… avait déclaré Nicolas Sarkozy, en janvier 2008, lors de sa première conférence de presse à l’Élysée. Il aura fallu attendre deux ans, mais depuis hier, c’est fait : la loi sur la liberté de la presse, vieille de 128 ans, va être modifiée en ce sens, art.2 : « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information ».
Tout n’est pas rose. Il peut toutefois être porté atteinte à ce secret, nous dit le texte, dans le cas d’un « impératif prépondérant d’intérêt public ». Quelques mots qui feront sans doute grincer des dents, car les termes sont assez flous, et certains ne manqueront pas d’y voir les pires intentions. Il est assez rare, c’est vrai, que nos élus montrent tant de circonspection… Pourtant, cette restriction ne semble pas anormale, d’autant que « cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ».
Le législateur estime même que le simple fait de « chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui […] peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources » est contraire à la loi.
Autrement dit, si je comprends bien, pas question de farfouiller dans son téléphone portable, ou celui d’un ami ou d’un proche, pour tenter d’y découvrir ses informateurs.
Quant aux perquisitions dans les entreprises de presse, elles font l’objet de contraintes juridiques plus importantes que par le passé. Le magistrat doit notamment motiver sa décision par écrit et il « veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources] […] et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l’information ».
De plus, le domicile et le véhicule des journalistes bénéficient de la même protection.
Enfin, s’il peut être entendu comme témoin, comme tout le monde, même sous serment le journaliste n’est pas tenu de révéler l’origine de ses informations. Et, un nouvel alinéa à l’art. 100-5 du Code de procédure pénale prévoit qu’ « à peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source… »
Ce qui de fait assure aux journalistes la même protection que les avocats, notamment quant au secret des correspondances.
On peut en déduire que la bonne vieille méthode qui consiste depuis la nuit des temps à « planter un zonzon » sur un journaliste pour tenter de savoir d’où il tient ses tuyaux est définitivement révolue.
Vingt-cinq ans après les écoutes de l’Élysée, c’est quand même un progrès, non !
Le mois dernier, après avoir couvert une conférence de presse donnée par des membres encagoulés du Comité régional des vins, des reporters de France 3 et du Midi Libre ont été longuement entendus dans les locaux de la PJ de Montpellier. On imagine que les policiers auraient bien voulu mettre des visages derrière les masques ! Eh bien, cela ne devrait plus se reproduire. En effet, à quoi bon pressurer un journaliste s’il se retranche derrière la loi !
Qu’on ne s’y trompe pas, cette décision nous concerne tous. Car, sans les journalistes d’investigation, pas d’affaire du sang contaminé, pas d’affaire des diamants de Bokassa, pas d’affaire Clearstream, etc.
Par ailleurs, il est intéressant de noter la définition de ce métier donnée par le législateur : « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public ».
Contrairement à l’administration fiscale, qui en fait un postulat à la déduction d’impôts (7 500 € sur les revenus) accordée aux gens de presse, il n’y a donc aucune référence à la possession de la carte de presse. Peut-on en déduire que le blogueur pourrait être assimilé à un journaliste ? Entre nous, pour l’instant, je ne pense qu’il existe beaucoup de blogueurs qui puissent se considérer comme des professionnels, mais un jour ou l’autre, la question pourrait bien se poser.
Bonjour,
Je souhaite dire un mot concernant l’affaire Julien Dray. Si le procureur de la République a commencé par une enquête préliminaire, cela signifie que les éléments pour le mettre en examen n’était pas suffisant. Je ne suis pas un sympathisant du Député mais nous avons un code de procédure pénale qui doit être appliqué à tous un chacun…trop facile de s’attaquer à un politique
@Opsomer :
Il faut surtout se rendre compte d’une chose. Le vrai journalisme n’existe plus. Combien de fois j’entends à la radio et à la télé, les mêmes choses? Pourquoi ? Regardez la dépeche AFP/Reuters… tiens donc ils ne font que lire les dépeches.
Il faut aller vite, sortir de suite les infos, être les premiers, les débiter…. Bienvenue dans la sur information ou l’information n’est plus rien
Ben !… qui c’est qui va pouvoir dormir sur ces deux oreilles maintenant, bien protégé par la loi ?…. Vous avez gagné !… Le veilleur de nuit du Canard Enchaîné !
L’Etat reprend toujours d’une main ce qu’il a accordé de l’autre. Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est la parfaite illustration de cette ambivalence, pour ne pas dire de cette hypocrisie étatique. L’article 20 dudit projet crée, en effet, un régime de protection des agents de renseignement, de leurs sources et de leurs collaborateurs lorsque ceux-ci sont concernés par des procédures judiciaires. L’exposé des motifs est d’ailleurs édifiant puisqu’il justifie cette mesure en ces termes : «Après la protection des documents, des lieux et des renseignements, il s’agit de protéger la personne même de l’agent de renseignement ainsi que ses sources et ses collaborateurs.» Les protéger, soit ! Mais les protéger de qui, de quoi ? De la justice ? De la presse ? En outre, en protégeant ainsi les agents de renseignement ne cherche-t-on pas à protéger opportunément par la même occasion leurs commanditaires, donc leur hiérarchie ?
Le projet de loi prévoit d’ajouter au titre III du livre IV du Code pénal un chapitre 1er bis intitulé «Des atteintes aux services spécialisés de renseignement» auquel est greffé un article 431-21-1 ainsi rédigé :
«Art. 431-21-1. – La révélation, en connaissance de cause, de toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à la découverte de l’usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité, de l’identité réelle des agents des services spécialisés de renseignement ou de leur appartenance à l’un de ces services est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. […]
La révélation commise, par imprudence ou par négligence, par une personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ou permanente, de l’information mentionnée au premier alinéa, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Les dispositions du présent paragraphe sont applicables à la révélation de la qualité de la source ou de collaborateur occasionnel d’un service spécialisé de renseignement.»
La création de ces nouvelles incriminations qui sanctionnent la révélation de l’identité des agents de renseignement, de leurs sources et de leurs collaborateurs est, à n’en pas douter, une sérieuse mise en garde aux journalistes d’investigation ! Dès lors, une interrogation s’impose : avec de telles mesures, quelles suites seront dorénavant données à des affaires sensibles comme celle des frégates de Taiwan, discrètement enterrée avec le temps, ou celle d’actualité à propos de l’attentat de Karachi, qui a tué onze ingénieurs français en 2002 et met aujourd’hui en cause des sommités de l’Etat (1) ?
(1) L’enquête s’oriente désormais vers la piste d’un contentieux franco-pakistanais lié à la vente en 1994 de sous-marins et doublé de commissions occultes reversées à des hommes politiques à Paris (les fonds des rétro-commissions en France auraient servi, selon les dires de l’avocat des familles des victimes, relayées dans la presse, à financer la campagne présidentielle en 1995 de l’ex-premier ministre français Edouard Balladur).
http://www.ledevoir.com/international/255905/attentat-de-karachi-sarkozy-rejette-la-piste-de-la-corruption
Bonjour,
Contrairement à ce que vous indiquez, il n’est pas nécessaire de produire une copie de sa carte de presse pour obtenir l’abattement fiscal de 7500 euros. Il faut la mention « Journaliste » sur les bulletins de paye, mais l’administration n’exige pas la carte de presse…
Bonjour,
Contrairement à ce que vous indiquez, il n’est pas nécessaire de produire une copie de sa carte de presse pour obtenir l’abattement fiscal de 7500 euros. Il fa
Un autre point de vue :
Journalistes : liberté sous surveillance
http://phmadelin.wordpress.com/2009/12/22/journalistes-liberte-sous-surveillance/
Des vrais journalistes d’investigation,ça n’existe plus !
« Un journaliste d’investigation, disait-il, c’est un journaliste qui va déjeuner avec un juge ou un flic en prenant des mines de conspirateur, puis revient à la rédaction attendre le fax qu’il recopie pour faire son article »
http://www.causeur.fr/le-monde-enterre-le-secret-de-l%E2%80%99instruction,2007
Bonjour,
Toujours intéressant votre blog, merci pour votre travail « journalistique » .
Ce qui sera important, c’est ce que diront les juges de la notion d’« impératif prépondérant d’intérêt public » . Ce sont des termes suffisaments généraux pour laisser un assez large champ d’interprétation …. qui vous permettre de vendre du « papier » !!!!
« Qu’on ne s’y trompe pas, cette décision nous concerne tous. Car, sans les journalistes d’investigation, pas d’affaire du sang contaminé, pas d’affaire des diamants de Bokassa, pas d’affaire Clearstream, etc. »
M. Moréas, je vais altérer votre bel optimisme sur la liberté de la presse en citant l’extrait d’un article belge paru en 2007 car « Tous les journalistes ne sont pas des héros » et ils doivent bon gré mal gré obéir aux injonctions de leur patron, de celui qui les paie. Or, celui-ci est rarement éloigné des hautes sphères du pouvoir, quant il n’y a pas connivence :
Le petit Nicolas et ses grands amis
Vu de Belgique, les médias français ont tous rallié Nicolas Sarkozy. Par connivence ou par calcul.
LE JOURNAL DU MARDI – Bruxelles
Les Français ne s’en rendent peut-être plus compte tellement ils ont le nez dedans, mais vue d’ici la manière dont la quasi-totalité des médias s’est rangée en ordre de bataille derrière Sarkozy est proprement sidérante. Ce type peut dire tout et son contraire sans que personne ou presque ne s’en émeuve, de même qu’est notée comme anecdotique l’incroyable posture qui consiste en tant que ministre de l’Intérieur à organiser une élection à laquelle on se présente.
De plus, questions conneries, Sarkozy se permet tout et effrontément sans que quiconque relève la supercherie : plus c’est gros, mieux ça passe. Un exemple : dans la seule émission de TF1 du 5 février, il assène que la moitié des salariés français gagnent le Smic ; vérification faite, ils sont 17 %. Il parle du baril de pétrole qui aurait atteint 90 dollars alors qu’en réalité il n’a jamais dépassé les 78 dollars ; puis, emballé par sa démonstration, il évoque ces temps affreux où l’inflation, en France, était à 24 %. Depuis que les statistiques existent, le pic le plus élevé indique 14 %. Tout faux, donc, et plus grave que la « bravitude » lâchée par Ségolène Royal. Mais peu importe, c’est elle qui est conne. D’ailleurs, une femme, hein…
Comment expliquer cet alignement ? Eh bien, c’est une belle historie d’amitié entamée en 1983, et cultivée et arrosée sans relâche depuis. Patiemment, le déjà futur président de la République s’est fait pote avec ceux qui dirigent les entreprises de presse et les journalistes qui vont avec : Martin Bouygues (TF1), Serge Dassault (Le Figaro, l’Express, l’Expansion et des cadors de la presse régionale), Arnaud Lagardère (Paris-Match, Le Journal du dimanche, etc.), Alain Minc (président du conseil de surveillance du Monde), François Pinault (Le Point) et le milliardaire Bernard Arnault, très présent dans la presse économique. J’en passe. Du beau linge. Tous de droite. Est-ce à dire que tous les journalistes de ces organes de presses roulent sciemment pour Sarkozy ? Evidemment non, mais comment aller à l’encontre de la ligne éditoriale de son patron sans risquer sa tête – comme Alain Genestar (pas vraiment gauchiste), le boss de Paris-Match, viré pour avoir publié des photos de Cécilia Sarkozy et de son amant ? Et puis, dans le fond, il est plus facile de se glisser dans le courant dominant que de ramer à contre-courant. Puisque les jeux sont faits, nous dit-on, pourquoi passer pour le ringard de service ? Je vous le demande. Tous les journalistes ne sont pas des héros. […]
Léon Michaux
Source : Le Courrier international n°854 du 15 mars 2007.
Ah, tiens, enfin.
Toujours est-il que, dans la praxis, ce n’est pas toujours le cas. Des exemples sont légions. Puisque c’est l’Etat qui fait vivre les médias à l’aide de subventions, j’ai bien peur que ce ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau.
http://wp.me/pERCo-pG