Un syndicat de police* a lancé une pétition pour une parité police-gendarmerie, mais la ministre de l’Intérieur l’a affirmé de nouveau jeudi dernier : « Il n’est pas question de toucher au statut militaire des gendarmes (…) Il n’est  pas question d’une fusion entre la police et la gendarmerie… » Et dans le même temps, elle a regretté que « pour des raisons de calendrier » la loi sur le rattachement de la gendarmerie à son ministère n’ait pas été votée plus tôt par le Parlement (alors que les sénateurs se sont prononcés selon la procédure d’urgence en… décembre 2008)**.
pas question d’une fusion entre la police et la gendarmerie… » Et dans le même temps, elle a regretté que « pour des raisons de calendrier » la loi sur le rattachement de la gendarmerie à son ministère n’ait pas été votée plus tôt par le Parlement (alors que les sénateurs se sont prononcés selon la procédure d’urgence en… décembre 2008)**.
Cependant, les choses étant ce qu’elles sont, je me suis dit qu’il pouvait être intéressant de lorgner un peu chez nos voisins belges – pays où la gendarmerie a fait les frais d’une réforme des services chargés de la sécurité. Ce qui représente, il faut le noter au passage, une sacrée entorse aux traditions, car la gendarmerie belge avait plus de deux siècles d’existence. Créée lors de l’annexion de la Belgique par la France, en 1795, elle était donc antérieure au pays tel qu’on le connaît aujourd’hui.
On dit que cette disparition est la conséquence des ratés de l’enquête sur l’affaire Dutroux.  En fait, on peut se demander si ce n’était pas la goutte d’eau (ou le prétexte) pour tenter de mettre un point final à une réforme déjà entamée.
Avant, il existait trois entités différentes :
– les polices communales, placées sous l’autorité des bourgmestres
– la gendarmerie
– la police judiciaire, plus ou moins rattachée aux magistrats.
J’ai demandé à Jean-Paul Wuyts, commissaire divisionnaire de la police fédérale belge, de nous commenter cette réforme. Voici ce qu’il en pense :
« Dans les années 70, malgré les critiques  persistantes, notamment sur les méthodes de maintien de l’ordre lors des grèves d’envergure, malgré plusieurs déclarations gouvernementales, malgré l’installation de groupes de travail et de commissions, la Gendarmerie poursuit son expansion à un point tel que les médias n’hésitent pas à parler d’un État dans l’État, allant même jusqu’à évoquer des rumeurs d’un possible coup d’État.
persistantes, notamment sur les méthodes de maintien de l’ordre lors des grèves d’envergure, malgré plusieurs déclarations gouvernementales, malgré l’installation de groupes de travail et de commissions, la Gendarmerie poursuit son expansion à un point tel que les médias n’hésitent pas à parler d’un État dans l’État, allant même jusqu’à évoquer des rumeurs d’un possible coup d’État.
« En 1973, une nouvelle loi relative au statut du personnel est votée : réorganisation du service, limitation de la durée du temps de travail, réformes de la formation, plus d’indépendance fonctionnelle vis-à-vis de l’armée. Mais les gendarmes restent soumis aux lois et règlements militaires.
« En 1978, pour la première fois, une représentation syndicale est reconnue, mais elle reste corporatiste et limitée.
« Au début des années 80, les effectifs atteignent les 18.000 hommes (…) Les syndicats sont de plus en plus actifs. Ils protestent contre les conditions de travail et contre le caractère militaire de l’institution. »
Finalement, une loi de juillet 1991 transfère la gestion de la gendarmerie du Ministère de la Défense au Ministère de l’Intérieur.
« La Gendarmerie est démilitarisée, estime Jean-Paul Wuytz, bien que ce terme ne soit pas utilisé dans les textes officiels afin de ménager la susceptibilité de certains officiers supérieurs… »
Les syndicats sont représentés mais la grève demeure interdite et l’obligation de neutralité politique est également maintenue. Seuls sont reconnus les syndicats catégoriels exclusivement composés de gendarmes. Néanmoins, malgré tous ces changements, la hiérarchie verticale subsiste, ainsi que les grades militaires.
À la suite de l’affaire Dutroux, une commission d’enquête parlementaire convoque tous les protagonistes. Les séances sont retransmises en direct à la télévision. Voici ce qu’en dit sur son blog un ancien gendarme belge (maintenant policier)  : « Je me souviens avoir passé des soirées et des nuits entières à les regarder. Mon unité est pointée du doigt, c’est pesant de vivre dans une telle ambiance. Cependant, je n’ai jamais mis en doute la compétence et le professionnalisme de mes collègues et chefs qui ont travaillé sur cette enquête (…) En conclusion de ce show médiatique, les commissaires se prononcent ouvertement pour la mise en place d’une nouvelle structure policière, en annonçant une intégration au niveau fédéral des trois corps de police et toute une série de services spécialisés. »
Le 7 décembre 1998, c’est le grand chambardement. Il est créé une nouvelle police sur deux niveaux : un niveau fédéral (la Belgique est un état fédéral) et un niveau local (avec 196 zones de police).
En mars 1999, les gendarmes expriment leur mécontentement dans des manifestations publiques.
 La gendarmerie est officiellement dissoute en 2001 pour être intégrée à cette nouvelle police.
La gendarmerie est officiellement dissoute en 2001 pour être intégrée à cette nouvelle police.
Il semble encore aujourd’hui que cette fusion ne soit pas toujours très bien vécue. « Sur papier, dans la loi et les arrêtés royaux et ministériels d’application, la réforme est chose faite, nous dit Jean-Paul Wuyts. Dans les faits, on n’efface pas les mentalités et les produits de cultures différentes d’un trait de plume. On pourrait, plus opportunément me semble-t-il, dire que le processus de réforme est enclenché. Il faudra sans doute une génération pour que les choses se stabilisent. Encore faudra-t-il compter sur des mini-réformes partielles qui viendraient éventuellement corriger le tir, par-ci par-là. »
Mais qu’on se rassure, chez nous, policiers et gendarmes vont conserver leur statut propre. Et ils vont travailler main dans la main, chacun sous l’autorité de sa propre direction générale. Bien sûr aujourd’hui, nombre de gendarmes s’interrogent, conscients des difficultés concrètes qui ne vont pas tarder à surgir, inquiets surtout d’une inégalité majeure qui les met en position d’infériorité : l’impossibilité de revendiquer. Car si les gendarmes veulent réclamer, contester…, ils devront demander à leurs collègues policiers de le faire à leur place.
Certains gendarmes renaclent. Ils réclament l’application de la Recommandation 1742 du Conseil de l’Europe d’avril 2006 : « (…) autoriser les membres des forces armées à s’organiser dans des associations professionnelles représentatives ou des syndicats ayant le droit de négocier sur des questions concernant les salaires et les conditions de travail… »
Mais Mme Alliot-Marie a été formelle : tant qu’elle sera ministre de l’Intérieur, il n’y aura pas de syndicats chez les gendarmes.
En Belgique, il s’est écoulé 10 ans entre le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur et sa dissolution. En France, on attaque la première année.
Donc, à suivre…
____________________________________________
* Le syndicat Alliance.
** Sur une vidéo du Sénat la réponse de MAM à la question du sénateur Alain Gournac (11 juin 2009).
____________________________________________