À défaut de renforts, les policiers vont obtenir des fusils à pompe. Quelle que soit la tristesse de perdre l’un de leur collègue, plusieurs syndicats ont manifesté leurs réserves devant cette décision prise sous le coup de l’émotion. La ficelle est un peu grosse, mais le procédé n’est pas nouveau. Au début des  années 80, alors que les attentats terroristes se multipliaient en France et que plusieurs policiers avaient trouvé la mort, Gaston Defferre, alors ministre de l’Intérieur, s’était engagé dans la même direction. Ou du moins, avait-il décidé de lancer une table ronde, à laquelle j’avais participé, pour réfléchir à l’utilisation du fusil à pompe par les forces de l’ordre, voire pour remplacer le pistolet-mitrailleur, la fameuse MAT 49. Cela avait donné lieu à une étude et à des essais très poussés en présence de policiers de tous les grades et de représentants syndicaux.

À l’époque, plusieurs pays européens avaient déjà adopté cette arme, mais uniquement pour les unités spécialisées chargées de la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme. En revanche, aux États-Unis, de nombreux services en étaient dotée : gardes statiques, patrouilles, interventions, ordre public… Le fusil de type Riot Gun (fusil anti-émeute) était considéré là-bas comme la « bonne à tout faire » de la police. Quand je pense qu’à l’origine il s’agissait d’un fusil de chasse adapté pour abattre les pigeons voyageurs qui portaient, durant les conflits, des messages au-delà des lignes ennemies…

Quels sont les avantages et les inconvénients du Riot Gun ?

C’est une arme voyante et impressionnante, surtout au bruit de la manœuvre d’armement. Elle entraîne un triple effet psychologique : rassurant pour celui qui la tient, dissuasif pour celui qui est en face, inquiétant pour le public. Mais faire croire à un policier qu’avec une telle arme il peut se confronter à un adversaire qui le braque avec un fusil d’assaut comme une Kalachnikov, c’est l’envoyer au casse-pipe. En revanche, à quelques dizaines de mètres, avec la munition appropriée, elle peut permettre d’immobiliser un véhicule. Et c’est bien l’avantage et l’inconvénient de cette arme : ses possibilités dépendent essentiellement du type de cartouches utilisées. Or, sauf dans le cas d’une intervention mûrement réfléchie, les policiers le plus souvent subissent l’événement. Pas question de fignoler.

Quelles cartouches pour le fusil à pompe* ?

La cartouche à plombs n°5, celle le plus souvent utilisée pour la chasse, contient entre 200 et 250 petits plombs. À 3 ou 4 mètres, ils sont encore groupés, ensuite, ils se dispersent. À 40 mètres, la gerbe est éparpillée sur un rayon de 1 mètre 20.
Pour la cartouche à chevrotine 9 grains, la dispersion est deux fois moindre, mais le risque de dégâts collatéraux est encore fort. En revanche, à dix mètres, c’est la mort quasi certaine pour celui qui subit l’impact, au mieux, si c’est un membre qui est touché, c’est l’amputation.

Quant aux cartouches à projectile unique, comme la Brenneke ou la Prevot, elles sont encore plus puissantes et possèdent un effet de choc et un pouvoir de pénétration très importants. Elles peuvent sans difficulté stopper une voiture. Lors des essais, une Prevot a quasiment traversé un muret de parpaings. En revanche, ce même projectile a ricoché sur un mur de béton, et des éclats du mur ont atteint le tireur situé pourtant à 40 mètres.
Sauf à créer une munition spéciale police, c’est pourtant ce type de cartouche qui pourrait équiper les BAC.

Il existe cependant des munitions moins létales dans lesquelles le plomb est remplacé par du caoutchouc. La cartouche à billes multiples ne présente guère d’intérêt, mais celle à bille unique rapproche le fusil à pompe du lanceur de balles, type Flash-Ball.

En fait, l’essai le plus intéressant a été celui de la cartouche à gaz lacrymogène. Capable de perforer la vitre d’un véhicule, son utilisation oblige le conducteur et les passagers à descendre. Sans bobo, si ce n’est les éclats de verre. Or, sortir des malfaiteurs de leur voiture est l’un des moments les plus dangereux lors d’une arrestation.

La majorité des représentants syndicaux se sont dits opposés à l’adoption du fusil à pompe comme arme de police. Parmi leurs remarques, il y avait celle-ci : « Il n’est pas humain d’autoriser l’usage contre les personnes de munitions interdites pour la chasse au gros gibier et susceptibles de causer des blessures particulièrement affreuses. »

C’était en 1982. Aujourd’hui, un syndicat proche du pouvoir le demande et, sans aucune concertation, la décision tombe. Autre époque, autres gens.

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* Les résultats doivent être modulés en fonction de la longueur du canon, voire de l’utilisation d’un choke (rétrécissement de la bouche du canon), mais, en l’état, ces tests des années 80 restent valables.