LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Droit (Page 13 of 20)

IGS : éclairage sur le rapport de synthèse

La police des polices a-t-elle réellement truqué une procédure judiciaire sur un trafic supposé de titres de séjour, afin de nuire à des fonctionnaires jugés trop à gauche ? Et, si oui, les enquêteurs ont-ils agi sciemment, sur ordre, en se laissant aller à la prévarication ? À lire les articles du Monde, la réponse ne fait guère de doute. Et pourtant, sur le plan juridique, elle n’est pas si claire…

Une grande partie de la contre-enquête est basée sur le rapport de synthèse d’un chef de groupe à l’IGS. Il comporterait des allégations mensongères. Ce commandant de police, aujourd’hui à la retraite, aurait été mis en examen pour faux en écriture publique – infraction criminelle punissable ici de quinze ans de réclusion. Il se défend comme un beau diable, affirmant qu’il ne l’a ni rédigé ni signé. Faisant du même coup porter la suspicion de faux sur ses chefs.

Pataquès à l’IGS. Et, c’est de bonne guerre, les policiers qui ont eu affaire aux Bœufs-carottes, se frottent les mains. Chacun son tour, doivent-ils se dire !

Toutefois, cette enquête pose une interrogation : un rapport de synthèse peut-il être considéré comme une écriture publique ?

Pour Me David Lepidi, qui représente les fonctionnaires faussement accusés, il n’y a pas de doute. Se référant à un arrêt de 2003 de la Cour de cassation, il estime qu’ « un procès-verbal de police constitue une écriture publique, quel que soit son objet ». Pourtant, en 2009, le procureur de Paris, M. Marin, avait refusé d’ouvrir une enquête préliminaire en affirmant qu’un tel document n’ayant aucune valeur probante, il ne peut donc être assimilé à un procès-verbal.

On a l’impression qu’ils ne parlent pas le même langage. Alors, pour y voir clair, il suffit de lire le résumé de la position de la Cour de cassation :

Bulletin criminel 2003 n° 201

Bon, d’accord, on n’y comprend rien. Allez, je me risque à faire une… synthèse :
Dans cette affaire, dont l’origine remonte à 1998, le plaignant contestait, plusieurs années après les faits, un procès-verbal établi par le commissaire de police du 13° arrondissement de Paris, dont le caractère mensonger avait été à l’origine de son placement d’office dans un hôpital psychiatrique. Or, le juge avait refusé de recevoir sa plainte en arguant de la prescription du délit. Mais, pour l’avocat du plaignant, la prescription n’était pas acquise car le procès-verbal constituait un faux en écriture publique, donc une infraction criminelle prescriptible au bout de dix ans seulement. En 2002, la Cour d’appel de Paris confirmait toutefois la décision du juge d’instruction : il n’y avait pas de faux en écriture publique. Mais la Cour de cassation a pris l’exact contre-pied. Elle se fiche de savoir s’il s’agit d’un procès-verbal ou pas. L’objectif du commissaire était d’obtenir la confirmation par le préfet d’une décision de placement d’office. Il agissait donc dans le cadre d’une mission de police administrative en fonction d’une loi qui, à l’époque, donnait (à Paris) au commissaire de police les mêmes pouvoirs que ceux du maire. Donc, en tant que « dépositaire de l’autorité publique », s’il a menti pour faire interner un pauvre bougre, il s’est rendu coupable d’un crime (je ne connais pas la fin de l’histoire).

Alors, qu’en est-il dans l’affaire qui vise l’IGS ? Pour tenter de répondre, il faut comprendre ce qu’est un rapport de synthèse, souvent d’ailleurs appelé « rapport d’ensemble ».

On peut d’abord dire ce qu’il n’est pas : un procès-verbal.

Là, le procureur a raison. Inutile de chercher dans le Code de procédure pénale, ce n’est pas une obligation imposée par le législateur et il ne correspond à aucun acte juridique. C’est en fait un document de travail, un résumé de l’enquête et des éléments recueillis. Il n’est pas inhabituel que l’OPJ fasse état de pistes ou d’hypothèses qui n’ont pas abouti, et qu’il donne, in fine, son avis personnel. Mais surtout, il met en exergue les points essentiels de la procédure (épaisse parfois de plusieurs centimètres) en donnant la référence des procès-verbaux qui s’y rapportent. Certains sont de véritables romans policiers.

L’objectif est donc de dresser un tableau de l’affaire pour que le magistrat puisse en saisir les grandes lignes. Mais il lui appartient – évidemment – de vérifier chaque élément en se reportant aux P-V correspondants. Ainsi que le précise l’art. 81 du CPP : « Le juge d’instruction doit vérifier les éléments d’information ainsi recueillis. ». Ce n’est qu’ensuite, lorsque le juge lui aura donné une cote, que ce document fera partie intégrante du dossier judiciaire. Et rien n’empêche le magistrat instructeur d’interroger l’enquêteur pour lui demander des explications.

La meilleure preuve que ce rapport n’est pas un P-V, c’est qu’il est ordinairement rédigé à l’attention du chef de service. « J’ai l’honneur de vous rendre compte de l’enquête effectuée, conformément à vos instructions et en exécution de la commission rogatoire de M…, juge d’instruction à…, etc. » Et ledit chef de service appose son grigri pour faire suivre. En police judiciaire, par exemple, lorsque plusieurs groupes travaillent sur la même affaire, il est souvent rédigé au nom du patron.

Alors, ce document peut-il être considéré comme une « écriture publique » ?

Franchement, je ne le crois pas. Car ce n’est pas non plus un écrit qui entraîne une décision d’ordre public. Il ne vaut que simple information. Et aucune mesure – en principe – ne devrait être prise à sa simple lecture. Mais comme il existe une certaine ambiguïté, il est bien que la justice suive son cours. Gageons que l’affaire remontera en appel et peut-être en cassation. Et nous aurons une réponse claire sur la valeur juridique du rapport de synthèse.

Et si la justice devait confirmer le crime de faux en écriture publique, il appartiendrait aux écoles de police de revoir leur copie, soit en invitant leurs élèves à se limiter à la transmission de la procédure sans aucun résumé de l’affaire, soit en changeant la forme et l’esprit dudit rapport.

En attendant, si cette magouille de l’IGS était confirmée, on ne peut imaginer un instant que l’affaire s’arrête là. Il faudra bien s’interroger sur l’existence d’une institution qui traite à la fois les affaires disciplinaires et les affaires pénales. Même si l’enquête en cours se termine par un flop.

 

Une loi pour armer les policiers municipaux

« La présente proposition de loi rend tout d’abord obligatoire le port d’une arme dans l’exercice de leur fonction pour tout policier municipal. » Ce sont les premières lignes du texte que voudrait faire adopter un député de la majorité. La démarche est politiquement malicieuse puisqu’elle heurte de plein fouet la position du Monsieur sécurité du PS, Jean-Jacques Urvoas, qui veut, lui, désarmer les polices municipales.

M. Morel-A-L’Huissier, qui en est à l’origine, fait référence aux déclarations du président de la République, après la mort d’une jeune policière municipale, Aurélie Fouquet, lors d’une fusillade provoquée par des braqueurs, le 20 mai 2010, dans le Val-de-Marne.

L’exploitation de ce drame me semble déplacée. D’abord, il n’est pas inutile de rappeler que la policière était armée. Mais que peut faire un .38 contre une Kalachnikov ! Et, si je peux me permettre une parenthèse, il apparaît aujourd’hui vraisemblable que cette course-poursuite tragique est en fait le résultat d’un certain cafouillage qui n’a rien à voir avec le fait d’armer ou non les policiers municipaux. Car la BRB était aux basques de ces braqueurs depuis longtemps, probablement pour tenter un flag ou une opération retour. Les choses n’ont pas tourné comme prévu. Aujourd’hui, ce qui coince, d’après France Soir, c’est que la patronne de la BRB, neuf mois après les faits, ait reconnu que ses hommes avaient placé une balise sous le fourgon des malfaiteurs. Ce qui va à l’encontre des premières déclarations des policiers qui disaient s’être trouvés là par hasard. Pour les avocats, c’est la preuve que la police a menti à la justice. Il n’est donc pas exclu que tout ou partie de la procédure soit annulée. Et que les auteurs présumés soient libérés…

Mais, pour en revenir au sujet, faut-il oui ou non armer les policiers municipaux ? Pour les syndicats la réponse ne fait guère de doute. Ils poussent dans le sens de l’armement. Mais aujourd’hui, ce sont les maires qui décident. Et c’est un vrai dilemme. Car, en cas de fusillade, si une balle perdue touche un passant, ils pourraient se voir reprocher leur décision d’armer leurs policiers. Mais si un policier sans arme était tué ou blessé, le choc en retour serait tout aussi difficile à encaisser. Donc, d’une certaine manière, en ne leur laissant pas le choix, on leur enlèverait une belle épine du pied.

Mais en fait, la seule raison qui peut légitimement motiver une telle décision se trouve dans la définition de leurs missions. C’est d’ailleurs le lièvre que vient de soulever Éric de Montgolfier, le procureur de Nice. Pour lui, il y a dérive, car l’action de police judiciaire des agents municipaux doit se placer sous l’autorité d’un OPJ. Et ils n’ont pas à intervenir à la place de la police nationale, sauf flagrant délit. En engageant des poursuites contre un policier municipal qui a blessé une femme dans un accident, alors qu’il se rendait sirène hurlante sur les lieux d’une agression, il demande aux juges de trancher sur les conditions d’intervention de la police municipale. Pour Christian Estrosi, le député-maire de Nice, qui vient d’être nommé président de la Commission consultative des polices municipales (commission qui était en sommeil depuis quatre ans et qui vient d’être réactivée par le ministre de l’Intérieur), il n’y a pas de dérive. D’ailleurs, a-t-il dit, « si le tribunal donne raison au procureur, je proposerais à cette commission de faire évoluer le droit ».  Il y aurait comme un soupçon d’arrogance dans ces propos… Cela revient à dire : si la loi ne me convient pas, je change la loi.

Il faut dire que M. Estrosi est particulièrement investi dans ce domaine. Il faut le voir passer ses hommes en revue, comme un général au champ de bataille… Du coup, il y a dans sa ville 3 à 4 fois plus de policiers municipaux qu’à Marseille, qui compte pourtant deux fois plus d’habitants. Dans les Alpes-Maritimes, les agents territoriaux sont devenus la deuxième force de sécurité du département, loin devant les gendarmes.

En fait, on comprend bien qu’en toile de fond, le problème est ailleurs. Il s’agit de savoir si les polices municipales restent sous l’autorité du maire ou si, peu à peu, elles doivent remplacer une police et une gendarmerie cruellement en manque d’effectifs. Un moyen de nous faire payer deux fois notre sécurité.

Je ne sais pas si tous les policiers municipaux désirent porter une arme à la ceinture. Je n’en suis pas sûr. Mais en tout cas, ils seront tous d’accord sur un autre volet de cette proposition de loi : l’intégration de leurs indemnités (20 % de leur salaire) dans le calcul de leur retraite et une bonification d’une annuité tous les cinq ans. Alors qu’un nouveau coup de balai sur les retraités ou futurs retraités est dans les tuyaux, on peut se demander où l’on va trouver l’argent… Il paraît que ce sont les fumeurs qui seront mis à contribution.

Et pour faire bonne mesure, on va leur attribuer une médaille (pas aux fumeurs). L’article 4 de la proposition de loi prévoit en effet la création de la Médaille d’honneur de la police municipale. Cette fois, personne ne peut être contre, même si l’absence de pluriel à police municipale paraît un peu singulier. Un peu comme un aveu de vouloir « nationaliser » les polices municipales.

Calmons le jeu. Il n’y a pas urgence à débattre. Prenons par exemple la loi qui vise à clarifier et à simplifier la réglementation sur les armes. Elle a été souhaitée par le président de la République en mai 2009. Un comité de concertation et une mission d’information de l’Assemblée nationale ont planché sur le sujet courant 2010. Et, finalement, un projet de loi a été adopté en janvier 2011. Pour l’heure, il doit être dans le tiroir d’un sénateur.

Proxénétisme à Lille : des policiers de nouveau sur la sellette

Après les événements qui ont mis KO la PJ de Lyon, les policiers se seraient bien passés de ce coup de projecteur sur les petits arrangements lillois. Une drôle d’affaire que cette histoire de proxénétisme hôtelier, avec des ingrédients qui nous rappellent l’affaire DSK et celle qui vise le commissaire Neyret : le sexe, le fric, les mystères des grands hôtels, les indics… et des policiers qui ont perdu leur marque.

Mais quel intérêt pour le ou les responsables d’un établissement de grand luxe de fricoter avec des proxénètes et des prostituées ? Juste pour satisfaire le client… au risque de se faire prendre la main dans le sac ? Pour gagner de l’argent ? Peut-être un peu les deux, mais le plus important, sans doute, c’est l’impression d’être au centre d’un réseau occulte dans lequel se côtoient des personnalités de la finance, de la politique, etc. Avec aussi cette petite décharge d’adrénaline qui met du piment dans la vie. Car tout le monde sait bien que l’on est de plain-pied dans l’illégalité. Un business certes illégal en France, mais plus ou moins toléré en Belgique. Comme le dit Dominique Alderweireld, alias « Dodo la Saumure », dans Le Courrier de Mouscron, il existe entre 1500 et 2500 maisons closes sur le territoire belge. Ce monsieur sait de quoi il parle, puisqu’il détiendrait plusieurs « bordels ». Il a été arrêté par la police de Courtrai (Belgique) dans une affaire distincte, mais probablement liée à celle du Carlton de Lille. Et pour ceux qui s’interrogent sur l’origine de son surnom, on peut imaginer certains poissons immergés dans un bain saumâtre, comme le hareng ou le maquereau – ce n’est qu’un avis. Cette affaire n’aurait pas pu avoir lieu en Espagne, où les « proxénètes » sont des hommes d’affaires. Ils ont pignon sur rue. Ainsi, dans la région de Barcelone, un ressortissant français détient même plusieurs établissements de ce genre. « Chacun de ces établissements, écrit-il à un député, est titulaire d’une licence administrative me permettant l’accueil de prostituées et de leurs clients dans les meilleures conditions possibles ».

Mais nous sommes en France, et l’addition risque d’être salée.

Le délit de proxénétisme – Le proxénétisme est le fait d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui. C’est un délit intentionnel : l’auteur doit avoir connaissance de la finalité de la chose, mais il n’est pas indispensable qu’il en tire un profit. Le simple fait, par exemple, de communiquer les coordonnées d’une prostituée ou celles d’un lieu de prostitution peut être considéré comme une aide à la prostitution. En exagérant à peine, on pourrait même dire que si vous aidez une prostituée à changer la roue de sa voiture, du moins s’il s’agit de son instrument de travail, vous risquez bien des ennuis.

Dans l’ancien code pénal, il suffisait de vivre, même occasionnellement, avec une personne se livrant à la prostitution pour être considéré comme son protecteur. Ce que les flics de la Mondaine appelaient « le julot casse-croûte ». En effet, pour chaque affaire, ils touchaient une prime, et là, c’étaient des dossiers rondement menés… Mais cette disposition pénale revenait à interdire aux prostituées toute vie privée, ce qui était contraire à la Convention européenne qui garantit aux ressortissants des États membre le droit au mariage. Aujourd’hui, la cohabitation est possible à condition que le conjoint ne bénéficie pas du fruit de la prostitution. Autrement dit, il faut qu’il puisse justifier de ressources propres. On peut s’interroger sur la situation de deux prostitué(e)s qui partageraient le même toit…

Hôtelier : un métier à risques – Mais la loi est encore plus sévère en ce qui concerne le proxénétisme, dit hôtelier, puisqu’elle réprime le simple fait de tolérer la prostitution dans un lieu public. Les hôtels, bien sûr, mais aussi les bars, restaurants, lieux de spectacle, camping, etc. Il suffit pour le responsable de simplement fermer les yeux sur ces agissements, même sans en tirer un profit direct, et le délit est constitué (dix ans de prison). Et, outre les personnes physiques, l’entreprise peut également être condamnée (une amende qui peut atteindre plusieurs millions d’euros). Les tenanciers doivent donc être particulièrement vigilants, puisqu’ils sont à la fois responsables du comportement de leurs salariés mais aussi de celui de leurs clients… quels qu’ils soient. Ce qui n’est pas facile, car la loi interdit de refuser un client sous prétexte qu’il s’agit d’un prostitué notoire. Cela s’appellerait de la discrimination. Attitude réprimée par cinq ans de prison, comme le souligne l’art. 225-1 du code pénal .

À noter que le proxénétisme contre des mineurs de quinze ans, ou commis en bande organisée, ou en recourant à la torture ou à des actes de barbarie, transforme le délit en infraction criminelle. Et une dizaine de circonstances particulières en font un délit aggravé punissable de dix ans de prison.

Une police déboussolée – Mais que viennent faire des policiers dans cette soupe lilloise ? On entre là dans le petit jeu du donnant-donnant. Les hôteliers, surtout dans les établissements prestigieux, sont une précieuse source de renseignements pour les services de police. Pas tellement pour la PJ, mais plutôt pour les policiers chargés de « l’information générale ». Autrefois, cette mission était confiée aux RG, sous la houlette du préfet de département. Mais depuis la création de la DCRI, en 2008, c’est la sécurité publique qui est en charge, via les services départementaux de l’information générale (SDIG), lesquels sont rattachés aux directions départementales de sécurité publique. Or, même si ces services ont des comptes à rendre aux préfets, ils sont en prise directe avec la place Beauvau (la suppression des RG est une image forte de la centralisation). Et là comme ailleurs, la pression se fait sentir : il faut des résultats. Les policiers doivent donc se démener pour obtenir des infos, et pour cela, il leur faut des informateurs. Car ici, il ne s’agit pas d’indics, du truand qui balance, mais de gens de tous milieux dont la motivation correspond parfois à un simple geste civique.

À la différence de l’affaire de Lyon, cette fois, c’est la PJ qui mène l’enquête, avec le concours de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), puisque des policiers semblent impliqués. Et si ceux-ci ont participé d’une manière ou d’une autre à des comédies sexuelles, ils risquent fort d’être pris dans l’engrenage de la justice. Même s’ils ont agi dans l’intérêt du service. Même s’ils n’ont pas mis un sou dans leur poche. Ils sont dans la même situation que s’ils avaient prélevé un kilo de cocaïne pour en saisir cent. C’est du kif, si j’ose dire.

Et, puisqu’on en parle… Si le débat est ouvert pour la dépénalisation du cannabis, il n’en est pas de même en matière de prostitution. À gauche comme à droite, les positions se rejoignent. Jusqu’à la pénalisation du client. Chantier mis en œuvre par le gouvernement actuel. D’après le site de Terra Nova Débats 2012, Martine Aubry, lorsqu’elle était ministre de l’Emploi et de la Solidarité, avait même dénoncé une réglementation qui différenciait la prostitution exercée librement de la prostitution forcée.

Mais la controverse entre les abolitionnistes et les réglementaristes semble aujourd’hui derrière nous : on s’achemine vers une interdiction totale. Je n’ai pas d’opinion, je ne suis pas client.

La PJ de Lyon face à des juges tout-puissants

L’arrestation du commissaire Michel Neyret et de plusieurs de ses collaborateurs attire l’attention sur les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Ces magistrats, chargés de lutter contre la criminalité organisée, bénéficient de pouvoirs hors du commun. Ce que l’on appelle les procédures dérogatoires. Aussi, aujourd’hui, beaucoup de policiers s’interrogent : pourquoi de tels moyens pour enquêter sur leurs collègues ? Pourquoi des Parisiens pour enquêter sur des Lyonnais ? Et que se serait-il passé, si des pontes du quai des Orfèvres avaient été arrêtés par des policiers de province sur des faits qui se seraient déroulés en région parisienne ?

La guerre des polices serait-elle rouverte ? Non ! Mais il y a quelques jours, le représentant d’un syndicat de la magistrature, interviewé sur une radio, a dit que, désormais, les magistrats se doivent de prendre leurs distances avec les policiers : la confiance, c’est fini. Presque une déclaration de guerre. Au minimum une reprise en main nettement affichée, avec peut-être en toile de fond l’idée sans cesse remâchée de rattacher la police judiciaire à la justice.

Les JIRS ont été mises en place en octobre 2004. Il en existe huit (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France). Elles sont compétentes pour traiter les enquêtes concernant la criminalité organisée (art. 706-73 du CPP) et la délinquance financière (art. 704 du CPP) ou celles qui présentent une complexité particulière. Ces juridictions regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction spécialement habilités et font appel à des assistants spécialisés (douanes, impôts, santé…). Ces magistrats peuvent autoriser des policiers ou des gendarmes à commettre des actes qui, sans leur accord formel, seraient considérés comme tombant sous le coup de la loi. Le fait de pénétrer en douce à l’intérieur d’un domicile, sur un lieu de travail ou dans une voiture pour y installer un mouchard, par exemple. Ou d’autoriser l’infiltration d’un milieu délinquant, quitte à commettre, si nécessaire, des actions « ordinairement » délictueuses. Ces juridictions utilisent les nouvelles technologies. Elles sont dotées de logiciels spécifiques et disposent de moyens de vidéoconférences pour effectuer des auditions à distance ou procéder à des prolongations de garde à vue. À la pointe de la technologie, leurs procédés sont à l’opposé de la pêche aux renseignements telle qu’elle est pratiquée de manière ancestrale en PJ : le PV qu’on fait sauter, le pastaga au bar du coin, etc. D’après Pascal Guichard, vice-président chargé de l’instruction à la JIRS de Marseille : « La JIRS n’a pas vocation à être connue du grand public puisqu’elle s’intéresse quand même à un secteur d’activité très spécialisé qui est la criminalité organisée ».

Avec l’affaire Neyret, c’est loupé.

On nous dit que le commissaire a été balancé par des voyous à l’issue d’une affaire de trafic de cocaïne. Il appartenait donc au procureur de la JIRS, au vu des confidences qui visaient un policier en activité, de décider de la suite à donner. Puisque tous les faits se déroulaient hors de sa zone territoriale, la marche normale aurait été de saisir l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui a compétence nationale, ou de transmettre le dossier à son homologue lyonnais. Il ne l’a pas fait.

L’enquête a été effectuée par l’Inspection générale des services (IGS), compétente sur le ressort de la préfecture de police de Paris. Il s’agit probablement d’une première. Michel Neyret a donc été mis en examen par des juges parisiens pour association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, corruption, trafic d’influence, détournement de biens et violation du secret professionnel. Autant ratisser large !

Au fait, qu’est-ce qui justifie « l’association de malfaiteurs » ? Le commissaire est-il un redoutable chef de bande ou a-t-on voulu lui appliquer à tout prix une procédure exceptionnelle ?

L’association de malfaiteurs est un délit en soi. Mais elle ramène à la bande organisée qui, elle, est une circonstance aggravante justifiant les procédures d’exception. Il faut bien dire que, insidieusement, ces procédures dérogatoires prennent de plus en plus le pas sur le droit commun, donnant aux enquêteurs des pouvoirs qui, dans un passé récent, étaient réservés à la lutte contre le terrorisme. Au détriment des libertés individuelles .

Toutefois, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré le législateur français sur ce point. Dans une décision de mars 2004, il a quand même remis les pendules à l’heure. Précisant que les procédures dérogatoires ne peuvent se justifier que s’il existe « des éléments de gravité suffisants », et que, dans le cas contraire, il s’agirait d’une « rigueur non nécessaire au sens de l’article 9 de la Déclaration de 1789 ». Des notions bien subjectives ! Le Conseil a finalement conclu, tel Ponce Pilate, qu’il appartient à l’autorité judiciaire d’apprécier. Ce qui n’a pas empêché, en novembre 2007, le vote d’un nouveau texte qui vise la lutte contre la corruption et le trafic d’influence, et qui donne aux juges pratiquement les mêmes pouvoirs que pour lutter contre la grande criminalité ; infiltration, écoutes, sonorisation…

Qu’est-ce qui attend Michel Neyret ? Personne ne le sait. Pourtant, même si aucune affaire n’est semblable, on peut rappeler l’histoire du brigadier Gilles Ganzenmuller. En avril 2005, il est arrêté par l’IGPN (les JIRS n’étaient pas encore tout à fait opérationnelles). On lui reproche d’être un ripou et d’avoir monnayé des informations. À l’époque, il est affecté à l’OCRB (office central pour la répression du banditisme) où il est chargé d’infiltrer le milieu du 93. Il dispose d’une grande autonomie : voiture de fonction, ordinateur et téléphone portables professionnels. Et peu à peu, grâce à un indic, il est parvenu à gagner la confiance des frères Hornec, alias les « H » – comme on parlait autrefois des « Z », pour désigner les frères Zemour. Le genre de clients que tous les policiers rêvent « de se faire en flag ». Il est mis en examen pour association de malfaiteurs, corruption, escroquerie en bande organisée (un délit tout neuf en 2005 : dix ans de prison). Il se défend comme un beau diable. S’il a fourni des renseignements, c’est pour mieux en obtenir. Et toujours avec l’accord de sa hiérarchie. Rien n’y fait. Les écoutes téléphoniques semblent l’accabler, alors que, comme c’est souvent le cas, leur transcription sur le papier donne lieu à interprétation. Lorsque, par exemple, son indic lui propose un cadeau et qu’il répond : « Ce n’est pas ça que je veux… » Le rédacteur mentionne entre parenthèses, « Il veut de l’argent », sans penser que le flic attend autre chose : des tuyaux. Quatre mois de préventive. À sa sortie de prison, il est révoqué. Il se retrouve sans le sou, avec sa femme et ses deux enfants. Et interdiction de parler à ses anciens collègues. Un commissaire fait même afficher sa photo à l’entrée du service, pour ne pas qu’on le laisse entrer. De quoi se flinguer ! Il fait appel de sa révocation devant le tribunal administratif qui ordonne sa réintégration. Mais deux ans plus tard, la Cour d’appel annule cette décision. Et aujourd’hui, l’administration lui demande de rembourser ses deux années de salaires… Normal, me direz-vous, s’il est coupable. Mais en février 2011, il a enfin été jugé – c’est-à-dire six ans après les faits. Le procureur a émis des réserves sur l’enquête, et le tribunal a suivi, ne retenant aucun des éléments de l’instruction. Il a toutefois estimé que Gilles Ganzenmuller avait violé le secret professionnel : trois mois de prison avec sursis.

Tout ça pour ça.

Le commissaire Neyret sur un fil

« C’est comme un coup poing dans la gueule ! » m’a dit un policier de PJ. Et je le comprends bien. Raison pour laquelle j’ai tant de mal à écrire ce billet. Michel Neyret fait sans doute partie du dernier quarteron de flics à l’ancienne. De ceux qui ont encore la connaissance du « milieu ». Qui sont capables, non pas de réciter l’état-civil d’un voyou en tapotant le clavier d’un ordinateur, mais de vous raconter sa vie, ses habitudes, ses relations, ses maîtresses, avec des anecdotes et des péripéties ; ce genre de détails qu’on trouve généralement dans les polars. Et cela nécessite de côtoyer les voyous.

Ce n’est pas sans risque. Pas mal de poulets y ont laissé des plumes. J’ai l’impression que lui, il vivait son métier comme un film. Soyons clair ! Pour être efficace, le flic doit non seulement mouiller sa chemise, mais se mouiller tout court. Je ne sais pas jusqu’où Michel Neyret est allé, mais il semble bien qu’il se soit trop approché de la flamme…

L’histoire se répète. Il existait, il y a quelques dizaines d’années, des « groupes de pénétration ». Des policiers qui laissaient leur plaque au vestiaire et menaient la vie d’un truand, pour mieux s’infiltrer dans le milieu. Un exercice dangereux à bien des égards qui nécessite à la fois des nerfs solides et un encadrement serré : des chefs capables de bien baliser le terrain. Vers le milieu des années 60, à la suite de plusieurs dérapages, la police parisienne décide de changer radicalement son fusil d’épaule : on ne pénètre plus le milieu, mais on le surveille de l’extérieur. C’est ainsi que le commissaire Le Mouel créé la brigade de recherche et d’intervention (BRI) : la première brigade antigang. Grosso modo, sa mission se résume en des écoutes téléphoniques, de la documentation, des planques et des filoches. Mais l’une des premières interventions en flag se termine par une fusillade sur la voie publique. On m’a même raconté que le landau d’un bébé avait été traversé par une balle perdue. Je ne sais pas si c’est vrai, en tout cas, pour éviter les bavures, François Le Mouel décide d’intervenir avant que les braqueurs ne passent à l’action. Cette fois, c’est la justice qui a du mal à suivre, ne retenant pas la tentative de vol qualifié et limitant la répression à des délits annexes. Ce qui conduit à une nouvelle méthode d’intervention : l’opération retour. Autrement dit, on laisse les braqueurs faire le coup et on les interpelle plus tard, lorsqu’ils ne sont plus sous pression. Avec le butin. Une technique efficace, mais un peu en forme de renoncement, car elle fait prendre des risques aux victimes de l’agression ou du braquage. Néanmoins, elle est encore utilisée de nos jours. Si vous lisez dans la presse que des policiers ont pris en chasse des truands dont l’allure ou la voiture leur a paru suspecte, il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’une opération retour qui a foiré. Autrement dit, les flics se sont fait détroncher.

Donc, plus d’infiltration dans le milieu et plus d’indicateurs, en raison de l’impossibilité de leur promettre l’impunité ou de les rétribuer. Sauf en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, où la monnaie d’échange est toute trouvée : on prélève une petite partie de la saisie. Pas très moral, on en convient. Un système qui a néanmoins fait ses preuves dans les services opérationnels de la douane. Il faut savoir qu’en général, sur instruction du procureur ou du juge d’instruction, la drogue saisie est incinérée. Mais, même si un procès-verbal de destruction est rédigé, il est assez facile de tricher. Et qu’on ne me dise pas que personne ne le sait, puisque ces dernières années, à petites touches, le législateur a tenté de régulariser la situation des indics. L’article 706-81 et 82 du nouveau code de procédure pénale a même remis à l’ordre du jour l’infiltration des policiers au sein des « bandes organisées ». Ils sont autorisés à se faire passer auprès des suspects pour des « coauteurs, complices ou receleurs ». Ils peuvent, sans être pénalement responsables « acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission des infractions ». Ils peuvent également mettre à la disposition des voyous des moyens de transport, d’hébergement, etc. Tout cela, bien sûr, en suivant un certain protocole. Mais, ces nouvelles dispositions légales ne sont-elles pas la porte ouverte aux abus ? Et si des policiers tombent sur des policiers infiltrés, comment ne pas penser qu’il s’agit de ripoux ?

Michel Neyret possède un tableau de chasse hors du commun. Aussi, lorsque j’entends qu’un haut responsable du ministère de l’Intérieur l’a traité de « pourri », je suppose que ce monsieur a eu accès à la procédure. Ce qui n’est pas mon cas. On me dit : on lui prêtait de belles voitures, on lui offrait des voyages, etc. Une erreur qu’on ne peut pardonner ni à un policier ni à un ministre. Mais je n’ai pas souvenir que l’ancienne garde des Sceaux ait fait l’objet de poursuites judiciaires… La vraie question est de savoir s’il s’est enrichi en vendant de la drogue ou s’il a accepté des pots-de-vin. Si c’est le cas, c’est un ripou. Il doit payer – et lourdement. Pourtant, pour ce que j’en sais, c’est un homme qui n’avait pas besoin d’argent. Comme on dit, son traitement de commissaire, c’était son argent de poche.

M. Bordenave, dans Le Monde de ce jour, dresse une liste des commissaires qui ont eu maille à partir avec la justice. Elle remonte jusqu’en 1993. Dommage. Quelques années de plus et il aurait pu ajouter le nom du commissaire Yves Jobic, lequel, englué dans un turbin monté par la pègre, s’est retrouvé derrière les barreaux. À l’issue de son procès, le président du tribunal a prononcé le verdict : non coupable.

Tout comme tel ministre ou tel procureur, Michel Neyret s’est sans doute laissé gagner par un sentiment d’impunité. Le pouvoir rend immature. Mais n’en faisons pas un chef de gang. Même s’il a entraîné dans son sillage d’autres policiers et quelques magistrats, il faut savoir si, à défaut d’avoir respecté la règle, il a agi dans l’esprit du nouveau code de procédure pénale ou pour en tirer des avantages personnels.

Des têtes vont tomber – et c’est normal. Au début des années 70, un scandale identique avait secoué la police lyonnaise. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Raymond Marcellin, avait alors complètement démantelé la police judiciaire lyonnaise. Avec une consigne : plus d’indics, plus de d’infiltration dans le milieu. Ce qui avait abouti à la création, quelques années plus tard de la première brigade antigang hors Paris. Brigade que Michel Neyret a dirigée pendant plus de vingt ans. Bien trop longtemps, sans doute. Et aujourd’hui, on inscrit l’infiltration des bandes organisées dans le Code de procédure pénale. C’est une erreur : trop de risques, trop de tentations.

Tristane Banon dans les méandres du droit

Lorsque Mlle Banon accuse M. Strauss-Kahn de tentative de viol pour des faits qui se seraient déroulés en tête à tête il y a de cela huit ans, on comprend bien que les enquêteurs éprouvent des difficultés à faire le tri entre les déclarations forcément contradictoires de l’un et de l’autre. Et la confrontation qui a eu lieu aujourd’hui n’y a probablement rien changé. Dans une affaire de viol ou d’agression sexuelle, s’il n’existe aucun témoin et aucune preuve matérielle, la première difficulté consiste à déterminer l’existence du crime ou du délit. En fait, l’un des moyens les plus parlants consiste souvent à effectuer une reconstitution. Une sorte de pièce de théâtre où l’on replace les deux antagonistes dans la même situation, dans les mêmes conditions et au même endroit, pour mieux faire ressortir les invraisemblances.

Je ne sais pas si c’est envisagé… Comme il s’agit d’une enquête préliminaire, c’est le procureur qui décide. Et, au final, c’est à lui qu’il appartiendra de trancher. Les faits sont-ils exacts ? S’il estime que oui, il lui reste à déterminer la nature de l’infraction. S’agit-il d’une tentative de viol ? Le viol étant caractérisé par un acte de pénétration sexuelle, il faut donc qu’il y ait au minimum un commencement d’exécution dans l’intention d’une pénétration sexuelle, comme le fait d’arracher les vêtements de la victime. Si c’est ce qui ressort de l’enquête, le procureur va saisir un juge d’instruction. Mais s’il apparaît qu’au pire les faits pourraient être assimilés à une agression sexuelle, il ne peut que constater la prescription et abandonner les poursuites. À noter que même s’il le souhaitait (?), DSK lui-même ne pourrait renoncer au bénéfice de la prescription. Enfin, le procureur peut jeter l’éponge ; constater qu’il est impossible à la justice de démontrer l’existence d’un crime ou d’un délit. Et dans ce cas, il va classer le dossier.

Le classement sans suite – A la différence de l’ordonnance de non-lieu prise par un juge d’instruction, il s’agit là d’une décision « d’administration judiciaire » qui n’a pas valeur de chose jugée et n’est pas susceptible d’appel. Une loi de 2004 a cependant admis la possibilité d’un recours devant le supérieur hiérarchique du procureur. Une sorte de recours administratif. Le procureur général peut alors enjoindre à son procureur d’engager des poursuites.

Plainte avec constitution de partie civile – J’ai lu ici ou là que dans le cas où le parquet n’engagerait pas de poursuites, Tristane Banon déposerait une plainte avec constitution de partie civile, ce qui entraînerait de facto l’ouverture d’une information judiciaire. La jurisprudence estime en effet que la recevabilité de la plainte n’est subordonnée ni à la preuve de l’existence de l’infraction ni à celle de l’existence du préjudice allégué. La partie civile n’est donc pas tenue d’avancer une qualification juridique (sauf délit de presse). Cependant, cette plainte suit un long parcours et passe notamment entre les mains du procureur de la République. Lequel doit prendre des réquisitions. Et dans deux cas (pour ce qui nous intéresse), il peut décider qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir une information judiciaire : si les faits ne constituent pas une infraction pénale ou en raison d’un élément qui touche à l’action publique – comme la prescription. On tourne en rond.

Une plainte non recevable – Donc la plainte avec constitution de partie civile ne serait pas recevable si la prescription a été soulevée (le juge peut toutefois passer outre par une ordonnance motivée). Il resterait donc à la jeune femme la possibilité de se tourner vers le juge civil. Aujourd’hui, depuis la loi du 17 juin 2008, l’action en responsabilité civile engagée par la victime d’un « dommage corporel » peut s’effectuer dans un délai de dix ans (vingt ans en cas de tortures ou d’actes de barbarie, ou à la suite de violences ou d’agressions sexuelles contre un mineur). DSK se retrouverait alors dans une situation similaire par bien des points à celle qui est la sienne aux États-Unis : suspect d’être responsable des conséquences d’un acte qu’il n’aurait pas « légalement » commis.

Nous sommes là dans les méandres du droit.

La garde à vue VIP de Thierry Gaubert

On en rigole encore dans les commissariats… En pleine garde à vue, le téléphone portable du suspect sonne : Allô ! C’est Brice… Et de s’interroger pour connaître le type de sonnerie choisie par Thierry Gaubert, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy… On balance entre La lettre à Élise et La Marseillaise. À moins que ce soit Le jour après la fin du monde ou Mourir demain… Il faut dire que venant de M. Hortefeux, le ministre de l’Intérieur qui a défendu bec et ongles la garde à vue ancienne formule avec mise à nu systématique et vérifications sous la ceinture, la situation ne manque pas de sel.

J’ai cru entendre un policier de la Financière se justifier en disant que rien dans le Code de procédure pénale n’oblige à retirer le téléphone portable d’un gardé à vue. Je dois avouer que j’en suis resté pantois. Reprenons un peu les textes.

Depuis le 1er juin 2011, il existe six cas où l’OPJ peut décider d’une mesure de garde à vue, deux visent à la protection des preuves et des indices et une autre prévoit qu’il s’agit « d’empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ». Donc, il semble que la moindre des choses pour éviter ce risque soit de confisquer, au moins provisoirement, le téléphone portable de l’intéressé. Ce qui est fait d’ailleurs systématiquement par tous les policiers et gendarmes de France – sauf pour les VIP, apparemment.

C’est d’autant moins compréhensible que, de nos jours, le téléphone portable est souvent un élément clé d’une enquête. Il permet notamment de récupérer le carnet d’adresses et, parfois, de mieux ferrer le suspect en le mettant face à ses contradictions ou à ses mensonges. On pourrait donc penser que les enquêteurs assurent un service minimum pour répondre aux commissions rogatoires du juge Renaud Van Ruymbeke. Ce que je me refuse à croire !

Et s’il s’agissait uniquement de ne pas se montrer discourtois envers un personnage bien en cour, pourquoi l’avoir placé en garde à vue ? C’est donc une mesure facultative, à la seule diligence de l’officier de police judiciaire. Pas de garde à vue, pas de fouille, et on laisse au monsieur son téléphone portable – même si on lui demande, c’est bien la moindre des choses, de l’éteindre, comme au cinéma.

On découvre donc au détour de cette facétie une nouvelle forme de garde à vue qui préserve à la fois la susceptibilité d’un client doré tout en sauvant les apparences d’une justice identique pour tous. Pas terrible comme message.

Il y a quelques mois, un ministre allemand a démissionné car il était accusé de plagiat dans sa thèse de droit public. L’autre jour, François Fillon, le Premier ministre, a tenté une diversion aux « affaires » en suggérant de reculer l’âge de la retraite et de s’aligner sur notre voisin d’Outre-Rhin…

Seulement en matière de retraite ?

Tir sur les manifestants : une rumeur qui fait long feu

Les forces de l’ordre ont-elles le droit d’ouvrir le feu contre des manifestants ? La rumeur a pris naissance après la publication de deux nouveaux décrets le 30 juin 2011. La presse s’en est fait l’écho, notamment Le Monde, dans son édition du 17 août. Parmi la liste des armes pouvant être utilisées pour le maintien de l’ordre, il est expressément mentionné un fusil à répétition de calibre 7.62. Une arme de précision.

Erreurs de communication à répétition – Comment interpréter cette décision ? À mon avis, ce texte envisage la possibilité de placer des tireurs d’élite à proximité d’une manifestation. Non pas pour le tir aux pigeons, mais par sécurité ! Les OT (observateurs-tireurs), comme les appellent les gendarmes, sont dotés d’un fusil à lunette. En maintien de l’ordre, leur mission est avant tout  d’observer. Mais en cas de nécessité, ils pourraient faire usage de leur arme. Pour cela, ils sont en liaison permanente avec l’autorité responsable. On comprend bien qu’ils ne sont pas là pour tirer dans la foule, mais pour neutraliser un énergumène qui se risquerait à ouvrir le feu contre les forces de l’ordre, ou d’ailleurs, contre d’autres manifestants. Imaginons qu’un déjanté, genre Behring Breivik, se glisse dans une manifestation bon enfant. Il tire à droite à gauche. Les policiers et les gendarmes ripostent. Et c’est l’hécatombe. Le tireur d’élite est justement là pour éviter ce risque.

Il aurait été si simple de l’expliquer…

Dernière sommation : On va faire usage de la force ! –  Il n’en demeure pas moins que, dans certaines situations, il est possible d’utiliser la force, voire des armes, dûment répertoriées dans le décret (grenades, lanceurs de balles de défense…), pour disperser un attroupement. Le Code pénal ne vise que l’attroupement, c’est-à-dire un rassemblement de personnes susceptibles de troubler l’ordre public. Le nouveau texte dit que l’intervention doit être proportionnée au trouble à faire cesser. Ce qui ne veut pas dire grand-chose puisqu’il s’agit d’une notion subjective. CRS et gardes mobiles ne peuvent faire usage de ces armes que sur l’ordre exprès de « l’autorité civile », sauf s’ils sont attaqués ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent.

La dispersion de l’attroupement ne s’impose pas aux forces de l’ordre. C’est une décision politique, relayée par l’autorité civile qui se trouve sur place.

Un commissaire qui va qui vient – Dans l’ancien Code pénal, les autorités civiles susceptibles de donner l’ordre d’utiliser la force pour disperser un attroupement étaient le préfet, le sous-préfet, le maire ou l’un de ses adjoints, le commissaire de police ou un officier de police judiciaire. Dans la pratique, c’était souvent le commissaire responsable du service d’ordre qui faisait les sommations. On lui prêtait la double casquette : magistrat de l’ordre administratif et judiciaire. En tant que militaire, l’officier de gendarmerie ne pouvait pas prendre cette décision. Et il n’était pas inhabituel de voir le commissaire, fort de son expérience en la matière, calmer les ardeurs d’un préfet ou d’un sous-préfet trop prompt à en découdre. Mais, en 1995, patatras ! le commissaire disparaît de la liste des autorités civiles. Il est remisé au rang des OPJ. On dit que le directeur général de la police de l’époque, M. Guéant, en avait marre de voir le moindre « commissouille » discutailler les ordres d’un préfet… Je ne sais pas si l’anecdote est vraie. Mais il est amusant de constater qu’aujourd’hui, il refait surface. Pourquoi ce revirement ? Les commissaires de police seraient-ils devenus plus dociles ? Peut-être ! Mais il y a une autre explication : l’apparition du gendarme parmi les autorités civiles.

Le nouvel article R. 431-3 est ainsi rédigé : « Dans les cas d’attroupements (…) le préfet ou le sous-préfet, le maire ou l’un de ses adjoints, le commissaire de police, le commandant de groupement de gendarmerie départementale ou, mandaté par l’autorité préfectorale, un commissaire de police ou l’officier de police chef de circonscription ou le commandant de compagnie de gendarmerie départementale doivent être présents sur les lieux en vue, le cas échéant, de décider de l’emploi de la force après sommation. »

Des militaires chargés de l’autorité civile, cela laisse dubitatif. Raison pour laquelle, le législateur, dans sa grande sagesse (?), avait antérieurement rectifié le Code de la défense. En effet, une loi de 2009 a modifié la compétence de la gendarmerie nationalecommentaires. Elle n’est plus chargée « d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation », mais de « veiller à la sûreté publique et d’assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois ».

Pour faire simple, on peut dire aujourd’hui que les gendarmes sont des militaires de plus en plus civils, tandis que pour les policiers, c’est le contraire. Ils vont bien finir par se rencontrer…

Cette rumeur révèle le climat négatif qui peu à peu s’installe dans notre pays. On a l’impression d’un gouvernement aux abois, qui craint que la population ne se rebelle, que des manifestations éclatent, voire des émeutes, et qui accumule les moyens d’auto-défense ; et de l’autre, un peuple qui sombre dans la parano et qui entrevoit des lendemains noirs et une répression aveugle. La défiance à tous les étages.

Un sale climat, cet été…

« Cold Case » à la française

Rouvrir de vieux dossiers : ce n’était pas prévu dans les missions dévolues aux réservistes de la police, mais certains retraités ont trouvé là un créneau particulièrement valorisant. Ils ne sont que quelques-uns à ce jour, mais l’idée semble faire son chemin, et leur nombre pourrait bien augmenter rapidement. Les « vieux » ont le profil pour ces recherches : ils ont des souvenirs réels (et non informatiques) d’affaires anciennes ; ils sont hors de la pression quotidienne, du flux tendu que connaissent les services de police ; et enfin, ils ne coûtent pas très cher.

L’initiative en revient, me semble-t-il, au patron de la Brigade de protection des mineurs. En effet, peu après qu’il ait pris la direction de ce service, en 2008, le commissaire divisionnaire Thierry Boulouque a recruté une policière retraitée, une ancienne de l’Antigang, pour piocher dans les archives.

En trois ans, notre Lilly Rush a passé plus de 700 dossiers au peigne fin, nous dit la journaliste Danielle Rouquié, dans son livre Brigade de protection des mineurs, aux éditions Jacob-Duvernet. Pour en conserver une trentaine qui font l’objet d’une nouvelle enquête. C’est ainsi qu’à mi-mai, l’auteur d’un viol et d’une agression sexuelle sur un mineur a été arrêté, plus de dix ans après les faits. Confondu par des traces ADN qui n’avaient pu être exploitées à l’époque.

Il faut dire que l’allongement de la durée de prescription, concernant les crimes et les délits contre les enfants, peut rendre les recherches anciennes particulièrement fructueuses. Alors que l’activité des policiers est sans cesse évaluée, et chronométrée, c’est important. On peut ainsi remonter trente ans en arrière, voire plus (sauf faits prescrits avant la loi), suivant l’âge de la victime. Et si les témoignages anciens sont à prendre avec prudence, la police scientifique a fait tant de progrès que tous les espoirs sont permis. En fait, les enquêteurs qui remontent ainsi le temps se heurtent au problème de la conservation des scellés, et notamment des prélèvements biologiques. Il y a quelques dizaines d’années, il n’était pas question d’un fichier génétique, néanmoins, le moindre élément : sang, sperme, cheveu…, était soigneusement conservé, car susceptible d’être utilisé pour une comparaison. On ne pouvait pas désigner un coupable, mais il était possible de confirmer ou d’infirmer la responsabilité d’un suspect.

Aussi, je suppose que nos parlementaires n’ont pas demandé l’avis des policiers et des gendarmes lorsqu’ils ont voté la loi sur les autopsies judiciaires. En effet, ce texte, applicable depuis le mois de mai, prévoit que, « lorsque les prélèvements biologiques réalisés au cours d’une autopsie judiciaire ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente peut ordonner leur destruction. » Bizarrement, cette loi fait suite à la destruction intempestive d’éléments dans l’affaire dite des « disparus de l’Isère », ces neuf enfants probablement assassinés. Mais voilà, la conservation de ces « scellés humains » coûte cher, car les hôpitaux se font payer pour les garder.
En prenant cette décision de détruire des prélèvements biologiques, on ferme donc la porte à toute nouvelle recherche, sans se soucier de savoir si des techniques plus sophistiquées pourraient demain voir le jour.

Et qu’en est-il des autres scellés ? Toutes les précautions sont-elles prises pour les conserver ? On se souvient de l’affolement lorsqu’on s’est aperçu que certaines pièces du dossier de l’affaire Boulin avaient disparu ! Il aura fallu un mois pour les retrouver – au Palais de justice de Paris, alors que l’enquête concernait le tribunal de Versailles. Sans commentaire.

Une chose me semble évidente : au fil des ans la société acceptera de moins en moins qu’une action criminelle reste impunie. Et il est vraisemblable que les délais de prescription, qui se sont déjà bien rallongés dans plusieurs domaines (terrorisme, trafic de stupéfiants…), seront appelés à disparaître, comme c’est déjà le cas en matière de crime contre l’humanité. Un projet de loi circule d’ailleurs pour rendre les crimes sexuels commis sur des mineurs imprescriptibles. Un dossier non résolu ne sera donc plus jamais fermé.

Et il reste à la justice française à franchir un pas de plus : accepter de remettre en cause un jugement définitif. Ce qui n’est pas évident. Le rejet de la révision du procès de Dany Leprince, condamné pour les meurtres de son frère, de sa belle-sœur et de deux de ses nièces, en est un exemple. Les juges ont estimé que de nouvelles traces ADN et de nouveaux témoignages n’étaient pas des éléments nouveaux « de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. » Alors qu’aux États-Unis, 266 condamnés (certains à mort) auraient été innocentés grâce à un test génétique. Existerait-il plus d’erreurs judiciaires de l’autre côté de l’Atlantique ?

Les juges ne sont pas des oracles. Lorsque deux cours d’assises rendent des décisions opposées, comme dans l’affaire contre Patrick Dils (condamné puis acquitté) ou Maurice Agnelet (acquitté puis condamné), c’est que l’une des deux s’est trompée.

Allez, un petit espoir… Il y a quelques années, le propriétaire d’un chien a été condamné car celui-ci n’était pas stérilisé, comme le prévoit la loi pour les chiens de 1ère catégorie. Il s’agit d’un délit. Le propriétaire décide alors de faire « expertiser » son animal de compagnie. Le vétérinaire conclut que celui-ci est morphologiquement proche du labrador et qu’il n’entre nullement dans la catégorie  des chiens dits dangereux. Avis confirmé par l’expert désigné par la Commission de révision. Ce nouvel élément, inconnu des juges lors du procès, était donc de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. Et le jugement – pourtant définitif – a été annulé.

Comme quoi la justice peut reconnaître ses erreurs. Et si l’on se penche sur un vieux dossier, il faut accepter de le lire dans les deux sens.

Garde à vue : la feuille de route de l’Union européenne

La France est loin du compte. Si la loi sur la garde à vue votée au mois d’avril se rapproche des règles minimales voulues par l’U-E, il est sûr qu’elle n’est pas suffisante. À la lecture des nouvelles propositions du Parlement européen et du Conseil, on peut dire que certaines des mesures appliquées aujourd’hui – avec bien des difficultés de la part des policiers et des gendarmes – ne sont que la portion congrue de la procédure de demain.

La croisée des cheminsDans un document du 8 juin 2011, l’Union fixe une nouvelle directive « relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après arrestation ». Elle concerne les personnes soupçonnées d’un crime ou d’un délit et celles qui sont visées par un mandat d’arrêt européen. Ces mesures font partie d’un pack global qui sera présenté au fil des ans et qui tient compte « des différences entre les traditions et systèmes juridiques des États membres ». L’idée est de rapprocher les différentes législations. Tout part d’un constat : la feuille de route de 2009 n’a pas été entièrement prise en compte et bien des efforts restent à faire.

Perquisitions, contrôle des lieux de détention, etc. – Le rôle de l’avocat tient une place importante dans cette directive. « Que la personne concernée soit privée de liberté ou non, elle doit pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat dès son audition. » Même s’il n’existe aucun élément concret contre elle. À partir du moment où il ne s’agit pas d’un témoin – au sens vrai : quelqu’un qui a vu ou entendu quelque chose – l’enquêteur doit envisager la présence d’un avocat. Il s’agit là d’une sérieuse difficulté, car la marge est souvent étroite entre un témoin et un suspect, et c’est parfois en témoignant qu’un individu peut devenir suspect. On doit donc s’interroger sur la validité de l’article 62 (modifié par la loi du 14 avril 2011) de notre Code de procédure pénale qui autorise une « retenue » de quatre heures des personnes contre qui il n’existe « aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ». Car, aux yeux de l’U-E, cette absence de garde à vue pourrait très bien être paraître… suspecte. On est sur le fil.

La participation de celui-ci ne doit pas se limiter aux auditions mais il doit être présent à tous les actes de la procédure concernant directement la personne soupçonnée. Ce qui est souvent le cas des perquisitions.

À noter que la proposition européenne donne également à l’avocat la possibilité de contrôler les lieux de détention. Et que les entretiens qu’il peut avoir avec son client « ne sont limités d’aucune manière ». On s’éloigne donc des trente minutes autorisées par la loi française. Un héritage du passé.

L’absence de l’avocat – Il ne peut être dérogé à la présence de l’avocat que dans des conditions exceptionnelles. « Toute dérogation doit être justifiée par des motifs impérieux tenant à la nécessité urgente d’écarter un danger qui menace la vie ou l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes. » Ce qui serait par exemple le cas dans une affaire de prises d’otages. La décision de transgresser ce postulat ne peut se fonder exclusivement sur le type d’infraction ou sur sa gravité. Le contraire de ce que dit notre Code qui retient la particularité de l’enquête, ou l’urgence. Ou qui vise justement un type d’infraction particulier, les crimes et délits en bande organisée (art. 706-73). Dans ce cas, le suspect peut-être gardé à vue en l’absence de son défenseur durant une période qui peut atteindre 72 heures.

De quoi faire bondir les sages de Bruxelles !

D’autant que pour tous les autres crimes et délits, l’officier de police judiciaire peut demander que les auditions et confrontations se déroulent hors la présence de l’avocat durant les douze premières heures. Vingt-quatre heures dans certaines conditions.

Alors que l’article 8 de la Directive parle de circonstances exceptionnelles et d’une décision prise par une autorité judiciaire, chez nous, pour les premières vingt-quatre heures, c’est le procureur qui se prononce. Le juge des libertés et de la détention n’intervenant que dans un second temps. Or, pour la CEDH, le procureur, comme on le sait, n’est pas représentatif du pouvoir judiciaire.

La garantie d’une vraie justice – Même difficulté lorsqu’il s’agit du droit de communiquer avec un tiers après l’arrestation, qui, en France, peut être repoussé par le procureur, à la demande de l’officier de police judiciaire. Une sorte de mise au secret que ne supportent pas les instances européennes. Pour elles, ce droit de communiquer, ainsi que le droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination, sont des garanties importantes contre d’éventuels mauvais traitements.

Les conséquences prévisibles – En cas de violation du droit d’accès à un avocat, la personne soupçonnée se retrouve à la case départ. Et les États membres « risquent de devoir supporter de coûts considérables » résultant des dommages-intérêts qui pourraient être versés aux requérants ayant obtenu gain de cause auprès de la CEDH.

À la lecture de ce jeu de recommandations, on se dit que cette réforme de la garde à vue, décidée en catastrophe après des années de valse-hésitation, n’est finalement qu’une loi toute provisoire. D’autant, comme l’a précisé la Cour de cassation, que les décisions de l’Union européenne doivent être appliquées par les États membres sans même attendre une modification de notre législation.

D’où cette situation drolatique dans laquelle le pouvoir législatif court derrière le pouvoir judiciaire… Allez, on n’a pas fini d’en parler.

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Quant à ce blog, il sera silencieux durant une dizaine de jours, car je me prépare à des vacances bien méritées, sous le soleil de Bretagne.

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