter et on tombe sur un réduit de deux mètres sur trois. Sur un matelas, à même le sol, un homme est attaché par des chaînes. Il porte une cagoule noire sur la tête. Je la lui retire. Il est terrorisé. « Vous êtes Hazan ? » je demande. Je sors ma carte, je le rassure. Il finit par prendre confiance. « J’ai cru ma dernière heure arrivée », nous confiera-t-il plus tard…
ne longue expérience des opérations discrètes. Ce sont des agents de l’ombre. Ils n’exhibent jamais leur carte tricolore, et, quand on leur demande leur profession, laconiques, ils se contentent de répondre « fonctionnaires ». Ils ont hanté les sous-sols des délégations internationales, piégé le bureau de hautes personnalités (la DST a arrêté quelques années plus tôt le préfet Picard, pour espionnage) ou forcé le coffre d’ambassades ou de consulats. Alors, lorsqu’on leur demande de poser des micros dans un local inhabité, ils ne s’inquiètent pas vraiment.
la cour de cassation en 1980, qui estimera les faits prescrits. Claude Angéli, le rédacteur en chef du Canard, a fait apposer une plaque en marbre, au-dessus du trou toujours béant dans le mur de son bureau, et mes copains ont eu la mutation qu’ils souhaitaient. Marcellin quittera l’intérieur peu après, mais cette fois Giscard n’y est pour rien.
encée par une batterie de bombes lacrymogènes. Un vent de liberté souffle sur le pays. Mais, pendant la révolte, les affaires continuent…, notamment avec l’émergence d’un nouveau clan : les Z. Natifs de Sétif, les frères Zemour débutent dans le négoce du vin, puis la protection des commerçants du Sentier, puis le racket, etc. Mais leur ambition grandit. Ils veulent eux aussi s’immiscer dans le monde du jeu, et avoir leur part de gâteau. Ils se tournent vers Francesci, lequel doit se dire que quelques gâchettes de plus ne seraient pas superflues pour lutter contre la concurrence. Il les prend sous son aile. Les Zemour feront leur pelote. Ils tiendront le haut du pavé durant de longues années, laissant dans leur sillage une trentaine de cadavres, avant, à leur tour, de devenir des cibles. Le dernier survivant, Gilbert Zemour, est abattu le 28 juillet 1983, alors qu’il promène son quadrille de caniches, comme un bon petit retraité. Alexandre Arcady s’inspirera de cette saga du grand banditisme dans son film, Le grand pardon, avec Roger Hanin.
Le 1er octobre 1968, un corps enveloppé dans une housse de matelas est découvert dans une décharge publique à Elancourt, dans les Yvelines. Il faudra deux autopsies pour découvrir les causes de la mort : une balle dans la tête. Le médecin légiste se justifie par un surcroît de travail. Cette boulette rafraîchit (?) l’ambiance de l’institut médico-légal. Dorénavant, décide-t-on en haut lieu, tous les corps seront radiographiés et les légistes opéreront par deux. L’individu est identifié comme étant un Yougoslave, Stéfan Markovic, un jeune homme, beau comme un dieu et gorille d’Alain Delon. Une lettre posthume (et prémonitoire) du défunt, désigne les époux Delon et un certain François Marcantoni, alias Monsieur François, comme suspects, en cas « d’accident ». La personnalité (et les relations) du comédien freine l’enquête. La presse est sur les dents. Les fuites sont nombreuses. Et, quelques mois plus tard, cerise sur le gâteau, des photos truquées circulent sous le manteau, soi-disant prises par Markovic, représentant madame Pompidou, dans des soirées… particulières. On a dit qu’il s’agissait d’une manipulation du SDECE, pour déstabiliser Georges Pompidou, désigné comme le futur président de la République. C’est peut-être vrai. En tout cas, une fois à la tête de l’Etat, il ne traîne pas. C’est jour de grande lessive dans les services secrets. Il vire notamment, Jean-Charles Marchiani, le cousin de Marcantoni, et il reproche à De Gaulle d’avoir laissé faire, sans rien lui dire. Ce sera la rupture entre les deux hommes. Pendant ce temps, Delon tourne La piscine – et l’enquête prend l’eau de tous bords. François Marcantoni, contre qui il existe pourtant des indices troublants, récupère un non-lieu, sept ans plus tard, prononcé par le procureur de Versailles, Pierre Bezio. Entre-temps, les flics de l’ex-1ère brigade mobile, les seuls encore présents sur Paris, ont été rapatriés au SRPJ de Versailles, où le commissaire Claude Bardon, assisté d’un unique inspecteur, a poursuivi, dans le
secret le plus absolu, l’enquête jusqu’au dernier P-V. Marcantoni donne sa version des faits, dans Monsieur François, le milieu et moi de A à Z, éd. Le Cherche-midi. Bardon n’a pas écrit de livre.

enquête dirigée par le commissaire Cunat de la 13° brigade mobile. Dans une perquisition rapide et tardive (et suspecte, disent les analystes) il découvrira les éléments de preuve qui feront condamnés Seznec. Mais, s’il est bien vu de certains politiciens, il est dans l’œil de mire de ses patrons. En 1934, il frôle la révocation, lorsque, de nouveau, il découvre une preuve accablante, dans une affaire qui ébranle le pouvoir, l’affaire Stavisky. Il conserve son poste et prend du galon. Le garde des sceaux, Henry Chéron déclare même : « Jeune homme, vous avez sauvé la République. Vous êtes le premier flic de France. » Modiano reprend d’ailleurs cet événement dans l’un de ses romans : « La ronde de nuit ». Mais les vrais flics ne l’entendent pas ainsi. Ils démontrent les malversations (voire bien pire) de Bonny dans plusieurs enquêtes, dont l’affaire Stavisky. Il est finalement condamné à trois ans de prison avec sursis et limogé de la police.
