Le 31 octobre, la justice doit trancher dans une affaire délicate, mais cette fois pas de morts, pas de violences : c’est du cinéma… En effet, il appartient aux magistrats de la 3e chambre du TGI de Paris de nous dire si demain nous pourrons revoir Yoyo, Le Soupirant…, ces films des années 60 signés Pierre Étaix.
Qui est Pierre Étaix ? se demandent peut-être les plus jeunes. C’est le clown blanc de L’école du cirque, qu’il créa avec son épouse, Annie Fratellini. Mais c’est aussi un cinéaste, un scénariste, un dessinateur, un magicien… en un mot, un artiste. Un vrai.
Tellement artiste qu’à la différence de tant d’autres qui se contentent de faire du business, lui, il a conservé sa pureté, on pourrait dire sa naïveté. Et un beau jour, il a signé un bout de papier qui lui a fait perdre tous ses droits sur ses films.
Ses films, ce sont des chefs-d’œuvre du cinéma français… Cinq longs-métrages en tout, dont quatre écrits en collaboration avec son complice, Jean-Claude Carrière.
Comment ces deux hommes ont-ils pu commettre pareille boulette ? De la façon la plus simple. La pellicule a souffert des ans, et, pour assurer de nouvelles diffusions, une restauration s’avère indispensable. Mais pour cela, il faut de l’argent. Les artistes sont rarement fortunés. Alors, ils font confiance à un « chevalier blanc ». Mais à l’usage, celui-ci n’est pas aussi blanc qu’il n’y paraît, et malgré les promesses, l’argent n’arrive pas. Et le temps passe. Un an, deux, trois… Alors Étaix et Carrière trouvent un mécène, la fondation Groupama Gan pour le cinéma.
Ouais mais voilà ! Ils n’avaient pas lu les petites lignes du contrat, les deux artistes. Et illico, ce fameux chevalier blanc les traîne devant les juges, ils sont condamnés.
Trop tard pour Yoyo. Le film a eu le temps d’être restauré et il est projeté en ouverture du festival de Cannes, en 2007, et à la cinémathèque de Paris. Un triomphe !
L’affaire ne s’arrête pas là. C’est très compliqué, nous explique Laurent Delpit sur son blog (que je vous invite à consulter en cliquant ici) : La société Gavroche productions (le faux chevalier blanc) qui s’estime être seule propriétaire des droits sur lesdits films, poursuit Pierre Étaix, Jean-Claude Carrière et la fondation Groupama Gan. Elle affirme en effet que le fait d’avoir restauré et présenté Yoyo à Cannes et à Paris, nuit à la redistribution du film, ainsi qu’aux quatre autres : Le Soupirant, Tant qu’on a la santé, Le Grand Amour et Pays de Cocagne. Elle demande 1.400.000 euros de dommages et intérêts. Raison pour laquelle, vendredi prochain, nos deux scénaristes vont se retrouver devant les juges, où ils seront d’ailleurs assistés par la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques).
On n’a pas entendu beaucoup d’artistes français soutenir Pierre Étaix, mais Jerry Lewis, malgré sa maladie, lui a manifesté son appui et son amitié. Il a eu cette jolie formule : « Deux fois dans ma vie, j’ai compris ce qu’était le génie : La première fois en regardant la définition dans le dictionnaire et la seconde fois en rencontrant Pierre Étaix. »
Mais tous deux sont des clowns, comment les prendre au sérieux ?
En tout cas, de ce combat juridique va déboucher une décision qui nous concerne : A-t-on une chance de revoir, sur le grand ou le petit écran, ces petits bijoux du cinéma français ?
Espérons que les magistrats sont cinéphiles…
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Une pétition circule sur Internet (cliquez ici). On dit qu’elle a réuni déjà plus de 20.000 signatures.
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P.S. Conformément à la déontologie de ce blog (voir dans « A propos »), j’ai supprimé le message que m’avait adressé Laurent Delpit.