Une histoire de son – « Maintenant vous nous dites qu’il y avait quelque chose dans le ciel qui n’a pas été vu par les radars, ni par les témoins (…) Existe-t-il un hélicoptère
qui puisse voler à Mach 1,6 ? (…) Cela ressemble donc à un Ovni ! » La salle rigole aux déclarations sarcastiques de Me Lèguevaques, mais dans l’auditoire, on ne sait plus quoi penser… Une détonation dont le son ricoche sur les nuages, ou sur une colline, ou trouve son origine à plusieurs centaines de mètres d’altitude, il y a de quoi s’y perdre…
Jean-Christian Tirat reprend le fil du procès et compare les arguments des experts acousticiens à ses propres constatations, effectuées lors de son enquête de journaliste. Pour lui, le compte n’y est pas.
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Une explosion, deux explosions… et 3 versions
Les enregistrements des mouvements du sol par les sismogrammes n’ont pas fait la lumière – et chacun campe sur ses positions. Dans la salle d’audience, j’identifie trois clans :
Les neutres – Avec dans ses rangs, ceux qui n’ont rien compris (ils ont des excuses) et ceux qui attendent la suite avant de se forger une opinion. Parmi ces derniers, l’idée de l’existence de deux explosions successives au même endroit, dans le hangar 221, fait peu à peu son chemin.
Et les deux extrêmes – Pour les uns, ceux qui croient à la thèse officielle de l’accident, il est acquis que les experts ont suffisamment démontré l’existence d’une explosion unique. Pour eux, les témoins ou les appareils enregistreurs ont perçu deux bruits en raison de la différence de vitesse de la propagation du son. Comme le son est dix fois plus rapide dans le sol que dans l’air, on a entendu d’abord ce premier bruit (le bang !), puis ensuite le second (le boum !).
Il faut dire qu’admettre l’existence de deux explosions reviendrait à mettre en cause les conclusions du juge d’instruction et par conséquent à innocenter le groupe Total, propriétaire de l’usine sinistrée.
Pour les autres, les sapiteurs1 ont au contraire démontré l’existence d’une première explosion, entendue par de nombreux témoins et enregistrée par les appareils de mesure. C’est l’opinion de la défense d’AZF et de Total, et de certaines parties civiles qui doutent de la thèse officielle.
Une légère différence dans les écarts de temps entre le bang et le boum prouverait aux experts que le bang est un son sismique, donc une seule explosion, disent les uns. Pas d’accord, rétorquent les autres, cet écart démontre que le bang s’est produit hors de la zone AZF, donc deux explosions. Par triangulation, ils situent d’ailleurs la première explosion au nord de la Société nationale des poudres et explosifs ; ou pour certains à… 400 mètres d’altitude, environ 2.000 mètres au nord du pôle chimique.
Des enregistrements choquants
À l’audience du 8 avril, une vidéo tournée dans un collège (en grève au moment de la catastrophe) avait été projetée. On cherchait un hélicoptère introuvable (nous y reviendrons). Les images trop… réalistes avaient choqué une partie des victimes. Pour ne pas répéter l’incident, le président Le Monnyer décide, aux audiences des 16 et 17 avril, de ne pas renouveler l’expérience. L’assistance ne pourra donc pas voir ces enregistrements. Peut-être aurait-il été préférable de demander aux personnes sensibles de quitter provisoirement la salle… C’est une opinion personnelle.
Au cours de notre enquête, nous avions pu nous procurer ces bandes. L’une d’elles était encore inédite en octobre 2005, et j’en ai personnellement remis une copie au juge d’instruction… Cliquer ici pour lire la suite.

Ainsi, il suffit de filmer ou de prendre en photo des violences pour être « légalement » complice de ces violences. Et si ces actes entraînent le décès de la victime, vous voilà présumé complice d’un meurtre. Et cela même si vous n’avez aucun lien avec les agresseurs.
Le procès de la catastrophe AZF est peu suivi par la presse nationale. Pourtant, il est unique en son genre : une salle de 1.200 places, des images sur écran géant, une durée prévue de 4 mois et un coût de 3,8 millions d’euros. Alors sur ce blog, chaque semaine nous allons faire le point.
