LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 19 of 25)

Les juges : dernier contre-pouvoir

Le litige qui oppose les Bettencourt, mère et fille, n’est pas un simple différend familial, mais bien une affaire politique. On vient d’en avoir la preuve par cette décision hors du commun où le procureur de Nanterre fait appel du magistrat_dreyfusculture.1278052083.jpgjugement qui ordonne un supplément d’information. Pas question de laisser cette magistrate « incontrôlable », Mme Prévost-Desprez, se mêler de cette affaire. Le parquet veut garder la main.

On a l’impression aujourd’hui qu’il existe deux sortes de magistrats : ceux qui marchent à l’ombre du pouvoir et les autres, qui restent fidèles à leur idéal de justice.

Qui a raison ? La justice serait-elle une affaire trop sérieuse pour être laissée à des juges ?

Pourtant, des exemples récents montrent que, lorsque ceux-ci sont aux ordres, systématiquement, ils enfreignent les règles de la procédure pénale.

Raison pour laquelle il faut changer ces règles, avancent certains.

Le procès Colonna, qui vient d’être cassé, est l’exemple parfait d’une enquête sous contrôle et d’un jugement couru d’avance. À vouloir trop en faire, on a oublié qu’il ne s’agissait pas de punir à tout prix un crime odieux, de faire un exemple, mais de juger un homme.

« La première vertu de la justice est l’indépendance (…) Sans indépendance, pas d’impartialité, et sans impartialité, pas de justice », a déclaré Jean-Louis Nadal, le procureur général de la Cour de cassation. C’était en 2007, lors d’une audience solennelle, devant le garde des Sceaux et le Premier ministre. À cette époque, avant les Présidentielles, un souffle d’indépendance chatouillait la haute magistrature. Le gâteau est-il retombé ? On fait tout pour ça. Mais aujourd’hui encore, des hommes et des femmes s’insurgent contre la mainmise de l’exécutif sur le judiciaire. Ils reçoivent peu d’échos, si ce n’est le silence (approbateur ?) de Mme Alliot-Marie. Sont-ils rétrogrades, ces magistrats qui ruent dans les brancards ? Hors du coup, d’une autre époque ? Je ne sais pas. balance_association-autrement.gifCe que je sais, c’est qu’il faut un certain courage pour sacrifier sa carrière à l’autel de ses idées.

Dans notre pays où la démocratie souffre d’une constitution qui remet tous les pouvoirs entre les mains d’un seul personnage, les juges peuvent-ils faire contrepoids ?

Je le crois sincèrement, à condition de mettre de côté (à gauche ?) leurs opinions politiques.

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Le témoin PT02/08 ne répond plus a été lu 1 280 fois et a suscité 11 réactions. Pour répondre à certaines interrogations, sur la difficulté à laisser ou à lire des commentaires, le problème technique semble résolu.

« Libérator » a-t-il tort ?

Le juge des libertés et de la détention (JLD) a juste dix ans.  Il est né le 15 juin 2000 avec la loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits de la victime. Aujourd’hui, la promotion-sanction annoncée denew-justice_southerndefender.1276678296.gif M. Xavier Lameyre, surnommé Libérator, JLD à Créteil, montre que ce texte, remodelé déjà plusieurs fois, n’a toujours pas la cote auprès des policiers.

C’est d’ailleurs compréhensible, quasi mathématique : plus on renforce les libertés individuelles plus on complique la tâche de la police. Mais en poussant ce raisonnement à l’absurde, on serait amené à dire que pour éradiquer la délinquance il faudrait donner à la police les pleins pouvoirs…

L’un des rôles phares de ce magistrat est de se prononcer sur la détention provisoire, mais en fait, il intervient dans bien d’autres domaines. C’est lui par exemple qui dans certaines circonstances peut renouveler la garde à vue au-delà de 48 heures, autoriser des perquisitions de nuit, ou en enquêtes préliminaires, dans le cas où la personne concernée s’y refuserait ; ou encore accepter qu’un témoin dépose sous l’anonymat. Il peut aussi décider de la conservation des données détenues par les opérateurs de téléphonie. Comme il doit donner son feu vert pour l’installation d’un système son-image dans un local privé en dehors des heures légales, etc.

En fait, à chaque fois qu’un policier, un gendarme, un juge ou un procureur, désire pour les besoins de son enquête enfreindre une liberté individuelle plus que de coutume, le JLD doit donner son accord.

Ce qu’on appelle un empêcheur de tourner en rond.

Dans le cas présent, certains syndicats de police se focalisent sur la détention provisoire. On comprend bien la rage d’un flic qui a bossé sur une affaire des jours, des semaines,  parfois des mois, et qui voit ses clients, les suspects, rentrer chez eux avant même que lui ne soit descendu de son bus ou de son RER… Mais il s’agit là d’une réaction épidermique.

Car les textes disent bien que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle. Elle doit être « l’unique moyen » de conserver des preuves, des indices, de protéger les témoins, d’éviter que le mis en examen ne prenne la fuite, ou d’empêcher, évidemment, que l’infraction ne se reproduise. Sauf en matière criminelle, il n’est pas non plus prévu de satisfaire à un trouble de l’ordre public ou à une campagne médiatique.

On peut même s’étonner, à la lecture du Code de procédure pénale, qu’autant de personnes soient mises en détention provisoire…

Les policiers, comme tout citoyen, peuvent estimer que les lois sont mal faites, mais ils ont un devoir et un seul, celui bugs_bunny.gifde les respecter, avant même de les faire respecter.

En tout cas, dans une démocratie, un flic ne peut pas demander la peau d’un juge – et l’obtenir.

Ou alors je n’y comprends plus rien.

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Rue89 et les voleurs d’images, a été lu 2 864 fois et a suscité 22 commentaires.

Rue89 et les voleurs d’images

Nicolas Sarkozy se chauffe pour une émission sur France 3. Il y a maintenant deux ans, Rue89 a diffusé ces images, enregistrées juste avant l’ouverture de l’antenne. Et vendredi dernier, un journaliste est mis en examen, non pas pour cette diffusion, liberté de la presse oblige, mais pour recel d’images. Or, pour qu’il y ait un receleur, il faut qu’il y ait un voleur. voleur_ozepicesch.1276497889.jpgC’est le bon sens.

Mais peut-on voler des images ou des sons ?

C’est le concept même de  l’émission Les infiltrés, présentée sur France 2 par David Pujadas, « montrer ce qui est censé rester secret… », et pour cela, «  équipés de micros caméra, « les infiltrés » tentent chaque jour d’en savoir plus sur l’entreprise dans laquelle ils ont été embauchés… sur l’association, le milieu ou le mouvement qu’ils ont réussi à intégrer… »

On peut potiner sur le travail de ces journalistes. On peut se demander s’ils ne se sont pas trompés de voie…  D’ailleurs, quand on regarde leurs reportages, on est presque obligé de s’interroger : que fait la police ? Bon d’accord, ce n’est pas le sujet. En tout cas, à ma connaissance, ils n’ont jamais été poursuivis pour vol.

Pourtant, à la suite de cette diffusion sur le site Rue89, la direction de France 3 a déposé une plainte pour vol et recel…

Il y a là quelque chose qui m’échappe.

Puis, en y réfléchissant, je me suis dit que cette affaire m’en rappelait une autre. Souvenez-vous, c’était l’année dernière. Cet employé de la banque suisse HSBC qui s’était introduit dans le système informatique de ladite banque pour y dérober le listing de milliers de comptes étrangers. Il s’agissait ici d’un vol caractérisé (atteinte au système de traitement automatisé des données ou STAD). C’est même pour un motif semblable (entre autres) que Jérôme Kerviel est actuellement jugé.

Or le ministre du budget de l’époque, M. Eric Woerth, dont les services, par on ne sait trop quel moyen avait réussi à obtenir ce listing, avait déclaré : « Ce qui serait choquant, c’est de ne pas utiliser ces informations ».

Alors, deux poids deux mesures ? D’un côté un service de l’État, receleur de fait d’un document volé serait en droit de l’utiliser en toute impunité, et de l’autre, un journaliste, « receleur » d’une image, deviendrait un hors la loi !

Avec, dans ce dernier cas, une question préalable : l’infraction est-elle réellement constituée ?

Rappelons les faits : Le président de la République est installé dans un studio de télévision : maquillage, essais de voix, de lumière…, etc. On attend l’antenne. « Trois minutes ! » annonce le régisseur. Mais pendant ce temps, la caméra tourne. Ce sont donc ces images, enregistrées juste avant l’émission, qui sont l’objet du délit de recel.

Recel d’images. À quand le recel d’idées ?

Dans une affaire récente qui concernait la violation du secret de l’instruction, le Tribunal correctionnel de Paris avait estimé que la faute n’incombait pas aux journalistes, mais à ceux qui avaient laissé filtrer l’information, c’est-à-dire les services de justice. Et les juges avaient conclu à la responsabilité de l’Etat.

Il serait amusant qu’à la suite de la plainte de France 3, la chaîne publique soit condamnée pour faute lourde.

On nous parle (à demi-mot) de rigueur, on nous dit qu’il va falloir se serrer la ceinture, faire des économies de tous côtés, surtout du nôtre, et voici qu’un procureur ouvre une information judiciaire pour une broutille de ce genre. Et voici qu’un juge d’instruction, Mme Anne-Julie Paschal, planche sur ce dossier depuis bientôt deux ans ! Avec aujourd’hui, quatre personnes mises en examen. Combien de commissions rogatoires ont été délivrées ? Combien de policiers ont travaillé sur ce dossier ? Comobelix_imagesshack.1276497971.jpgbien d’experts, d’écoutes téléphoniques ou informatiques ? Tout ce temps passé, au détriment de quels crimes, de quels vols, de quelles infractions financières ? Combien de dossiers glissés sous la pile ? Combien de victimes attendent justice ? Qui peut nous dire combien ça a coûté…

Tout cela n’est pas très sérieux.

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Les coulisses des reconstitutions judiciaires a été lu 908 fois et a suscité 5 commentaires.

Les coulisses des reconstitutions judiciaires

Un patron de la gendarmerie vient de se voir sanctionner pour avoir refusé que ses hommes, en l’occurrence un homme et une femme,  se prêtent à la reconstitution d’une scène de crime.

extrait-du-film-linspecteur-la-bavure.1276251374.JPGIl y a quelques années, un commissaire de police avait fait de même. Il s’était vu retirer, lui aussi, son habilitation d’OPJ pour un an. Les syndicats de police, notamment Synergie officiers, avaient alors diffusé un tract pour inviter leurs adhérents à boycotter les reconstitutions, du moins celles qui sont jugées dégradantes.

Mais c’est quoi une reconstitution judiciaire ?

Pour se faire une idée, une idée pour rire s’entend, on peut visionner sur Dailymotion la scène du film de Zidi, Inspecteur la bavure. Tout le monde est en place. Le commissaire (Julien Guiomar) demande à l’officier de gendarmerie si l’un de ses gendarmes peut jouer le rôle de la victime. Refus poli. Alors, le commissaire se tourne vers Coluche : « Vous allez faire la petite fille », lui ordonne-t-il. On retire les menottes au suspect (Philippe Khorsand) qui se met à courir après Coluche en criant « Fifille, fifille !…». À voir, c’est un extrait de choix.

Plus sérieusement, il s’agit généralement d’un acte d’instruction qui consiste à mimer le crime un peu comme on le ferait au théâtre. Le juge se transforme alors en metteur en scène. Parfois, victimes, témoins ou suspects jouent leur propre rôle. À défaut, on prend des figurants. Et par commodité, ou pour limiter les frais, on les choisit parmi les policiers ou les gendarmes.

La reconstitution est un acte important de l’enquête judiciaire, car elle permet de visualiser la scène et notamment de mettre en évidence des impossibilités matérielles. Et c’est un acte objectif qui peut servir autant l’accusation que la défense.

Lors du procès Colonna, par exemple, au vu des déclarations des experts sur l’angle de tir, les avocats avaient demandé une nouvelle reconstitution pour tenter de démontrer que la taille de leur client contredisait l’accusation.

Je ne me souviens plus s’ils ont obtenu satisfaction…

Personne d’ailleurs ne conteste l’importance de cet acte. Simplement, gendarmes et policiers se refusent à mimer certaines scènes, comme de jouer par exemple devant les suspects le rôle de la victime.

Il me semble que c’est une position parfaitement compréhensible.

En revanche, lorsqu’ils effectuent une france-nation-de-football.1276250806.jpgparade d’identification, ils s’arrangent entre eux. Acceptant de bonne grâce de poser parmi les suspects, sous le regard des témoins. « Des volontaires pour un tapissage ! » entend-on parfois dans les couloirs.

Alors, après tout, pourquoi les magistrats ne s’arrangeaient-ils pas entre eux ?

On imagine le tollé.

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Aff. Boulin : pourquoi pas une enquête parlementaire ? a été lu 5 442 fois et a suscité 13 commentaires.

Le torchon brûle entre commissaires et magistrats

C’est tout juste si elle ne les traite pas de fainéants. Ce n’est pas la première fois que la secrétaire générale du SCPN (Syndicat des commissaires de la police nationale), Sylvie Feucher, s’en prend aux magistrats. C’est même l’un de ses dadas. Mais cette fois, dans une lettre adressée à son ministre, Brice Hortefeux, elle avance des arguments…

autruche_christian-aubry.1273237133.pngLe samedi 24 avril, un automobiliste tente vainement de se soustraire à un banal contrôle routier. Son comportement lui vaut le grand jeu. Les policiers s’aperçoivent rapidement qu’il se dissimule derrière une fausse identité pour mieux échapper à deux fiches de recherche. L’une pour une peine de douze ans de réclusion criminelle, et une autre, d’un juge d’instruction, dans une affaire de trafic de stupéfiants.

Ce qu’on appelle un beau mec !

L’OPJ tente de joindre l’un ou l’autre des magistrats indiqués sur les fiches de recherche. « Aucun des magistrats mandants, tant à la Cour d’appel de Versailles qu’à l’Instruction à Paris, n’était disponible ou ne souhaitait se déplacer pendant le week-end… », écrit Sylvie Feucher. Le substitut de procureur de Chartres décide donc d’une mesure de garde à vue.

L’homme, comme c’est son droit, sollicite alors un examen médical. Or, dans cette ville, comme dans d’autres sans doute, en raison des difficultés qu’ils ont à se faire régler leurs honoraires par la justice, aucun des médecins libéraux n’accepte de se déplacer. Il est donc conduit à l’hôpital, où il est bien difficile aux policiers d’empêcher des échanges verbaux avec ses amis qui, comme par hasard, se trouvent sur place.

A l’approche de la fin du délai de garde à vue, il faut prendre une décision. La procédure habituelle est ici inapplicable. Aussi, pour éviter tout risque d’évasion, le substitut de Chartres est d’accord pour venir sur place, mais la présence du Juge des libertés et de la détention est également nécessaire. Celui-ci refuse.

En fait, cela n’a guère d’importance, car à six heures, le dimanche matin, deux événements vont changer le cours des choses : un incendie dans un garage BMW et, peu après, une personne se présente pour déposer une plainte.
Or, pour une ville de 50 000 habitants, les effectifs du commissariat en ce dimanche 25 avril sont de sept fonctionnaires. Deux sont en patrouille de sécurisation, trois se rendent sur l’incendie, reste deux au commissariat, le chef de poste et le gardien, pour l’heure occupé à enregistrer les déclarations de l’opportun plaignant.

Aucun des deux ne se rend compte que des individus profitent de ce vide. Ils grimpent sur le toit de l’immeuble et parviennent à se faufiler jusqu’aux cellules de garde à vue. Là, sans fanfare, ils libèrent leur complice (la clé est sur la serrure) et prennent la fuite par le même chemin.

Rien vu rien entendu. Il existe bien un système vidéo, mais les vitres en plastique des cellules sont, avec le temps, devenues quasi opaques. Impossible de voir à travers.

Il subsiste quelques zones d’ombre dans cette histoire rocambolesque telle que la rapporte la représentante du SCPN. On peut se demander pourquoi la PJ n’a pas été prévenue. N’existe-t-il pas un office chargé des personnes recherchées dont l’une des missions est d’apporter une assistance aux services de police et de gendarmerie ? Et comment peut-on tolérer que les médecins refusent  de se déplacer, alors qu’ils ne peuvent légalement se dérober à une réquisition de justice ? Enfin, n’y a-t-il pas un certain embrouillamini dans les textes qui régissent les mandats de justice ?

Il en existe en effet de plusieurs sortes. Dans son courrier au vitriol, la commissaire Feucher parle de « fiches de recherche ». Or, la procédure varie selon le type de mandat:
–    Mandat de recherche : garde à vue de 24 heures
–    Mandat d’amener ou mandat d’arrêt : rétention de 24 heures.

Et, sans entrer dans les détails, il faut savoir que la marche à suivre varie selon que l’on se trouve ou non dans un rayon de 200 km autour du siège du magistrat mandant.

Mais, pour s’adapter aux circonstances, les policiers ne pouvaient-ils pas dresser une procédure de flagrant délit pour usage de faux papiers, délit de fuite, ou je ne sais quoi ?

extfrait-lettre-scpn.1273237013.JPGExtrait de la lettre du 4 mai 2010 du SCPN adressée au ministre de l’Intérieur

Il me semble que la charge contre les magistrats « qui se la coulent douce la nuit et les week-ends » est un peu exagérée. Car cette situation pointe un problème bien plus réel : la pauvreté des locaux et le manque d’effectifs, de plus en plus sensible, notamment en province, qu’il s’agisse des commissariats ou des gendarmeries.

Et la coupe sombre dans les dépenses de l’État ne permet guère d’envisager la moindre amélioration, d’autant qu’à l’Intérieur, dit-on, les caisses sont vides depuis longtemps.

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Hier, 6 mai, le SCPN a obtenu 66.2 % des voix à l’élection des représentants du personnel, et 3 des 4 sièges à la Commission administrative paritaire nationale. Le deuxième syndicat, le tout récent SICP (syndicat indépendant des commissaires de police), membre de la fédération CFDT, a donc perdu un siège.

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Un truand décoré par Sarkozy !? a été lu 41 161 fois et a suscité 54 commentaires. Quant à savoir s’il y avait réellement une cave au Bar des 3 Canards…, c’est ce que racontaient les anciens. Mais les choses sérieuses se passaient peut-être dans l’arrière-salle…

À l’intérieur de l’Intérieur

Reprise en main. C’est le maître mot place Beauvau. Et l’idée d’un ministère de l’ordre public continue de faire son bonhomme de chemin. Pour l’instant, la crainte d’un effet boomerang semble l’emporter. Car, tout comme trop d’impôts tuent l’impôt,  certains pensent qu’un excès de politique sécuritaire pourrait créer dans la population – donc parmi les électeurs de 2012 – un sentiment d’insécurité.

geopoliticus_salvador-dali.jpgDans la police, on n’est pas loin de France Télécom. La tension est constante. Et nombre de policiers, ceux qu’on n’entend jamais et qui se contentent de faire leur job du mieux possible, lorgnent sérieusement vers la sortie. S’il n’y avait pas la marmite à faire bouillir, on assisterait sans doute à une réelle hémorragie.

Où est le malaise ?

En fait, la police est en pleine mutation.

Dans le rang des officiers de police, on sent comme un flottement. Du jour au lendemain, on les a éloignés du travail de terrain pour en faire des cadres. En leur collant des responsabilités auxquelles ils n’étaient pas nécessairement préparés, ou auxquelles ils n’aspiraient peut-être pas, avec des horaires à rallonge et un stress omniprésent. Et fini les heures sup’, les récup’… On leur passe la main dans le dos, on leur dit, vous êtes des patrons, mais dans les faits, ils n’en tirent guère d’avantages. Et ils louchent vers les commissaires…

Lesquels ne sont pas tous satisfaits. Loin s’en faut. A part ceux qui aspirent à de hautes fonctions, les autres ne se retrouvent pas dans ce métier de gestion et de conception, bien éloigné du métier de policier qu’ils ont choisi.

Pour certains officiers, c’est l’amertume qui l’emporte. Pour d’autres la pression est trop forte, comme cette mère de famille, à Marseille, incapable de faire la part des choses entre vie privée et vie professionnelle.

À l’étage en-dessous, le boulot des « inspecteurs » est à présent le quotidien de ce qu’on appelait avant le corps des gradés et des gardiens de la paix. Ils ont la lourde tâche d’assumer des pouvoirs bien plus importants que par le passé (pour certains celui d’OPJ) et de les appliquer sur le terrain. Donc, un risque de pépin accru, ce qui nécessite une attention de tous les instants. Et comme c’est la police que l’on voit, celle de tous les jours, celle qui est toujours là  « au mauvais moment », celle qui est au contact de la population, ils ont la pénible impression d’être en permanence jugés – et souvent mal jugés.

Ils représentent la police qu’on n’aime pas toujours. Et ça, ce n’est pas facile à vivre.

Et comme la nature a horreur du vide, peu à peu, on est en train de créer un nouveau corps de « gardiens de la paix » en recrutant à tout va des adjoints de sécurité. Quinze cents cette année. Payés au smic, formés en trois mois, on peut s’attendre à les voir prendre de plus en plus d’importance dans la police de base. Et du fait de leur statut précaire, ils ont au moins « l’avantage » d’obéir sans discuter et d’avoir qu’un seul droit, celui de la fermer.

On a donc une police plus ou moins désorganisée avec des policiers qui s’observent, qui s’épient, qui cherchent leurs marques. Qui sont, si j’ose dire, tournés vers l’intérieur.

Dans la gendarmerie, les structures sont plus solides, mais depuis cette décision à l’emporte-pièce qui de fait les a éloignés de leur statut militaire, il y a rupture de contrat. Et un certain flottement. Pour ne pas dire un rien de rancœur. Et si les sanctions affligées récemment pour l’exemple peuvent imposer le silence dans les rangs, elles n’ont qu’un effet de surface. Sous son képi, chacun n’en pense pas moins.

Au sommet de la chaîne judiciaire, les magistrats ne sont pas mieux lotis. Cette réforme claironnée et qui ne viendra sans doute pas, du moins pas dans l’immédiat, a laissé des traces quasi indélébiles. Avec une cassure très nette entre les juges et les procureurs. Les premiers, on l’a vu dans la querelle sur la garde à vue, s’éloignant de la police pour défendre une idée noble de la justice ; les seconds,  au contraire, resserrant les liens avec les flics, dans une approche plus pragmatique.

On peut donc dire qu’on a réussi en quelquesjongleur_educatoutcom.gif années à faire de notre système police-gendarmerie-justice une véritable pétaudière. Et aujourd’hui, ces hommes et ces femmes qui concourent à notre sécurité, ce n’est pas d’une reprise en main dont ils ont besoin, mais d’une véritable feuille de route : des objectifs précis et non de circonstances ; et des moyens législatifs clairement définis.

Et surtout, qu’on les laisse travailler loin du show politique.

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Rumeurs mort-nées a été lu 2 691 fois en deux jours et a suscité 10 commentaires.

Viguier, Leroux, Grégory : l’intime conviction

La chaîne de l’enquête pénale est concernée d’un bout à l’autre. De l’enquêteur de base à l’avocat général, en l’absence de preuves formelles, tout le monde agit en fonction de sa conviction. Pour finalement demander à de simples citoyens, désignés comme jurés, de trancher des années plus tard et une fois pour toute – en leur intime conviction.

balance_sylvie-tribut-astrologuecom.JPGN’est-on pas à deux doigts d’une justice mystique ?

De nombreux pénalistes sont d’accord sur la nécessité d’une réforme en profondeur d’un système pénal aujourd’hui un rien archaïque, et des voix s’élèvent entre autres pour demander la fin d’une justice basée sur l’intime conviction.

Voici ce qu’en disent deux pénalistes, Me Jean-Marc Marinelli et Me Parvèz Dookhy, dans une réflexion sur la réforme pénale : « L’intime conviction est tout le contraire d’un raisonnement légal construit tendant vers la déclaration de culpabilité. Elle ressemble plus au mode de croyance du profane que celui que doit avoir un juriste. Comment peut-on demander à des juges professionnels de juger à la manière de l’homme de la rue ? L’intime conviction fait place à des décisions purement subjectives et non objectives. Elle n’est pas réellement conciliable avec le principe selon lequel le doute profite à l’accusé, doute qui se trouve de la sorte amputé de toute sa substance. »

Ainsi, il y a quelques jours, et pour la deuxième fois, prenant le contre-pied de la chaîne judiciaire, les jurés ont acquitté Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme. Pas de preuve, pas de cadavre.

En 2006, dans des circonstances identiques, les jurés ont acquitté Maurice Agnelet du meurtre de sa maîtresse, avant de le condamner en appel à vingt ans de réclusion criminelle. Les affaires ne sont pas similaires, bien sûr, mais, là non plus, aucune preuve formelle, juste un faisceau de présomptions, et pas de cadavre.

On a un peu l’impression d’une justice à pile ou face.

Tout le monde se souvient du meurtre du petit Grégory Villemin, dont le corps ligoté avait été repêché dans les eaux de la Vologne, dans les Vosges. Une enquête au long cours où policiers, gendarmes et juges se sont cassé les dents. Eh bien, plus de 25 ans après les faits, de nombreuses personnes sont persuadées de l’innocence ou de la culpabilité d’untel ou d’untel. Sur ce blog, le billet rédigé en décembre 2008 compte aujourd’hui plus de 2 900 commentaires.

Chacun refait son enquête, et à chacun son intime conviction.

Il me semble qu’une justice moderne devrait s’affranchir au maximum des risques que fait encourir la simple conviction, parfois érigée comme un dogme. On ne peut condamner des gens sur une impression. On ne peut demander à des gens de condamner des gens sur une impression.
Un accusé devant une Cour d’assises devrait traîner derrière lui un dossier solide, basé d’abord sur des faits incontestables, puis, pourquoi pas, sur des faits moins évidents, tant à charge qu’à décharge, réunis en toute impartialité. Ensuite, mais ensuite seulement, il appartiendrait au jury populaire de soupeser le pour et le contre et de statuer.

Car un procès, ce n’est pas un match de foot avec une équipe qui gagne et l’autre qui perd. Et la pire des choses pour la justice serait de prendre le risque d’une injustice dans le but inavoué ne pas désavouer le système judiciaire.

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Dammarie-Lès-Lys : « On aurait pu faire mieux » a été lu 7 874 fois et a suscité 43 commentaires. Et je rends à la DCPJ ce qui n’appartient pas à la DCRI.

Du procès Viguier à la réforme pénale

Au risque d’oublier qu’un homme encourt une lourde peine de réclusion criminelle, le procès qui se tient devant la Cour d’assises d’Albi a tout pour passionner le grand public : une jolie danseuse a disparu. On la suppose morte, mais on n’a pas retrouvé son corps. Son mari, bel homme au visage énigmatique, est juge.jpgbien sûr le suspect idéal. D’autant que ce professeur de droit est connu pour ses nombreuses aventures féminines, surtout auprès de ses étudiantes, et qu’il a, bien maladroitement, accumulé les indices contre lui. À moins que l’amant de sa femme, à l’évidence très amoureux de sa maîtresse, n’ait pris un malin plaisir à en rajouter quelques-uns…

Et dans le prétoire, douze jurés, deux assesseurs, un avocat général qui a probablement mal digéré la décision d’acquittement prise l’an dernier, et un président, Jacques Richiardi, qui connaît son dossier sur le bout des doigts et qui n’a pas envie de s’en laisser conter. Défense et partie civile, quant à elles, sont représentées par des figures médiatiques du barreau, des avocats connus pour leurs effets de manche scéniques et leurs expressions théâtrales.

Jeudi, après avoir mis à mal la déposition d’un témoin qui aurait été influencé par l’amant, jetant ainsi le doute sur la culpabilité de Viguier, le président s’en est pris à celui-ci, le confondant dans ses mensonges à propos d’une histoire de clés, comme nous l’explique Pascale Robert-Diard dans son blog du Monde : « La voix du président est devenue sèche tout à coup. Il précise : Cet agenda a été saisi dans votre véhicule le 11 mars. Or, vous êtes venu avec ce véhicule au commissariat le 10 et il n’en a pas bougé. Vous n’y avez pas eu accès. Donc, je reprends ma question : quand et pourquoi avez-vous mentionné cela ? – Je ne sais pas… »

Dans ce procès, on refait l’enquête de A à Z, comme l’autorise l’article 310 du Code de procédure pénale : « Le président est investi d’un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et sa conscience, prendre toutes mesures qu’il croit utiles pour découvrir la vérité… » Il peut par exemple faire citer un témoin à la barre, même contre son gré.

Mais qu’en sera-t-il demain ? 

Dans le projet de réforme pénale, il est fortement question de retirer au président de la Cour d’assises ce pouvoir discrétionnaire. Il deviendrait alors une sorte d’arbitre entre l’avocat général et les avocats de la défense. Un animateur, en quelque sorte.

Or l’enquête risque dans le même temps de devenir moins rigoureuse, car les policiers ne seront plus placés sous la direction drastique d’un juge d’instruction. Les OPJ vont d’ailleurs récupérer une partie de ses pouvoirs, vraisemblablement la procédure de mise en examen. Ce que le Syndicat de la magistrature appelle « Un interrogatoire de notification de charges ».

Ainsi, on va retrouver les mêmes personnages du début de l’enquête au jugement. Un parquet surpuissant, placé hiérarchiquement sous l’emprise d’un ministre, qui décide de l’opportunité des poursuites, des moyens à utiliser pour l’enquête, et qui soutient l’accusation lors du jugement.

Un système dont on devine les risques. Et en face de lui un avocat. Or, tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir les services d’une pointure du barreau ! Certains devront se contenter d’un avocat commis d’office. Le problème, c’est que rien dans la réforme en cours ne fait référence à une modification de l’assistance judiciaire.

Il existe donc bel et bien le risque d’un déséquilibre important entre une accusation monolithique et une défense rachitique.

shadok-e-atlantidecom.jpgSi l’on prend en compte le nombre de gardes à vue, on en déduit qu’en 2009, un adulte sur cinquante a été considéré comme suspect d’un crime ou d’un délit. Alors, si cette réforme devait être adoptée en l’état, je propose la création d’une caisse d’assistance judiciaire, copiée sur celle de la sécurité sociale.

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La Justice en miettes a été lu 1 223 fois en 3 jours et a suscité 17 commentaires.

La Justice en miettes

La réforme pénale passe mal. Et hier, le monde judiciaire s’est mobilisé pour montrer sa réprobation. Certes, tout le monde n’est pas au diapason, mais quand même… Une telle démonstration ne peut laisser indifférent. Et l’on s’interroge, forcément.

don-quichotte-1955-de-picasso.jpgDe quoi s’agit-il ? Que veulent-ils, que réclament-ils ces magistrats, tant de l’ordre judiciaire qu’administratif, ces greffiers, avocats, surveillants de prison…?

Quoi, pas question de revendications salariales, d’indices, de retraites, d’emplois, ou de je ne sais quoi ! Voilà qui nous laisse pour le moins dubitatifs.

On est échaudé par ces grèves de cheminots qui revendiquent « pour le bien des voyageurs » et qui  souvent s’arrêtent comme par magie, après qu’ils aient obtenu le petit avantage caché derrière les grandes idées.

Ici, rien de tel. Pas de petits avantages. Que des grandes idées.

Pour les magistrats : refus d’aliéner leur indépendance ; pour les avocats : respect des droits de la défense ; pour les personnels pénitentiaires : des prisons décentes, etc.

Finalement, ces hommes et ces femmes manifestent pour la société, pour nous, pour nos acquis, non pas matériels, mais ceux qui nous viennent tout droit des siècles précédents. Je ne sais pas s’ils ont raison, les uns ou les autres. Je crois que oui, mais chacun peut avoir une opinion différente. Ce qui est sûr, c’est que tous – même les avocats, parfois si décriés – ne réclament rien d’autre que de pouvoir faire leur métier normalement, sans tordre le cou à l’idéal qu’ils avaient, plus jeunes, alors qu’ils planchaient sur des livres de droit. Ils se battent pour des idées.

Et ça, c’est fichtrement respectable.

À Paris, ils étaient deux, trois, quatre mille…, pourtant, la garde des Sceaux gardera porte close. C’est son directeur de cabinet qui recevra la délégation.

Liberté. Equité. Justice. Droits de l’homme…

On dirait un vocabulaire d’un autre âge.

Et la police, me direz-vous, n’est-elle pas concernée tant par la réforme pénale que par la diminution de ses moyens et de ses effectifs ? On aurait aimé entendre les policiers réclamer des cellules de garde à vue décentes, moins de caméras dans les rues et plus de présence humaine, des lois plus simples, plus compréhensibles, voire une certaine autonomie lorsqu’ils coiffent la casquette d’officiers de police judiciaire. Oui, mais aucun syndicat de police ne s’est exprimé, si ce n’est pour demander le maintien de la garde à vue en l’état ou annoncer leur participation aux manifestations du 23 mars, prévues pour défendre « l’emploi, le pouvoir d’achat, les services publics (?) et les retraites ».

Je n’ai rien contre. Mais l’un n’empêche pas l’autre, et de temps à autre, dans la Grande-Maison, on pourrait peut-être élever le débat.

Et quel tableau, quel symbole c’aurait ntaipot-de-fer-contre-pot-de-terre_extrait-de-la-fone-aux-fables-tome3_ndebon.1268205404.jpgété de voir des policiers la main dans la main avec des magistrats, des avocats…, dans une sorte de ronde solidaire pour faire valoir un idéal !

On peut rêver. Mais ce rêve me rend triste.

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Procès Viguier : la Cour vous remercie… a été lu 9 846 fois en 4 jours et a suscité 22 commentaires. Quelle affaire bizarre ! On a l’impression que devant cette Cour d’assises,  en appel, l’enquête commence enfin.

Procès Viguier : « La Cour vous remercie…

… provisoirement », a dit le président Jacques Richiardi au témoin qui venait de faire une déclaration fracassante. L’homme a tout simplement affirmé que l’amant de Suzanne Viguier lui avait confié avoir pénétré dans la maison (vide) de sa maîtresse, le dimanche 27 févier 2000, jour de sa disparition. Élément qui n’apparaît pas dans le dossier d’instruction. Après de tels propos, on se pose des questions : Olivier Durandet, l’amoureux, aurait-il pu effacer des traces, ou, pire, arranger une mise en scène susceptible de compromettre Jacques Viguier ? «  Cette version est différente de celle qu’il avait jusqu’à présent servie. Si elle reflète la vérité, elle éclaire le dossier d’une lumière sensationnelle : M. Durandet pénétrant dans la maison déserte aurait [eu] tout loisir d’y déposer les indices compromettants pour le mari… », écrit Stéphane  Durand-Souffland, qui suit le procès pour Le Figaro.

Cette mystérieuse affaire n’a pas fini de nous surprendre, et elle remet en question les méthodes d’investigation de la police et de la justice. Ainsi, lors du premier procès, en 2009, le commissaire Saby a déclaré à la barre des témoins que la garde à vue avait été un « mano a mano » entre lui et Jacques Viguier, et que ce dernier avait bien failli craquer. Mais rien n’apparaît dans la procédure. D’ailleurs, comment rendre compte par écrit d’une conviction, d’une impression, d’un sentiment…

À l’époque, au bout d’une quarantaine d’heures, Viguier avait été laissé libre. Sans doute pour mieux le surveiller. Attendre la faute.

Mercredi dernier, les jurés ont pu prendre connaissance des écoutes téléphoniques installées au début de l’enquête, ce qui est inhabituel dans un procès d’assises. Mais le président Richiardi a probablement pensé que c’était le meilleur moyen pour eux de se faire une opinion. En effet, souvent, la simple lecture d’une conversation ne suffit pas. Il faut entendre les mots, les intonations… Et parfois interpréter les silences.

Si les auditions de Jacques Viguier, lors de sa garde à vue, avaient été filmées, il est vraisemblable que le magistrat aurait fait de même. On aurait alors mieux compris pourquoi le commissaire Saby était convaincu de la culpabilité du suspect.

Car cette enquête semble bien avoir été menée au pif ! Je veux dire au flair, à l’ancienne. Il existe des indices sérieux, notamment ce matelas, que Viguier reconnaît avoir jeté dans une décharge, et qui a mystérieusement brûlé. S’agissait-il de faire disparaître des traces de sang ou d’une réaction primaire, celle d’un homme qui croit que sa femme est partie ?

Et surtout cette question : où est le corps ? Pas facile de dissimuler un cadavre.

Jacques Viguier a été maintenu en détention pendant neuf mois. Il s’est présenté libre devant la Cour d’assises de Toulouse, en 2009. Il a été acquitté. L’avocat général, Marc Gaubert, avait demandé une condamnation à 15 ou 20 ans de réclusion criminelle. Il a donc fait appel.

Ici, on ne peut s’empêcher de s’interroger. Depuis 2000, l’accusé a le droit de faire appel d’une condamnation en Cour d’assises, cela pour satisfaire aux exigences européennes. Depuis 2002, l’avocat général, qui représente la société, a le droit de faire appel d’une décision d’acquittement, cela pour satisfaire au principe d’égalité devant la loi. Mais y a-t-il vraiment égalité ? La décision du procureur est-elle toujours motivée par un souci d’équité ? Aucune vanité ? Et la victime ? La victime (ou ses proches), n’est que partie civile et ne peut donc interjeter appel de la condamnation pénale, cela, nous dit-on, pour éviter que la justice ne laisse la place à la vengeance. Pourtant, Me Szpiner, avocat de la mère de la victime, lors du procès du gang des barbares, s’était vanté de pouvoir obtenir un appel du garde des Sceaux, quel que soit le verdict. Ce qui a d’ailleurs été le cas – contre l’avis de l’avocat général Philippe Bilger.

Aujourd’hui, il n’y a pas plus de preuves contre Viguier que l’année dernière, mais il y a un Président qui semble vouloir justicable_ledroitpourlajustice.jpgresponsabiliser les jurés, et non pas les considérer comme de simples figurants. En filigrane, il leur dit, je vous demande votre intime conviction non pas sur les impressions des uns ou des autres, mais sur des faits.

Une Cour d’assises qui se prononce uniquement sur des preuves et non pas sur de simples hypothèses, c’est du solide. Ce n’est pas toujours le cas. Rappelons-nous l’affaire Maurice Agnelet. Cet homme, après avoir été acquitté en première instance, a été condamné en appel à vingt de réclusion – sans aucun élément nouveau, sans preuve matérielle, et sans cadavre.

Pourtant, avec la réforme claironnée de la procédure pénale, il semble que dans un futur proche le président de la Cour d’assises ne pourra plus refaire l’instruction lors des débats, comme c’est le cas aujourd’hui. Il deviendrait une sorte d’arbitre entre l’accusation et la défense.

À moins que ce procès ne démontre que ce n’est pas une bonne idée…

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Changement de registre sur la garde à vue a été lu 10 935 fois en 3 jours et a suscité 76 commentaires. A noté qu’il ne s’agissait pas de faire un parallèle entre la police d’hier et celle d’aujourd’hui. Le sujet était la garde à vue. Certains policiers considèrent qu’il s’agit d’un « pouvoir » qu’on voudrait aujourd’hui leur retirer. Un peu comme si on voulait les désarmer. Or, il s’agit uniquement d’un moyen d’enquête, et non d’une finalité. (Le dessin utilisé dans ce billet provient du magazine internet rennais alter1fo.)
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