LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Droit (Page 11 of 20)

J’ai l’AD-haine

Il y a une dizaine de jours, à Marseille, deux frères jumeaux âgés de 25 ans ont été mis en examen et écroués pour une série de viols et d’agressions sexuelles. Ils ont été confondus par leur ADN. Mais lequel des deux est le coupable ? Une question à laquelle la police scientifique ne peut répondre. Et qui pourrait cependant devenir de moins en moins exceptionnelle, puisque le nombre de jumeaux ne cesse d’augmenter. En une quarantaine d’années, il a presque doublé en France – même s’ils ne sont pas tous monozygotes. Les techniques actuelles de la police scientifique ne sont pas assez fines pour prendre en compte ces cas particuliers. Pour faire la distinction entre les deux hommes, il faudrait faire appel à un labo privé et la facture pourrait monter à plusieurs centaines de milliers d’euros. Comme le dit Simoneduchmole sur Twitter, le bon vieux bottin coûtait quand même moins cher…

Extrait du livre « Notre ADN et nous », aux éditions Vuibert

Les journalistes ont relaté cette affaire sans étonnement (la presse serait-elle blasée ?), comme si l’on pouvait mettre deux suspects à l’ombre sous le prétexte que l’un est forcément coupable. Il existe bien sûr d’autres charges contre eux, sinon le juge d’instruction aurait une bizarre conception de la justice.

Pourtant, dès que l’on parle d’ADN, les excès ne sont pas rares, tant du côté de la police, de la gendarmerie que de la justice. Ainsi, lorsqu’un magistrat décide de passer tous les mâles d’un village breton au tamis pour tenter d’identifier un incendiaire, ne dépasse-t-il pas les bornes ?

Ce n’est probablement pas l’avis de la Chancellerie, puisque dans l’enquête sur le viol et le meurtre d’une collégienne anglaise, Caroline Dickinson, en 1996, le juge chargé du dossier qui avait refusé d’effectuer un test systématique a été remplacé par son collègue Van Ruymbeke, qui, lui, ne fait pas dans la dentelle. Si la pêche au filet n’a pas permis d’identifier le meurtrier, l’assassin a néanmoins été démasqué par ses gènes – mais grâce à une enquête des plus traditionnelles.

Le coton-tige n’a rien d’une baguette magique ! Bien sûr, je n’ai pas la haine de l’ADN (je n’ai pas résisté à ce titre), c’est un formidable atout pour découvrir les criminels, mais il faut prendre garde de ne pas tomber dans l’excès de confiance. La police scientifique ne doit pas engourdir « les petites cellules grises » chères à Hercule Poirot. Ainsi, ce mégot que l’on jette (à tort) dans le caniveau pourrait très bien se retrouver sur la scène d’un crime. Et l’on aura beau crier son innocence, sans alibi béton, on risque fort de passer quelques jours de vacances dans un hôtel Taubira.

Comme le dit en résumé le commissaire Cécile Moral, du service régional d’Identité judiciaire de Paris, dans la revue PPrama, le rôle de l’Identité judiciaire consiste à remettre des éléments aux enquêteurs, à eux d’en faire bon usage. Et tant pis pour les séries télé.

Chez nous, le législateur a tenté de placer des garde-fous en limitant l’utilisation du fichier national (FNAEG) à la simple comparaison. Un peu comme pour les empreintes digitales. Un seul marqueur est archivé : celui qui correspond au sexe. Toutefois, les prélèvements sont soigneusement conservés. L’enregistrement des traces est effectué pour les condamnés et les mis en cause pour les crimes et les délits énumérés à l’article 706-55 du Code de procédure pénale. Si l’ADN d’un simple suspect peut être prélevé pour réaliser un rapprochement, la formulation ne doit pas être introduite dans la base de données. Si l’on revient un instant sur l’affaire de l’incendiaire du Morbihan, les habitants de Larmor-Baden sont-ils tous des suspects ? La réponse est non. Les enquêteurs doivent donc obtenir leur consentement pour effectuer un prélèvement salivaire. Et – à mon avis – si l’un d’eux refuse, la sanction de l’article 706-56 du CPP (1 an de prison et 15 000 € d’amende) ne s’applique pas. On peut en discuter à l’infini, mais cela ne vaut pas le coup, puisque ledit réfractaire deviendrait illico un suspect. Il serait donc tenu de se soumettre. Et la boucle serait bouclée.

Faut-il s’inquiéter de l’archivage de notre ADN ? Je crois que oui. D’abord, parce que l’on touche à notre moi profond et surtout, parce qu’on est à l’aube d’un gigantesque marché industriel. « L’accroissement massif de la quantité d’information disponible sur l’ADN humain est l’émergence d’une nouvelle industrie basée sur l’exploitation de ces données », écrit le professeur Colin Masters dans son livre Notre ADN et nous (Ed. Vuibert). Par simple rapprochement d’idées, on se souvient que lors de la discussion de la dernière loi sur la sécurité (Loppsi 2, en 2011), M Hortefeux avait envisagé de créer un fonds alimenté par les compagnies d’assurance  pour assurer le financement du FNAEG. J’ai comme l’impression que notre patrimoine génétique excite bien des convoitises. Cela va bien au-delà d’un simple fichier de police.

Allez, ceux qui se plaignent du flicage de notre société n’ont encore rien vu !

Le journaliste scientifique Pierre Barthélémy, sur son blog, Passeur de sciences, nous raconte qu’une artiste new-yorkaise, en partant de quelques mégots et d’un chewing-gum récupérés au hasard dans la rue, a réussi à reconstituer le visage de leurs propriétaires respectifs. L’anecdote est exagérée. On ne peut évidemment pas (pas encore) reconstituer un visage à partir d’un prélèvement ADN. Mais il est possible d’établir des éléments distinctifs : l’origine ethnique, le sexe, la couleur de la peau, des yeux, des cheveux… Autant d’éléments qui peuvent venir compléter des témoignages visuels pour dresser un portrait-robot pas très éloigné d’une photographie. Et demain, le résultat pourra être introduit dans l’informatique d’un système de vidéosurveillance pour une détection quasi automatique.

Usage des armes dans la police : vers un meilleur encadrement

Il n’y aura pas de présomption de légitime défense pour les policiers mais probablement un codicille aux textes en vigueur afin de mieux encadrer les situations dans lesquelles ils peuvent faire usage de leur arme. Un peu comme cela a été fait l’année dernière dans l’hypothèse où un attroupement devrait être dispersé par la force.

C’est du moins ce que l’on peut déduire des propositions de la « mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes » dont la mise en place avait été annoncée par Manuel Valls lors de l’un de ses premiers déplacements en tant que ministre de l’Intérieur. Il s’agissait alors d’étouffer la colère des policiers après la mise en examen de l’un d’eux pour homicide volontaire dans l’affaire de Noisy-le-Sec.

« En encadrant l’usage des armes, on en consacre l’existence et on répond d’une certaine manière – autrement que par les propositions que nous avons écartées [Note : la présomption de légitime défense] – à une attente », estime le conseiller d’État Mattias Guyomar dans son rapport remis vendredi dernier au ministre.

Je dois avouer que je trouve l’idée d’encadrer l’usage des armes pour en consacrer l’existence assez sibylline. Le rapporteur parle de « codifier la jurisprudence du code pénal »… Mais comment prévoir à l’avance les circonstances d’une intervention de police alors que celles qui posent problème sont justement les plus imprévues… S’agit-il d’énumérer les cas dans lesquels le policier peut faire usage de son arme ? Attention à ne pas ouvrir la boîte de(s) Pandore(s) ! Et puis, ce serait oublier une chose qui ne peut s’expliquer : la peur, tout simplement. La peur d’être tué et la peur de tuer. Dans le drame de Noisy-le-Sec, le gardien de la paix a-t-il cédé à un tir panique ? Cette peur, souvent non avouée, c’est le fossé qui sépare le juge du policier.

Définir les conditions d’utilisation des armes lors d’une interpellation, serait d’autant plus curieux, qu’en flagrant délit, le policier ne possède aucun pouvoir particulier. Il agit comme pourrait le faire tout citoyen, dans le cadre de l’art. 73 du CPP.

Je trouve le Conseiller plus intéressant lorsqu’il outrepasse sa mission pour réfléchir à l’utilisation des armes dites à létalité réduite, celles que l’on classe dans la catégorie des moyens intermédiaires de défense. Il est vrai, par exemple, qu’entre le premier Flash-Ball, arme essentiellement dissuasive, presque de contact, et le lanceur de balles suisse à visée électronique actuellement en dotation, il y a tout un monde. Et il ne serait pas idiot de mieux adapter leur utilisation aux missions, plutôt que de faire la surenchère à la puissance.

Pas question dans ce rapport d’aligner les policiers sur les gendarmes – ou le contraire. Statu quo. Les gendarmes continueront donc à bénéficier – dans certaines circonstances – de la possibilité de tirer après sommations. Pour justifier cette possibilité de tuer, on met en avant leur statut militaire. Ce qui n’a évidemment pas beaucoup de sens, puisque la plupart des missions de la gendarmerie sont identiques à celles de la police nationale. Là, je crois qu’on est plutôt dans le ni-ni. Rappelons pour les auteurs de polars qui candidatent au Prix du Quai des Orfèvres, que le policier ne fait pas de sommations. Il ne peut par exemple tirer sur un délinquant qui s’enfuit, qu’il soit à pied ou en voiture. Tout au plus pourrait-on tolérer un tir d’avertissement…

Mais parmi les 27 propositions de ce rapport, il y en a une qui est très appréciée : l’extension de la protection fonctionnelle. D’après l’agence d’informations spécialisées aef-info, en 2011, elle aurait été actionnée 20 289 fois pour les policiers (j’ai du mal à croire ce chiffre) et 500 fois pour les gendarmes. Mais en l’état, elle est loin de donner satisfaction. Si cette recommandation était suivie d’effet, le policier ou le gendarme mis en cause par la justice dans l’exercice de ses fonctions devrait bénéficier d’une protection juridique plus étendue et, surtout,  il devrait se voir garantie la continuité de ses ressources. Éventuellement en faisant l’objet d’un reclassement provisoire dans une autre administration. Alors qu’aujourd’hui, un policier mis en cause par la justice peut du jour au lendemain être interdit d’exercer son métier par le juge d’instruction ou suspendu par l’autorité administrative. Et si le plus souvent il continue à percevoir son traitement (du moins dans un premier temps), celui-ci est sérieusement amputé. Grosso modo réduit de moitié. De plus, en tant que fonctionnaire, il n‘est pas autorisé à avoir une autre activité salariée. De nombreux policiers ont très mal vécu cette expérience où ils tournent en rond, désœuvrés, à tirer le diable par la queue, et souvent seuls, car coupés de leurs collègues, de leurs amis. Comme soutien psychologique, peut mieux faire.

Cette évolution très importante dans la protection matérielle nécessiterait de modifier le statut de la fonction publique (de la défense, pour les gendarmes), et devrait donc profiter à l’ensemble des fonctionnaires. On ne voit pas en effet comment, sous un quinquennat placé sous le signe de la justice pour tous, on pourrait faire une différence entre les agents publics, selon qu’ils seraient rattachés à tel ou tel ministère.

L’enquête imaginaire sur les enregistrements de Merah

« Agissant en enquête préliminaire pour des faits de violation du secret de l’instruction et recel, conformément aux instructions de Monsieur le procureur de la République de Paris, nous présentons ce jour au siège de l’entreprise Éléphant et Cie… »

J’ai eu beau râler, le chef m’a dit qu’il fallait foncer et récupérer dare-dare les enregistrements des négociations entre la DCRI et Mohamed Merah, dont une partie avait été diffusée sur TF1. Une enquête sur des œufs. Avant de me lancer dans l’aventure, j’ai évidemment compulsé mon code de procédure pénale…

La perquisition – Quasi impossible. D’abord, en préli, il faut un accord écrit du « maître des lieux ». Ensuite, la perquisition dans une entreprise de presse est réglementée par la loi de 2010. Question : la maison de production Éléphant et Cie est-elle un organe de presse ? Petit tour sur l’Internet. Oui, il est indiqué qu’il s’agit d’une société de production audiovisuelle qui possède ce statut. Mais c’est quoi une agence de presse. Pour Wikipédia, plus facile à lire que le Dalloz, « une agence de presse est une organisation qui vend de l’information aux médias à la manière d’un grossiste fournissant des détaillants ». La définition juridique est fournie par l’ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 (modifiée par la loi du 22 mars 2010 et consolidée en mars 2012). Pour remplir les conditions, il faut que l’entreprise effectue au moins la moitié de son chiffre d’affaires dans la fourniture à des publications de presse. Là, je n’ai pas le temps de vérifier. Après tout, qui dit perquise chez des journalistes, dit décision écrite d’un magistrat. Il est où le proc ? D’autant que Mister Chain me fait les gros yeux. Je sors ma réquise article 77-1-1 et je lui demande du bout des lèvres s’il veut bien me remettre les enregistrements susvisés. Il me dit non. Je m’en vais.

De toute façon, l’acte aurait été frappé de nullité, puisqu’il violait l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Et puis, j’ai bien compris, plus tard, en lisant les propos d’Emmanuel Chain dans Le Point, que la justice n’y avait rien perdu : « Vous imaginez bien que nous nous y attendions et que nous avons pris toutes les précautions pour protéger nos sources », qu’il a dit.

Le secret professionnel – Il est l’apanage de certaines professions : médecins, avocats, ministres du culte… et même les flics qui ne sont pas tenus d’indiquer l’identité de leurs informateurs.  Enfin, ça, je demande à voir, hein ! Pour les journalistes, la première tentative vers un secret professionnel date de 1925. Cette idée avait été balayée sous le prétexte que le journaliste n’est pas dépositaire d’un secret confié par un particulier, comme c’est le cas d’un avocat, par exemple. Depuis, l’eau a coulé. Aujourd’hui, la France s’est alignée sur la jurisprudence de la Cour européenne. La loi du 4 janvier 2010 pose le principe de la protection du secret des sources des journalistes « dans leur mission d’information du public ». Ce principe interdit que les enquêteurs tentent de les identifier, même de façon indirecte. D’où l’histoire des fadettes du Monde. Si le nom d’un honorable correspondant d’un journaliste apparaît inopinément sur une écoute téléphonique, le policier peut l’entendre, mais ne peut pas l’écrire.

Parfois, je me dis que c’est un métier pour autiste…

Le secret de l’instruction –  Il est amusant de noter que le juge et le journaliste ont quelque chose en commun : la recherche de la vérité. Mais ils ne disposent évidemment ni des mêmes pouvoirs ni des mêmes méthodes. Toutefois, tous deux sont protégés dans leurs actes par la notion de secret : secret de l’instruction pour l’un, secret des sources de l’information pour l’autre. À ceci près que pour les juges, c’est peine perdue : le temps médiatique n’est pas le même que celui de la justice.  Et le « parasitage » est trop fort. À tel point que l’on a pris l’habitude de suivre le travail du juge dans nos journaux – parfois d’ailleurs par un jeu de fuites savamment orchestré, comme dans l’affaire Neyret. Une carotte que l’on agite sous notre nez pour satisfaire notre goût des faits divers et masquer des événements plus enquiquinants pour le pouvoir. Raison pour laquelle bon nombre de magistrats ont pris en main leur communication. Et, tandis qu’un député de l’ancienne majorité (pas encore vacciné) réclame le durcissement de la loi sur la violation du secret de l’instruction, des voix plus autorisées se font entendre pour sa suppression, ou du moins son adaptation aux méthodes modernes de communication. Pour mémoire, d’ailleurs, le rapport Léger, enterré (sans doute contre son gré) par le précédent locataire de l’Élysée, proposait la suppression du secret de l’enquête et de l’instruction – tout en conservant le secret professionnel.  Finalement, c’est un peu comme la consommation de cannabis : si l’on ne peut pas faire respecter la loi, autant la supprimer.

Je prenais sur moi, en sortant de la maison de prod, mais j’en avais gros sur la patate. Puisqu’il n’est pas possible d’enquêter sur les journalistes, je me suis dit que la seule solution, c’était de prendre l’enquête par l’autre bout. Et pour cela, il fallait déterminer entre quelles mains étaient passés ces enregistrements ! Pas facile, d’autant qu’avec le numérique, la piste se perd rapidement dans les méandres des ordinateurs : policiers, magistrats, techniciens… Ces enregistrements ont-ils été placés sous scellés ? Dans quel délai ? Et comment déterminer combien il y a eu de copies avant… Ce qui n’a d’ailleurs aucune importance s’il s’agit, non pas de scellés fermés, mais de scellés ouverts, qui sont justement faits pour pouvoir en lire le contenu.

Soyons réaliste, mon enquête n’est pas prête d’aboutir. Mais comme je ne suis pas sûr que là-haut on souhaite un résultat, ça ne m’inquiète pas trop.

Cela dit, le journaliste ne bénéficie d’aucune immunité. S’il enfreint la loi d’une manière ou d’une autre dans l’exercice de son métier, il peut très bien se retrouver en prison. Par exemple s’il est receleur de la violation du secret d’instruction.

Le recel de violation du secret de l’instruction – Celui qui obtient les confidences d’une personne concernée par le secret de l’instruction devient receleur. Mais celui qui obtient l’information du receleur peut-il être lui-même receleur ? Il semble bien que non. On ne peut être receleur du délit de recel. Donc, en masquant leurs sources, les journalistes ne risquent pas grand-chose, même s’ils sont hors la loi. Et pour les enquêteurs, c’est mission impossible.

Dans ces conditions, alors que la police manque de bras, je me demande s’il est bien utile de faire un travail au résultat si incertain. Un coup de tampon « vaines recherches », et hop ! Et là-dessus, le procureur de Paris a ouvert une information judiciaire. Donc, changement de patron. Maintenant, c’est le juge d’instruction qui décide. Franchement, on aurait peut-être pu commencer par là, même si j’ai l’impression que cela ne changera pas grand-chose.

Vacances, animaux et bonne conscience

Il y a quelques jours, la voiture de Mme Bernadette Chirac a heurté un chevreuil sur l’autoroute A20, à une cinquantaine de kilomètres de son château de Bity, à Sarran, en Corrèze. On ne va pas lui en tenir rigueur, d’autant que ce n’est pas elle qui conduisait, mais son « officier de sécurité ». Ce petit fait divers attire l’attention sur l’incidence de nos transhumances estivales sur les animaux sauvages, désorientés par ce va-et-vient incessant, et aussi, hélas ! sur les animaux de compagnie, qui deviennent parfois encombrants.

Photo de Didier Weemaels, prise forêt de Soignes (site Flickr)

Au volant, si vous heurtez un animal en liberté, votre responsabilité n’est évidemment pas engagée. S’il s’agit d’un animal sauvage, vous pouvez même prétendre à une indemnisation du « fonds de garantie ». Pour cela, il faut prendre soin de préserver, à l’attention de l’expert, les traces laissées par le choc (sang, poils…). Mais s’il s’agit d’un animal dont le propriétaire est identifié, c’est vers lui que la compagnie d’assurance ou la justice se tournera.

« Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé », dit le Renard au Petit Prince. C’est un peu ce que nous rappelle l’art. 1385 du code civil (créé par une loi de 1804) : « Le propriétaire d’un animal (…) est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »

Cette responsabilité peut d’ailleurs être pénale. Mais, ce que l’on sait moins, c’est que les animaux possèdent eux aussi des droits. La loi les protège des humains.

Ce qui ne va pas sans poser problème, car il n’est pas raisonnable de donner aux bêtes, comme pour les hommes, une véritable identité juridique. Et si la tendance actuelle va vers la personnification de l’animal, il faut se garder de tout anthropomorphisme. Chacun doit rester dans sa peau.

Il existe, depuis 1987, une Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie. La France l’a ratifiée en 2004, avec toutefois une restriction sur un alinéa : la coupe de la queue, qui porte le nom savant de caudectomie. Une intervention chirurgicale qui – chez nous – se pratique encore sur les porcelets et parfois aussi sur les chiens. Pour ces derniers, il y a quelques années, un député avait même proposé que l’on en revienne à la pratique de la coupe des oreilles…

Voyou (photo perso) - Des fois, je lui taillerais bien les oreilles en pointe...

Il faut dire que de la zoolâtrie à la diabolisation, l’histoire nous montre que nos relations à l’animal ne sont pas simples. C’est un domaine où la raison marque souvent le pas. Ainsi, au Moyen Âge, les animaux pouvaient être cités en justice. On dit même qu’au début du siècle précédent, en Suisse, un chien a été jugé coupable de complicité de meurtre et exécuté. Plus près de nous, la Cour de cassation a estimé que les mauvais traitements infligés à un animal étaient en partie de sa faute, en raison de son comportement. Or, il est évident que si l’on donne une responsabilité pénale à une bête, il faut en contrepartie lui donner des droits juridiques. On frôle les fables de La Fontaine… Et, à force de « bons sentiments », on en arrive à des absurdités. En fait, si l’on appliquait le code pénal, cela ne serait déjà pas si mal. Comme l’article 521-1 qui punit de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou  de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé – ou simplement tenu en captivité. Alors que bizarrement, la mise à mort, sans nécessité, n’est punie que de l’amende prévue pour la contravention de 5° classe.

En fait, les infractions qui visent les violences aux animaux n’encombrent pas les tribunaux. Mais les choses évoluent vite. On se souvient qu’en 2009 une jeune femme a été condamnée à 6 mois de prison ferme pour avoir aspergé un chien d’essence avant qu’un gamin y mette le feu. (L’animal, brûlé à 50 % a néanmoins survécu.) Et, en 2007, la Cour de cassation a confirmé que les actes de sodomie effectués par un homme sur son poney étaient des sévices sexuels, entérinant ainsi la condamnation à un an de prison avec sursis. Et comme cette déviance va souvent de pair avec des réseaux zoophiles, en 2010, une proposition de loi a été déposée pour lutter contre la diffusion d’images mettant en scène des animaux.

Volontairement, le code pénal ne parle pas  d’animaux de compagnie. Il va au-delà. Dans la pratique, on peut retenir trois catégories :

L’animal de compagnie – C’est celui qui est détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément (art. 214-6 du code rural).

L’animal domestique – Un arrêté de 2006 fixe la liste « des espèces, races ou variétés domestiques », du moins au sens du code de l’environnement. La définition qu’il en donne est quasi incompréhensible. Pour simplifier on peut dire qu’il s’agit des animaux qui ont fait l’objet d’une sélection par l’homme. On y trouve des mammifères, des oiseaux, des poissons et même des insectes, comme le ver à soie. L’animal de compagnie figure donc dans la liste des animaux domestiques.

Le cheval aussi, tout comme le bœuf, le porc, etc. En 2010, des députés ont déposé une proposition de loi pour que cet équidé soit considéré comme un animal de compagnie. Comme argumentaire, ils défendaient l’idée que de nos jours rien ne différencie un cheval d’un chien, animal qui peut être un outil de travail tout comme un compagnon de loisir. Sauf que les chiens ne finissent pas à l’abattoir… Sur le site de la Fondation Brigitte Bardot, on peut lire que 850 équidés seraient tués chaque jour en France. Mais le Canada reste notre principal fournisseur de viande de cheval. À ma connaissance, cette proposition de loi est restée lettre-morte…

L’animal non domestique – Ce sont toutes les autres espèces. Elles ne font donc l’objet d’aucune protection juridique lorsqu’elles vivent à l’état sauvage (sauf espèces protégées). Pour le code de l’environnement, sont considérées comme espèces animales non domestiques celles qui n’ont pas subi de modifications par sélection de la part de l’homme. La liste est établie par arrêté après avis du Conseil national de la protection de la nature (R-411-1).

Pour revenir à des choses sérieuses, c’est-à-dire l’accident de Mme Chirac, elle n’a heureusement pas été blessée. La préfecture de Corrèze a aussitôt envoyé un véhicule de remplacement et elle a pu poursuivre sa route. Oui, je sais bien, à l’heure de la rigueur, certains vont se poser des questions… Mais dans ce billet dédié aux bêtes et à leurs amis, je me contenterai d’une pensée pour le chevreuil.

Saisies pénales : pour que le crime ne paie pas

Hier, François-Marie Banier a demandé la mainlevée sur des contrats d’assurance-vie saisis par la justice, contrats souscrits à son profit par Mme Bettencourt. Pfft ! 75 millions d’euros. 5.500 années de travail pour un smicard. Une requête juridiquement intéressante. D’autant que le juge Gentil vient juste de finir l’inventaire de ses œuvres d’art entassées dans son immeuble du VI° arrondissement. Comme une épée de Damoclès qu’il agiterait au-dessus de la cache au trésor ! Dans un autre dossier politiquement sensible, le juge Van Ruymbeke a ordonné la vente du yacht de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, mis en examen dans l’affaire de Karachi.

Qu’est-ce qui leur prend à ces magistrats ! En deux mots, ils utilisent les moyens exceptionnels mis à leur disposition par la loi du 9 juillet 2010, qui a créé un nouveau droit des saisies pénales. L’objectif de ce texte est de priver les délinquants de leur patrimoine dès lors que celui-ci semble provenir d’une activité criminelle en gelant leurs biens dès le début de l’enquête. Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, a soutenu cette loi pour lutter contre la criminalité organisée, notamment le trafic de drogue. Je me demande ce qu’il en pense aujourd’hui, alors que les juges l’utilisent – aussi – pour des affaires politico-judiciaires…

Tous les biens confiscables selon l’article 131-21 du code pénal peuvent être saisis. Mais, alors que cet article vise une peine complémentaire prononcée en plus d’une condamnation, il s’agit ici de mesures préventives. Elles concernent un simple suspect, autrement dit un « présumé innocent ». Avec un principe fort : tout ce qui est confiscable est saisissable. Pierre Dac aurait dit, « et son contraire ». Pour faire simple, tous les crimes et la plupart des délits punis d’une peine d’emprisonnement peuvent être concernés (pas les délits de presse). Et cela, soit sur décision du juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur (flag, préli) ; soit par la seule volonté du juge d’instruction lorsqu’une information judiciaire est ouverte. Que ces biens appartiennent à une personne physique ou morale, qu’ils soient corporels (argent, actions, immeubles…) ou incorporels, comme une créance sur un droit futur (assurance vie, droits d’auteurs, brevets…). À noter que la loi de 2010 permet également à l’OPJ de saisir directement les biens lorsqu’ils sont liés à l’infraction.

Cet argent, ces voitures, ces immeubles, etc., peuvent n’avoir qu’un rapport indirect avec le crime ou le délit. Il suffit de démontrer qu’ils ont été acquis grâce à l’infraction. Dans plusieurs cas, la loi va même plus loin. Elle le présume. Il appartient alors au suspect de prouver le contraire. Si les poursuites engagées concernent le délit de non-justification de ressources, c’est l’ensemble du patrimoine qui peut ainsi être confisqué.

Pour cela, la justice et les enquêteurs disposent de deux outils la PIAC et l’AGRASC. (Oui, pas terrible comme sigles, mais dans l’administration, surtout à l’Intérieur, on a appris à se méfier des acronymes trop facilement mémorisables.)

La PIAC, c’est la Plate-forme d’identification des avoirs criminels. Cette unité a été créée en 2007 au sein de la DCPJ. Elle est rattachée à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) dirigé par le commissaire divisionnaire Jean-Marc Souvira. (Également auteur de romans policiers. Son dernier livre : Le vent t’emportera, au Fleuve Noir.) La PIAC comprend à parité des policiers et des gendarmes, ainsi que des fonctionnaires d’autres administrations (douanes, impôts…). Elle est dirigée par un commandant de police. Sa mission première est d’effectuer des enquêtes patrimoniales soit à la demande des magistrats ou d’autres services de police ou de gendarmerie, soit d’initiative. Elle recoupe également les informations relatives aux avoirs criminels saisis. Ces chiffres alimentent une base de données nationale et permettent l’élaboration du TACA (Total des avoirs criminels appréhendés). Conçu initialement pour lutter contre le blanchiment, ce service est de plus en plus sollicité. En gros, toutes les infractions dont l’objectif est le profit – ce qui doit être souvent le cas. La PIAC est également chargée de l’entraide internationale en complément de la coopération classique via EUROPOL ou INTERPOL. À la suite de la décision européenne de créer des unités de dépistage et d’identification des avoirs criminels au sein de chaque État membre, elle a été désignée comme « Bureau des avoirs pour la France ».

La gendarmerie nationale n’est pas en reste. Dès les années 1980, elle a formé des militaires aux arcanes de la finance souterraine pour les affecter dans les sections et brigades de recherche départementales. Aujourd’hui, il existe une formation à trois niveaux : un stage « enquêteur patrimonial », une licence professionnelle et un master II (lutte contre la criminalité organisée dans ses dimensions économiques et financières à l’échelle européenne), proposé par l’université de Strasbourg. Elle revendique 1000 spécialistes. Depuis 2006, la gendarmerie a saisi des biens « criminels » pour environ 340 millions d’euros. Une partie de ces fonds sert à alimenter le « fonds concours drogues » géré par la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie). La gendarmerie en récupère chaque année environ 25 % pour renforcer son action dans ce domaine. Des véhicules et du matériel saisis peuvent également être « empruntés » pour assurer certaines missions.

Mais pour gérer tous ces biens, il fallait un autre outil. La loi de 2010 a donc mis sur pied l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), dont l’activité a démarré en février 2011. Il s’agit d’un établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Justice et du Budget avec à sa tête une magistrate de l’ordre judiciaire, Mme Élisabeth Pelsez. L’agence gère l’ensemble des biens confisqués (argent, comptes bancaires, immeubles…)  et, une fois le jugement rendu, en assure la vente, la destruction ou la restitution. Le produit de la vente sert si besoin à indemniser les victimes et à payer les créances et les amendes. Le solde est reversé au budget de l’État, sauf en matière de stupéfiants où, là encore, il alimente la MILDT. J’ai cru comprendre qu’une partie de la recette servait à couvrir les frais de fonctionnement de l’agence, mais je n’en suis pas sûr.

Cet organisme procède également à la vente – avant jugement – des biens saisis, suivant la décision des magistrats. Si le propriétaire est acquitté ou bénéficie d’une relaxe ou d’un non-lieu, l’argent tiré de la transaction lui est alors restitué. C’est donc l’AGRASC qui devrait vendre le bateau de M. Takieddine. À quel prix, doit-il se demander ?

Dans son premier bilan, l’AGRASC fait état de 8 000 affaires traitées avec un encours sur son compte de la Caisse des dépôts de 204 millions d’euros. Une somme placée à 1 %. Un bilan encourageant selon certains, mitigé selon d’autres. En fait, pour être rentable (car là on ne parle plus justice mais business) l’agence devrait se limiter aux grosses affaires. Or, il semble bien qu’elle croule sous les petites. 66 % des sommes confisquées sont inférieures à 1.000 €. Et les 714 véhicules saisis durant la période concernée représentaient une valeur insuffisante pour couvrir les frais d’immobilisation. Il a fallu payer un prestataire pour les détruire. Dans ce souci de rentabilité, on réfléchit à simplifier encore la procédure et à sensibiliser les magistrats et les OPJ pour qu’ils placent la barre plus haut. Les infractions les plus lucratives sont le blanchiment, l’escroquerie et l’abus de confiance. Alors que les stupéfiants, qui représentent 63 % des affaires n’ont rapporté que 13% du budget. M. Hortefeux doit se retourner dans son placard.

Le gros succès de cette loi de 2010 est la facilité qu’elle apporte dans la saisie d’immeubles. Ainsi, depuis le début de cette année, un immeuble est saisi chaque jour en France.

Il est amusant de constater que l’on applique aujourd’hui l’une des recommandations de Cesar Beccaria, considéré comme le fondateur du droit pénal moderne, qui, dans Des délits et des peines, écrivait : « La perte des biens est une peine plus grande que celle du bannissement ». C’était en 1763. Il est vrai qu’il trouvait également barbare la peine de mort et la torture et recommandait de prévenir le crime plutôt que de le réprimer.

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Sources : documentation officielle, documentation personnelle, presse et dossier Les nouvelles saisies pénales dans la revue Dalloz (AJ Pénal mars 2012).

Pétarades autour du cannabis: Qu’en pense la police ?

En 2010, c’est plus de 120 000 personnes qui ont été interpellées pour usage de cannabis. Soit environ une garde à vue sur quatre (hors infractions routières). On peut donc dire que le quart de l’action des services de police et de gendarmerie est consacré aux fumeurs de pétards. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des revendeurs et des trafiquants, ni des autres drogues. Dont les drogues de synthèse, autrement plus dangereuses que le cannabis, et devant lesquelles on semble bien démunis.

L’activité judiciaire d’un commissariat de la banlieue parisienne est consacrée à plus de 40 % à la lutte contre l’usage et le trafic de drogue. Et je suppose que dans les tribunaux, les parquetiers croulent sous les dossiers stups. Pourtant, la consommation et le trafic continuent de progresser. Alors, ce travail est-il utile ?  Hier, on pouvait dire qu’il servait à meubler les statistiques, mais depuis que M. Valls nous a affirmé que la politique du chiffre est derrière nous, on peut s’interroger. J’ai donc posé la question à droite à gauche, dans les commissariats, et la réponse quasi unanime repose sur la connaissance de « la » population. En résumé, la loi qui pénalise l’usage des stupéfiants (un an de prison et 3.750€ d’amende, jusqu’à cinq ans de prison pour certaines professions, comme les policiers) permet d’arrêter et de ficher un maximum de gens, et notamment des jeunes. « C’est le vivier de la délinquance de demain » m’a dit un commissaire. Cela peut paraître cynique, mais c’est le principe même d’un fichier : plus il contient de noms (auteurs, suspects, victimes, plaignants…), plus il est efficace.

Mais il y aussi une raison non avouée. En fait, de nombreuses enquêtes sur le trafic partent du consommateur. C’est le plus facile à détecter. Or, grâce à cette législation très dure, il est possible de faire pression sur lui, voire de négocier. Il ne paraît pas amoral à un enquêteur de fermer les yeux sur le délit que commet un fumeur de joints pour se donner une chance de faire tomber son fournisseur – même si légalement la question se pose. D’ailleurs, c’est probablement cette démarche, conduite à l’extrême, qui a mené un grand flic comme Michel Neyret, a franchir la bande blanche.

Cela fait donc deux bonnes raisons pour que les policiers soient globalement contre la dépénalisation du cannabis. Cela leur enlèverait des moyens d’enquête. Comme ils souhaitent, d’ailleurs, que la simple consommation reste un délit. Alors que l’on pourrait se contenter d’une amende, une infraction au carnet à souches, comme l’a suggéré M. Rebsamen, avant de se faire reprendre par le patron. Mais dans ce cas, pas de garde à vue, pas de perquisition, pas de fichage… Mais en revanche du temps et des moyens dégagés pour s’attaquer aux trafiquants ou à d’autres formes de délinquance.

L’État et la Sécu ont budgété en 2012, 1.5 milliard d’euros pour lutter contre la drogue, mais personne n’a osé faire les vrais totaux : police, justice, prison, mesures de soins ou de surveillance médicale, etc. À quelle somme arriverait-on ? À mettre en balance avec les 22 et quelques millions d’euros récupérés par la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) en 2011, sur la revente des cessions des biens confisqués lors des procédures pénales.

À une époque où l’on compte le moindre sou, tout cela est-il bien raisonnable ? Avec le résultat que l’on connaît : des jeunes de plus en plus accros et qui se marginalisent en se mettant hors la loi. La société française est tellement recroquevillée sur ce sujet qu’elle s’interdit même de prendre en considération le potentiel thérapeutique du cannabis, alors que les opiacés sont couramment utilisés pour lutter contre la douleur. D’où vient cet autisme qui nous incite à persévérer dans une voie qui de toute évidence mène à un cul-de-sac ?

Jean Cocteau disait qu’au lieu de l’interdire, il faudrait rendre l’opium inoffensif. Se faire du bien sans se faire mal (mais ce n’est pas dans notre culture). Le cannabis n’est sans doute pas inoffensif, loin s’en faut, mais c’est une drogue sans mystère. Et chacun a sa propre opinion. Et un ensemble d’opinions, ça fait un électorat. D’où cette polémique à la veille des élections, puis, dans quelques jours, le soufflé va retomber. Pourtant, M. Vaillant a  raison, cela mérite un vrai débat – objectif.  Car il n’y a pas de dogme dans ce domaine, et il est temps d’arrêter le gâchis.

Contrôles d’identité : Est-ce l’angélisme qui sonne ?

L’annonce du Premier ministre sur la délivrance d’un « reçu » lors d’un contrôle d’identité a fait ricaner dans les commissariats. Faut dire, qu’en dehors de toute sensibilité politique, on les attend un peu au tournant, les gens de gauche. On se demande quelle sera leur première boulette. Ici, on a un bel exemple d’une idée simple, généreuse, et en décalage sérieux par rapport aux réalités. Eh oui ! Le chemin est long du bureau au terrain. Mais, comme durant la campagne présidentielle M. Hollande a sans cesse parlé de concertation, on peut supposer que cette mesure ne sera pas prise de manière autocratique. Comme cela a souvent été le cas ces dernières années. Il n’y a pas le feu au lac. On prend l’avis des gens qui savent et surtout celui des gens qui font, et puis, pourquoi pas ! on commence par une expérimentation dans un secteur type, comme le suggère le délégué national d’un syndicat majoritaire.

Mais avant tout, il ne serait peut-être pas inutile de s’interroger sur le but des contrôles d’identité. On trouve en partie la réponse dans l’article 78-2 du code de procédure pénale. Un article un peu flou.

Quels sont les critères de base qui autorisent policiers et gendarmes à contrôler l’identité d’une personne ?

  • –      Elle est suspectée d’avoir commis une infraction ;
  • –      Elle est suspectée de se préparer à commettre un crime ou un délit ;
  • –      Elle est susceptible de fournir des renseignements utiles sur une enquête pour un crime ou un délit ;
  • –      Elle fait l’objet d’une recherche judiciaire ;
  • –      Cas particuliers (espace Schengen, trains…).

Mais l’identité d’une personne peut également être contrôlée pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens. On parle alors d’un « contrôle administratif ».

Un individu qui tournicote bizarrement autour de voitures en stationnement n’est pas suspect (légalement) de préparer un vol à la roulotte, mais en lui demandant ses papiers, le policier envisage cette possibilité. Il fait de la prévention. Et pour cela, il se fie à son instinct de flic.

Mais je suppose que dans l’esprit de nos nouveaux dirigeants, ce ne sont pas ces situations qui sont visées, mais les contrôles systématiques. Ils sont faits soit pour prévenir un trouble à l’ordre public (contrôle administratif) soit sur réquisition écrite du procureur de la République, en principe « aux fins de recherche et de poursuite d’infractions ». C’est de la PJ-scanner.

Depuis une loi de 2003, toutes les conditions énumérées ci-dessus sont laissées à l’appréciation du policier ou du gendarme. Il suffit qu’il existe « des raisons plausibles de soupçonner que ». Ce sont donc ces quelques mots qui encourageraient les contrôles au faciès (entre nous, c’était la même chose avant, sauf que ce n’était pas écrit). Il est aussi malhonnête de les nier que de les généraliser. Et en disant ça, on pense à la couleur de la peau. Mais il y a bien d’autres détails qui peuvent attirer l’attention du policier : le comportement, l’accoutrement, l’âge et surtout cette réaction instinctive qui trahit soit un sentiment de culpabilité soit, tout simplement, la crainte d’être contrôlé. C’est ce petit truc que guettent les douaniers lorsque les voyageurs ont récupéré leurs bagages, et qu’ils se dirigent vers la sortie de l’aérogare. Personnellement, je passe rarement la douane sans être fouillé. Lorsque je voyage en groupe, on organise des paris. Et je gagne souvent. C’est le délit de sale gueule.

Alors, le reçu est-il la solution ? Il va ralentir les contrôles, il va obliger à relever l’identité de la personne contrôlée et, comme le fonctionnaire va engager sa responsabilité, il se montrera plus pointilleux. En contrepartie une personne pourra exhiber son reçu si elle subit un deuxième contrôle. Mais comme elle aura déjà été interpellée et qu’il faudra bien comparer son identité avec celle figurant sur le reçu, on ne voit pas trop l’avantage… Mais je dois être de mauvaise foi.

Pour mémoire, toute personne doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité (78-1 du CPP). Seuls la carte nationale d’identité et le passeport électronique permettent de certifier de son identité. Mais comme ni l’un ni l’autre ne sont obligatoires, il est possible de présenter d’autres documents. Dans le doute (ce qui est rare) ou en l’absence de toute justification, un contrôle plus approfondi peut-être envisagé avec une rétention qui ne peut excéder 4 heures.

Lors du vote de la loi de 2003, dite Sarkozy II, haro de l’opposition ! Pour la gauche, ce texte allait favoriser les contrôles au faciès. Le Conseil constitutionnel a été saisi. Celui-ci a gentiment botté en touche, rappelant qu’il appartenait au législateur de faire la part des choses entre les libertés individuelles garanties par la Constitution et la nécessité de sauvegarder l’ordre public. Or, dans une quinzaine de jours, la gauche pourrait reprendre la main. En bonne logique, on peut donc penser que les parlementaires vont se pencher sur le code de procédure pénale pour lui donner un petit coup de jeune. Et qu’ils ne se limiteront pas à un modeste reçu… Peut-être un badge « J’ai été contrôlé ! »… Je plaisante.

Mais le problème est presque derrière nous : la technologie RFID ainsi que la reconnaissance faciale via les caméras de vidéosurveillance et le nouveau fichier TAJ (traitement d’antécédents judiciaires) qui remplace le STIC et le JUDEX (décret du 4 mai 2012) vont rendre quasi inutiles les contrôles physiques. Nous serons bientôt contrôlés sans même nous en apercevoir.

Elle est pas belle la vie de demain !

Michel Neyret va-t-il sortir de prison ?

Demain mardi, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris doit se prononcer sur les requêtes en nullité déposées par les avocats du commissaire Neyret (et des autres policiers) dans l’affaire qui a saboulé la PJ de Lyon. Quelle sera sa réponse ? Une récente décision de la Cour de cassation donne peut-être une première indication.

Cela fait maintenant plus de sept mois que Michel Neyret est incarcéré. Ce qui le situe grosso modo dans la moyenne nationale des gens aujourd’hui emprisonnés sans avoir été jugés.

Pour mémoire, il est mis en examen pour une kyrielle de crimes et de délits. Comme souvent, les magistrats ont balayé large pour, à l’arrivée, probablement ne retenir que certaines infractions.

Parmi les points litigieux relevés par les avocats figure la transcription d’écoutes téléphoniques effectuées dans le cadre d’une information judiciaire pour des faits qui n’ont rien à voir avec ceux qui sont reprochés au policier lyonnais. Le point de départ du dossier.

Or, en mars dernier, la Cour de cassation s’est prononcée sur un cas qui présente pas mal de points communs. Une écoute téléphonique dans une affaire de stups laisse supposer qu’un avocat s’apprête à monnayer des informations à des suspects. Délit puni de 3 à 5 ans de prison (art. 434-7-2 du CP). Les policiers montent une planque et surprennent le contact. Ce qui renforce les doutes. Le procureur est alors avisé et décide d’ouvrir une information judiciaire. L’avocat de l’avocat invoque la nullité. Pour lui, la découverte du délit reproché à son client (violation du secret de l’instruction) était fortuite et n’avait rien à voir avec l’enquête d’origine sur des trafiquants de drogue. Donc, ni les policiers ni le juge ne pouvaient enquêter d’office. Mais il n’a pas été suivi par la chambre criminelle qui, dans sa décision du 27 mars 2012, a rejeté le pourvoi : « Les officiers de police judiciaire qui, à l’occasion de l’exécution d’une commission rogatoire, acquièrent la connaissance de faits nouveaux, peuvent, avant toute communication au juge d’instruction des procès-verbaux qui les constatent, effectuer d’urgence, en vertu des pouvoirs propres qu’ils tiennent de la loi, les vérifications sommaires qui s’imposent pour en apprécier la vraisemblance, pourvu qu’elles ne présentent pas un caractère coercitif exigeant la mise en mouvement préalable de l’action publique. » Et il en est de même pour le juge d’instruction. En clair, ils peuvent prendre les mesures nécessaires pour confirmer ou infirmer les faits, sans toutefois utiliser des moyens attentatoires aux libertés individuelles. Pas question, par exemple, de placer une écoute judiciaire.

Mais la simple retranscription d’une écoute téléphonique – comme c’est le cas dans l’affaire Neyret – est-elle une mesure attentatoire aux libertés individuelles, comme le soutenait le conseil de l’avocat mis en cause ? Nenni a répondu la chambre criminelle. Il s’agit bien là d’un acte sommaire destiné à apprécier la vraisemblance du renseignement obtenu.

Et pas question d’ergoter sur la violation du secret professionnel : un avocat ne peut pas s’abriter derrière lorsqu’il commet une infraction.

Dans l’affaire Neyret, les faits sont similaires. Les policiers parisiens enquêtent sur un trafic de stups et surprennent des dialogues téléphoniques dans lesquels il apparaît que le commissaire lyonnais pourrait se livrer à des magouilles avec des truands. Ils retranscrivent ces conversations et en informent le juge d’instruction. Qui lui-même en informe le procureur. Comme ces conversations n’ont rien à voir avec l’enquête menée par le juge et les policiers, les avocats estiment que l’on ne peut retenir ces éléments qui sont antérieurs à l’ouverture de l’information judiciaire. Sauf que la décision de la cour de cassation va dans l’autre sens.

Mais le point le plus litigieux du dossier reste sans doute le problème de la compétence territoriale. Pour éviter les fuites, le procureur de Paris a décidé de ne pas transmettre l’information à son collègue de Lyon, comme il aurait dû le faire. Il a préféré ouvrir une information judiciaire sur Paris. Alors qu’en principe, pour déterminer qui est compétent, on retient le lieu de l’infraction, le domicile de l’une des personnes soupçonnées ou le lieu de l’arrestation. Si la plus haute juridiction pénale estime que la décision du procureur répond à une saine mesure d’administration judiciaire, elle n’est susceptible d’aucun recours. Et le pourvoi sera rejeté. Sinon, c’est l’intégralité de la procédure qui pourrait être annulée.

Quelle que soit la réponse de la Cour de cassation, il est probable que Michel Neyret sorte bientôt de prison. Quant aux autres policiers également mis en cause, ils ont tous réintégré la police judiciaire.

La police s'invite dans la campagne présidentielle

Il n’y a pas si longtemps, le mari qui surprenait son épouse avec son amant dans le lit conjugal avait « le droit » d’abattre les deux. On appelait ça un « crime excusable ». L’ancien code pénal comptait d’autres perles du même genre qui permettaient de prendre une vie sans risquer une sanction. Au fil des ans, elles ont disparu. Mais les cas où la légitime défense est présumée acquise, eux, n’ont guère varié. Il y en a deux :

Donc, lorsque M. Sarkozy parle de présomption de légitime défense, que veut-il dire ? Qu’il faut ajouter un 3° alinéa à cet article, genre : la légitime défense est présumée si celui qui accomplit l’acte est un policier ? – Ce n’est pas très sérieux.

L’article 122-6 s’impose au juge. À lui, éventuellement, de démontrer le contraire. Dans les autres cas, c’est différent. La légitime défense n’est qu’une possibilité parmi d’autres. Et il s’agit d’un fait justificatif, pas d’une excuse.

Dans l’affaire de Noisy-le-Sec, comme il n’y a pas eu riposte, le magistrat doit répondre à la question suivante : le policier était-il menacé ou pas ? Il faut noter toutefois que la jurisprudence fait jouer depuis longtemps la « présomption de légitime défense » en faveur des policiers. Ainsi, pour les juges, en général, le moindre geste d’un individu qui tient une arme face à un représentant de l’ordre est interprété comme une menace.

En revanche, si ce policier a tiré sur le suspect alors qu’il prenait la fuite, il s’agit bien d’un meurtre. Au juge de vérifier les deux thèses. Cela s’appelle la justice. D’après Me Daniel Merchat, l’avocat du policier mis en examen, il faut lui laisser le temps de se faire une opinion dans un dossier qu’il aurait découvert au dernier moment. À le lire, une procédure d‘ailleurs bien mal ficelée (c’est un ancien commissaire de police) !

Après avoir lancé le ballon de la présomption de légitime défense, certains réclament à présent que les policiers aient les mêmes droits (?) que les gendarmes. Or, si ceux-ci peuvent faire usage de leur arme en certaines circonstances, autres que la légitime défense, c’est en tant que militaires et en vertu d’un texte basé sur des considérations du siècle passé. Peu à peu, d’ailleurs, la Cour de cassation restreint cette possibilité. Ainsi, dans l’affaire de Draguignan, où un gendarme avait tué un homme qui s’enfuyait, elle a cassé la décision de non-lieu. Le gendarme est passé devant une Cour d’assises, et il a néanmoins été acquitté. C’est aussi ça la justice : des magistrats de haut rang désavoués par un jury populaire. Toutefois, lors d’une arrestation classique, comme c’était le cas à Noisy-le-Sec, le gendarme doit lui aussi se plier aux règles de la légitime défense. On peut donc dire que cette revendication ne tient pas plus la route que la précédente.

Les policiers ont-ils le droit de manifester ? – Dans les années 70 (majorité de droite), alors que des syndicalistes manifestent leur mécontentement, leur défilé est ovationné par des ouvriers en grève. Le gouvernement y voit le signe précurseur d’un élan de solidarité entre travailleurs et policiers en colère. Résultat : plusieurs responsables syndicaux sont sanctionnés.

En 1983 (majorité de gauche), lors d’un banal contrôle d’identité, deux gardiens de la paix sont tués et un troisième grièvement blessé. Après la cérémonie à leur mémoire, un cortège défile sous les fenêtres de la Chancellerie en réclamant l’abandon d’un projet de loi sur la sécurité alors en cours de discussion : Le préfet de police démissionne, le directeur général de la police est remercié, huit policiers sont sanctionnés et deux représentants syndicaux révoqués pour « participation à un acte collectif contraire à l’ordre public ».

En avril 2012, sur l’avenue des Champs-Élysées, la vitrine de Paris, des policiers en civil ou en tenue manifestent contre la justice au rythme des gyrophares et des sirènes sous les caméras d’une chaîne de télé bien informée : le président de la République et le ministre de l’Intérieur les soutiennent dans leur action.

À se demander si le bateau a encore un capitaine… Décidément, cette campagne présidentielle n’en finit pas.

Un petit mot pour ceux qui ne peuvent pas voter

Le jour des élections, il y a ceux qui votent, ceux qui ne veulent pas et ceux qui ne peuvent pas voter. Si les sondages prévoient un taux d’abstentions record, on ne connaît pas le nombre de personnes qui sont privées de leur droit électoral. Combien sont-ils ces « incapables », ceux à qui le juge a retiré le droit d’être un citoyen comme un autre ? Ou pour qui le droit de vote ressemble à un parcours du combattant.

Les condamnés – Les personnes condamnées peuvent être privées de tout ou partie de leurs droits civiques, civils ou de famille (art. 131-26 du CP) pour une période qui peut atteindre dix ans pour un crime et cinq ans pour un délit. En fait, pour celles qui sont condamnées à une peine de prison ferme, le délai est plus long. Car, si l’interdiction s’applique dès la condamnation, le délai, lui, ne commence à courir qu’au jour de la libération (art. 131-29 du CP). Un délinquant condamné à cinq ans d’interdiction et qui passe deux ans derrière les barreaux ne pourra donc pas voter pendant sept ans.

Cela dit, avant une loi de 1994, la perte des droits civiques était à vie pour les crimes et de dix ans pour les délits. Et les juges n’avaient pas à se prononcer : la mesure était automatique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il s’agit d’une peine complémentaire que la juridiction de jugement peut prononcer en plus de la condamnation principale. Il existe des exceptions pour certaines infractions, comme le manquement au devoir de probité, la corruption, le détournement d’un bien… L’incapacité électorale est alors automatique. Cela concerne plutôt les fonctionnaires, les élus, etc.

Pourtant, dans la pratique, l’interdiction du droit de vote est prononcée de façon quasi systématique en matière criminelle et dans les affaires correctionnelles d’une certaine gravité. L’interdiction des droits civiques, civils et de famille ne vise pas les mineurs.

C’est l’INSEE qui gère le fichier des électeurs. Cet organisme est donc destinataire de l’extrait de casier judiciaire où figure cette condamnation et l’enregistre dans la liste des « interdits ». Toute personne qui passerait outre à une incapacité prévue par la loi en se faisant inscrire sur une liste électorale risquerait un an de prison et 15 000 € d’amende.

Retour vers le passé – Bizarrement, une personne condamnée avant la loi de 1994, pourrait très bien aujourd’hui être encore privée de vote. Tandis qu’une autre, condamnée plus tard pour des faits identiques, pourra glisser son bulletin dans l’urne en toute légalité. Alors que toutes deux sont à jour avec la société.

Et si l’on remonte dans le temps, c’était pire. Après la Révolution, celui qui était condamné à « la peine de la dégradation civique » était conduit en place publique, placé sous carcan, et exposé au regard du peuple. À cette époque, après un bref passage au « suffrage universel masculin » (seuls les hommes de plus de 21 ans pouvaient voter), on est vite revenu à un suffrage réservé aux « citoyens actifs ». En gros, seuls ceux qui payaient des impôts avaient le droit de vote. Tandis que les autres, les « citoyens passifs », ne pouvaient pas s’exprimer. Du moins par les urnes.

Ce terme de « citoyen passif » devrait faire réfléchir les abstentionnistes.

Les détenus – Lorsqu’ils n’ont pas perdu leurs droits civiques, ils peuvent voter en prison. C’est évidemment le cas pour tous ceux qui sont en attente de jugement. Plus du quart de la population carcérale. Les prisonniers peuvent demander à être inscrits sur les listes électorales de la commune où est implanté l’établissement pénitentiaire. Dans ce cas, il leur est délivré un extrait du registre des écrous qui vaut justificatif de domicile. Mais pour voter par procuration, ils doivent ensuite trouver un proche qui réside dans la commune où ils effectuent leur peine. Ce qui n’est pas toujours évident.

Ils peuvent aussi demander une permission de sortie. Enfin, pas tous. Ceux qui sont en détention provisoire ne bénéficient pas de cette mesure. Cela ne concerne que certains condamnés, en fonction de leur peine. Il ne s’agit pas d’un droit. La décision revient à l’administration judiciaire.

Extrait de la circulaire du ministère de la Justice du 1er février 2012

Ceux qui n’ont plus toute leur tête – En France, environ 800 000 personnes font l’objet d’une protection juridique. Un chiffre sans cesse en augmentation. La mise sous tutelle est la forme la plus lourde de cette mesure. Certains parlent alors de « mort civile ». Pourtant, ce n’est plus fatalement la mort civique, car, depuis la réforme de 2009, la règle est inversée : le droit de vote est la norme pour les gens sous tutelle, sauf si le juge en décide autrement.

On peut évidemment s’interroger sur la liberté de choix de certaines personnes dépendantes. Question qui se pose d’ailleurs parfois pour celles qui sont en soins intensifs. Une étude faite aux États-Unis a montré que ce sont souvent les accompagnateurs qui décident si une personne assistée doit voter ou non. Pour celles qui pourraient être mentalement déficientes, un outil d’évaluation a même été mis au point pour juger de leur capacité de compréhension et de décision. Mais il est probablement contraire à la loi visant à interdire toute forme de discrimination.

Pourtant, la Convention de l’ONU, relative aux droits des personnes handicapées, garantit à tous les citoyens les mêmes droits civiques – avec ou sans handicap. En fait, 4 ou 5 États de par le monde respectent cette convention en ce qui concerne le droit de vote des personnes qui souffrent d’un handicap mental.

Le droit de voter – Il n’est pas donné à tous, le droit de voter librement. Dans certains pays, c’est même un luxe. Et chez nous, la suppression du droit de vote est une sanction pénale. Pourtant, sur le site du Monde, le 17 avril, le philosophe Michel Onfray nous explique pourquoi « on peut ne pas voter ou voter blanc ». Je ne me permettrai pas de le contredire. D’ailleurs, je n’ai pas tout compris. Pourtant, même si cette campagne électorale est trop longue, trop médiocre, trop ras-des-pâquerettes, je me dis que c’est un moment unique où pointent un peu d’espoir, de rêve… Un moment rare où l’on a l’impression de faire partie de la même communauté, et alors, on n’est plus tout à fait un « citoyen passif ».

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