Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, piégé par un journaliste pugnace, a soutenu que « le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ». Tollé général dans les médias et réaction immédiate du cabinet du ministre de l’Intérieur : l’ecclésiastique est convoqué par Gérard Darmanin « afin de s’expliquer sur ses propos ».
À quel titre, cette convocation ? On ne sait pas trop, car si le ministre de l’Intérieur est également ministre des Cultes, c’est essentiellement pour que chacun, en France puisse pratiquer la religion qu’il souhaite, s’il le souhaite. Il n’a aucun pouvoir hiérarchique sur les gens d’église, d’autant que depuis 1905, les prêtres ne sont plus payés par l’État, mais par les dons de fidèles, via des associations cultuelles.
Pour ne pas être en reste, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, toujours péremptoire, affirme que le secret de la confession n’est pas absolu. Pour lui, un prêtre qui reçoit dans le cadre de la confession des confidences sur des faits de pédocriminalité a « l’impérieuse obligation de mettre un terme à ces faits ». S’il ne le fait pas, il peut être condamné, « cela s’appelle non empêchement de crime ou de délit », a-t-il affirmé.
J’aurais préféré qu’il dise que les prêtres, comme tout un chacun, ont l’impérieuse obligation « morale » de réagir pour sauver un enfant. Car en droit, les choses ne sont pas si tranchées qu’il veut bien l’affirmer : la loi prévoit la dénonciation obligatoire de certains faits – sauf si la loi en dispose autrement.
Une inaction qui porte atteinte à l’action de la justice – Plusieurs articles du code pénal punissent la personne qui n’aurait pas informé les autorités judiciaires ou administratives d’une infraction mentionnée par ces dits articles alors qu’elle en a eu connaissance, d’une manière ou d’une autre.
On va se limiter à l’article 434-3 qui vise les actes (privations, mauvais traitements, agressions sexuelles…) infligés à un mineur ou à un adulte qui n’est pas en mesure de se protéger « en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse ».
La personne qui a connaissance de tels actes a l’obligation de parler, de désigner les « coupables », ou a minima de dénoncer les faits. À défaut, elle encourt une peine qui peut atteindre cinq ans d’emprisonnement.
Les exceptions – Évidemment, il y a des exceptions. L’article 434-3 se termine par cette phrase sibylline Continue reading
4 réponses à “Le secret professionnel face à la lâcheté de la société”
Vouloir comprendre le sens du désordre.
Alors l’évêque a tort et le ministre a tort. La loi reste en deçà du secret mais le secret reste régi par la loi 🙂
Mgr Barbarin a entendu les révélations d’abus sexuels hors du confessionnal et pas de la boucle du coupable. A quel titre aurait-il pu invoquer le secret ? Ce qui est admis d’habitude par la loi pour les prêtres n’est-ce pas un secret professionnel qui se limite à la confession ?
Ceci-dit j’espère que les prêtres gardent pour eux les confidences qu’ils entendent.
On retrouve à peu près les mêmes ressorts sur la question de « l’assistance à personne en danger ». C’est un devoir, mais si vous vous portez au secours d’une personne blessée au bord de la route, vous avez de fortes chances de vous retrouver responsable de sa mort éventuelle, parce que vous n’aurez pas fait assez vite, assez bien, le geste juste. Pourquoi? Parce qu’il faut un responsable… toujours… et que s’il y a personne d’autre…
Avez-vous des exemples concrets et sourcés de poursuites suite à des gestes de premiers secours ?