LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Le clown devant les juges

Le 31 octobre, la justice doit trancher dans une affaire délicate, mais cette fois pas de morts, pas de violences : c’est du cinéma… En effet, il appartient aux magistrats de la 3e chambre du TGI de Paris de nous dire si demain nous pourrons revoir Yoyo, Le Soupirant…, ces films des années 60 signés Pierre Étaix.

affiche-le-soupirant-1962.jpgQui est Pierre Étaix ? se demandent peut-être les plus jeunes. C’est le clown blanc de L’école du cirque, qu’il créa avec son épouse, Annie Fratellini. Mais c’est aussi un cinéaste, un scénariste, un dessinateur, un magicien… en un mot, un artiste. Un vrai.

Tellement artiste qu’à la différence de tant d’autres qui se contentent de faire du business, lui, il a conservé sa pureté, on pourrait dire sa naïveté. Et un beau jour, il a signé un bout de papier qui lui a fait perdre tous ses droits sur ses films.

Ses films, ce sont des chefs-d’œuvre du cinéma français… Cinq longs-métrages en tout, dont quatre écrits en collaboration avec son complice, Jean-Claude Carrière.

Comment ces deux hommes ont-ils pu commettre pareille boulette ? De la façon la plus simple. La pellicule a souffert des ans, et, pour assurer de nouvelles diffusions, une restauration s’avère indispensable. Mais pour cela, il faut de l’argent. Les artistes sont rarement fortunés. Alors, ils font confiance à un « chevalier blanc ». Mais à l’usage, celui-ci n’est pas aussi blanc qu’il n’y paraît, et malgré les promesses, l’argent n’arrive pas. Et le temps passe. Un an, deux, trois… Alors Étaix et Carrière trouvent un mécène, la fondation Groupama Gan pour le cinéma.

Ouais mais voilà ! Ils n’avaient pas lu les petites lignes du contrat, les annie-fratellini-et-pierre-etaix-_cl-prest-explorer.jpgdeux artistes. Et illico, ce fameux chevalier blanc les traîne devant les juges, ils sont condamnés.

Trop tard pour Yoyo. Le film a eu le temps d’être restauré et il est projeté en ouverture du festival de Cannes, en 2007, et à la cinémathèque de Paris. Un triomphe !

L’affaire ne s’arrête pas là. C’est très compliqué, nous explique Laurent Delpit sur son blog (que je vous invite à consulter en cliquant ici) : La société Gavroche productions (le faux chevalier blanc) qui s’estime être seule propriétaire des droits sur lesdits films, poursuit Pierre Étaix, Jean-Claude Carrière et la fondation Groupama Gan. Elle affirme en effet que le fait d’avoir restauré et présenté Yoyo à Cannes et à Paris, nuit à la redistribution du film, ainsi qu’aux quatre autres : Le Soupirant, Tant qu’on a la santé, Le Grand Amour et Pays de Cocagne. Elle demande 1.400.000 euros de dommages et intérêts. Raison pour laquelle, vendredi prochain, nos deux scénaristes vont se retrouver devant les juges, où ils seront d’ailleurs assistés par la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques).

logo-films-etaix.jpgOn n’a pas entendu beaucoup d’artistes français soutenir Pierre Étaix, mais Jerry Lewis, malgré sa maladie, lui a manifesté son appui et son amitié. Il a eu cette jolie formule : « Deux fois dans ma vie, j’ai compris ce qu’était le génie : La première fois en regardant la définition dans le dictionnaire et la seconde fois en rencontrant Pierre Étaix. »

Mais tous deux sont des clowns, comment les prendre au sérieux ?

En tout cas, de ce combat juridique va déboucher une décision qui nous concerne : A-t-on une chance de revoir, sur le grand ou le petit écran, ces petits bijoux du cinéma français ?

Espérons que les magistrats sont cinéphiles…

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Une pétition circule sur Internet (cliquez ici). On dit qu’elle a réuni déjà plus de 20.000 signatures.

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P.S. Conformément à la déontologie de ce blog (voir dans « A propos »), j’ai supprimé le message que m’avait adressé Laurent Delpit.

Siné-ma

On murmure que Siné aurait reçu des menaces de mort. Je ne veux pas le croire… Mais lorsqu’on voit le tollé qui a suivi deux phrases insignifiantes écrites dans Charlie Hebdo, il faut s’attendre à tout.

Siné est un personnage hors du commun. Il a la stature d’un Gabin et la gouaille d’un Audiard. Je l’ai rencontré il y a une vingtaine d’années alors qu’il travaillait, avec sa femme, Catherine, pour l’émission de Michel Polac, Droit de réponse. Sans doute la seule émission dejean-sarokozy-et-jessica-darty_nouvelobs.1217838177.jpg télévision polémique qui ait jamais été diffusée en direct intégral – et surtout la seule émission où les participants se retrouvaient aux alentours de minuit autour d’une bonne bouffe, à la brasserie Bofinger, à la Bastille.

Le bonhomme ne laissait pas indifférent. Un soir qu’il m’avait invité dans son pavillon du 9-3, il avait eu cette réflexion : « C’est la première fois que j’invite un flic chez moi ! » Et ses invités, pour la plupart de bons nanars, avaient été contraints de me serrer la louche. De les voir ainsi déconfits, je crois bien qu’il jubilait – moi-t-aussi.

Une autre fois, sans doute agacé de me voir tournicoter autour de sa femme, sur un coin de nappe il avait dessiné un petit crobar (que je ne montrerai pas ici), me représentant avec à la main un bouquet de fleurs cachant (mais si peu) une partie intime de ma personne.

Mais qu’a donc dit le vieil homme pour que des Badinter, des BHL, etc., le descendent en flamme ? Il a dit que Jean Sarkozy voulait se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée juive, et héritière des fondateurs Darty. Et c’est tout ! Je trouve que c’est une belle preuve d’amour de la part de ce jeune homme ! Moi qui ai épousé, il y a bien longtemps, une belle jeune femme juive, héritière (?) des Galeries Barbès, je n’ai pas franchi le pas. Aurais-je été moins amoureux ?

Le Monde 2 du weekend dernier, a publié un article sur la « débaptisation ». Et de citer, Alice, 56 ans, retraitée, qui a demandé que son nom soit rayé du registre des baptêmes : « Me voilà ravie de m’être retirée totalement de cette secte », dit-elle au journaliste, Fabien Mollon, qui rapporte les propos sans sourciller. Vous avez bien lu – de cette secte.

Wikipédia donne la définition suivante d’une secte : « […] Terme polémique qui désigne un groupe ou une organisation le plus souvent à connotation religieuse dont les croyances ou le comportement sont jugés obscurs ou malveillants. »

Or, parmi les 173 sectes que le gouvernement avait répertorié en 1995, je n’ai pas souvenir d’y avoir vu l’église catholique.

Le Monde 2 a recensé 241 demandes de renonciation au baptême en 2007. Cela valait-il un article de 3 pages ? Cet hebdomadaire a-t-il déjà parlé des juifs libéraux qui s’affranchissent des archaïsmes de cette religion, et notamment du sexisme au détriment des femmes ?

sine.jpgNicole, une amie (à moitié juive), m’a écrit : « Quant à tous ces parangons de vertu qui hurlent à l’antisémitisme, ils me donnent la nausée. Perso, je trouve cet épouvantail du juif martyrisé insupportable… »

Tu sais quoi, Siné ? Je crois que tel Don Quichotte tu es parti en guerre contre des moulins à vent.

Et je crois que tu as raison. Mais si tu avais tort, je te donnerais quand même raison, car tu es autrement plus sympa que tous ces tartuffes qui te cherchent des poux dans les cheveux blancs.

Et sine die, Siné, je te le dis : continue !

 

Cliquer ici pour le blog de Siné.

Une histoire de patates

Je ne résiste pas au plaisir de raconter cette jolie fable qui circule sur le net et qu’un ami m’a rapportée.

Un vieil arabe vit depuis 40 ans aux Etats-Unis. Il possède un petit jardinle-laboureur_momesnet.1209539925.jpg dans lequel il voudrait bien planter des pommes de terre, mais il ne se sent pas assez costaud pour retourner la terre.

Il envoie un mail à son fils, étudiant à Paris :
Cher Ahmed,
Je suis triste car j’aimerais planter des pommes de terre dans mon jardin, mais je n’ai pas la force. Si tu étais ici, tu pourrais m’aider à bêcher…
Ton père qui t’aime, Jamil.

Le lendemain, le vieil homme reçoit un mail de son fils :
Cher père,
Surtout, ne touche pas au jardin ! J’y ai caché ce que tu sais.
Moi aussi, je t’aime.
Ton fils, Ahmed.

Au petit matin, le FBI, la CIA, les marines, etc., débarquent chez le vieil homme. Pendant des heures, ils fouillent le jardin millimètre par millimètre, avant de se résigner : il n’y a rien. Ils repartent bredouilles.

Quelques heures plus tard, Ahmed expédie un nouveau mail à son père:
Cher père,
Je suis certain que la terre de ton jardin est désormais retournée et que tu peux y planter des pommes de terre…
Ton fils qui t’aime, Ahmed.

La IV° cohabitation

En instituant l’élection du président de la République au suffrage universel, la révision constitutionnelle de 1962 a profondément transformé les fondements de notre pays.

louisxiv_bibliothequeetarchivescanada_lignesdutemps.1205748247.jpgPersonne n’a envisagé à l’époque les difficultés qui pourraient survenir du fait de la différence de la durée du mandat entre le président (7ans) et les députés (5ans).

Car il allait de soi qu’un président ne pourrait rester en place avec une chambre des députés d’une majorité opposée à la sienne !

C’était sans compter sur la fascination du pouvoir. François Mitterrand montre le chemin en 1986, et supporte gaillardement la cohabitation de Jacques Chirac (qu’à l’évidence il ne peut sentir). En 1993, de façon plus policée, il fera de même avec Édouard Balladur.

Et, en 2002, Chirac va tranquillement assurer sa fonction de soi-disant chef de l’État, alors que le pays est dirigé par Lionel Jospin.

Mais notre élite renâcle. Aussi, pour contrer ces « mauvais Français » qui ne savent pas ce qu’ils veulent, Jacques Chirac et Lionel Jospin s’entendent (pour une fois) et décident une nouvelle modification de la constitution afin de ramener la durée du mandat présidentiel à 5 ans.

Cette mesure est supposée éviter toute nouvelle cohabitation – sauf en cas de décès ou de démission du président ou de dissolution de l’assemblée nationale.assemblee-legislative-du-bas-canada_archivesnationalesquebec-lignesdutemps.1205748508.jpg

Au premier coup d’œil, on pourrait penser que les électeurs sont d’accord. En effet, au référendum de l’an 2000, 73 % répondent par l’affirmative. Au deuxième coup d’œil, on voit que le taux d’abstention a dépassé 70 % et que sur les 30 % de votants, 16 % ont voté nuls ou blancs.

singe_terresacreeorg.1205749550.jpgDe fait, la cassure est consommée entre la classe politique et les citoyens. Mais pourquoi notre cœur penche-t-il vers la cohabitation ? Peut-être, tout simplement, parce que nous ne sommes pas favorables à un régime qui donne des pouvoirs exorbitants à un seul homme… Les stigmates de la révolution de 1789 !

En tout cas, les électeurs ont trouvé un nouveau moyen de se faire entendre. À ces élections de mars 2008, de fait, ils viennent de mettre en place la IV° cohabitation.

Dorénavant, la droite dirige la France et la gauche dirige les Français.

Perben III

Dominique Perben, l’homme qui se vantait de n’avoir jamais perdu une seule élection, vient de se prendre une veste aux dernières municipales. Les lyonnais lui ont carrément claqué la porte au nez.

Cet homme aurait-il démérité ?

Perben a été Garde des sceaux de mai 2002 à juin 2005. Son passage à la chancellerie a certes laissé des traces (certains disent des séquelles) puisqu’il est notamment à l’origine de deux lois sécuritaires qui portent son nom.

– La loi Perben I (ou loi d’orientation et de programmation pour la justice), voté au mois d’août 2002. Il s’agit essentiellement de mesures destinées à renforcer la responsabilité pénale des mineurs.

– La loi Perben Inon-a-la104.jpgI (ou loi sur la sécurité intérieure), votée en mars 2004. Ce texte renforce considérablement le pouvoir de la police et des magistrats, au grand dam des avocats qui y voient la violation des droits de la défense.

Ensuite, en tant que ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, Perben a pris une décision qui elle laissera des cicatrices indélébiles : le tracé concernant le bouclage de l’autoroute La Francilienne. Parmi les cinq possibilités, et contre toute attente, il a en effet validé le trajet vert, celui auquel personne ne croyait tant il paraissait absurde. Donc l’A104, puisque c’est son nom, va chevaucher la RN 184. Elle va traverser plusieurs villes, dont Eragny, Conflans-Sainte-Honorine, Achères et Poissy. Elle doit rejoindre l’autoroute A 13 à Orgeval, avec la création du plus grand échangeur autoroutier d’Europe. Rien n’étant prévu pour améliorer la circulation sur cette autoroute déjà surchargée, Dominique Perben a réglé le problème : « Yaka supprimer la voie d’urgence… »

conflans_picasawebgooglecom.1205252733.jpgConflans-Sainte-Honorine est particulièrement touchée par ce projet, puisque la ville va être coupée en deux. Il est amusant de constater que cette décision a été prise au moment même où Nicolas Sarkozy promettait de recouvrir entièrement l’avenue Charles-de-Gaulle, à Neuilly, pour éviter les nuisances…

Il est vrai que si les Conflanais votaient mieux, on n’en serait pas là. Rappelons que cette ville de plus de 30.000 habitants est socialiste depuis plus de 30 ans. Elle a bercé la carrière de Michel Rocard et de Jean-Paul Huchon, l’actuel président de la région Île-de-France. Pire, l’actuel maire, le socialiste Philippe Esnol, vient d’être réélu au premier tour avec 61.5 % des voix.

Dans sa profession de foi, à Lyon, Perben promettait (je cite) de s’occuper de l’enfance, des personnes âgées, de la circulation, de la pollution et de l’économie.

L’enfance : la nouvelle autoroute va pratiquement passer au milieu de la cour d’une école et à proximité immédiate de plusieurs autres et même de crèches.

Les personnes âgées : Plusieurs maisons de retraite sont touchées et le quartier « Fin-d’Oise » de Conflans, où vivent de nombreux retraités, va être durement mutilé. On peut prévoir de nombreuses expulsions, notamment de personnes âgées.

La circulation : Cette nouvelle autoroute doit rejoindre l’A13 à Orgeval. Or, celle-ci est déjà saturée. De plus, les travaux qui doivent durer au moins cinq ans vont créer des bouchons considérables – avec les conséquences que l’on imagine.

La pollution : Aux vents dominants, les villes de Conflans-Sainte-Honorine, d’Herblay, de Poissy… vont connaître un taux de pollution qu’on estime bien supérieur à la limite tolérable.

L’économie : Ce projet va coûter plus de 2 milliards d’euros. Or, la région Ile-de-France refuse de débourser le moindre centime. Question : qui va payer ?

Aux reproches concernant le choix de ce tracé pour l’A104, Perben aseine-depuis-lile-de-migneaux-a-poissy_copra.1205252904.jpg répondu : « Moi, au moins, j’ai le courage de le faire…. » Il est vrai que ce projet était dans les cartons depuis plus de 30 ans.

Si un jour les lois Perben ne plaisent plus, on pourra toujours les annuler, selon le vieux principe : « Ce qu’une loi fait, une loi peut le défaire ». Mais lorsque les bulldozers auront massacré le cœur de Conflans-Sainte-Honorine ou défiguré les rives de la Seine, à Poissy, aucune loi ne pourra remettre les choses en état.

On pourra toujours baptiser cette autoroute la… Perben III.

La manif

La manif est finie. Les syndicalistes grimpent dans les cars – loués par les syndicats. Les CRS grimpent dans les cars – payés par les contribuables. Les gens de la voirie, qui rongeaient leurs freins à l’arrière, démarrent leurs engins. Les gyrophares jaunes se marient aux gyrophares bleus, et, convenons que dans la journée finissante, le spectacle n’est pas sans charme.

C’est Paris, ce 20 novembre 2007, du côté des Invalides.

embouteillage_velocoquefree.jpegLa circulation est rétablie, et, en quelques minutes, c’est l’embouteillage. Le vrai. Celui dont on ne sort jamais indemne. Celui où l’on se fait prendre, nous qui ne sommes ni manifestants, ni CRS, ni balayeurs. Celui où l’on se traite de tous les noms, pour ne pas avoir pensé à éviter ce quartier parisien.

Alors, deux CRS descendent d’un car. D’un coup, on est ravis de les voir. Au moins, ils vont régler le problème, et désengorger la place. Ils s’activent, les bougres, mais ce n’est pas évident. Alors, de l’un des cars de manifestants, descendent trois cégétistes. On les reconnaît : Ils portent le macaron collé sur leur parka. Ils s’approchent des CRS. C’est pas vrai ! On n’aurait pas à faire à quelques excités qui veulent à tout prix casser du flic !

Mais non ! Ils discutent. Ils rigolent. Nous, on respire. Et, réconciliés devant l’adversité, les cinq gaillards se mettent à faire la circulation.

Au bout d’un quart d’heure, il y a un début de résultat. Avec bien du mal, certains véhicules, ceux qui gênaient le plus, parviennent à s’échapper de l’enfer. Et, miracle ! les autres bougent d’une dizaine de mètres.

On n’a pas progressé beaucoup, mais on se réjouit. Quel beau tableau de voir ces hommes, adversaires une heure plus tôt, unir leurs efforts pour alléger notre angoisse. D’un seul coup, flics,le-cocu-imaginaire_echolalieorg.1195639592.jpeg manifestants, ils nous deviennent tous sympathiques. On est fiers d’être français.

Ça y est, le carrefour se dégage. Les CRS remontent dans leur car, les cégétistes remontent dans leur car, et… les deux convois s’éloignent.

Plus aucune trace de la manif, ce 20 novembre 2007, place des Invalides, à Paris.

Instantanément, le piège s’est refermé derrière eux. Et nous on reste là, coincés dans nos bagnoles. Cocus, comme toujours.

 

Samu : do not disturb

Une femme enceinte perd son bébé dans les toilettes, sur son lieu de travail. C’était hier, dans les locaux d’un journal, à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine.

Elle surgit du cagibi en hurlant, les cuisses barbouillées de sang. Et elle s’effondre au milieu de ses collègues. Au début, ceux-ci ne comprennent pas. Personne n’était au courant de sa grossesse. regulateur-samu_site_pierreconinx.1192006290.jpgMais, vu son état, ils appellent le samu. Tandis qu’ils parlementent avec le « régulateur », une amie de la pauvre femme, incrédule, plonge la main dans la cuvette des WC, et, horrifiée, en retire une petite chose sanguinolente : un bébé parfaitement formé.

La mère est allongée sur le sol. Elle est en état de choc. Elle baigne dans son sang. Et le médecin-régulateur continue de tergiverser. Puis, finalement, il décrète que cela ne vaut pas la peine d’envoyer une ambulance. « Vous l’accompagnez aux urgences », dit-il.

Quelqu’un décide alors de tenter sa chance auprès des pompiers. Ceux-ci déclarent qu’il faut appeler le samu. C’est déjà fait. Mais, si on comprend bien leurs explications, ilssamu92_site_pierre_coninx.jpg ne sont pas compétents pour intervenir. Toutefois, au téléphone, le pompier se montre compatissant. « Je vais joindre le samu », dit-il. Sans doute pour faire fléchir le médecin-régulateur. Ce qui n’est pas forcément de bonne augure, quand on sait la guéguerre que se livrent ces deux services d’urgence.

Le temps passe, et la situation n’évolue pas. On a, au milieu d’une petite pièce encombrée de bureaux de téléphones et d’ordinateurs, une dame qui perd son sang et une autre qui tient entre les mains le cadavre d’un bébé. Une scène hallucinante. Certaines femmes commencent d’ailleurs à craquer.

On rappelle le samu. « Comment vous n’êtes pas encore partis », s’énerve le bon docteur.

embryon_photo_picot.1192006414.jpeg

L’histoire s’arrête là. En France, en région parisienne, un jour d’octobre 2007, deux femmes, soutenant par un bras l’une de leur collègue, se dirigent à pas prudents vers l’hôpital le plus proche. De-ci de-là, des traces de sang dans l’escalier. En route la mère perd le placenta. Enfin, les trois femmes arrivent aux urgences. L’une d’elles tient à la main un sac en plastique, comme on en trouve pour dix centimes d’euro dans les supermarchés…

Un bien triste linceul pour un bébé.

 

 

Le déclin de la presse

Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale l’exercice de ce métier d’une façon régulière et rétribuée. Le statut est encadré par la loi (art. L761-2 du code du travail). Mais les journalistes font-ils bien leur travail ?

carte_presse.1176467066.gifIls ne disposent pour cela d’aucun pouvoir particulier, et les juges, ces dernières années, ne leur ont pas facilité les choses. En effet, le juge pénal n’hésite pas à poursuivre pour recel de documents volés, le journaliste qui s’est procuré ledit document pour bétonner son article. Mais ce document sera exigé par le juge civil en cas de poursuites en diffamation. Toutefois, ils ont quelques avantages. Ce sont (je crois) les seuls salariés du secteur privé à détenir une carte professionnelle barrée de bleu blanc rouge, et les seuls également à être autorisés à déclarer au fisc des revenus inférieurs à leurs revenus réels. Ils sont chouchoutés par les uns et redoutés par les autres. Ce sont souvent les mêmes.

Leur devoir est de nous informer – objectivement. Peut-on leur faire confiance ? Voici quelques exemples d’une information non objective – de ma part, s’entend :

Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point, et le journaliste Jean-François Jacquier, ont écrit et publié un article de complaisance sur le milliardaire libanais recherché par la justice française (Le Monde du 31 mars et du 11 avril 2007). Un certain Iskandar Safa. Leur intermédiaire était Marc Francelet. Francelet, que je connais bien, est un homme charismatique qui, pour faire simple, vit de la bêtise des autres. Ce qui le rend plutôt sympathique. En l’occurrence, « les autres » sont les deux journalistes susnommés. Ils affirment ne pas avoir touché d’argent. Ils ont tort de s’en défendre, car la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) nous dit que si le métier de journaliste est incompatible avec celui d’agent de publicité, « cela ne signifie pas que les journalistes ne puissent occasionnellement percevoir des commissions d’ordre publicitaire ». On peut en discuter, mais, s’il y a débat sur ce sujet, cela ne concerne pas Marc Francelet, puisque lui ne possède pas de carte de presse. C’est pourtant lui qui est allé en prison.

À Nice (Libération du 12 avril 2007), grâce à la vigilance du procureur-zorro Éric de Mongolfier, le rédacteur en chef de Nice-Matin, Dominique Dabin, se voit obligé de reconnaître qu’il a bidonné une photo pour illustrer un article tout aussi bidon sur la vente clandestine d’armes de toute nature. Pour sa défense, il déclare : « […] comme ce n’était pas facile à illustrer, il a bien fallu monter une photo… » Cet homme est coupable, monsieur le juge, pourrait dire le policier, mais comme ce n’était pas facile à démontrer, j’ai préféré fabriquer des pièces à conviction…

Le Monde.fr a repris, il y a quelques jours, l’information du Canard Enchaîné sur un accord occulte, une sorte de Yalta, entre Chirac et Sarkozy, pour que ce premier échappe à la justice. Même sans être du sérail, on comprend bien qu’il s’agit typiquement d’une allégation invérifiable. Car en supposant que les deux ennemis de douze ans aient passé ce genre d’accord, on n’imagine pas qu’ils l’aient fait devant témoins. A moins que par souci de réciprocité, Le Canard n’ait installé des micros à l’Elysée… Et Le Monde.fr a appelé ses lecteurs à réagir. Et chacun de verser sa bile, d’apporter sa dose de venin. Je dois dire que d’une manière générale, les commentaires sur les blogs et sur l’Internet ont de quoi faire frémir. Derrière les mots, on sent la passion, la haine, la bassesse, et parfois la vulgarité. Les élections présidentielles ressemblent de plus ennon-a-l-a104.1176467952.jpg plus à une finale de football. Mais cette fois, les hooligans ne sont pas dans la rue. Du moins pas encore.

Et pendant que Nicolas Hulot cahin-caha retourne au charbon (visiblement, il n’y croit plus), pas un média ne parle du scandale de l’autoroute A104. Personne ne cloue au pilori le proche de Sarkozy, le sieur Dominique Perben, qui a décidé, derrière la porte feutrée de son cabinet ministériel, de faire passer une autoroute à travers trois agglomérations, comptant plusieurs centaines de milliers d’habitants. Pour la première fois en France, trois villes vont être coupées en deux par le passage d’une autoroute à six ou huit voies. Bon, ce n’est pas grave, ce sont des villes qui votent à gauche. Les médias s’en fichent, ce n’est pas vendeur. Ah, parlez-nous du look de Ségolène, du petit verre de rouge que Nicolas a fait semblant de boire ou des turpitudes verbales de François. Les journaux de «pensées» ressemblent de plus en plus à des peoples, pour ceux qui les lisent, et à du bizness pour ceux qui les font. Et nous on marche ! Après les présidentielles, nous aurons les législatives, puis la mise en place du gouvernement. Pour cet été, ce sera la sécheresse, puis la canicule. A la rentrée, avec les premières grèves des enseignants et de la SNCF, surviendront les inondations, etc.

moutonolivier_celineextenso_over-blog.jpegTrop de lumière aveugle. Je crois que dans ce monde où communication et information sont paroxystiques, notre vision des hommes, des choses, des événements, s’est embrumée. Alors, par paresse intellectuelle, on se complaît à écouter ou à lire tel éditorialiste ou tel chroniqueur, dont le principal mérite est de penser pour nous.

Et vainement on cherche les moutons noirs dans le troupeau.

Lettre à Jack Lang

On tourne autour du pot, mais on va finir par nous le dire : cette guerre d’Algérie, c’est la honte de la France ! Pourtant, certains l’ont désirée, et d’autres l’ont faite. Que les premiers le regrettent, moi, je suis d’accord – mais n’ajoutons pas l’opprobre aux souvenirs de ceux qui l’ont faite. Aussi, quand Jack Lang propose que la France se désavoue, j’ai envie de lui répondre…

Monsieur Lang, nous avons à peu près le même âge. Je ne sais pas ce que vous faisiez à 19 ans, mais en tout cas, nous n’étions pas dans la même brigade. Peut-être prépariez-vous sciences po… Moi, je préparais ma valise. Et, comme beaucoup d’autres, c’était la première fois que j’allais prendre le bateau. On n’avait pas vingt ans et l’on ne demandait rien. Aucun des anciens d’Algérie ne se prend pour un héros, et l’on ne demande toujours rien. Aucun de nous n’est invité à la cérémonie de l’Arc de triomphe. Aucun n’est décoré, si ce n’est de la commémorative ou de la valeur militaire, et si nous avons une carte de combattant, elle ne nous donne droit à aucun avantage, quelques centaines d’euros par an pour certains, pas de réduction dans les trains, pas de faveurs… Personne ne sait où se trouve le mémorial de la guerre d’Algérie, et l’on s’en fiche! Mais par pitié, monsieur Lang, ne nous gâchez pas les souvenirs de notre jeunesse – même si dans nos rêves…, elle était bien différente.

À vingt ans, j’ai vu de jeunes français, à peine sortis de l’adolescence, aimer éperdument des chèvres, j’en ai vu d’autres, comme moi, faire la queue à la porte d’un BMC (bordel militaire contrôlé), une serviette à la main, et la honte au visage. « Allez !… Au suivant ! » comme plus tard a chanté Jacques Brel. J’ai subi, comme les autres, la culotte sur les genoux, la revue de « bites », de l’aspirant toubib. J’ai vu des amis se suicider, d’autres mourir bêtement d’une rafale de PM, tirée accidentellement par le meilleur ami, avec cette arme, bien de chez nous, la MAT 49, qui a probablement tué plus de français que d’ennemis. J’ai vu un fellagha ligoté devant la bouche d’un mortier, et je me suis enfui, pour ne pas voir la suite. J’ai vu des femmes violées, des hommes torturés. Mais j’ai vu, aussi, de jeunes enseignants apprendre le français à des petits maghrébins illettrés ; j’ai vu des soldats, détourner les yeux pour éviter la tanière, creusée près d’un village, et ne pas y jeter de grenade. J’ai vu des soldats ne pas tirer sur des felouzes en fuite. J’ai vu des felouzes ne pas tirer sur des soldats. J’ai vu des hommes s’aimer. J’ai vu la haine, dans le regard d’un paysan. Et pourtant, comme les autres, j’ai déroulé le chargeur de la mitrailleuse, juste pour le spectacle des balles traçantes dans la nuit, insouciant des champs d’eucalyptus qui allaient s’enflammer. J’ai fait l’ouverture de piste, ce jeu idiot qui consiste, aux lueurs de l’aube, à rouler plein pot avec un camion GMC, pour détecter les mines placées par « l’ennemi ». J’ai vu des corps mutilés, agrafés aux fils de fer barbelés. Je me suis battu pour récupérer les jumelles, que nous tenions d’une main, pour apercevoir, au loin, un petit coin de peau d’une demoiselle algérienne. J’ai ramassé d’un geste rageur notre trophée de guerre, un vieux fusil de chasse, et j’ai sifflé le chien sans nom, venu de nulle part, pour aller tirer un lapin et ne plus manger ces boîtes infectes de corned-beef. J’ai vu des marins bretons se shooter au « guineru ». J’en ai vu d’autres tremper dans le vinaigre un bifteck plein d’asticots, avant de l’avaler. J’ai vu un sous-off alcoolique, en pleine crise de delirium, vider son chargeur contre des rats bleus, J’ai vu les pieds-noirs nous regarder de haut. J’ai vu des copains en perm, ne pas rejoindre les rangs. J’ai vu des objecteurs de conscience, montrés du doigt, comme des collabos. Mais j’ai vu des soldats (si peu soldats, d’ailleurs) se rebeller contre un officier trop fanfaron et avide de galons. Comme les autres, j’ai compté les jours, comme les autres, durant mes nuits de quart, j’ai fixé les étoiles à me demander ce que je fichais là. Comme les autres, un beau jour, j’ai reçu une lettre de ma fiancée, qui s’était lassée d’attendre. J’ai vu, plus tard, ces mêmes pieds-noirs, nous faire des risettes, après le putsch d’Alger. J’ai vu des officiers supérieurs, nous demander de nous rallier à Salan, à Massu, ou je ne sais plus qui. Et nous, tout ce qu’on voulait, c’était rentrer chez nous. Et puis un jour, on est parti. Je crois que seules les chèvres ont pleuré.

Alors, monsieur Lang, laissez-nous avec nos souvenirs. Ils sont ce qu’ils sont. Vous êtes trop propre sur vous, pour parler d’une guerre sale. Vous êtes une voix importante, dans notre pays, ne vous gaspillez pas. Parfois, même un éléphant doit apprendre à marcher sur des œufs… Monsieur Lang, soyez gentil, taisez-vous !

Blague de poulets

En cette période de fête, il y a des gens qui travaillent – les flics en font partie. Voici la dernière blague qu’on se raconte dans les commissariats :

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Deux motards sont en patrouille. Ils repèrent une voiture en stationnement dans une petite impasse. Le moteur tourne. Les vitres sont couvertes de buée. Le brigadier adresse un clin d’œil érotomane à son coéquipier et lui fait signe de s’arrêter à distance. Ils montent leur machine sur béquille et s’approchent, subrepticement, certains de s’offrir un spectacle un peu osé, et pas certains de relever le délit d’outrage à la pudeur. Après tout, c’est les fêtes ! Et ils n’ont guère envie de passer le réveillon à noircir du papier.

Les deux lampes torche se plantent à l’intérieur de la voiture, et, surprise… Rien. Il ne se passe rien.

Un jeune homme est assis derrière le volant, il lit une BD. À l’arrière, une jeune fille tricote (si, si !). Le brigadier fait signe au jeune homme de baisser la vitre.

« Qu’est-ce que tu fais là ? » questionne-t-il, oubliant juste pour un soir les sempiternelles consignes imposant le vouvoiement.

« Ben, vous voyez, je lis. »

En principe, on répond : et tu lis quoi ? Mais c’est un flic qui pose les questions, et ils peuvent jamais faire comme tout le monde, ceux-là.

« Et elle ? » insiste-t-il en braquant le faisceau de sa lampe sur la jeune fille.

« Ben, elle tricote. »

Encore un « ben » comme ça, et il va se prendre une « bègne » se dit le briscard. Surtout que la fille n’a même pas levé les yeux. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers… Tant d’indifférence. On frôle l’outrage, là !

« Quel âge tu as ? 

« 23 ans. 

« Et elle ? »

Le jeune homme regarde sa montre.

« Elle aura 18 ans dans vingt minutes. »

 

 Bonne année à tous !

 

 

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