LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Banditisme (Page 5 of 5)

Profession : bandit

Ces malfrats qui ont tiré tous azimuts, l’autre jour, pour assurer leur fuite, ou ces braqueurs qui ont arrosé à la Kalachnikov avant de faire main basse sur le butin qu’ils convoitaient, sont-ils des « amateurs qui ont perdu leur sang-froid », ou des « malfaiteurs professionnels » ?

la-trilogie-noire-de-leo-malet-par-daoudi-et-bonifay.1275466713.jpgLes avis sont partagés, du moins parmi les intervenants, comme on dit, c’est-à-dire ceux qui plastronnent devant un micro ou une caméra. Alors, qui a raison : le criminologue, le sociologue, le syndicaliste bon teint de la police, l’ancien flic ou le ministre de l’Intérieur ?

On s’interroge.

En les écoutant ces cassandres qui savent tout sur tout, on se dit qu’ils connaissent forcément des choses qu’ils ne veulent pas dire – ou le contraire : ils disent des choses qu’ils ne connaissent pas.

Car c’est quoi, un truand professionnel ? Un type qui de temps en temps braque une banque ou s’attaque à des convoyeurs de fonds, et qui le reste du temps pointe au chômage ?

Soyons sérieux ! Il n’y a pas d’école du banditisme, juste un enchaînement de circonstances. Le délinquant est d’abord un petit voyou qui fracture la porte des chambres de bonnes (c’est une image) et qui un jour finit le calibre à la main. Ce qui a été le cas de Jacques Mesrine (et pour lui, ce n’est pas une image). En fait, sans le savoir, ces truands, ils appliquent le principe de Peter. Ils en veulent toujours plus. Ils sont à la recherche de leur niveau d’incompétence, raison pour laquelle, un jour ou l’autre, ils se font prendre.

Mais il y a un point commun à tous ces crimes ou délits. Oui, l’appât du gain, vous alliez dire. Mais autre chose encore, dont on ne tient pas compte : la peur.

Car tous les braqueurs avec qui j’ai pu discuter, en général à l’issue d’une garde à vue exténuante, m’ont tenu ce même langage : ils montent sur un coup la peur au ventre. C’est même, je crois, ce qui rapproche les flics de leurs clients : la peur, vaincre sa peur, la décharge d’adrénaline… et la recherche non avouée de retrouver cette sensation.

La peur qui fait agir, la peur qui fait réagir…

Bon, mais après avoir égratigné les sociologues et les criminologues, je ne vais pas empiéter le domaine des psychologues.

Le vol à main armée n’est pas une invention de ce siècle, il a toujours existé. Sous la III° République, peut-on lire sur le site du ministère de l’Intérieur : « L’hexagone est, dans cette période, en proie à une grandissante insécurité dont tous les journaux se font largement l’écho, non sans quelques arrière-pensées politiques. »  (On dirait de l’actu.) Et en 1907, Clemenceau signe un décret qui prévoit la création de douze brigades mobiles, en dotant chacune, et c’est une première, de quatre limousines De Dion-Bouton. Car il s’agit de lutter contre la délinquance itinérante.

Aujourd’hui, avec l’ouverture les-brigades-du-tigre.1275466828.jpgdes frontières au sein de l’U-E, nombre de gangs de malfaiteurs sont pilotés depuis un autre pays. Souvent bien à l’est. Et même si l’on a mis sur pied des structures pour tenter de lutter contre cette grande délinquance grandement itinérante, on est loin du compte. Pour faire face, il va falloir des moyens, des hommes et surtout des règles identiques partout.

Mais lorsqu’on voit le temps nécessaire pour qu’enfin on s’interroge juste pour savoir si la garde à vue à la française est conforme ou non au droit européen, on se dit que ces nouveaux bandits de grand chemin ont encore de beaux jours devant eux.

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Le cheval, meilleur ami du policier a été lu 12 624 fois et a suscité 40 commentaires. Et comme le souligne Arnaud, même si certains disent apprécier la viande de cheval, c’était quand même plus cool que dans le billet précédent.

Politique sur le dos des morts

Beaucoup d’émotion, hier, lors de l’hommage national rendu à Aurélie Fouquet en présence du président de la République. Même si certains aspects de cette affaire sont encore ténébreux, le temps n’est pas à la polémique, mais au recueillement.

croix-dattelle_dominiqueetcompagnie.1274946149.jpgCela m’a rappelé d’autres morts, dans d’autres circonstances.

C’était le 31 mai 1983, lors d’un banal contrôle d’identité, avenue Trudaine, à Paris. Plusieurs individus dans une voiture ouvrent le feu sur les policiers. Deux meurent sur le coup et le troisième est grièvement blessé. Deux jours plus tard, un motard interpelle un jeune homme pour vérifier son permis de conduire, il est tué d’une balle dans le dos.

Trois morts et un blessé grave en quelques jours.

Lors de la cérémonie dans la cour de la préfecture de police, le ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre, et le secrétaire d’État à la Sécurité publique, Joseph Franceschi, sont accueillis par des huées et des sifflets. Certains policiers, à leur passage, leur tournent même ostensiblement le dos. Après le cérémonial, ils se retrouvent dans la rue et marchent en direction de la place Vendôme pour hurler leur désaccord avec la politique pénale menée par Robert Badinter. La Chancellerie est protégée par quelques dizaines de gardiens de la paix, qui mettent képi bas, et par deux escadrons de la gendarmerie.

Les policiers estiment qu’ils sont lâchés par le pouvoir en place et que les nouvelles lois, trop permissives, vont les empêcher de faire leur travail normalement. Et même si  personne n’en parle haut et fort, ils sont beaucoup à penser que la suppression de la peine de mort ne va pas arranger les choses. Pour certains, il s’agit d’un véritable message de faiblesse vis-à-vis des criminels…

À la suite de cette manifestation, les sanctions vont tomber. À tous les niveaux : le préfet de police démissionne, le directeur général est remercié, sept policiers sont suspendus et deux représentants syndicaux révoqués.

Mais la gauche au pouvoir tient compte de l’avertissement. C’est le tocsin de l’angélisme et le dur retour à la réalité.

Et pourtant, même si l’émotion qui a suivi la mort de ces policiers est parfaitement compréhensible, avec le recul, on peut se dire que leur réaction était exagérée, et qu’en fait, ils se sont fait manipuler.

En effet, depuis la mairie de Paris, Jacques Chirac se prépare déjà pour les élections présidentielles. Il a créé auprès de lui une cellule, une sorte de « ministère de l’Intérieur fantôme », comme l’appelle le regretté Philippe Madelin dans son livre La guerre des polices (Albin Michel), cellule dirigée par un commissaire et placée sous la houlette de Robert Pandraud.

Et ce sont eux qui tirent les ficelles.

Je ne sais pas pourquoi, cette cérémonie à la mémoire de cette jeune policière tuée en service m’a rappelé ces événements.

Et j’ai ressenti la même gêne.

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Taser contre kalachnikov a été lu 22 192 fois et a suscité 71 commentaires. On s’interroge beaucoup sur le rôle que doit désormais tenir la police municipale.

Taser contre Kalachnikov

Après la fusillade de Villiers-sur-Marne, la décision soudaine de Brice Hortefeux d’autoriser les maires à doter leur police municipale d’un pistolet Taser tombe vraiment comme un cheveu sur la soupe.

drapeau_photo-nadine_breizphoto_flickr.1274696962.jpgLes syndicats ne sont d’ailleurs pas dupes, ainsi Patrick Masante, le porte-parole du Syndicat national du policier municipal, tout en regrettant que les  » municipaux  » ne bénéficient pas du même armement (en 1e catégorie) que les  » nationaux « , déclare que « les Tasers et les flashballs ne sont que des gadgets ».

En effet, à quoi un Taser peut-il bien servir face à une Kalachnikov !

Dans cette histoire dramatique, on a bien du mal à imaginer l’enchaînement des événements. Personnellement, je n’ai pas compris.

Le Figaro du 21 mai nous dit que « des policiers du commissariat de Villeneuve-Saint-Georges, en route pour une séance d’entraînement au tir, croisent un fourgon qui comporte deux petits trous dans la carrosserie, semblables à des impacts de balles […] Ils le prennent en chasse ». Alertés par radio, d’autres policiers, de la Compagnie de sécurisation, repèrent le véhicule et se joignent à la poursuite. Échange de coups de feu.

À Villiers-sur-Marne, le fourgon heurte une voiture. Des policiers municipaux, apparemment non informés de cette suite d’événements, arrivent sur les lieux et se positionnent en travers de la route, sans doute pour interdire la circulation. Pensent-ils à un accident de la circulation ? C’est alors que les truands arrosent tout le monde avec des armes de gros calibres.

Selon une version plus récente, les policiers auraient tenté de contrôler le fourgon alors qu’il circulait sans plaque d’immatriculation. Refus de s’arrêter. Début de course-poursuite. Fusillade, jusqu’à l’accident à Villiers-sur-Marne.

Je ne vois pas trop des braqueurs monter sur un coup dans ces conditions… C’est quand même le meilleur moyen d’attirer l’attention.

Une troisième version circule, qui suppose que cette équipe de voyous était sous surveillance depuis pas  mal de temps.

Sinon, on peut mixer les trois hypothèses, et l’on obtient alors quelque chose de cohérent. On imagine…

L’antigang planque sur une équipe qui projette de se faire un fourgon blindé. Pas question d’intervenir à chaud : trop de risques. Alors, on surveille, on filoche, on écoute… On attend le moment propice, le plus souvent après le coup, lorsque les malfrats sont persuadés d’avoir réussi et qu’ils relâchent la pression. Ce qu’on appelle l’opération retour. Mais là, c’est le grain de sable. Des collègues de la circulation qui trouvent le fourgon suspect et qui le prennent en chasse. Alors, à l’antigang,  c’est l’affolement. On sait que cela risque de mal tourner. On s’époumone à la radio, mais ça cafouille un peu sur les fréquences. Trop tard. Les truands ont repéré les flics. À présent, ce sont des fauves, prêts à tout…

C’est de la fiction, bien entendu. Et peu importe comment les choses se sont déroulées, me direz-vous. Pas si sûr. Lorsqu’on est devant un tel pépin, il faut faire le débriefing. Il faut tirer les conséquences. Certes, ce n’est pas à moi de le faire, je n’ai pas les éléments. Une chose est sûre, il ne suffit pas de claironner que les coupables seront arrêtés, qu’ils seront punis, autant de phrases creuses qui n’ont jamais empêché un braqueur d’être un assassin en puissance. Et ce n’est pas un phénomène nouveau. Et à la différence du policier ou du gendarme, le voyou, lorsqu’il ouvre le feu, il se fiche pas mal de savoir où ses balles atterrissent.

Aurélie Fouquet, une jeune femme de 26 ans, a perdu la vie lors de cette fusillade, et sept autres personnes ont été blessées, dont un chauffeur routier et quatre automobilistes qui se trouvaient là au mauvais moment. C’est le bilan accablant d’une course-poursuite improvisée.

Et aucun Taser au monde n’y aurait rien changé.

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Fumer un joint ou conduire, il faut choisir ! a été lu 31 858 fois et a suscité 92 commentaires, dont certains… fumants.
(La photo du drapeau a été empruntée à Nadine.)

Un truand décoré par Sarkozy !?

François Marcantoni, alias Monsieur François, va être décoré de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy. C’est du moins ce que nous annonce France Soir, dans une brève du 3 tintin_lepost.1273041078.jpgmai 2010. Vous me direz, rien d’original… Sauf que cette fois, le récipiendaire n’est pas n’importe qui, et la nouvelle a dû faire bondir plus d’un flic de ma génération.

Car si aujourd’hui, Marcantoni est un vieux monsieur – il aura 90 ans à la fin du mois – qui coule une retraite paisible dans sa résidence de l’ouest de la région parisienne, il n’en a pas toujours été ainsi…

En 1942, il est ouvrier artificier à l’arsenal de Toulon, et il participe au sabordage de la Flotte française. L’année suivante, il fuit le travail obligatoire (STO) et s’enrôle dans la Résistance. marcantoni_france-soir-copie.1273041392.JPGSon passé de résistant sera d’ailleurs reconnu par la suite, notamment son adhésion aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) entre janvier 43 et mai 44 – mois où il sera interpellé par la police parisienne au volant d’une voiture volée. Sans doute pour se dédouaner, il raconte alors qu’il est en mission pour la Gestapo (après la guerre, il dira que c’était pour la Résistance). Une histoire pas très claire pour laquelle il écopera de dix mois de prison. Sa première condamnation.

Dans ses mémoires, il raconte qu’à la Libération, il s’en prend aux fortunes mal acquises, autrement dit, il se livre à un petit jeu à la mode à cette époque qui consiste à racketter les Collabos.

Puis, dans les années qui suivent, sa vie est parsemée d’arrestations, de contrôles et de petites peines de prison. Jusqu’en 1951. Année où l’un de ses amis, Leybus Schlimer, dit Léon le Juif, est arrêté par la 1ère brigade mobile pour un hold-up  à la Banque Algérienne de Paris. À l’époque, ce service de police judiciaire de la sûreté nationale est particulièrement redouté du milieu, car bien peu de truands ont su résister aux interrogatoires du groupe chargé de la répression du banditisme. On dit de ces policiers qu’ils manquaient de psychologie…

En tout cas, Léon le Juif balance Marcantoni. Lequel prendra cinq ans. Il en fera trois. Quant au beau Léon, il succombera à une overdose de plomb, une semaine après sa sortie de prison. Son assassin ne sera jamais identifié.

Courant 53, Marcantoni fait la connaissance, dans un bar de Toulon tenu par son frère, d’un jeune mataf un rien désœuvré qui revient d’Indochine : Alain Delon. Ils resteront amis. Et plus tard, devenu une star, Delon lui fera découvrir le monde du showbiz. Mais, même s’il se dit alors producteur, Marcantoni ne quitte pas le milieu du banditisme. On le dit très proche de la bande des Trois Canards. Une équipe à tiroirs spécialisée dans les braquages et le racket, et ainsi surnommée pour ses séances « gestapistes » dans la cave du bar de ce nom.

En prenant de la bouteille, le personnage devient cependant plus prudent. Et même si son nom apparaît dans des enquêtes concernant des règlements de comptes, des vols ou des histoires de fausse monnaie, il parvient le plus souvent à passer à travers les mailles du filet. Comme beaucoup de Corses, on dit aussi qu’il a été « Algérie française » et proche de l’OAS, mais il s’est toujours défendu d’avoir été une barbouze.

Dans les années 60, peu à peu, il se retire des affaires. S’il ne devient pas un parrain, dans le milieu, on le considère plus ou moins comme un sage. On le gratifie du surnom de « Commandant ».

Sa vie bascule vraiment un matin d’octobre 68, lorsqu’on retrouve le corps de Stéfan Markovic enveloppé dans une housse de matelas sur une décharge publique d’Élancourt, dans les Yvelines. Or cet homme est depuis trois ans le garde du corps d’Alain et de Nathalie Delon. Et quelques jours plus tard, les enquêteurs de la PJ de Versailles (l’ancienne 1ère brigade mobile) prennent connaissance d’une lettre du mort dans laquelle il déclare que s’il lui arrive malheur, les soupçons devront se porter sur Marcantoni et les époux Delon. Peu après, des photos circulent sous le manteau représentant des personnalités de la politique, du spectacle, des médias et autres, en pleine action lors de soirées fines. Partouzes dont Markovic est l’un des organisateurs. Et l’affaire prend une tournure vraiment politique lorsque parmi ces photos, on découvre l’épouse de Georges Pompidou, l’ancien Premier ministre qui vient d’être remercié par le général de Gaulle.

On dira par la suite qu’il s’agissait d’un montage du SDECE, le service secret français, pour déstabiliser Pompidou, devenu un concurrent du grand Charles. Le fait est qu’une fois élu président de la République, Pompidou va dissoudre ce service.

Quant à Marcantoni, il se défend de toute accusation. Il ne cède rien. Pourtant, les enquêteurs ont des billes. Ils ont effectué un travail de fourmi, notamment sur la housse de matelas qui enveloppait le corps de Markovic. En partant de plus de 800 acquéreurs de matelas Treca, ils parviennent à sept noms, sept suspects, dont Marcantoni. Sept ans plus tard, malgré un sérieux faisceau de présomptions, le procureur de Versailles, Pierre Bezio, rendra pourtant un non-lieu. On dit que le Premier ministre, Jacques Chirac, n’était pas chaud pour que cette affaire revienne à la une de l’actualité… C’était en tout cas l’avis de Me Roland Dumas, l’avocat du frère de la victime.

Va savoir.

marcantoni_france-3.1273041506.jpgFrançois Marcantoni est devenu au fil des ans un personnage charismatique. Pour avoir déjeuné avec lui il y a quelques années, alors que nous n’étions plus « aux affaires », ni lui ni moi, je dois reconnaître que le bonhomme a quelque chose d’assez fascinant, comme un mystère qui l’entoure, qu’il entretient d’ailleurs habilement. Ses dons de conteur y sont pour beaucoup.

Mais personne ne peut renier son passé. Les quinze mois au service de la France, dans les FFI, peuvent-ils effacer une vie de truand…

Désolé, Monsieur François, je crois que pour vous, « la rouge » n’est pas de mise. Et d’ailleurs, cela nuirait à votre légende.

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Quelque part une petite école… a été lu 8 546 fois et a suscité 22 commentaires.

La PJ, de 1982

PARTIE 15 – Cette année-là, un vent de suspicion souffle au ministère de l’intérieur. Le virus de la paranoïa se répand dans les hautes sphères et certains vont même imaginer que la police est en train de manigancer un coup d’état. Toutefois, pendant que les uns règlent leurs comptes avec les autres, et vice-versa, les affaires continuent. Truands et terroristes s’en donnent à cœur joie.

À peine installé aux manettes, Gaston Defferre demande un audit sur la police. Un sondage top secret, mais complètement bidon, qui aboutit à la conclusion politiquement-incorrect-de-petillon.1176784159.jpgque la majorité des fonctionnaires de police sont opposés au gouvernement de Pierre Mauroy. Ils sont qualifiés de «droitiers». En janvier 1982, Jean-Michel Belorgey, député PS de l’Allier, remet à Defferre un rapport sur la réforme de la police. À la lecture du seul préambule, les rares policiers qui ont eu le privilège de lire ce… poulet, sautent au plafond. La police, pour résumer l’incipit, est « inefficace et envahissante… Elle préfère s’immiscer insidieusement dans les sphères de la vie sociale, plutôt que de protéger les honnêtes gens… Elle donne l’image d’un corps prétorien ou d’une police politique…» Et le reste est du même tonneau. À tel point que même Defferre n’ose entreprendre les réformes envisagées. Un journal parle de « rapport poubelle ». Pourtant, n’en déplaise à certains, à part le verbiage idéologique, tout n’était pas à jeter dans ce document. L’idée d’un organisme de contrôle extérieur à la grande maison pouvait être creusée, à condition d’en exclure les actes de police judiciaire, qui sont sous la responsabilité des magistrats. Et ce précepte, que Belorgey proposait d’insérer dans le code de déontologie, et que tous les chefs de police rejetèrent comme un seul homme : « Tout policier doit s’abstenir d’exécuter tout ordre dont il sait, ou devrait savoir, qu’il est illégal. » Cette phrase n’est que la paraphrase du code pénal.

Mais en ce début d’année, les services spécialisés dans la lutte contre le grand banditisme, comme l’OCRB, dont je suis devenu le chef à la suite d’un gilbert-ciamaraglia_photo-presse.1176754620.jpgmouvement de chaises musicales, ont d’autres chats à fouetter. Quelques mois auparavant, le juge Pierre Michel a été tué, à Marseille, par deux hommes montés sur une moto rouge. Tout est mis en œuvre pour retrouver les coupables. Une seule certitude : c’est le milieu. Mais lequel ? Michel était un magistrat efficace, mais impitoyable. Et ses ennemis étaient légions. D’entrée, les soupçons se portent sur Gaétan Zampa. La presse le désigne comme le commanditaire. Et, chose invraisemblable, Zampa se fend, via maître Pelletier, d’un droit de réponse. Il dément formellement toute implication dans ce meurtre.On aurait peut-être dû en tenir compte, car, avec le recul, on peut penser que nous, les cracks (?) de la lutte contre le grand banditisme, on s’est fait bananer. En effet, Zampa, à cette époque, est installé en région parisienne, d’où il dirige, disons… ses affaires. Il est très lié à Gérard Vigier, qui tient une boîte de nuit à Ozoir-la-Ferrière, en Seine-et-Marne. Son épouse, Christiane Convers, est actionnaire principal d’un complexe de loisirs, Le Krypton, implanté à Aix-en-Provence. Et il semble avoir organisé un trafic de stupéfiants sur une grande échelle : l’importation de morphine base depuis la Turquie. On pensecharles-giardana_photo-presse.1176754396.jpg même que, pour limiter les risques, il a imaginé un moyen judicieux. Le produit est placé dans de petits caissons, fixés sous les wagons d’un train. Et, grâce à une télécommande, la drogue peut être larguée à distance, à n’importe quel endroit sur le passage du train. Autrement dit, hormis la guerre contre Jacky le Mat, qui lui pose problème, il est bien installé. Comme tous les truands qui ont réussi, il aimerait bien « s’embourgeoiser ». Il n’a donc aucun intérêt à faire assassiner le juge Michel, car ce crime ne pouvait que mobiliser des centaines de policiers contre lui. Ce qui s’est passé. Les auteurs de ce meurtre, deux porte-flingues, seront arrêtés en 1986, à la suite de confidences recueillies par la police suisse. Charles Altieri pilotait la moto et François Checchi, se trouvait à l’arrière. C’est lui qui a ouvert le feu. La préparation a été effectuée par quatre petits voyous marseillais de la bande de la Capelette, Gilbert Ciaramaglia, Charles Giardina, Daniel Danty et André Cermolacce. On a dit que François Girard, dit François le blond, impliqué dans la Sicilian connection, arrêté en juillet 1981, aurait pu être l’instigateur de ce crime. On a aussi parlé de la mafia franco sicilienne. Et de moins en moins de Zampa. En 1984 (donc sans connaître l’épilogue), Philippe Lefebvre a tiré un film de ces événements, Le juge, avec Jacques Perrin et Richard Bohringer.

Le 24 février, c’est la naissance d’Amandine, le premier bébé éprouvette français (Qu’est-elle devenue ?), et, un mois plus tard, Defferre fait adopter par l’assemblée nationale sa loi sur la décentralisation. Pendant ce temps, les policiers participent aux premières élections professionnelles depuis l’avènement de la gauche. Et ils votent comme d’habitude. D’aucuns pensent qu’on ne peut tirer aucun enseignement de ce scrutin. Alors qu’il crève les yeux : dans leur métier, les poulets se fichent de la politique. Mais certains des nouveaux dirigeants de gauche, qui depuis des années « cassent du flic », ne peuvent du jour au lendemain admettre qu’ils se sont fourvoyés, et que la police n’est pas un ramassis de fachos, mais tout simplement un corps d’état au service de la République. L’exemple vient de haut. Mitterrand vire les policiers habituellement chargés de la protection du président de la République, pour les remplacer par des gendarmes. Parallèlement, il crée à ses côtés la fameuse cellule élyséenne, dirigée par le commandant Prouteau. Il nomme un secrétaire d’état chargé de la police, Joseph Franceschi, et, à la tête de tout ça, il place un fidèle parmi les fidèles, Michel Charasse. Lequel choisit le sous-préfet Gilles Ménage pour l’aider dans sa tâche. Afin de suivre les affaires en direct, ce dernier fait appel au commissaire Charles Pellegrini, à charge pour lui de créer un bureau de liaison regroupant la DGSE, la DST, les RG et la PJ. On fait une pause. La PJ, placée sous la responsabilité des magistrats, qui vient rendre compte de son activité à l’Elysée ! Et de ces juges, que l’on voit actuellement si prompts à défendre leur indépendance, pas un ne bouge. Bof! Charasse et Ménage, un… ménage bien dangereux pour la République. Ils vont créer un véritable réseau parallèle au sein de la police, utilisant tous les moyens techniques de l’époque. À croire qu’ils se sont inspirés des méthodes du SAC, ce mouvement, qui, après le massacre d’Auriol, vient d’être dissous. Dans le même temps, Gaston Defferre déclare : « Il faut en finir pour toujours avec les écoutes téléphoniques ». Il est largué, Gastounet – et nous de même. On ne sait plus qui fait quoi. Tout est en place pour les événements qui vont se dérouler l’année suivante. En attendant, quai des Orfèvres, certains n’ont toujours pas digéré le baston entre Defferre, Le Mouel et Leclerc. Et ilscharles-pellegrini_photo-presse.1176784529.jpg sentent la volonté politique de « casser » la PP. Ils envoient une bombe à la cellule élyséenne, en faisant croire à un individu peu fiable, informateur attitré des gendarmes, qu’ils enquêtent sur un réseau de dangereux terroristes placés sous les ordres du fameux Carlos. Les officiers de gendarmerie ont sans doute bien des qualités, mais ils n’ont pas le vice des vieux poulets. Ils foncent comme des boy-scouts. Et c’est l’affaire des Irlandais de Vincennes, ces pseudo-terroristes, dont la DST suit d’un œil amusé les agissements depuis des années, et qui rêvent en permanence de la révolution qu’ils ne feront jamais.

Pendant ce temps, les vrais terroristes nous terrorisent. La France est un champ de bataille. Action directe se scinde en trois. Une partie renonce à la lutte armée, un autre fait alliance avec la Fraction armée rouge et la dernière, dite branche lyonnaise, se lance dans des actions antisémites. En mars, une bombe explose dans le train Le Capitole : cinq morts, vingt-sept blessés. En avril, une voiture piégée explose, rue Marbeuf, à Paris : un mort et soixante-trois blessés. En juin, un commando d’Action directe s’en prend à l’école américaine de Saint-Cloud. En juillet, c’est une banque. Le caissier est blessé. En juillet, une bombe explose, rue Saint-Maur, à Paris ; puis c’est le consulat de Turquie, à Lyon qui est visé. Le même mois, une bombe explose près de la cabine téléphonique du Pub Saint-Germain, dans le VI°. Le 9 août, c’est la fusillade du restaurant Goldenberg, dans le quartier juif, et la fusillade de la rue des Rosiers. L’été n’en finit pas. À Paris, voiture piégée devant l’ambassade d’Irak, bombe contre l’hebdomadaire Minute… Le 21 août, deux démineurs de la préfecture de police sont tués alors qu’ils tentent de désamorcer une charge d’explosif sous la voiture d’un Américain. Le 17 septembre, un véhicule de l’ambassade d’Israël explose en plein Paris, faisant près d’une centaine de blessés. Etc. Cette année 1982, des centaines de personnes sont mortes ou ont été blessées victimes d’attentats. Et pendant ce temps, la police tourne au ralenti.

Le 27 juillet, Badinter fait adopter une loi qui supprime l’homosexualité du code pénal, mais il faudra attendre 1991, pour que l’Organisation mondiale de la santé lui emboîte le pas et modifie en ce sens sa liste des maladies mentales.

Le 13 septembre, la princesse de Monaco quitte la route au volant de sa Rover. Elle fait un plongeon de quarante mètres. Grace Kelly rend son dernier soupir le lendemain. Sa fille, Stéphanie, qui était à ses côtés, s’en sort sans trop de mal. On ergotera pour savoir si ce n’est pas elle qui était au volant (elle n’avait pas dix-huit ans), ce qui au fond n’a aucune importance. La véritable polémique sera médicale. Si on l’avait transportée au service neurologique de l’hôpitalle-virage-dhairpin.1176754971.jpg de Nice, elle avait des chances de s’en tirer, affirment certains médecins. En effet, l’hôpital de Monaco n’était même pas équipé d’un scanner. Mais, on dit aussi, qu’avant cet accident, Grace Kelly aurait eu plusieurs malaises. L’hypothèse d’un évanouissement au volant n’est pas impossible. Un routier, qui suivait la Rover a déclaré : « Je ne sais pas ce qui s’est passé. Curieusement, au virage de droite, je n’ai pas vu la voiture ralentir. Les stops ne se sont pas allumés. Elle n’a pas braqué. Bien au contraire, j’ai eu l’impression qu’elle roulait de plus en plus vite avant de disparaître par-dessus le parapet. » On ne saura jamais. Il n’y a pas eu d’expertise de la Rover, ni d’autopsie, ni d’enquête. Vingt-huit ans plus tôt, dans La main au collet, d’Alfred Hitchcock, la comédienne Grace Kelly, fonce sur cette même routeau volant d’un cabriolet, au grand dam de Gary Grant. Mais tous deux s’en sortent sains et saufs.

Le 7 décembre 1982, les États-Unis inaugurent une mise à mort plus… moderne que la chaise électrique. Pour la première fois, un homme est exécuté à l’aide d’une injection létale.

Bruno Sulak – Le 25 janvier 1982, Bruno Sulak est interpellé à Paris. C’est le résultat de huit mois de travail soutenu, pour tout un groupe de l’OCRB. Car, le sulak-alias-legionnaire-bernard-suchon.1176783450.jpgbougre, il nous a donné du fil à retordre ! Mais, comme les singes, on a fini par l’attraper – par la queue. Il faut dire que l’appât ne manque pas de charme. Elle se prénomme Chantal, et se dit cover-girl. Sulak, c’est le genre de type qui te réconcilie avec ton métier. C’est un voleur. Il assume. On lui pose des questions, il y répond. Et il ne balance pas ses copains. Ce qui ne nous arrange pas, mais on apprécie. Il part pour la prison avec une douzaine de braquages sur la conscience, notamment au préjudice de grandes bijouteries. Il n’y restera pas longtemps. Le 21 juillet, dans le train Montpellier-lyon, deux hommes braquent les gendarmes qui l’escortent, et il prend la poudre d’escampette. Durant cette cavale, il m’appelle régulièrement, non pas pour m’insulter ou me provoquer, mais juste pour parler – ou pour se faire peur. À tel point que de gentils collègues font courir des bruits sur ces relations «contre-nature» et je suis contraint de me justifier auprès de ma hiérarchie et du magistrat instructeur. Le 12 novembre, un copain de Sulak, Jean-Louis Secreto, s’évade de la maison d’arrêt où il est incarcéré, grâce à une complicité extérieure. Futés, on se dit : Tiens, si c’était Sulak ! Deux mois plus tard, une patrouille du commissariat des Mureaux, dans les Yvelines, se permet « un délit de sale gueule » envers deux occupants d’une voiture. Il s’agit de Marc Mill, une relation de notre évadé, et Anthony Delon, le fils du comédien. Dans le véhicule, ils découvrent des cagoules et un pistolet MAC 50, qui, vérification faite, est l’une des armes volées aux gendarmes dans le train Montpellier-Lyon. On avance, on avance. Mais, le fils d’Alain Delon soupçonné de tentative de braquage, ça intéresse les médias. Je passe mon temps à rédiger des notes à Pierre, Paul et Jacques, pour expliquer le pourquoi du comment. L’influence de Delon est énorme. Son fils ne restera qu’une seanthony-delon_gp.1176783553.jpgmaine ou deux derrière les barreaux, et la presse, courageusement, oubliera l’incident. La justice aussi, semble-t-il. Quant à Sulak, il est interpellé bien plus tard, à la frontière espagnole, avec de faux papiers. Il revient du Brésil. Il se fait passer pour un journaliste suédois homosexuel qui fuit pour échapper aux poursuites de sa femme. C’est tellement gros, et tellement bien joué, que tout le monde y croit. Il est écroué sous une fausse identité. Un délit bien mineur pour lui. Il faudra le flair d’un vieux routier de l’OCRB pour le percer à jour. In extremis. «À un jour près, j’étais libre, cette sacrée chance m’a bel et bien laissé tomber…» Cette phrase est une citation du livre de Pauline Sulak, Bruno Sulak, radisa-jovanovic-dans-le-film-le-professionnel.1176755637.jpgaux éditions Carrère. Il ne savait pas à quel point il disait vrai. Un peu plus tard, avec son complice (et ami) Radisa Jovanovic, dit Steves, il organise son évasion par hélicoptère. Mais la police de l’air et des frontières (PAF) a eu vent de l’opération. Le SRPJ de Bordeaux est informé – mais pas l’OCRB. Une souricière est tendue, au cours de laquelle Steves est abattu. Sulak en veut à la terre entière. Et surtout aux flics pour avoir (d’après lui) tiré trop vite et sans doute à lui-même pour avoir entraîné son ami dans cette galère. De procès en procès, il se retrouve à Fleury-Mérogis. C’est un détenu sans histoire. Il intériorise sa révolte et la communique dans l’Autre Journal. Seule sa notoriété lui vaut parfois des accrochages avec un geôlier grincheux ou un compagnon d’infortune envieux. La prison est une microsociété qui amplifie les imperfections de la société tout court. En mars 1985, après avoir convaincu un jeune cadre de l’administration pénitentiaire de l’aider, il tente de s’évader. Il est surpris par des gardiens, et, après une courte lutte, il fait une chute de sept mètres. Il s’écrase sur une dalle en ciment. À ce jour, ses proches sont encore persuadés qu’il a été assassiné.

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La PJ, de 1980

PARTIE 12 – En ce début des années 80, nombre de démocraties voient apparaître des mouvements prônant l’usage de la force et se revendiquant du marxisme. (Raymond Marcellin aurait-il eu raison ?) Près de nous, en Allemagne, c’est la Fraction armée rouge ; et en Italie, les Brigades rouges. En France, le 1er mai 1979, Action directe revendique le mitraillageaction-directe.1174741791.jpg du siège du patronat. Ce mouvement n’a pas fini de faire parler de lui… Cette année-là, le chanteur Daniel Balavoine dénonce les médias, « dont les propos n’intéressent plus personne », et attire l’attention sur la jeunesse, qui se désespère. Hélas ! Il chante à la lune.

Dans la nuit du 1er au 2 février 1980, Joseph Fontanet, ancien ministre de l’éducation nationale et de la santé, est grièvement blessé d’une balle de 11.43 dans la poitrine, devant son domicile du XVI° arrondissement, à Paris. Il meurt quelques heures plus tard. Assassinat jamais revendiqué. L’enquête sera classée sans suite. Le mois suivant, c’est un personnage bien différent qui va nous quitter.

René Juillet, dit le Petit prince, a été un peu le businessman de Gilbert Zemour. Puis, ils se sont fâchés. Pour l’heure, il est dans la panade. Non seulement Zemour le talonne, mais ses affaires sont en pleine déconfiture. Il finit par déposer plainte contre son ancien complice pour racket. Mais, il est sur les nerfs. Toujours armé. Un jour, il tire sur le journaliste Marc Francelet, qu’il soupçonne d’être de connivence avec son ennemi. En désespoir de cause, il collabore avec la police et il balance Gilbert Zemour, lequel se fait interpeller comme un bleu, au volant de sa voiture, alors qu’il revient de Bruxelles. Pour une peccadille : il lui reste treize jours à purger sur les dix mois de prison dont il a écopé. Le 27 mars 1980, neuf jours après que Zemour ait réglé sa dette à la société (sic), au petit matin, devant le restaurant de nuit Le miroir du temps, trois hommes guettent, dissimulés à l’intérieur d’une Mercedes. René Juillet sort pour prendre l’air. Il est en confiance. Ici, c’est son QG. La voiture s’approche lentement. Il aperçoit trop tard le canon du fusil. Sa tête explose sous les chevrotines. Les clients sortent. Claude Brasseur, un habitué, doit penser que c’est mieux au cinéma. Bien sûr, les enquêteurs de la criminelle trouvent étrange la contiguïté de ce meurtre et la sortie de prison de Zemour. Mais, petit Gilbert a un alibi béton. D’ailleurs, malgré les apparences, il n’est pas certain qu’il soit l’auteur de ce règlement de comptes. On peut penser que le Petit prince a été mordu par un autre serpent. En l’occurrence, le gang de la banlieandre-gau_photo-surveillance_archives-perso.1174733300.jpgue sud, dirigé par Marcel Bennacer, alias Nénesse, et André Gau, celui que Jacques Imbert, alias Jacky le Mat, avait surnommé Dédé gode, après l’avoir « descendu à la cave » pour lui donner une correction. Il se vantait, en effet, d’avoir forcé son intimité avec une bouteille de Perrier… Ce qui le faisait beaucoup rire. D’où ce surnom. Depuis peu, Bennacer et Gau se sont lancés dans la reprise d’établissements de nuit. Au moment des faits, ils sont d’ailleurs en train de négocier le rachat du restaurant Le bœuf sur le toit, dans le VIII°. On ne connaîtra jamais la vérité, car Bennacer est abattu huit mois plus tard, dans les sous-sols d’un café, avenue Trudaine, à Paris. Une nouvelle fois, André Gau, s’en sort bien. Il va bénéficier d’un (long) délai de grâce.

Ce même mois, Marguerite Yourcenar bouscule les traditions. C’est la première femme à être élue à l’Académie française. Et Maître Agnelet, lui, est radié du barreau de Nice. Il est inculpé d’homicide volontaire sur la personne d’Agnès Leroux, la fille de la patronne du casino Le palais de la Méditerranée, que l’on suppose morte, mais dont on n’a jamais retrouvé le corps. Jean-Dominique Fratoni, le propriétaire du casino Ruhl, à Nice, et du casino de Menton, via la SA Socret, dont le capital est détenu pour moitié par de mystérieux italiens, est soupçonné de complicité. Mais, en l’absence de la moindre preuve, le dossier est transmis à la section financière de la PJ. Poursuivi pour fraude fiscale, il quitte la France précipitamment.

Jean-Paul Sartre se meurt et Albin Chalandon, le nouveau président d’Elf-Erap, signe un second contrat avec une petite société implantée au Panama, la Fisalma, dans laquelle on trouve la présence de la banque suisse UBS, quelques personnages interlopes, et un avocat, Jean Violet, ancien correspondant du SDECE, l’ancêtre de la DGSE. Ce nouveau contrat porte l’ardoise à un milliard de francs. Ces sommes astronomiques sont destinées à mettre au point et à fabriquer un appareil susceptible de détecter les nappes de pétrole, en effectuant un simple survol du terrain. Donc, plus de forage. C’est de l’alchimie. Mais le projet fait rêver, et, surtout, il y a la caution morale d’Antoine Pinay. Elf est une entreprise nationalisée, cet accord ne peut donc se faire qu’avec la bénédiction des plus hautes autorités, en l’occurrence, Giscard d’Estaing, Raymond Barre, et son prédécesseur à Matignon, Jacques Chirac. Trop beau pour être vrai, se dit un chercheur, le professeur Jules Horowitz. Il n’a aucun mal à démontrer la supercherie. Les «inventeurs» acceptent de se livrer à une démonstration. Cela consiste à repérer une règle placée derrière un mur. Subrepticement, Hirowitz tord la règle. On démarre l’expérience, et la règle apparaît sur les appareils de contrôle – bien droite. L’image n’est qu’une photographie. Tout était truqué depuis le début. Trois ans plus tard, Le Canard Enchaîné sortira l’affaire en titrant sur « les avions renifleurs ». La commission d’enquête parlementaire, constituée pour calmer l’opinion publique, va pondre un rapport de 650 pages. François Mitterrand interviendra personnellement pour que son prédécesseur ne soit pas entendu. Jean Cosson, chef de la section financière du parquet de Paris, en ces années-là, estime qu’il s’agit d’une fausse escroquerie. Une escroquerie à l’escroquerie, en quelques sortes… Il s’en explique dans un livre (que je n’ai pas lu) Les industriels de la fraude fiscale.

Les mauvaises langues disent que ce pécule aurait atterri dans la caisse noire d’un parti politique… Cette manie de persécuter les grands de ce monde! Heureusement, le 8 mai 1980, l’OMS estime que la variole est éradiquée sur toute la planète. La variole, seulement.

casino-namur.1174733148.jpgPendant ce temps, Gilbert Zemour se frotte les mains. Il vient de réaliser le fruit de plusieurs années d’efforts. Grâce de nombreux pots-de-vin auprès des autorités locales, il a réussi à mettre sur pied un magnifique casino à Namur, en Belgique, au bord de la Meuse. Bien sûr, l’homme n’apparaît pas au grand jour. Officiellement, cet établissement est la propriété du groupe Gonzalès, détenu par un financier du jeu, Joseph Kaïda, et un contrôleur général de la police nationale, récemment retraité, Michel-Joseph Gonzalès. Ce dernier s’y connaît, puisqu’il a longtemps officié aux « courses et jeux », au ministère de l’intérieur. Mais ce soir de novembre 1980, rien ne va plus. Ce ne sont pas les joueurs qui flambent, mais le casino. Malgré la présence d’une cinquantaine de pompiers et de nombreux bénévoles, il est détruit aux deux tiers. La police belge établit qu’il s’agit d’un incendie criminel, et l’enquête s’arrête là. N’a pas la baraka, P’tit Gilbert.

Le 3 octobre, un attentat à l’explosif fait quatre morts et une vingtaine de blessés devant la synagogue de la rue Copernic, à Paris. L’attentat, non revendiqué, sera attribué au Front populaire pour la libération de la Palestine.

En décembre, John Lennon nous quitte. Le cofondateur des Beatles est âgé de 40 ans. Et, à quelques mois des élections présidentielles, on apprend que last-jean-cap-ferrat.1174733424.jpg France compte un million cinq cent mille chômeurs. Ce qui aujourd’hui nous fait rêver… Quand à Raymond Barre, notre premier ministre, il prépare sa retraite. Il finit d’aménager sa résidence secondaire, une bien modeste demeure, allez ! au bord de la Méditerranée, à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

La mort d’un ami – Grâce à un tuyau d’une informatrice aux yeux bleus, on collait aux baskets d’un trio d’anciens militaires que l’on soupçonnait des pires intentions. Ce jour-là, une écoute téléphonique nous confirme qu’ils préparent un coup. Pour le lendemain. On se met en planque. La BRI de Nice est à présent parfaitement rodée, et les hommes se positionnent d’instinct. Vraiment une bonne équipe ! L’inspecteur Charles Marteau connaît l’un des protagonistes, un certain Richard Ughetto. Il l’a déjà arrêté. C’est donc lui qui se poste dans le « sous-marin ». Faut dire qu’il est un peu remonté, car, à sa sortie du cabinet du juge d’instruction, libre comme l’air, ce jour-là, Ughetto lui avait fait un bras d’honneur. Donc, Charly en veut. Dans son talkie-walkie, il nous décrit la scène : « Il fouille dans sa sacoche. Il sort un truc… C’est un fusil à pompe. Il a un calibre, aussi… ». En tout, ils sont trois. Ils partent avec deux voitures. On prend la RN 202, puis au bout d’un moment, nos lascars bifurquent et empruntent une petite route qui longe la Vésubie. Il fait nuit noire. 

Quel coup peuvent-ils préparer ? Un saucissonnage ? Un enlèvement ? Un braquage ? Dans ce coin désert de l’arrière-pays niçois, sûrement pas. On se perd en conjectures, tandis que notre convoi de voitures banalisées, tout feux éteints, file sur une petite route déserte, bordée par le ravin du torrent. Puis, ils s’arrêtent, et s’engouffrent tous trois dans la plus grosse des voitures, une Audi. Laissant sur place la Simca. Et nous laissant sur place aussi. On les a perdus. Je décide de planquer sur ce qui semble bien être la voiture relais. Puisqu’on est dans l’impossibilité de les faire en flag, on va les serrer au retour. Les heures passent. L’un de mes hommes suggère de mettre la Simca en panne. Après réflexion, je me dis qu’en leur interdisant de s’enfuir, on se donne une chance de plus. Et j’acquiesce. Mais rien ne se passe comme prévu. L’Audi revient et s’arrête à les-autorites-rendent-hommage-a-charles-marteau.1174738740.jpgdistance. Deux hommes en descendent et la voiture fait demi-tour, et repart. Les deux zigotos se dirigent vers la Simca – mais ils ne pourront pas démarrer, puisque qu’on a retiré les fils des bougies. « Intervention ! » En un éclair, nos clients sont emballés. Mais il nous manque le chef, Richard Ughetto. Il n’a pas pu nous repérer. Donc, il ne se doute de rien. Et la seule route, pour revenir à Nice, passe par ce petit pont, qui surplombe la Vésubie. De nouveau, il faut attendre. C’est fou ce qu’on peut attendre, dans ce métier. Mon plan est simple. Lorsqu’il va s’engager sur le pont, je vais avancer ma voiture, et comme il n’y a pas la place pour deux véhicules, il sera bien obligé de s’arrêter. Et les autres véhicules vont l’encadrer. Ça c’est passé comme ça, exactement. En quelques secondes, la voiture, pilotée par Ughetto, est bloquée de tous les côtés. Il lui est impossible d’en sortir. À part qu’immédiatement, il ouvre le feu. Pas de sommations, chez les voyous. Il tire à travers son pare-brise. C’est du gros calibre. Je vois les flammes sortir du canon. On riposte, bien sûr, mais, avec plus de discernement, car nous avons le risque de tirs croisés. On a su, après, qu’il portait un gilet pare-balles. Ce qui n’était pas notre cas. Il n’y avait pas le budget pour ça. Puis, une fois son arme vide, il se glisse par la vitre et il disparaît. Je fulmine. Marcel, le vétéran de la brigade, a été touché. Heureusement, la balle de 11.43 s’est plantée dans le cuir de son holster, ce qui a freiné sa course. La blessure ne sera pas trop grave. Il nous a fallu un bon moment pour nous apercevoir de la disparition de Charly. Dans la nuit sans lune, on s’est mis à le chercher. Charly ! Charly ! La Vésubie nous a rendu son corps au bout de quatre jours. Charles Marteau avait trente ans.

Le ministre de l’intérieur s’est déplacé pour les obsèques. Devant le cercueil, un petit garçon de dix ans, le regard voilé, mais les yeux secs, n’avait pas encore compris qu’il ne reverrait plus son papa.

Je me souviens de la réflexion de Julien, mon petit-fils, à la mort de sa grand-mère. Il a regardé ses parents en pleurs, et il a murmuré : « J’ai envie de pleurer, mais je ne sais pas. » – On a tôt fait d’apprendre.

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La PJ, sous Giscard (3)

PARTIE 11 – A la fin des années 1970, la décrépitude du clan Zemour est en marche. Le guet-apens du café Le Thélème y est sans doute pour beaucoup. Un an plus tard, le 13 septembre 1976, la mort du chef des Siciliens, Jean-Claude Vella, abattu à Paris, puis celle de Marcel Gauthier, revolvérisé à Nice, suffiront, semble-t-il, pour effacer l’ardoise. L’honneur est sauf, se disent les Zemour. Edgard s’installe en Floride et Gilbert s’embourgeoise dans les beaux quartiers parisiens. Pour eux, le châtiment interviendra plus tard. Les règlements de comptes entre truands ne sont pas terminés pour autant. Maintenant, c’est Gaétan Zampa et Francis Vanverberghe (Le Belge) qui font tonner la poudre. Dans les années 77 et 78, c’est une petite dizaine de voyous qui passent ainsi l’arme à gauche, tous dans le sud de la France. Cette hécatombe, c’est la goutte d’eau. Après l’affaire du Palais de la Méditerranée, le casse de la Société Générale et quelques autres tripatouillages politico-mafieux, en 1978, en pleine période estivale, Nice va s’enrichir d’une brigade antigang.

patrick-henry.1174227066.jpgPendant ce temps, Patrick Henry est jugé pour le meurtre du petit Philippe Bertrand. La plaiderie de Robert Badinter et la mazarinade qui entoure l’exécution de Christian Ranucci, deux ans et demi plus tôt, vont lui éviter la guillotine. En janvier 1979, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il sera libéré vingt-deux ans plus tard. Il n’y aura d’ailleurs plus une seule exécution en France. Hamida Djandoubi, condamné pour tortures, viol et assassinat, est donc le dernier criminel à avoir été condamné à mort. Il a été guillotiné le 10 septembre 1977, à la prison des Baumettes, à Marseilles.

Le 19 mai 1978, les paras de la légion sautent sur Kolwezi, au Zaïre, afin de libérer des otages occidentaux détenus par des rebelles. Ce fait d’armes va sceller le destin d’un truand hors du commun, Bruno Sulak. Ce jeune homme, qui a sans doute choisi la légion pour ne pas tomber dans la délinquance, ne participe pas à cette opération militaire. Blessé dans son orgueil, il décide de ne pas rejoindre son régiment. Considéré comme déserteur, il va entamer une farandole de vols à main armée, dont certains seront mis en scène avec une certaine habilité, parfois teintée d’humour. Nous en reparlerons. Quelques mois plus tard, un terroriste palestinien prend plusieurs otages, à l’ambassade d’Irak, à Paris. La brigade criminelle, la BRI, et, très bizarrement, une toute jeune unité de la gendarmerie, le GIGN, se retrouvent sur place. Après de longues heures de négociation, le forcené accepte de se rendre. Broussard va le récupérer à l’intérieur de l’immeuble. Il le mène à une voiture où se trouve Ottavioli, le patron de la brigade criminelle. C’est alors que, depuis les étages de l’ambassade, une fusillade éclate. Les policiers ripostent. Tout ça sous l’objectif des caméras de télévision. Aux infos télévisées, on découvrira Broussard en train de se défiler, tandis que Pierre Ottavioli, figé sous les balles, reste droit comme le général de Gaulle, dans sa DS, lors de l’attentat du Petit-Clamart. Certains, par la suite, vont railler Broussard. Il s’en vexera. C’est pourtant lui qui avait raison. Lorsqu’il pleut du plomb, il vaut mieux se mettre à l’abri. C’est l’abc. Mais, hélas, dans cet échange de coups de feu, un policier a été tué, l’inspecteur Jacques Capella, et plusieurs autres ont été blessés. Les tireurs, tous protégés par l’immunité diplomatique, sortent « libres » des locaux de la brigade criminelle. Ils sont attendus, devant le 36, par une double haie de policiers en colère. Et l’on assiste à cette scène invraisemblable, où des tueurs sont protégés de la colère des flics par des gendarmes… Des gendarmes sur le ressort de la préfecture de police, lesquels participent à une opération de PJ, puis protègent des assassins de la vindicte des policiers, cela fait… deux premières, si je puis me permettre. Il faudra du temps pour dissiper le malaise né de ce déni de justice.

Cette même année, Giscard d’Estaing fait voter la loi informatique et libertés, qui vise à lutter contre l’utilisation abusive des fichiers informatiques.

Le 28 mars 1979, un arrêté modifie la direction centrale de la police judiciaire, et créé la sous-direction de la police criminelle et scientifique. Cette nouvelle structure chapeaute les laboratoires de police scientifique de Paris, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse, ainsi que les services d’identification judiciaire et la documentation criminelle. Le mois suivant,corps-de-robert-boulin_les-secrets-de-notre-monde.1174233710.jpg un 19° SRPJ voir le jour, celui des Antilles et de la Guyane. En juin, Simone Veil devient le premier président du Parlement européen, dorénavant élu aux suffrages universels. Ce qui apporte de l’eau au moulin de Jacques Chirac, qui, six mois plus tôt, a lancé l’appel de Cochin. Lors de cette déclaration, il a qualifié l’UDF et les giscardiens de « partis de l’étranger », pour leurs prises de positions proeuropéennes. Le 30 octobre 1979, c’est un ancien résistant, opposé à Jacques Chirac, qui est retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet, dans les Yvelines. Il s’agit du ministre du travail, Robert Boulin, dont le nom circule alors pour remplacer Raymond Barre, à la tête du gouvernement. Le commissaire Alain Tourre, du SRPJ de Versailles, prend la direction de l’enquête. On a dit tout et son contraire sur la mort de Boulin, jusqu’à suspecter la véracité de l’enquête judiciaire. A posteriori, on se doute bien qu’un policier qui se serait laissé séduire par le chant des sirènes de la politique, au point de torpiller une enquête criminelle, se serait retrouvé ou préfet, ou en prison. Or, Tourre a fait une carrière normale – et bien en-deçà de son mérite. Il a fini contrôleur général. Et, il a conclu à un suicide. La cour de cassation confirmera d’ailleurs ce résultat, douze ans plus tard, après que la famille du ministre ait épuisé toutes les voies judiciaires pour démolir cette procédure. Le suicide est culpabilisant, pour ceux qui restent. Robert Boulin passait pour un homme intègre, ce qui est rare en politique, il n’a sans doute pas supporté que Le Canard Enchaîné publie une lettre anonyme qui l’accusait d’avoir acquis, dans des conditions douteuses, un terrain à Ramatuelle. Qui est l’auteur de cette lettre anonyme ? Pourquoi a-t-elle été publiée sous cette forme ? Qui aurait pu profiter des circonstances pour laisser planer le doute sur la véracité de son suicide ? Et pourquoi ? C’était une autre enquête. Qui n’a pas eu lieu. Le journal satirique croule d’ailleurs sous les tuyaux, puisque dans le même temps, il sort une information qui va couler Giscard d’Estaing aux élections suivantes : l’affaire des diamants. En 1973, un mois après que Jean-Bedel Bokassa soit débarqué de son trône d’empereur (sic) de Centre Afrique, il aurait offert à Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, une plaquette de bijoux d’une valeur d’un million de francs. Giscard s’embarbouille dans ses explications. Il n’arrive pas à se justifier. Il ne s’en relèvera pas, avec le résultat que l’on connaît, en 1981.

Le 2 novembre 1979, Jacques Mesrine est abattu au volant de sa voiture, porte de Clignancourt, à Paris.

La création de la BRI de Nice – Nous étions une trentaine, assis en rond, par terre, dans une salle vide de tout mobilier. C’est ainsi que s’est tenue la première réunion de la un-groupe-de-la-bri-de-nice.1174235638.jpgbrigade antigang de Nice. Alors que nous discutions, j’observais ces hommes (et cette femme), qui allaient constituer cette brigade de choc. Ils venaient des quatre coins de France. Et, à l’exception de Marcel, un « vieux » de 47 ans, tout de suite surnommé Pépé, ils avaient tous entre 25 et 35 ans. Nous avions à notre disposition une caserne entière, désaffectée, dans le quartier Saint-Roch – et pas un bureau, pas une chaise. J’étais un peu découragé. Tout était à faire. Heureusement, mon adjoint, le commissaire Pierre Guiziou, se montra d’une efficacité certaine. C’était un homme de contact, qui avait le don pour se faire ouvrir les portes – alors que moi, je préférais les claquer. Nous étions complémentaires. L’une de nos premières grosses affaires nous mena à Paris. Une filature de mille kilomètres. Je crois que nous avons été les seuls flics capables d’effectuer ce genre d’exercice, à notre initiative, sans en référer à qui que ce soit. Les lascars que nous surveillions préparaient un coup, mais nous ne savions pas quoi. L’un d’eux, surnommé l’ingénieur, était un spécialiste des systèmes d’alarme. Une nuit, il avait réussi à pénétrer dans une agence bancaire, et il s’était endormi. Au petit matin, les employés l’avaient réveillé. Il avait simplement voulu démontrer l’inefficacité des protections de la banque. Six mois de prison. Il y a des gens qui n’ont pas le sens de l’humour. En fait, nos truands voulaient répliquer le casse du siècle. Et la filoche nous amena justement devant ladite banque, laquerry-rue-de-sevres.1174233256.jpg Société Générale de la rue de Sèvres, à Paris, là où notre ingénieur avait passé la nuit. En partant des caves d’un immeuble voisin, transformés pour les apparences en employés EDF, ils avaient imaginé percer un tunnel pour rejoindre les égouts et déboucher derrière le mur de la chambre forte de la banque. Lorsqu’on comprend enfin le scénario, on se congratule. C’est une superbe affaire, menée de A à Z par trente flics qui en veulent. L’ambiance se rafraîchit lorsque j’annonce qu’il va être temps de référer de notre aventure. Lucien Aimé-Blanc, le chef de l’OCRB, me reçoit gentiment, avant de me dire que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. « Je te donne un gars, si tu veux, en observateur ! » me propose-t-il. Je décline l’offre. Et je passe de la rue du Faubourg-Saint-Honoré au quai des Orfèvres. Broussard me reçoit gentiment. Il me dit que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. « Tu as combien d’hommes sur le terrain ? me demande-t-il. – Douze ! – J’en mets douze de plus. » Et les 24 poulets de la grande BRI de Paris, et de la toute jeune (et petite) BRI de Nice, se mettent à planquer de conserve. Jusqu’au jour où l’on s’aperçoit que nos voleurs ont sans doute vu trop grand. La lance thermique, qu’ils ont prévue pour transpercer le mur de la chambre forte, nécessite un recul de plusieurs mètres, pour ne pas fondre avec le béton. Ils risquent de ne pas avoir l’espace suffisant. On se dit qu’ils vont abandonner. Tout ce travail pour rien ! Alors, avec Broussardbroussard-et-moi.1174233155.jpg, et son adjoint, le commissaire René-Georges Querry, on décide d’intervenir, avant qu’ils ne plient les gaulles. Délit impossible, argueront plus tard les avocats. C’était un peu vrai. Ils écopèrent de peines gentillettes.

C’était la première fois que je descendais dans les égouts parisiens.

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La PJ, sous Giscard (2)

PARTIE 10 – Dans les années 70, le fonctionnaire chargé de tenir à jour le fichier du grand banditisme n’en finit pas de rayer des noms. Les morts violentes se succèdent, avec un pic important en 1973, l’année des records, une hécatombe chez les voyous, avec aussi, hélas ! quelques dégâts collatéraux. La PJ compte les coups. C’est pourtant une action de police qui va freiner l’ardeur des belligérants, même si ce ne fut pas de la manière escomptée.

Ce 28 février 1975, les hommes de la BRI n’ont pas le moral. Ils viennent de « foirer » une affaire. Un braquage qui a mal tourné. Bilan : le caissier de la banque a été tué, et les deux malfaiteurs, bloqués à l’intérieur, renversent la situation à leur avantage. Ils ont des otages. Ils exigent une rançon, un avion, etc. Ils repartent avec un million de francs, mais sans l’avion – ce qui n’est déjà pas si mal. C’est dans cet état d’esprit que le commissaire Marcel Leclerc reçoit un coup de fil de son collègue, Marcel Morin, fossoyeur de la French-connection à Marseille, et à présent patron de la 1e brigade territoriale. L’un de ses hommes, l’inspecteur Antona, a obtenu un tuyau : le clan des Zemour et la bande à Vella, autrement dit le clan des Siciliens, désirent discuter d’un armistice. Ils doivent se rencontrer dans le café, J’ai du bon tabac, boulevard de Saint-germain, à Paris. Dispositif en place, deux « clients » sont repérés dans le bar situé en face, Le Thélème. Leclerc et Broussard se concertent. Ils décident de se partager les objectifs. C’est Broussard qui récupère Le Thélème. L’inspecteur divisionnaire Chaix, accompagné de deux collègues, pénètre dans l’établissement par la porte principale, tandis qu’une autre équipe se présente à l’autre porte. « Police ! Que personne ne bouge ! … » crie Chaix. Instantanément, Joseph Elbaz ouvre le feu. Chaix, encaisse la balle dans l’épaule gauche, au-dessus du cœur. Il dégaine et riposte. Dans le bistroquet, les armes aboient. Puis c’est la mêlée générale, l’empoignade au corps-à-corps. Lorsque la fumée se dissipe, on monte au résultat. Du côté de la brigade antigang, les inspecteurs Chaix et Guitard, sont blessés. Chez les truands, c’est pire. Elbaz est mort sur le coup. Le chef de bande, William Zemour ne vaut guère mieux. Son frère Edgar a ramassé sept balles. Il s’en sortira – pour cette fois. Edmond Zemour, lui, est touché au genou gauche. Seul Roland Attali est indemne. Il n’en revient pas. Quant à l’autre bande, celle de Vella, Leclerc apprend par l’OCRB que toute l’équipe est réunie à des kilomètres de là, dans un pavillon de Paray-Vieille-Poste, dans l’Essonne. Les policiers les trouveront en train de sabler le champagne. On se demande ce qu’ils pouvaient arroser ? On comprend un peu tard que l’antigang s’est fait manipuler pour éliminer le clan Zemour. Ce n’était pas un bon jour pour la BRI, car un client, présent sur les lieux, qui s’est ramassé au passage, il faut le dire, une petite correction, est un avocat marocain, du nom de Benachenchou. Dénué du moindre fair-play, le ci-devant dépose plainte pour tentative de meurtre. La gauche monte au créneau contre les cow-boys de l’antigang, la police raciste, etc. Tandis que les syndicats déplorent le manque de formation, de moyens, etc. La routine. Tandis que nos poulagas sont poursuivis pour tentative de meurtre, les truands chevronnés de la bande à Zemour, du moins les rescapés, se voient reprochés des violences à agents de la force publique. Les arcanes de la justice… ! Poniatowski, empêtré dans les remugles de l’affaire des micros du Canard Enchaîné, a dumal à faire front. D’ailleurs, Benachenchou est intraitable. Il refuse ses excuses. Néanmoins, des années plus tard, en catimini, il acceptera un substantiel dédommagement pour retirer sa plainte.

Cette année-là, Franco est mort, et, à l’insu de tous, quelques personnages douteux posent les premiers jalons de la plus grande escroquerie que la France ait connu. Pourspaggiari-photo-affaires-criminelles.1173691884.jpg la société Elf Aquitaine, il s’agit du projet « Aix ». Pour la presse, cela va devenir « l’affaire des avions renifleurs ».

En juillet 1976, en un seul week-end, les coffres de la société générale, en plein centre de Nice, sont vidés de toutes leurs richesses. Pour commettre ce vol, que les journaux baptisent « le casse du siècle », les malfaiteurs ont réalisé un travail titanesque. À l’aide d’un véhicule tout-terrain, ils sont passés par le lit du Paillon, un torrent souterrain (à sec à cette époque) qui traverse la ville, et ils ont rejoint les égouts pour finalement déboucher derrière la salle des coffres de la banque. Une préparation qui a dû s’étaler sur des semaines. Avant de repartir, avec un butin estimé par la suite à quarante-cinq millions de francs, ils laissent, comme un pied de nez, l’inscription : « Ni armes, ni violence, et sans haine ». C’est grâce à un banal contrôle d’identité, effectué un mois plus tôt, sur deux petits malfrats marseillais qui trimballent du matériel et des outils de terrassement (ce qui est rare pour des voyous, généralement peu enclins aux travaux manuels), que les policiers vont remonter la piste. Elle les conduira à une équipe de Marseillais. On murmure que Gaétan Zampa… Mais on ne prête qu’aux riches. C’est alors qu’un informateur anonyme « souffle » aux oreilles des policiers le nom d’Albert Spaggiari. Fabulateur et mégalomane, submergé par une gloire médiatique qui lui monte à la tête, celui-ci revendique l’entière paternité de ce casse rocambolesque. Certains restent dubitatifs. C’est le cas du journaliste Roger-Louis Bianchini, dans son livre 13 mystères de la Côte, aux éditions Fayard. Dix jours après ce vol spectaculaire, qui ridiculise nos institutions, un peu comme l’aurait fait Arsène Lupin, Giscard d’Estaing se croit sans doute obligé de faire preuve de fermeté. Il refuse la grâce de Christian Ranucci. Celui-ci est guillotiné le 28 juillet 1976.

ranucci-photo-scene-de-crime.1173692049.jpgEn mars 1977, Michel Poniatowski, durement secoué par les révélations qui ont suivi le meurtre de Jean de Broglie, quitte le ministère de l’intérieur. Sa carrière politique virera nettement à droite. Il est remplacé par Christian Bonnet, homme discret, sans couronne, dont le principal mérite aura été d’épingler une médaille sur mon veston. Pendant ce temps, Mitterrand demande un référendum sur la force de dissuasion, et, à Téhéran, après les émeutes sanglantes du 8 septembre 1978, la révolution est en marche. Quelques mois plus tard, le Shah boucle ses valises dans l’urgence et abandonne son pays. L’année suivante, commence la guerre Iran-Irak. Le prix du pétrole s’envole (100 dollars actuels) et la politique sociale de Giscard d’Estaing est reportée à la saint-glinglin.

À Nice, il se passe toujours quelque chose. Cette fois, c’est Agnès Leroux, la fille de la patronne du casino Le palais de la Méditerranée, qui disparaît. C’est le début d’une saga à la Dallas, dont le dernier épisode n’est pas encore tourné.

1978, est l’année des trois papes. À la mort de Paul VI, en un temps record, le conclave désigne comme successeur le cardinal Luciani. Celui-ci prend le nom de Jean-Paul 1er. Son pontificat dure 33 jours. Le 29 septembre 1978, Jean-Paul 1er se meurt – en bonne santé. Beaucoup s’étonnent que le saint homme soit décédé si soudainement. D’autres s’interrogent. Aurait-il découvert des choses qu’il ne voulait pas cautionner ? On pense à la curie, on murmure le nom de sectes mystérieuses, la loge P2, l’Opus Dei… Douze heures après son décès, le corps est embaumé. Pas d’autopsie, pas d’enquête. C’est le cardinal Wotjyla qui va lui succéder.ma-mere.1173692216.jpg

Ma mère est morte, aussi, cette année-là.

L’enlèvement de la fille du roi de l’étain – Lorsque nous avons débarqué de l’avion, à l’aéroport de Genève, l’inspecteur divisionnaire Hubert Fadda et moi, un policier suisse nous attendait. Nous étions porteurs d’une commission rogatoire internationale pour le meurtre d’un certain Rumi Giovanni. On avait retrouvé son corps, criblé de balles, sur les bords de l’autoroute, près d’Auxerre. Ça sentait le règlement de comptes à plein nez, aussi, j’avais réussi à conserver l’affaire au sein du GRB, au grand dam de mon ami, Alain Tourre, chef du groupe criminel du SRPJ de Versailles. Fadda est un flic hors du commun. Il marche à l’instinct. D’ailleurs, au poker, lors des nuits de permanence, c’est souvent lui qui part avec la cagnotte. En dehors du fait qu’il était mort d’une overdose de plomb, ce Giovanni présentait deux particularités. D’abord, il était probablement un élément dormant de la mafia italienne. Et ensuite, on avait trouvé, en perquisitionnant sa chambre, une mallette pleine de billets de cent dollars. Le genre de plan qu’on voit dans les films – et qui fait totalement bidon. L’enquête avait permis de déterminer que notre client avait résidé à Lausanne. « Vous savez, Lausanne, c’est un autre canton… », nous dit le policier genevois, avec son accent nonchalant. Ils ne sont pas chauds, les poulets suisses, pour nous servir de cicérones. Fadda n’y prête pas attention. Il explique l’affaire, et il sort la liste des billets de cent dollars. D’un seul coup, ils se réveillent à la sûreté de Genève. Quelques semaines auparavant, Graziella, la fille du plus gros industriel de la région a été enlevée. Les ravisseurs exigent une importante rançon qui doit être remise par George Ortiz, le père de la fillette. Celui-ci doit prendre l’autoroute et s’arrêter cinq minutes sur chacune des aires de stationnement, pour attendre de nouvelles instructions. Le jeu de piste traditionnel, dans ce genre d’entreprise. Tous les flics du coin sont mobilisés. Ortiz s’arrête sur le premier parking. Là, un homme lui demande de jeter la rançon par-dessus le grillage qui sépare l’autoroute d’une voie de dégagement. L’homme récupère l’argent et démarre tranquillement. Les collègues suisses n’ont rien vu. Alors, évidemment, ils sont à cran. Et les numéros sur la liste qu’on vient de leur remettre correspondent aux billets de la rançon. Ce qu’on savait déjà. C’est pas parce qu’on fait le même métier qu’on est obligés de tout se dire… On a aussi une liste de suspects. Moi, pragmatique, je propose qu’on ramasse tout le monde. Mais les Suisses hésitent. Trop. Le lendemain, il y a une fuite dans la presse. Les opérations démarrent en catastrophe. Je n’y prends pas part. Après une petite altercation avec mes collègues, à deux doigts de l’incident diplomatique, j’ai préféré claquer la porte. J’ai toujours adoré claquer les portes. Mon histoire s’arrête donc là. Le côté positif de cette enquête, c’est que la gamine a été retrouvée saine et sauve. Quant à suisse-france-match-nul.1173692838.jpgl’argent… Des années plus tard, cité pour témoigner au procès des kidnappeurs, j’ai retrouvé Fadda et son équipe dans le train pour Genève. Les passagers du TGV on dû se demander quels étaient ces énergumènes, mal fagotés et bruyants, qui tapaient le carton dans un wagon de 1ère classe. Cette bourrique m’a encore plumé au poker.

Ah oui ! Avant de quitter Lausanne, j’ai croisé deux yeux noirs. Les yeux noirs m’ont souvent joué des tours. Ceux-là avaient 25 ans et s’appelaient RoseMarie. Quelques mois plus tard, on grimpait la Cordillère des Andes, la mano dans la mano, à la recherche de la ville sacrée des Incas, le Machu picchu. Rien de tel pour se laver la tête.

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La PJ, mes débuts

PARTIE 8 – Le démantèlement de la French connection, à Marseille, et surtout le durcissement de la législation concernant le trafic de drogue, font comprendre aux « survivants » qu’il est temps de changer de négoce. Tandis que Vanverbergh, alias Francis le Belge bronze rayé derrière les barreaux, Zampa étend son activité en direction du monde du jeu. C’est alors qu’un nouveau larron vient bouleverser la donne, Jacques Imbert, dit Jacky le mat. Pour montrer qu’il « en a », il n’hésite pas à racketter Jean-Dominique Fratoni, le patron du tout nouveau casino à Nice, le Rhul.

lenquete-corse-par-petillon.1172417345.jpgLes malandrins semblent mieux organisés que les policiers, car pour la PJ, la vie n’est pas rose. Les investigations en matière de grand banditisme (on parle aujourd’hui de criminalité organisée), sont contrariées par des structures administratives et judiciaires qui, dans les années 70, étalent leur inadéquation. Les juges d’instruction, isolés dans leur sanctuaire, traitent leurs dossiers au cas par cas, incapables de débobiner l’écheveau de la guerre des gangs. Et les policiers ne font pas mieux, souvent pour des raisons identiques, ou pire, par rivalité. S’ajoute à cela, le début d’une véritable concurrence avec la gendarmerie qui ne veut plus être « la police des campagnes ». À tel point que le gouvernement de Pierre Messmer désignera une commission pour étudier les relations gendarmerie-PJ : la commission Tricot. Composée de personnes incompétentes (dans ce domaine), le rapport Tricot enfante, en janvier 1973, un amoncellement de banalités. Pour faire taire les flics, vingt ans après la création de l’office des stups, un décret du 11 octobre 1973 créé l’office central pour la répression du banditisme (OCRB). On adore en France ce genre de réforme qui ne coûte rien et qui donne l’impression qu’on a réglé le problème. L’office du banditisme mettra de longues années à trouver sa voie. Le commissaire Bellemin-Noël, chef de la 4° division, axe son activité sur la documentation et l’assistance aux autres services. Il choisit un commissaire du SRPJ de Versailles, Joseph Lebruchec, pour le diriger. Les commissaires qui lui succèdent : Lucien Aimé-Blanc, Charles Pellegrini ou moi-même…, voient les choses différemment. Ils sont nettement orientés vers l’intervention et le coup d’éclat. Les frictions avec la BRI de Paris sont inévitables. En effet, la brigade antigang, est enclavée dans un territoire limité à la capitale et à la petite couronne, tandis que l’office bénéficie d’une compétence nationale. Pour ces raisons, le commissaire Robert Broussard, alors chef adjoint de la BRI, et avant tout homme de terrain, se retrouve souvent borderline avec la procédure pénale. Heureusement, son patron, le commissaire Marcel Leclerc, plus diplomate, et de surcroît docteur en droit, est là pour arrondir les angles.

En 1972, l’OCRB accueille l’inspecteur Jacqueline Marinont, l’une des premières femmes affectée en PJ. Deux ans plus tard, le corps des commissaires s’ouvre également au sexe autrefois dit faible. Et en 1978, on verra pour la première fois une femme « gardien de la paix » (gardienne ?).

Pendant ce temps, chez « les hommes », le toilettage se poursuit. Les hostilités démarrent en mars 1973, avec l’exécution dans le parking de son immeuble, à Nla-mafia-vsd.1172417528.jpgeuilly, de Raphaël Dadoun, alias Yeux de velours. Dadoun n’est pas n’importe qui. Il a participé, en 1964, au braquage de la bijouterie Colombo, à Milan, qui reste l’un des plus beaux coups jamais effectué. Il est acoquiné aux frères Zemour. Et Jean-Louis Augé, dit Petit Jeannot, le parrain incontesté du milieu lyonnais, le considère comme son frère. La raison de ce règlement de comptes est, semble-t-il, l’association « un peu forcée » entre Dadoun et Gabriel Loreau, alias Gaby le chanteur. Ce dernier, tenancier de plusieurs boîtes de nuit sur Paris, âgé de 60 ans, préfère pactiser avec le clan Zemour plutôt que défendre son patrimoine l’arme à la main. C’est en fait le début d’un conflit entre le clan Zemour et le clan des Siciliens. Une trentaine de cadavres plus loin, le point final sera probablement le meurtre d’André Gau, surnommé Dédé le gode (on reviendra sur ce surnom incongru), en décembre 1987, dans une cabine téléphonique de Neuilly.

Pour la première fois, en 1974, un débat télévisé oppose deux candidats aux présidentielles. On se souvient des petites phrases de Giscard d’Estaing envers François Mitterrand : « Vous êtes un homme du passé… » ou bien « Vous n’avez pas le monopole du cœur… » Après un coup tordu (l’appel des 43 ) manigancé par Jacques Chirac pour évincer Chaban-Delmas, Giscard d’Estaing bat Mitterrand de 420.000 voix. Et Chirac est nommé Premier ministre.

Tandis que « les grands » s’amusent à nos dépens, une nouvelle forme de criminalité, importée d’Italie, émerge en France : les enlèvements avec demande de rançon. La série sera longue (Hazan, Thodoroff, Fériel, Révelli-Beaumont, Empain…) avant qu’une décision difficile (mais nécessaire pour enrayer cette pratique) ne soit prise : on ne paie pas. L’un des premiers enlèvements répertoriés est celui de Christophe Mérieux, âgé de 9 ans, en décembre 1975. Les ravisseurs exigent une rançon de vingt millions de Francs. Le père, propriétaire d’un groupe pharmaceutique, a le bras long, il peut aisément réunir une telle somme, mais le ministre de l’intérieur, Michel Poniatowski, refuse de céder. Alain Mérieux, relation personnelle du commissaire Claude Bardon, et surtout de Jacques Chirac, passe outre. Il remet la rançon aux ravisseurs. Les kidnappeurs enferment l’enfant dans un sac et l’abandonnent dans une poubelle. Le jeune garçon parvient à se libérer et rentre chez lui, en stop. Alors que toutes les forces de l’ordre sont à sa recherche, il sonne à la porte de son domicile et, d’une petite voix, annonce dans l’interphone : « C’est moi ! » Louis Guillaud, alias la carpe, est arrêté deux mois plus tard, alors qu’il troque des billets de la rançon contre des lingots d’or. L’un de ses complices, Jean-Pierre Marin, est abattu lors de son interpellation, le 5 mars 1976. Il est probablement l’un des assassins du juge Renaud. Christophe Mérieux est mort en juillet 2006, d’une crise cardiaque. Jean-Louis Guillaud, condamné à vingt ans de réclusion, a été libéré au bout de quatorze ans. Il coule une retraite paisible dans le nord du pays. La moitié de la rançon n’a jamais été retrouvée.

Giscard d’Estaing créé un secrétariat à la condition féminine, qui sera confié à Françoise Giroud, et, en juillet 1976, Chirac démissionne (ceci n’a rien à voir avec cela). Il est remplacé par Raymond Barre, qui coiffe deux casquettes : Premier ministre et ministre des finances. Économiste reconnu, il prône une politique de rigueur dont ne veut ni la gauche ni la droite. Bloqué dans son action par l’approche des élections législatives, il attendra 1978 pour mettre en place « le plan Barre ».

Cette année-là, dans la région lyonnaise, la criminalité liée au grand banditisme connaît un pic. Poniatowski décide de réagir. Il crée une antenne de l’OCRB, sous la forme d’une BRI. C’est la première brigade antigang de province.

Moi, à la sortie de l’école de police, je suis bombardé chef du groupe de répression du banditisme, au SRPJ de versailles. Je n’ai aucune expérience, et je me trouve un peu dans la situation du toréador qui s’apprête à descendre dans l’arène. A part que je n’ai jamais vu de taureau. Le service est en sous-effectif, et les commissaires enchaînent les semaines de permanence à un rythme soutenu. Voici, l’une de mes premières permanences : Je suis au lit depuis peu de temps. Le téléphone sonne…

Mon premier cadavre – Vous connaissez le cimetière de Poissy, la nuit, quand le thermomètre se balade autour de zéro ? Vous laissez votre voiture devant la grille et vous prenez l’allée de droite. La lune, derrière les nuages, éclaire votre chemin et balance sur les murs des ombres qui s’agitent comme autant de fantômes. Le vent siffle dans les arbres. Vos dents s’entrechoquent. Le froid, bien sûr. Là, vous êtes en condition ?

Au fond du cimetière, une baraque : la morgue. Je pousse la porte d’un air dégagé. La lumière blanche des néons m’aveugle. Une forte odeur d’antiseptique. Une autre, plus sournoise, prenante et écœurante. Une odeur qui met l’imagination en branle. Sur la table, un corps plié en quatre, attaché par une grosse corde, dans une position qui pourrait être lubrique, si ce n’était son état de décomposition. Des lambeaux de sous-vêtements tentent de cacher une nudité qui n’en a plus rien à foutre. Et l’odeur, toujours. (Cliquer pour voir la photo, mais interdit aux personnes sensibles.)

enigme-picsou.1172480131.jpgLe cadavre a été repêché dans la Seine. A priori, il s’agit d’une femme, entre 20 et 30 ans. Les bêtes lui ont dévoré la moitié du visage. Rien pour l’identifier, si ce n’est ses bouts de vêtements et une alliance. Je fixe « la femme ». Le corps est brun, presque noir, comme momifié. Le buste est quasi entier, tandis que les jambes ne sont que lambeaux de chair. C’est insuffisant pour recouvrir les os. La tête ressemble à une tête de mort typique, telle qu’on la voit sur les pavillons des pirates, ou telle que les enfants en dessinent sur leur cahier de classe. Elle rit de toutes ses dents.

Quelle est ton histoire, ma belle ? Pute, victime d’un règlement de comptes ? Épouse d’un mari jaloux ? Jeune fille jouet d’un détraqué ? Ça va pas être facile… Il faut que tu m’aides un peu. Le seul moyen de l’identifier est de faire un gant de peau, c’est-à-dire, « décalotter » chaque doigt, découper la peau et l’enfiler sur un support, pour tenter de récupérer ses empreintes digitales. Mais nous n’avons pas le matériel. Les deux vieux poulets qui m’accompagnent guettent la réaction du jeune commissaire. J’hésite. C’est le genre de situation qu’on n’envisage pas dans les écoles de police. J’attrape la main gauche du macchabée, et je commence à tirer…

Appelé sur une autre affaire, j’ai oublié les… mains dans la boîte à gants de ma voiture. Lorsque j’y ai pensé, à cause de la putrescence, il était trop tard pour le gant de peau. La morte de Poissy n’a jamais été identifiée. Son assassin court toujours.

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La PJ de 68

PARTIE 6 – Il existait en France, depuis la nuit des temps, deux institutions policières : la sûreté nationale (SN) et la préfecture de police (PP) de la ville de Paris. Une loi du 9 juillet 1966, change la donne. Le préfet de police conserve ses prérogatives, mais les policiers sont tous rattachés au ministère de l’intérieur, au sein d’un corps unique : la police nationale.

barricades.1171098949.jpgCependant, en ce qui concerne la PJ, les choses n’évoluent guère. Le 36 reste une forteresse où les « seigneurs » regardent avec condescendance leurs « cousins » de l’ex-SN. Quel policier de province ne s’est pas vu mander, d’un ton goguenard, de retirer la paille de ses sabots avant de pénétrer dans le saint des saints !

Dans le milieu, le gros truc pour ces messieurs, c’est le business du jeu. Alors que le clan Guérini est en pleine décrépitude, deux corses tirent les ficelles : Jean-Baptiste Andréani et Marcel Francisci. Associés dans l’établissement Le Grand cercle, un certain temps ; ils sont à présent en froid. En fait, tous deux postulent pour le titre d’empereur du jeu. Le chemin est semé d’embûches – et de cadavres.

Début 68, après la création des trois départements limitrophes à la capitale, la PP boucle les frontières. Bénéficiant d’un piston lié à la proximité du pouvoir, d’un fort copinage sur les bancs de la franc-maçonnerie, et sans doute d’un plus grand professionnalisme, elle accapare un grand nombre de postes-clés. Pendant ce temps, chez les étudiants, les esprits s’échauffent. Et c’est Mai-68 ! avec cette superbe allégation, qui s’affiche sur les murs de la Sorbonne : « L’imagination prend le pouvoir. » . Moi, petit officier de police adjoint à la DST, je ne suis pas acteur, mais spectateur privilégié. Claquemuré dans une minuscule chambre de bonne du quartier Latin, j’espionne un « espion ». Depuis ma vigie improvisée, j’assiste jour après jour aux échauffourées de rue. La fronde des étudiants entraîne le pays dans une drôle de farandole, cadaffiche-mai-68-crs.1171099180.gifencée par une batterie de bombes lacrymogènes. Un vent de liberté souffle sur le pays. Mais, pendant la révolte, les affaires continuent…, notamment avec l’émergence d’un nouveau clan : les Z. Natifs de Sétif, les frères Zemour débutent dans le négoce du vin, puis la protection des commerçants du Sentier, puis le racket, etc. Mais leur ambition grandit. Ils veulent eux aussi s’immiscer dans le monde du jeu, et avoir leur part de gâteau. Ils se tournent vers Francesci, lequel doit se dire que quelques gâchettes de plus ne seraient pas superflues pour lutter contre la concurrence. Il les prend sous son aile. Les Zemour feront leur pelote. Ils tiendront le haut du pavé durant de longues années, laissant dans leur sillage une trentaine de cadavres, avant, à leur tour, de devenir des cibles. Le dernier survivant, Gilbert Zemour, est abattu le 28 juillet 1983, alors qu’il promène son quadrille de caniches, comme un bon petit retraité. Alexandre Arcady s’inspirera de cette saga du grand banditisme dans son film, Le grand pardon, avec Roger Hanin.

Le 14 mai 68, De Gaulle part en… séminaire en Roumanie. On fait courir le bruit que le pouvoir est vacant. À tout hasard, Mitterrand prépare un coup d’état. Il allègue que les forces de l’ordre font usage de gaz toxiques contre les manifestants, et exige la démission du gouvernement. On a l’impression que tout est possible. Tout est possible, mais rien n’est vrai. Avec le recul, on s’aperçoit qu’un seul slogan a tenu la distance : « J’ai quelque chose à dire, mais je ne sais pas quoi. » Le 18 mai, le Général revient. Dans le milieu, on règle ses comptes, mais la police a d’autres chats à fouetter. Après la décision d’expulser Cohn-Bendit, le 24 mai sera la nuit la plus longue . À Lyon, un commissaire est écrasé par un camion lancé par les manifestants. Je crois qu’il s’agit de la seule victime de ces semaines de violences, avec Christian Fouchet, le ministre de l’intérieur, qui est évincé. Raymond Marcellin, alias, Raymond la matraque, prend la relève. Pour lui, l’analyse est sommaire : les étudiants sont manipulés par l’extrême gauche. Dans cette optique, il crée une brigade spéciale au sein de la DST, la SUBAC. Un pilier de ce service, disait de lui : « Março, c’est simple, dès qu’on lui parle de la gauche, il voit rouge. » Finalement, De Gaulle annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Il aurait avoué à ses proches : « Cette fois, j’ai mis à côté de la plaque… » Le 30 mai, une manifestation de soutien d’une ampleur exceptionnelle se déroule sur les Champs-Élysées. Les relents des gaz lacrymogènes à peine disparus, une sale affaire pointe son museau. Elle mobilisera plus de 200 policiers et comportera 1.808 procès-verbaux. Ce sera un échec pour la PJ et le point final à la légende des brigades du Tigre.

stefan-markovic.1171099343.jpgLe 1er octobre 1968, un corps enveloppé dans une housse de matelas est découvert dans une décharge publique à Elancourt, dans les Yvelines. Il faudra deux autopsies pour découvrir les causes de la mort : une balle dans la tête. Le médecin légiste se justifie par un surcroît de travail. Cette boulette rafraîchit (?) l’ambiance de l’institut médico-légal. Dorénavant, décide-t-on en haut lieu, tous les corps seront radiographiés et les légistes opéreront par deux. L’individu est identifié comme étant un Yougoslave, Stéfan Markovic, un jeune homme, beau comme un dieu et gorille d’Alain Delon. Une lettre posthume (et prémonitoire) du défunt, désigne les époux Delon et un certain François Marcantoni, alias Monsieur François, comme suspects, en cas « d’accident ». La personnalité (et les relations) du comédien freine l’enquête. La presse est sur les dents. Les fuites sont nombreuses. Et, quelques mois plus tard, cerise sur le gâteau, des photos truquées circulent sous le manteau, soi-disant prises par Markovic, représentant madame Pompidou, dans des soirées… particulières. On a dit qu’il s’agissait d’une manipulation du SDECE, pour déstabiliser Georges Pompidou, désigné comme le futur président de la République. C’est peut-être vrai. En tout cas, une fois à la tête de l’Etat, il ne traîne pas. C’est jour de grande lessive dans les services secrets. Il vire notamment, Jean-Charles Marchiani, le cousin de Marcantoni, et il reproche à De Gaulle d’avoir laissé faire, sans rien lui dire. Ce sera la rupture entre les deux hommes. Pendant ce temps, Delon tourne La piscine – et l’enquête prend l’eau de tous bords. François Marcantoni, contre qui il existe pourtant des indices troublants, récupère un non-lieu, sept ans plus tard, prononcé par le procureur de Versailles, Pierre Bezio. Entre-temps, les flics de l’ex-1ère brigade mobile, les seuls encore présents sur Paris, ont été rapatriés au SRPJ de Versailles, où le commissaire Claude Bardon, assisté d’un unique inspecteur, a poursuivi, dans lemarcantoni-photo-de-son-livre.1171099500.jpg secret le plus absolu, l’enquête jusqu’au dernier P-V. Marcantoni donne sa version des faits, dans Monsieur François, le milieu et moi de A à Z, éd. Le Cherche-midi. Bardon n’a pas écrit de livre.

En 1970, une équipe de braqueurs défraie la chronique : le gang des lyonnais, dirigé par Edmond Vidal, dit Monmon. Ils braquent dans toute la France. On les attend à Grenoble, ils attaquent un fourgon blindé à Nancy, etc. Le coup de maître sera l’attaque de la poste centrale de Strasbourg, avec un butin gentillet de onze millions de francs. Il faudra quatre ans et pas loin de 150 policiers pour en venir à bout. C’est Michel Poniatowski, qui, à son arrivée au ministère de l’intérieur, décide de faire le ménage à Lyon, ville dont il vise la mairie. Mais, cette équipe est insaisissable, ses méthodes sont quasi militaires et certaines mauvaises langues suggèrent que le service d’action civique, le SAC, leur apporterait son soutien. Une opération d’envergure est montée. C’est un fiasco, mais heureusement les perquisitions s’avèrent positives. L’instruction sera marquée par l’assassinat du juge François Renaud , le 2 juillet 1975, à Lyon, sans qu’on puisse corréler les deux affaires avec certitude. Cette épopée de l’équipe de Monmon, qu’on cite souvent en exemple, est en fait un contre-exemple : trop de services sur le coup, trop de chefs, trop d’ordres et de contrordres. Honoré Gévaudan, alors sous-directeur des affaires criminelles, expose sa version des faits dans son livre, Ennemis publics, chez J.C. Lattès.

Probablement à l’issue d’un débriefing technocratique des événements de Mai-68, il a été décidé de désarmer d’éventuels récidivistes, en… dépavant la capitale. Ce n’est pas sans une certaine nostalgie que les Parisiens assistent à cette drôle de fenaison. Le pavé de Paris devient la relique des soixante-huitards. Il trône encore sur le bureau de certains cadres supérieurs – du moins ceux qui assument.

De Gaulle a capitulé. Il s’est replié à Colombey. Cette fois, il n’en partira plus. Les officiers de police reprennent le titre « d’inspecteurs », et, aux élections présidentielles, Pompidou bat Poher, avec 58 % des voix. Il ne sait pas encore que ses lymphocytes vont lui jouer un sale tour et l’empêcheront de terminer son mandat. Il meurt le 2 avril 1974.

Pierre Goldman, écrivain, terroriste ou braqueur ? – Le 19 décembre 1969, la pharmacie du boulevard Richard-Lenoir s’apprête à fermer ses portes. La pharmacienne, mademoiselle Delaunay, et sa laborantine, ont déjà enfilé leur manteau, lorsqu’un homme armé fait irruption dans la boutique. Un banal braquage de pharmacie. C’est alors qu’un client retardataire pousse la porte. Le malfaiteur dirige son arme vers lui. L’homme, un quinquagénaire, monsieur Trocard, lève les mains. Il se montre docile, mais par malheur, il tente de raisonner son agresseur. Sans hésiter, celui-ci tire. Trocard s’écroule, la mâchoire en miettes. Un policier, le gardien Quinet, entend le coup de feu, puis plusieurs autres. Il n’est pas en service. Bien quegoldman-a-son-proces.1171099847.jpg sans arme, il se précipite et tente de neutraliser le bandit. La bagarre a lieu sur le trottoir. Finalement, l’individu se dégage et tire à bout portant, avant de détaler, poursuivi (des yeux) par plusieurs témoins. Bilan : la pharmacienne et sa laborantine sont mortes, criblées de balles, le client et le gardien de la paix sont sérieusement blessés.

Une affaire dramatique, mais relativement simple, pour la brigade criminelle. Plusieurs témoins ont vu l’assassin en pleine lumière. Ils pourront l’identifier. Il suffit de l’attraper. Quelques mois plus tard, un indic fournit des éléments intéressants. Il rapporte que le braqueur serait un certain Goldi, lequel aurait participé aux événements de Mai-68, à la Sorbonne, au sein d’un groupe particulièrement violent, les Katengais. Il ajoute que ce personnage aurait effectué plusieurs séjours chez les guérilleros, en Amérique Latine, et qu’il pourrait être lié à l’ETA. Les RG sortent une fiche : Pierre Goldman, né le 22 juin 1944, à Lyon. Le gardien Quinet l’identifie formellement dans un lot de photos. Goldman est arrêté au mois d’avril. Il possède un passeport vénézuélien, sous un pseudonyme, et, dans la perquisition, les enquêteurs découvrent un pistolet et… des plans et des documents paramilitaires. Il nie en bloc, puis finit par reconnaître un cambriolage et deux agressions, dont une, dans une pharmacie, mais en aucun cas celle du boulevard Richard-Lenoir. Qu’importe, se dit le commissaire Marcel Leclerc, en se frottant les mains, nous avons cinq témoins qui l’identifient formellement. Et la parade d’identification a été effectuée dans les règles de l’art – photos à l’appui. Hélas ! un peu plus tard, le fonctionnaire de l’identité judiciaire, tout penaud, lui apprend que la pellicule est voilée. Il n’y aura donc aucun cliché photographique du « tapissage ». La banane. Peu après, Leclerc remplacera Le Mouel à la tête de la brigade antigang.

Devant la cour d’assises, Goldman assure seul sa défense – avec maestria. Il clame : « Je suis innocent, parce que je suis innocent ! » La presse est emballée. La foule admirative. Il est condamné à la prison à vie. Derrière les barreaux, il rédige un livre, à la fois autobiographique et philosophique : Souvenirs d’un juif polonais né en France. Cet ouvrage connaît un grand succès, non seulement chez les intellectuels de gauche, qui depuis longtemps ont adopté le bonhomme, mais également à droite. Dans Le Figaro, Claude Mauriac s’indigne qu’on ait jeté « un philosophe en prison ». Goldman est pressenti pour le Goncourt. Devant la pression, la justice cède. La cour de cassation décide la révision du procès. Goldman est rejugé en 1976. Avant le procès, Mitterrand déclare : « Je ne crois pas qu’il soit l’assassin ». La bourde du photographe de l’identité judiciaire pèse lourd dans les débats, à moins que cette erreur n’ait servi… d’échappatoire. Il est acquitté pour les meurtres et condamné à douze ans de réclusion criminelle pour les autres affaires. En additionnant aux remises de peine le temps qu’il a déjà passé en prison, et par un calcul hermétique au commun des mortels, le compte est bon. Il est remis en liberté.

Le 20 septembre 1979, Pierre Goldman est abattu, place de l’Abbé-G.Henocque, à Paris, par trois hommes armés. Des policiers sont témoins du meurtre, sans avoir eu le temps d’intervenir. Ils ont déclaré lors de leur audition que l’un des agresseurs, après avoir tiré, s’était retourné vers ses complices en lâchant : « Vamos, hombres ! »

Peu de temps après, un mystérieux groupe, baptisé « Honneur de la police », revendiquera le meurtre auprès de l’AFP. Dix à quinze mille personnes assisteront à ses obsèques. En tête du cortège funéraire, des personnalités de tout crin.

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