LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Auteur/autrice : G.Moréas (Page 12 of 82)

Nice : après le drame, le cafouillage

Quelques heures après l’attentat au camion fou sur la Promenade de Nice, en pleine nuit, François Hollande s’est adressé à la Nation pour faire connaître les décisions qu’il avait prises.

Coucher soleilSi c’était pour nous rassurer, c’est raté. Car il est pour le moins inquiétant de voir le chef de l’État réagir ainsi à un événement, aussi dramatique soit-il, sans prendre le recul que lui imposent ses responsabilités. Cela ressemble trop à de l’affolement.

« Nous continuerons à frapper ceux qui, justement, nous attaquent sur notre propre sol, dans leur repaire ! » déclame-t-il. Et il annonce de nouvelles (?) mesures, comme renouveler l’état d’urgence, alors qu’il venait de dire que la dernière loi antiterroriste le rendait inutile, et renforcer l’action militaire en Syrie et en Irak. Il est à peine 4 heures du matin. Le drame a eu lieu à 22 h 45.

Petit flou le vendredi, lorsque les premiers éléments de l’enquête laissent à penser que le terroriste n’est pas un loup solitaire, mais plutôt un barjot solitaire, sous soins psychiatriques, qui aurait décidé de « sublimer » son suicide.

Lors d’une conférence de presse, François Molins, le procureur de Paris, prend d’ailleurs des gants pour nous dire que l’attentat n’a pas été revendiqué et que l’individu abattu par la police n’était pas radicalisé et qu’il est inconnu des services de renseignement. Puis il donne son identité, laquelle avait d’ailleurs déjà fuité dans la presse.

Ce qui va permettre à l’État islamique d’effectuer les vérifications nécessaires, afin de revendiquer l’attentat. 36 heures plus tard, Mohamed Machin est ainsi devenu un soldat du califat. (Je reste persuadé qu’il faut anonymiser les terroristes pour éviter que naissent des disciples.) Continue reading

Je n’irai pas cracher sur vos tombes

Lors de son discours de Versailles, devant les cercueils de Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing, les deux fonctionnaires de police assassinés à Magnanville, François Hollande n’a pas prononcé le nom de leur meurtrier. Il a parlé de ces « barbares qui commettent des horreurs au nom d’une religion qu’ils défigurent et qu’ils dévoient ». Et d’une guerre qui sera longue…

Ecusson-dcsp-en-deuilC’était un moment fort pour les policiers, les gendarmes et tous ceux qui se trouvaient sur cette place de Versailles. De ces moments que chacun de nous a connus, où, devant le corps d’un parent, d’un ami, croyant ou non, on se laisse prendre par l’envoutement d’une cérémonie mortuaire. Hier, sur la place, devant la préfecture de Versailles, il y avait l’immobilité, longue, de celle qui oblige au recueillement ; la musique militaire, prenante, que l’on a l’impression d’entendre pour la première fois ; puis le discours du Président, juste, au début, avant de devenir plus politique. Mais peu importe, on ne l’écoute plus, les paroles ne sont qu’un bruit de fond, une sorte de mélopée qui vient renforcer l’émotion. On pense à ces amis, à ces collègues, qui ne demandaient qu’à vivre. On pense à cet enfant privé de ses parents. Puis surgit l’introspection : ses propres collègues, ses amis, sa famille, soi… C’est un moment où l’on se demande pourquoi on a choisi ce métier-là. Continue reading

La justice secrète : indic, infiltré, repenti, collaborateur…

À l’approche du procès de Michel Neyret, l’ancien sous-directeur de la PJ de Lyon, et des autres policiers impliqués dans ce dossier, on va évidemment reparler de la gestion des indics. On pourrait croire ce problème derrière nous : la police de papa, c’est fini ! mais il n’en est rien. Dans ce domaine, comme dans d’autres, à tout vouloir borner, on a tellement compliqué les choses que même Vidocq, le roi des indics, y perdrait son latin.

Vidocq 2

Plaque au musée de la police

Alors, entre le tuyau reçu au zinc d’un bistrot et le brouillamini mis en place depuis une dizaine d’années, tentons d’y voir clair. Ce n’est pas gagné !

La loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II, prise pour « adapter la justice aux évolutions de la criminalité », est considérée comme le premier pas vers une « officialisation » des sources, qu’elles soient techniques (hors écoutes téléphoniques) ou humaines. Même si, pour le flic de terrain, c’est plutôt la « jurisprudence » Neyret qui a marqué les esprits.

Donc, plus question d’avoir un indic sans en rendre compte à son patron, qui en rendra compte à son patron, qui informera le directeur central de la PJ dont dépend le bureau central des sources (BCS). Lequel est rattaché, comme chacun le sait, au SIAT, c’est-à-dire le Service interministériel d’assistance technique. Ce service, qui a curieusement pris comme logo le négatif du logo de la DCPJ (Clemenceau n’est plus blanc mais noir), a été créé pour être le fer de lance de la loi Perben II. Autrement dit, pour parler comme des agents secrets – qui d’ailleurs n’ont pas de comptes à rendre au BCS -, non seulement, il gère le ROHUM (renseignement d’origine humaine) mais également une partie du ROEM (renseignement d’origine électromagnétique), via les sonorisations et les bidouillages informatiques. Et bientôt, probablement, le ROIM (renseignement d’origine image), qui est pour l’instant plutôt l’apanage des armées, via les nacelles de reconnaissance embarquées, les drones et autres satellites. Il manque à mon énumération les caméras de surveillance, lesquelles, du moins à ma connaissance, ne sont pas reliées à un ordinateur central. Continue reading

Coup de balai antiterroriste : une enquête qui nous ramène à 2001

Les autorités françaises, certains de nos parlementaires et pas mal de journalistes ballottent : dans la lutte antiterroriste, les échecs sont-ils le fait des Belges ou des instances européennes ? Notre journal favori (qui supporte ce blog mais dont je ne suis pas actionnaire), en date du 26 mars 2016, titre : « Révélations en cascade sur les failles des enquêteurs belges ».

Et pourtant, ces dernières 48 heures, les arrestations se multiplient : France, Belgique, Pays-Bas, Italie… On a l’impression que les services d’enquête de différents pays européens obéissent à un mot d’ordre commun pour mettre à mal un réseau terroriste d’une ampleur insoupçonnée. Le plus grand peut-être que l’on ait connu. Lorsque l’on découvre que l’un des individus arrêté, l’Algérien Abderrahmane Ameuroud, était impliqué dans l’attentat suicide qui a entraîné la mort du commandant Massoud, à la veille des attentats du 11 septembre 2001, on réalise que ledit réseau ne date pas d’hier.

Après avoir combattu l’occupation de l’Afghanistan par les Soviétiques, Ahmed Chah Massoud luttait contre les talibans, autrement dit les inféodés au mouvement fondamentaliste musulman. Dans son combat, le commandant Massoud avait le soutien « off » des services secrets américains et français et l’appui financier de l’Arabie saoudite. Continue reading

Abdeslam va-t-il être livré à la France ?

Après l’arrestation rocambolesque, en Belgique, de celui qui semble le dernier survivant du commando du 13 novembre 2015, la question se pose de savoir si Salah Abdeslam va être remis aux autorités françaises. Pour François Hollande, cela semble ne faire aucun doute : « Le procureur de Paris va demander l’extradition », a-t-il dit. Euh !…

Depuis maintenant une douzaine d’années, il existe un truc qui s’appelle le mandat d’arrêt européen (MAE), qui a remplacé les procédures d’extradition entre les États membres de l’Union européenne. C’est d’ailleurs la seule réponse importante qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001.

Abdeslam SalahQuelles différences entre l’extradition et l’exécution d’un MAE ? Il y en a une, de taille, qui concerne la séparation des pouvoirs. En France, la décision d’extrader un étranger se prend au sein du gouvernement. C’est une décision politique. Or, depuis le 1er janvier 2004, date de la prise d’effet du MAE, on a passé la main au pouvoir judiciaire. Le MAE est donc délivré par un magistrat, le plus souvent par un juge d’instruction. Il n’a pas besoin d’être notifié à un État pour être applicable. Ainsi, un signalement spécifique dans le système d’information Schengen (SIS), dans la mesure où il comprend les informations suffisantes (identité, faits reprochés, peines encourues…), vaut MAE provisoire. En ce qui concerne Salah Abdeslam, on peut espérer que c’est le cas et que les recherches ne sont pas limitées à l’appel à témoins lancé par la police nationale et au simple mandat de recherche dont il est fait mention… A défaut, Abdeslam a été arrêté dans le cadre d’une procédure judiciaire belge qui justifie sa garde à vue et sa détention. Et ce n’est qu’ensuite que le mandat d’arrêt lui sera notifié. D’une certaine manière, la justice française perdrait la main sur l’individu.

Mais que va-t-il se passer maintenant ? Continue reading

Police : le choix des armes

Certains services de police vont se voir doter d’un fusil d’assaut allemand, le Heckler & Koch G36, jusque-là uniquement accroché au râtelier des unités d’élites. Pour la première fois, des policiers « de rue », notamment ceux de la BAC, vont être armés comme pour une guerre (ici, soupir de nostalgie pour feu « le gardien de la paix »).

CibleToutefois, si j’ai bien compris, ce fusil serait destiné à être remisé dans le coffre d’une voiture. À disposition, pour le cas où. Quelles seront les conditions nécessaires pour « dégainer » le HK ? Trop tôt pour le dire, mais on peut espérer que l’encadrement sera solide : l’utilisation d’un tel engin lors d’une intervention sur la voie publique pourrait se révéler à hauts risques – pour tout le monde. D’autant, il faut bien le reconnaître, que sous la menace terroriste, et la fatigue aidant, les policiers, comme nos dirigeants d’ailleurs, ont tendance à perdre leurs nerfs. Continue reading

Apple : une pomme de discorde

Les géants de la Silicon Valley soutiennent Apple qui refuse de craquer son bébé chéri, l’IPhone. Ont-ils raison ou tort ? Pourtant, il ne semble pas disproportionné qu’un juge demande à la firme à la pomme de fournir « une assistance technique raisonnable » au FBI dans une enquête criminelle qui a fait 14 morts et 26 blessés. On se souvient, c’était le 2 décembre 2015 : un couple pénètre dans un foyer social de San Bernardino, en Californie, et ouvre le feu au fusil d’assaut alors que des dizaines de personnes sont réunies pour un repas pré-Noël.

capture3Sur le plan technique la question est simple – c’est la réponse qui est complexe. Il s’agit de découvrir le mot de passe du téléphone de l’un des terroristes, Syed Farook, citoyen américain abattu par la police quelques heures après le drame. Or, l’IPhone est programmé pour « s’autodétruire » après dix tentatives infructueuses. Et même si l’utilisateur n’a pas actionné cette sécurité, les délais entre chaque essai s’allongent rapidement, au point de rendre inutilisable un logiciel de décryptage.

Malgré tout, les techniciens du FBI décident de tenter le coup. Et ils se plantent. En désespoir de cause, ils demandent alors à Apple de modifier le système de son IPhone en y plaçant une sorte de porte dérobée. Une porte qui permettrait d’ouvrir tous les IPhones, répond la société.

Il s’agit d’un dialogue de sourd Continue reading

Vers un droit d’arrestation

Une nouvelle loi antiterroriste (la 5ème, la 6ème depuis le début du quinquennat de François Hollande ?) va remiser l’état d’urgence au musée des oubliettes. En attendant que n’arrive « l’état d’extrême-urgence ».

Menottes 2Le plus perturbant, à mon avis, dans ces mesures mi- judiciaires mi- administratives, c’est la création d’une détention de quatre heures à la bonne volonté des forces de l’ordre et hors la présence d’un avocat. Il faut bien comprendre que, sous prétexte de lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, cette disposition est faite pour s’appliquer à tout le monde. Vous comme moi. Il s’agit d’un pas supplémentaire dans une technique d’enquête inédite qui consiste à interpeller une personne à qui l’on n’a – légalement – rien à reprocher. Comme dit le vieux Panicault dans Topaze (Marcel Pagnol) : « Les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher. »

Vous me direz, quatre heures, c’est vite passé ! Continue reading

Perquise de nuit

Un projet de loi « longuement mûri par la chancellerie », nous dit un communiqué de presse de Matignon, doit consolider la place de l’autorité judiciaire dans la lutte contre le crime organisé et son financement. Mais comme ce projet vise également la lutte antiterroriste et donne de nouveaux moyens au préfet, il faut bien reconnaître que le message est un peu brouillé.

Piles codes 2Quelle est la raison de cette nouvelle loi ? Simple ! Il s’agit de boucler la boucle : 1/ on donne « des moyens sans précédent » aux services chargés de lutter contre le terrorisme – 2/ On donne à la police judiciaire des pouvoirs équivalents – 3/ on pérennise les pouvoirs de police administrative de l’état d’urgence.

Pour faire un nœud à la boucle, et l’on n’en parle plus, je suggère de réactiver un ancien article du code de procédure pénale, l’article 30, qui donnait des pouvoirs de police judiciaire aux préfets.

Ces textes à répétition compliquent tellement la procédure pénale que plus personne n’y comprend rien.

C’est notamment le cas en matière de perquisition. Continue reading

Plumes de poulets : la police fait-elle encore rêver ?

En début d’année, après les attentats contre Charlie Hebdo et le magasin casher de la porte de Vincennes, des milliers de personnes ont applaudi les policiers et les gendarmes. Et dans la rue, les « bleus » sentaient bien qu’on les regardait différemment. Comme il est bon d’être fier de son métier ! Mais dans un pays que certains ne veulent plus policé, mais plutôt policier, cela ne pouvait durer. Avec les dernières lois liberticides et l’état d’urgence le gouvernement a sifflé la fin de récré.

Heureusement, pour rêver, il nous reste les livres. Et comme c’est souvent le cadeau que l’on fait à la lueur de la lanterne rouge, je me permets de vous donner un avis sur les derniers que j’ai lus.

La police pour les nuls« Le flic de fiction est notre ami des soirées télé, le vrai flic est une énigme », peut-on lire dans La police pour les nuls, chez First Éditions. Peu de policiers et de gendarmes peuvent se vanter de connaître les arcanes de l’auguste Maison. C’est un monde un peu secret mais surtout protéiforme où se côtoient des dizaines de milliers de personnes d’origines différentes : fonctionnaires, militaires, contractuels, détachés d’une autre administration, chargés de mission, etc. Comment s’y retrouver dans ce méli-mélo de gens dont la seule unicité est de bosser pour le même patron ! Un patron qui change souvent et qui souvent veut tout changer. Il n’est pas rare que dans sa carrière, un flic « use » ainsi une dizaine de ministres. Continue reading

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