LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Étiquette : Robert Boulin

L’affaire Boulin revue par France 3 : dérapage ou faits nouveaux ?

En diffusant à une heure de forte audience un téléfilm soutenant la thèse de l’assassinat de Robert Boulin, France 3 pose une vraie question : Quelle est la limite entre la fiction et la diffamation ?

François Berléand dans le rôle de Robert Boulin

Je sais bien que pour de nombreuses personnes la mort de M. Boulin est un assassinat perpétré par des hommes de main agissant pour le compte de personnages en vue ; selon les versions, soit parce que le président Giscard d’Estaing voulait faire de ce gaulliste son Premier ministre, soit parce qu’il menaçait de dévoiler des magouilles dans le financement de partis politiques. Certains ont fait de cette thèse leur gagne-pain. Chacun a, évidement, le droit de penser ce qu’il veut – et de le dire.

Sous certaines réserves.

Ainsi, lorsque les faits sont présentés dans une fiction, jouée au demeurant par de remarquables comédiens, cela prend une tout autre dimension. On nous a donc présenté mardi, sur une chaîne publique, en prime time un téléfilm mettant en scène l’assassinat de Robert Boulin (alors qu’un documentaire relatant des faits plus étayés avait été diffusé en deuxième partie de soirée, la veille). Un assassinat fomenté par plusieurs personnalités politiques de droite nettement désignées. Malgré l’avertissement du pré-générique, les choses sont claires : on sait qui a commandité le meurtre. Certains des protagonistes sont aujourd’hui morts, d’autres sont vivants. J’imagine la tête de la petite-fille de l’un d’entre eux arrivant à l’école pour s’entendre dire : « Alors, c’est vrai que ton papy a tué Boulin ? »

Dans ce film, Messieurs Sanguinetti, Pasqua, Foccart, Debizet, Chirac, etc., sont identifiés comme les instigateurs. Les exécutants, eux, sont des membres du SAC. Et si ce crime reste impuni, c’est grâce à la complicité de plusieurs magistrats, de deux médecins légistes et de dizaines de policiers de la PJ de Versailles.

De plus, dans le débat qui a suivi, Jean Charbonnel, ancien ministre et ami de Robert Boulin, nous révèle qu’Alexandre Sanguinetti (mort en 1980) lui a donné les noms « de deux personnalités politiques toujours vivantes » qui auraient participé à ce complot. Noms qu’il refuse de communiquer, sauf à un juge d’instruction.

A partir de là, il n’y a que deux solutions : soit on rouvre le dossier pour recueillir le témoignage de tous ces gens (aussi bien les accusateurs que les accusés) ; soit on poursuit en diffamation ceux qui portent « atteinte à l’honneur et à la considération » des personnes incriminées dans ce scénario. Mais l’article 29 de la loi sur la presse s’applique-t-il à une fiction diffusée sur une chaîne de télévision ?

Le chef de la Crim’ raconte l’affaire Boulin dans un livre

Le 30 octobre 1979, au petit matin, dans un brouillard à couper au couteau, plusieurs véhicules de la PJ de Versailles brinqueballent sur un chemin de la forêt de Rambouillet. Une quinzaine d’enquêteurs de la Criminelle et de l’Identité judiciaire, dirigés par les commissaires Alain Tourre et Gilles Leclair, sont à la recherche d’une Peugeot 305 de couleur bleue : la voiture d’une haute personnalité qui aurait manifesté l’intention de mettre fin à ses jours. Ils ne savent pas encore qu’il s’agit de Robert Boulin. Ils ne savent pas encore qu’il est mort.

Le siège de la PJ de Versailles (Google Maps)

Ils ne sont pas seuls. De nombreux gendarmes quadrillent déjà la forêt. C’est le préfet qui a donné l’alerte. À 8 h 35, des motards de la gendarmerie repèrent le véhicule stationné à proximité d’un petit lac. Tout le monde fait route vers l’endroit indiqué : la Peugeot se trouve près de l’étang Rompu, dans lequel, à 7 mètres de la berge, un corps dont seul le dos est apparent flotte entre deux eaux.

C’est ainsi, pour la PJ, que commence l’affaire Boulin.

Danielle Thiéry et Alain Tourre, deux anciens commissaires de police ont rassemblé leurs souvenirs pour écrire un livre, Police judiciaire, 100 ans avec la Crim’ de Versailles, aux éditions Jacob-Duvernet. Apportent-t-ils des éléments nouveaux ? Pas vraiment, mais en tout cas, ils donnent le fil précis de l’enquête de police.

Robert Boulin a 59 ans. Il est maire de Libourne, en Gironde, et ministre du Travail dans le gouvernement de Raymond Barre. Il est marié, deux enfants, et mène une vie sans histoire – si ce n’est cette affaire « des terrains de Ramatuelle » qui le mine, une escroquerie dans laquelle il s’est laissé embarquer et qui fait l’objet d’une information judiciaire.

Alain Tourre, lui, est bien loin de ce monde. Il est le chef du groupe criminel (on ne disait pas brigade, pour ne pas fâcher la PP) du Service régional de police judiciaire de Versailles.

« Je sais ce que j’ai à faire ! » –  C’est ce que répond le colonel de gendarmerie Jean Pépin au commissaire qui lui demande de ne toucher à rien avant l’arrivée des magistrats. Et l’officier supérieur ordonne de sortir le corps de l’eau. Ce que font deux pompiers. Non sans difficultés, ils le prennent chacun par un bras et le tirent jusqu’à la terre ferme, face contre terre. Les gendarmes retournent le cadavre, et, après un bref examen, ils lui font les poches. Il est 9 h 09. Ils en retirent notamment une petite boîte en plastique, genre boîte à pilules et deux stylos. « Du côté de la voiture, l’agitation est tout aussi intense. » Un officier de gendarmerie grimpe sur le toit et passe la main par le toit ouvrant pour récupérer un bristol posé sur le tableau de bord. Puis, toujours par le toit, l’une des portières est débloquée. Les clés du véhicule seront retrouvées par terre, près du coffre, un peu plus tard. La Peugeot est fouillée de fond en comble. C’est alors que tombe le message radio : le parquet saisit la PJ.

« Gendarmes, trois pas en arrière, la police judiciaire est saisie ! » – Non sans ressentiment, les gendarmes plient bagage, laissant tout en plan. Une scène de crime en piteux état. On comprend bien à la lecture de ce livre-document la guéguerre que se livrent policiers et gendarmes. Il faut dire qu’à l’époque, notamment dans les Yvelines, ces derniers étaient sérieusement marqués à la culotte par la PJ qui voyait d’un sale œil leur influence grandissante en Ile-de-France. Et, pour avoir traîné mes guêtres dans ce service dans ces années-là, je peux témoigner qu’il s’agissait d’une politique maison : pas un os à ronger aux gendarmes. D’où l’ambiance. Aujourd’hui, même si la rivalité demeure, les choses ont changé. Et, en tout cas, chacun sait que dans une enquête, la priorité, c’est de préserver la scène de crime aussi pure que possible.

La carte de visite grand format récupérée sur le tableau de bord est à l’en-tête du Ministère du travail avec la mention « Le Ministre ». Elle est écrite des deux côtés. Au recto, d’une écriture soignée, à l’encre bleue, « Les clefs de la voiture sont dans la poche de mon pantalon ». Sous ces mots, à l’encre noire, est indiqué « TSVP ». Au verso, également à l’encre noire, mais cette fois d’une écriture irrégulière, « Embrassez éperdument ma femme, le seul grand amour de ma vie. Courage pour les enfants », suivi d’une signature illisible.

Au premier examen du corps, des traces d’érosion sont relevées sur le visage ; et quatre petites coupures, deux sur le nez, une en dessous et une autre sur la lèvre supérieure. Un médecin local constate le décès et la dépouille est transportée par hélicoptère à l’hôpital de la Pitié. Plus tard, vers l’Institut médico-légal de Paris. Beaucoup de monde pour l’autopsie : les deux légistes, le substitut de procureur, cinq péjistes, dont le commissaire Tourre, et le chef de cabinet de feu le ministre, Marcel Cats. Celui-ci intervient à plusieurs reprises, au nom de la famille, dit-il, pour tenter d’éviter au mieux la mutilation du corps. Il insiste tant que les médecins finissent par se fâcher et le mettent à la porte. Ils concluent sans ambiguïté à la mort par noyade (asphyxie par submersion). Des prélèvements sont effectués. Le suicide ne faisant aucun doute, le magistrat présent sur place, le substitut Leimbacher, prend l’initiative de ne pas faire pratiquer l’examen de la boîte crânienne. Une opération qui consiste à « décalotter » le haut du crâne et qui laisse des marques sur le visage du défunt.

C’était sans doute une première erreur. La seconde est plus grave. L’eau dans les poumons et dans l’estomac était une preuve suffisante pour conclure à la noyade et, du coup, aucune analyse ultérieure n’a été effectuée. Pourtant, elles auraient permis de confirmer la mort par noyade, mais surtout de démontrer que l’immersion avait bien eu lieu dans l’étang Rompu. Donc, que le corps n’avait pas été transporté après coup dans la forêt de Rambouillet.

En 1983, lorsque la famille a réclamé cet examen, il était trop tard : les prélèvements avaient été détruits. Ce qui était l’usage à l’époque. Lors de la deuxième autopsie, les experts ont opté pour un traumatisme facial « appuyé » avant la mort. Pour ceux qui pensent que Boulin a été assassiné, c’est la preuve qu’il a reçu des coups. Pour les enquêteurs, cela signifie seulement qu’il a chuté. Ils pensent que Boulin est descendu de sa voiture. Il l’a fermée, puis, la clé toujours à la main, bourré de Valium, il tombe et perd son trousseau. Il n’a donc pu le mettre dans sa poche comme il l’avait écrit. Il se dirige vers l’étang. Il marche dans l’eau. Il tombe de nouveau et il se noie.

Quant aux lividités cadavériques, situées dans le dos, alors qu’elles auraient dû se trouver côté ventre, elles s’expliqueraient par un séjour de plusieurs heures du corps dans une eau à environ 10°. Il est probable que dans ces conditions particulières, les lividités, non encore fixées, ont pu migrer lors de la manipulation du cadavre. Personnellement, je pensais que le mort avait été déshabillé sur place… Il semble que non. Sans doute en raison de la personnalité du défunt. Il est donc probable que le premier examen clinique complet ait été effectué à l’hôpital de la Pitié. Donc, trop tard : le sang étant alors figé dans les parties basses, c’est-à-dire dans le dos.

Ensuite, les deux commissaires retracent avec minutie l’emploi du temps des derniers jours de vie de Robert Boulin. Parmi les documents retrouvés, il y a un brouillon d’une lettre adressée au directeur du Monde, Jacques Fauvet, suite à un article de James Sarrazin sur l’affaire de Ramatuelle, ainsi qu’une autre pour le juge Renaud Van Ruymbeke, en charge de ce dossier. Dans un courrier reçu plus tard par l’AFP, le ministre fustige ce magistrat « aveuglé par sa passion de faire un carton sur un ministre » et il termine en disant : « Un ministre en exercice ne peut être soupçonné, encore moins un ancien ministre du général de Gaulle. Je préfère la mort à la suspicion… » – Une autre époque.

Dans le livre, j’ai choisi cette affaire car elle a fait couler de l’encre, et, lorsque j’en ai parlé sur ce blog, j’ai pu constater que beaucoup de gens considèrent la mort de Robert Boulin comme un assassinat politique. L’éditeur a d’ailleurs fait la couverture sur son cadavre. Mais le livre contient bien d’autres choses. Ainsi, il est longuement question de l’affaire Stevan Markovic, l’homme à tout faire d’Alain Delon, exécuté d’une balle dans la tête. Mais il aura fallu deux autopsies pour le révéler. Le dossier de police a longtemps été tenu secret. C’est je crois la première fois qu’il est ouvert (entrouvert ?) au public. En fait, ce livre est une mine d’informations sur de nombreuses affaires criminelles : l’assassinat du général Audran, la disparition d’Estelle Mouzin, etc. Ou la première arrestation de Jacques Mesrine, avant qu’il ne devienne l’ennemi public n°1 ; ou encore celle de son émule, Jacques Hyver, que tout le monde recherche et que les policiers de l’Office du banditisme voient passer devant eux alors qu’ils sont en train de décompresser à la terrasse d’un café.

Pour être sincère, je trouve le texte un peu fouillis, comme souvent chez cet éditeur, et, sans doute parce qu’il est écrit à quatre mains, on est un peu gêné pour Alain Tourre lorsqu’il parle de lui à la troisième personne. Cependant, ceux qui s’intéressent aux affaires criminelles ne seront pas déçus. Il y a matière. Et puis, ça nous change du 36.

La PJ, sous Giscard (3)

PARTIE 11 – A la fin des années 1970, la décrépitude du clan Zemour est en marche. Le guet-apens du café Le Thélème y est sans doute pour beaucoup. Un an plus tard, le 13 septembre 1976, la mort du chef des Siciliens, Jean-Claude Vella, abattu à Paris, puis celle de Marcel Gauthier, revolvérisé à Nice, suffiront, semble-t-il, pour effacer l’ardoise. L’honneur est sauf, se disent les Zemour. Edgard s’installe en Floride et Gilbert s’embourgeoise dans les beaux quartiers parisiens. Pour eux, le châtiment interviendra plus tard. Les règlements de comptes entre truands ne sont pas terminés pour autant. Maintenant, c’est Gaétan Zampa et Francis Vanverberghe (Le Belge) qui font tonner la poudre. Dans les années 77 et 78, c’est une petite dizaine de voyous qui passent ainsi l’arme à gauche, tous dans le sud de la France. Cette hécatombe, c’est la goutte d’eau. Après l’affaire du Palais de la Méditerranée, le casse de la Société Générale et quelques autres tripatouillages politico-mafieux, en 1978, en pleine période estivale, Nice va s’enrichir d’une brigade antigang.

patrick-henry.1174227066.jpgPendant ce temps, Patrick Henry est jugé pour le meurtre du petit Philippe Bertrand. La plaiderie de Robert Badinter et la mazarinade qui entoure l’exécution de Christian Ranucci, deux ans et demi plus tôt, vont lui éviter la guillotine. En janvier 1979, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il sera libéré vingt-deux ans plus tard. Il n’y aura d’ailleurs plus une seule exécution en France. Hamida Djandoubi, condamné pour tortures, viol et assassinat, est donc le dernier criminel à avoir été condamné à mort. Il a été guillotiné le 10 septembre 1977, à la prison des Baumettes, à Marseilles.

Le 19 mai 1978, les paras de la légion sautent sur Kolwezi, au Zaïre, afin de libérer des otages occidentaux détenus par des rebelles. Ce fait d’armes va sceller le destin d’un truand hors du commun, Bruno Sulak. Ce jeune homme, qui a sans doute choisi la légion pour ne pas tomber dans la délinquance, ne participe pas à cette opération militaire. Blessé dans son orgueil, il décide de ne pas rejoindre son régiment. Considéré comme déserteur, il va entamer une farandole de vols à main armée, dont certains seront mis en scène avec une certaine habilité, parfois teintée d’humour. Nous en reparlerons. Quelques mois plus tard, un terroriste palestinien prend plusieurs otages, à l’ambassade d’Irak, à Paris. La brigade criminelle, la BRI, et, très bizarrement, une toute jeune unité de la gendarmerie, le GIGN, se retrouvent sur place. Après de longues heures de négociation, le forcené accepte de se rendre. Broussard va le récupérer à l’intérieur de l’immeuble. Il le mène à une voiture où se trouve Ottavioli, le patron de la brigade criminelle. C’est alors que, depuis les étages de l’ambassade, une fusillade éclate. Les policiers ripostent. Tout ça sous l’objectif des caméras de télévision. Aux infos télévisées, on découvrira Broussard en train de se défiler, tandis que Pierre Ottavioli, figé sous les balles, reste droit comme le général de Gaulle, dans sa DS, lors de l’attentat du Petit-Clamart. Certains, par la suite, vont railler Broussard. Il s’en vexera. C’est pourtant lui qui avait raison. Lorsqu’il pleut du plomb, il vaut mieux se mettre à l’abri. C’est l’abc. Mais, hélas, dans cet échange de coups de feu, un policier a été tué, l’inspecteur Jacques Capella, et plusieurs autres ont été blessés. Les tireurs, tous protégés par l’immunité diplomatique, sortent « libres » des locaux de la brigade criminelle. Ils sont attendus, devant le 36, par une double haie de policiers en colère. Et l’on assiste à cette scène invraisemblable, où des tueurs sont protégés de la colère des flics par des gendarmes… Des gendarmes sur le ressort de la préfecture de police, lesquels participent à une opération de PJ, puis protègent des assassins de la vindicte des policiers, cela fait… deux premières, si je puis me permettre. Il faudra du temps pour dissiper le malaise né de ce déni de justice.

Cette même année, Giscard d’Estaing fait voter la loi informatique et libertés, qui vise à lutter contre l’utilisation abusive des fichiers informatiques.

Le 28 mars 1979, un arrêté modifie la direction centrale de la police judiciaire, et créé la sous-direction de la police criminelle et scientifique. Cette nouvelle structure chapeaute les laboratoires de police scientifique de Paris, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse, ainsi que les services d’identification judiciaire et la documentation criminelle. Le mois suivant,corps-de-robert-boulin_les-secrets-de-notre-monde.1174233710.jpg un 19° SRPJ voir le jour, celui des Antilles et de la Guyane. En juin, Simone Veil devient le premier président du Parlement européen, dorénavant élu aux suffrages universels. Ce qui apporte de l’eau au moulin de Jacques Chirac, qui, six mois plus tôt, a lancé l’appel de Cochin. Lors de cette déclaration, il a qualifié l’UDF et les giscardiens de « partis de l’étranger », pour leurs prises de positions proeuropéennes. Le 30 octobre 1979, c’est un ancien résistant, opposé à Jacques Chirac, qui est retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet, dans les Yvelines. Il s’agit du ministre du travail, Robert Boulin, dont le nom circule alors pour remplacer Raymond Barre, à la tête du gouvernement. Le commissaire Alain Tourre, du SRPJ de Versailles, prend la direction de l’enquête. On a dit tout et son contraire sur la mort de Boulin, jusqu’à suspecter la véracité de l’enquête judiciaire. A posteriori, on se doute bien qu’un policier qui se serait laissé séduire par le chant des sirènes de la politique, au point de torpiller une enquête criminelle, se serait retrouvé ou préfet, ou en prison. Or, Tourre a fait une carrière normale – et bien en-deçà de son mérite. Il a fini contrôleur général. Et, il a conclu à un suicide. La cour de cassation confirmera d’ailleurs ce résultat, douze ans plus tard, après que la famille du ministre ait épuisé toutes les voies judiciaires pour démolir cette procédure. Le suicide est culpabilisant, pour ceux qui restent. Robert Boulin passait pour un homme intègre, ce qui est rare en politique, il n’a sans doute pas supporté que Le Canard Enchaîné publie une lettre anonyme qui l’accusait d’avoir acquis, dans des conditions douteuses, un terrain à Ramatuelle. Qui est l’auteur de cette lettre anonyme ? Pourquoi a-t-elle été publiée sous cette forme ? Qui aurait pu profiter des circonstances pour laisser planer le doute sur la véracité de son suicide ? Et pourquoi ? C’était une autre enquête. Qui n’a pas eu lieu. Le journal satirique croule d’ailleurs sous les tuyaux, puisque dans le même temps, il sort une information qui va couler Giscard d’Estaing aux élections suivantes : l’affaire des diamants. En 1973, un mois après que Jean-Bedel Bokassa soit débarqué de son trône d’empereur (sic) de Centre Afrique, il aurait offert à Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, une plaquette de bijoux d’une valeur d’un million de francs. Giscard s’embarbouille dans ses explications. Il n’arrive pas à se justifier. Il ne s’en relèvera pas, avec le résultat que l’on connaît, en 1981.

Le 2 novembre 1979, Jacques Mesrine est abattu au volant de sa voiture, porte de Clignancourt, à Paris.

La création de la BRI de Nice – Nous étions une trentaine, assis en rond, par terre, dans une salle vide de tout mobilier. C’est ainsi que s’est tenue la première réunion de la un-groupe-de-la-bri-de-nice.1174235638.jpgbrigade antigang de Nice. Alors que nous discutions, j’observais ces hommes (et cette femme), qui allaient constituer cette brigade de choc. Ils venaient des quatre coins de France. Et, à l’exception de Marcel, un « vieux » de 47 ans, tout de suite surnommé Pépé, ils avaient tous entre 25 et 35 ans. Nous avions à notre disposition une caserne entière, désaffectée, dans le quartier Saint-Roch – et pas un bureau, pas une chaise. J’étais un peu découragé. Tout était à faire. Heureusement, mon adjoint, le commissaire Pierre Guiziou, se montra d’une efficacité certaine. C’était un homme de contact, qui avait le don pour se faire ouvrir les portes – alors que moi, je préférais les claquer. Nous étions complémentaires. L’une de nos premières grosses affaires nous mena à Paris. Une filature de mille kilomètres. Je crois que nous avons été les seuls flics capables d’effectuer ce genre d’exercice, à notre initiative, sans en référer à qui que ce soit. Les lascars que nous surveillions préparaient un coup, mais nous ne savions pas quoi. L’un d’eux, surnommé l’ingénieur, était un spécialiste des systèmes d’alarme. Une nuit, il avait réussi à pénétrer dans une agence bancaire, et il s’était endormi. Au petit matin, les employés l’avaient réveillé. Il avait simplement voulu démontrer l’inefficacité des protections de la banque. Six mois de prison. Il y a des gens qui n’ont pas le sens de l’humour. En fait, nos truands voulaient répliquer le casse du siècle. Et la filoche nous amena justement devant ladite banque, laquerry-rue-de-sevres.1174233256.jpg Société Générale de la rue de Sèvres, à Paris, là où notre ingénieur avait passé la nuit. En partant des caves d’un immeuble voisin, transformés pour les apparences en employés EDF, ils avaient imaginé percer un tunnel pour rejoindre les égouts et déboucher derrière le mur de la chambre forte de la banque. Lorsqu’on comprend enfin le scénario, on se congratule. C’est une superbe affaire, menée de A à Z par trente flics qui en veulent. L’ambiance se rafraîchit lorsque j’annonce qu’il va être temps de référer de notre aventure. Lucien Aimé-Blanc, le chef de l’OCRB, me reçoit gentiment, avant de me dire que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. « Je te donne un gars, si tu veux, en observateur ! » me propose-t-il. Je décline l’offre. Et je passe de la rue du Faubourg-Saint-Honoré au quai des Orfèvres. Broussard me reçoit gentiment. Il me dit que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. « Tu as combien d’hommes sur le terrain ? me demande-t-il. – Douze ! – J’en mets douze de plus. » Et les 24 poulets de la grande BRI de Paris, et de la toute jeune (et petite) BRI de Nice, se mettent à planquer de conserve. Jusqu’au jour où l’on s’aperçoit que nos voleurs ont sans doute vu trop grand. La lance thermique, qu’ils ont prévue pour transpercer le mur de la chambre forte, nécessite un recul de plusieurs mètres, pour ne pas fondre avec le béton. Ils risquent de ne pas avoir l’espace suffisant. On se dit qu’ils vont abandonner. Tout ce travail pour rien ! Alors, avec Broussardbroussard-et-moi.1174233155.jpg, et son adjoint, le commissaire René-Georges Querry, on décide d’intervenir, avant qu’ils ne plient les gaulles. Délit impossible, argueront plus tard les avocats. C’était un peu vrai. Ils écopèrent de peines gentillettes.

C’était la première fois que je descendais dans les égouts parisiens.

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