C’est tout juste si elle ne les traite pas de fainéants. Ce n’est pas la première fois que la secrétaire générale du SCPN (Syndicat des commissaires de la police nationale), Sylvie Feucher, s’en prend aux magistrats. C’est même l’un de ses dadas. Mais cette fois, dans une lettre adressée à son ministre, Brice Hortefeux, elle avance des arguments…
Le samedi 24 avril, un automobiliste tente vainement de se soustraire à un banal contrôle routier. Son comportement lui vaut le grand jeu. Les policiers s’aperçoivent rapidement qu’il se dissimule derrière une fausse identité pour mieux échapper à deux fiches de recherche. L’une pour une peine de douze ans de réclusion criminelle, et une autre, d’un juge d’instruction, dans une affaire de trafic de stupéfiants.
Ce qu’on appelle un beau mec !
L’OPJ tente de joindre l’un ou l’autre des magistrats indiqués sur les fiches de recherche. « Aucun des magistrats mandants, tant à la Cour d’appel de Versailles qu’à l’Instruction à Paris, n’était disponible ou ne souhaitait se déplacer pendant le week-end… », écrit Sylvie Feucher. Le substitut de procureur de Chartres décide donc d’une mesure de garde à vue.
L’homme, comme c’est son droit, sollicite alors un examen médical. Or, dans cette ville, comme dans d’autres sans doute, en raison des difficultés qu’ils ont à se faire régler leurs honoraires par la justice, aucun des médecins libéraux n’accepte de se déplacer. Il est donc conduit à l’hôpital, où il est bien difficile aux policiers d’empêcher des échanges verbaux avec ses amis qui, comme par hasard, se trouvent sur place.
A l’approche de la fin du délai de garde à vue, il faut prendre une décision. La procédure habituelle est ici inapplicable. Aussi, pour éviter tout risque d’évasion, le substitut de Chartres est d’accord pour venir sur place, mais la présence du Juge des libertés et de la détention est également nécessaire. Celui-ci refuse.
En fait, cela n’a guère d’importance, car à six heures, le dimanche matin, deux événements vont changer le cours des choses : un incendie dans un garage BMW et, peu après, une personne se présente pour déposer une plainte.
Or, pour une ville de 50 000 habitants, les effectifs du commissariat en ce dimanche 25 avril sont de sept fonctionnaires. Deux sont en patrouille de sécurisation, trois se rendent sur l’incendie, reste deux au commissariat, le chef de poste et le gardien, pour l’heure occupé à enregistrer les déclarations de l’opportun plaignant.
Aucun des deux ne se rend compte que des individus profitent de ce vide. Ils grimpent sur le toit de l’immeuble et parviennent à se faufiler jusqu’aux cellules de garde à vue. Là, sans fanfare, ils libèrent leur complice (la clé est sur la serrure) et prennent la fuite par le même chemin.
Rien vu rien entendu. Il existe bien un système vidéo, mais les vitres en plastique des cellules sont, avec le temps, devenues quasi opaques. Impossible de voir à travers.
Il subsiste quelques zones d’ombre dans cette histoire rocambolesque telle que la rapporte la représentante du SCPN. On peut se demander pourquoi la PJ n’a pas été prévenue. N’existe-t-il pas un office chargé des personnes recherchées dont l’une des missions est d’apporter une assistance aux services de police et de gendarmerie ? Et comment peut-on tolérer que les médecins refusent de se déplacer, alors qu’ils ne peuvent légalement se dérober à une réquisition de justice ? Enfin, n’y a-t-il pas un certain embrouillamini dans les textes qui régissent les mandats de justice ?
Il en existe en effet de plusieurs sortes. Dans son courrier au vitriol, la commissaire Feucher parle de « fiches de recherche ». Or, la procédure varie selon le type de mandat:
– Mandat de recherche : garde à vue de 24 heures
– Mandat d’amener ou mandat d’arrêt : rétention de 24 heures.
Et, sans entrer dans les détails, il faut savoir que la marche à suivre varie selon que l’on se trouve ou non dans un rayon de 200 km autour du siège du magistrat mandant.
Mais, pour s’adapter aux circonstances, les policiers ne pouvaient-ils pas dresser une procédure de flagrant délit pour usage de faux papiers, délit de fuite, ou je ne sais quoi ?
Extrait de la lettre du 4 mai 2010 du SCPN adressée au ministre de l’Intérieur
Il me semble que la charge contre les magistrats « qui se la coulent douce la nuit et les week-ends » est un peu exagérée. Car cette situation pointe un problème bien plus réel : la pauvreté des locaux et le manque d’effectifs, de plus en plus sensible, notamment en province, qu’il s’agisse des commissariats ou des gendarmeries.
Et la coupe sombre dans les dépenses de l’État ne permet guère d’envisager la moindre amélioration, d’autant qu’à l’Intérieur, dit-on, les caisses sont vides depuis longtemps.
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Hier, 6 mai, le SCPN a obtenu 66.2 % des voix à l’élection des représentants du personnel, et 3 des 4 sièges à la Commission administrative paritaire nationale. Le deuxième syndicat, le tout récent SICP (syndicat indépendant des commissaires de police), membre de la fédération CFDT, a donc perdu un siège.
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Un truand décoré par Sarkozy !? a été lu 41 161 fois et a suscité 54 commentaires. Quant à savoir s’il y avait réellement une cave au Bar des 3 Canards…, c’est ce que racontaient les anciens. Mais les choses sérieuses se passaient peut-être dans l’arrière-salle…