Le président Hollande a été l’invité d’honneur de l’inauguration de la seconde voie du canal de Suez. Et, tandis que les Rafale vrombissaient, il a rappelé que ce canal était le symbole du lien historique entre l’Égypte et la France.
Et moi, ça m’a rappelé des souvenirs. Dans les années 60, je naviguais sur un rafiot d’une compagnie pirate dont le port d’attache était Djibouti. Mon premier métier. C’est ainsi que j’ai traversé le canal de Suez à plusieurs reprises. Après de longs jours à ne voir que du bleu, se retrouver entre deux bandes de terre, ça avait quelque chose d’irréel. Tous ces bateaux qui semblaient naviguer dans le désert, c’était magique. Lorsqu’on se présentait à l’entrée pour embarquer le pilote, le contrôleur estimait le prix du passage – fort cher – en fonction de critères qui m’ont toujours échappé. Mais le tonnage devait en faire partie, car il regardait attentivement les lignes de jauge sur la coque. Je me suis toujours demandé s’il ne trouvait pas bizarre que le pétrolier penche autant, le bord le plus haut de son côté, bien sûr. Bon, c’est une anecdote, même pas une goutte d’eau dans le canal de Suez dont l’histoire a failli nous entraîner dans une 3ème guerre mondiale. Continue reading
20 réponses à “Ma petite histoire du canal de Suez”
J’ai navigué jusqu’à tonton avant de passer à terre toujours dans le shipping (et arbitre maritime pendant 15 ans), j’ai 66 ans (pas un poulet de l’année) et connais donc la marmar de ces années-là, d’autant plus, que, pour tout dire, mon père a dirigé pendant plus de 40 ans le même type de boite que Billot, mais à Monaco. Les officiers souvent dérogataires allaient et venaient entre ces 2 boîtes, quant aux jeunes CLC, ils commandaient tout de suite, avant 30 ans. Un monde englouti.
Bonjour,
Surprenant, comment passe-t-on des Silvacane, Montmajour et autres bateaux de Me Billot/CAM Djibouti à commissaire de police ? Ou alors étiez-vous chez Fish, mais début 60 c’est un peu tôt, Worms n’avait pas encore constitué cette entité me semble-t-il. Je ne veux pas être indiscret, mais sortiez-vous de l’hydro ? Et comme avocat, faites-vous du maritime ?
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Ouah, je ne me doutais pas que quelqu’un se souvenait encore de la CAM ! Il y avait aussi le Pontigny, le Cîteaux…, rien que des noms d’abbayes. J’étais radio et pour être franc dérogatoire, comme pas mal d’officiers dans cette compagnie. Et si je suis depuis peu avocat au barreau de Paris, c’est uniquement pour faire du pro bono – dans mon petit coin.
Cdt. GM
Bonjour M. Moreas,
Merci pour ce bon papier.
Vous avez oublié de rappeler qu’au même moment (23 octobre – 10 novembre 56) les Hongrois tentaient de renvoyer le grand frère soviétique chez lui. En focalisant, par ses menaces, les yeux du monde sur le Canal, Krouchtchev a pu tranquillement appliquer aux insurgés de Budapest ce que Brecht avait dit 3 ans plus tôt à Berlin Est, dans des circonstances analogues (« le peuple a mal voté, il faut dissoudre le peuple »), le deuxième degré en moins.
Pour l’anecdote, je vivais à Alexandrie à l’époque, où mon père était en poste pour notre Education Nationale. Un dimanche vers 13H, alors que nous déjeunions chez des amis grecs, des officiers égyptiens au maintien très british se sont présenté, ont demandé à voir mon père et lui ont expliqué qu’un bateau quittait Alexandrie pour Marseille le jour même à 16H et qu’il n’avait d’autre choix que d’y embarquer avec toute sa famille et sans objets de valeur, en compagnie de beaucoup d’autres Français d’Alexandrie. Puis ils prirent congé, très courtoisement.
Soixante ans après, je revois encore en détail cette scène doublement expéditive. Ce n’est que bien des annèes plus tard que j’appris le soulèvement des étudiants, des écrivains et des ouvriers hongrois, et le bain de sang qui s’ensuivit. Je rêve qu’un jour un peu d’eau du Danube soit versée dans celle du Canal, pour mémoire.
Merci M. Moreas pour ce rappel.
Je suis d’ascendance maghrébine. Je me souviens qu’en 1956 dans le petit village perdu où je grandissais des images iconiques circulaient représentant Nasser plantant le drapeau égyptien sur le Canal à des milliers de km de notre village. Les gens ne se rendent pas compte ici que ce geste a soulevé des millions de gens contre les fauteurs de guerre SFIO. Transposez en 2015. Que ressentent dans les villages perdus du monde arabe l’annonce de nouveaux bombardements contre la Syrie ?
Je vous suggère, après Suez un » canal de Panama », qui, en tant que Krach boursier, n’a pas encore livré tous ses mystères .J’ignore si la liasse de documents léguée à la BnNpour etre ouverte vers 2020 l’a été, ou si l’ouverture en a été anticipée, mais elle existe.
Bien à vous.
MC
« Je me suis toujours demandé s’il ne trouvait pas bizarre que le pétrolier penche autant, le bord le plus haut de son côté, bien sûr. »
🙂
rien ne change quelque soit le lieu ou l’époque !
Merci pour ce rappel historique. Juste un détail: la banque Indosuez a été reprise par le Crédit agricole (en 1996) et a été renommée CAI (Crédit agricole Indosuez). CAI est devenu Calyon lorsque le Crédit agricole a racheté le Crédit lyonnais, et plus récemment a été rebaptisé CACIB, Crédit agricole Corporate & Investment Banking.
Joli papier Mr Henry de Monfreas. D’ailleurs, George(sans s) était le prénom de son père. On ne prête qu’aux riches comme on dit à DindoSuez (le burnous).
Me revient le détournement de la pub de Deneuve, quand la bourse s’effondra fin 87.
Je ne sais plus quel dessinateur – du temps où on ne les tuait pas encore, parce qu’on n’avait pas encore trouvé leur génie diabolique quand on est issu de croyances qui en sont dépourvues – avait représenté la Catherinette amochée et édentée, vêtements arrachés pour se venger du vilain conseil.
Et la bulle sortant de la bouche amochée disait « zavais dit, réféchissez ».
Le rappel de la crise est bon mais ce dont nous mettez l’eau de Suez (nous change de celle de Seltz) avec ces bourlingues en Mer Rouge se doit d’être explicité.
Moreas, vos papiers* !
AO
* Je veux dire vos prochaines livraisons narratives.
AO
nous mettez – à la bouche – l’eau de Suez
Utiles rappels et précisions. merci
M.Moréas
Vous avez bien fait de resumer des evenements concernant, soit l’Egypte que son canal de Suez. Des evenements que beaucoup de gens (surtout des jeunes) ignorent complètement.
Les investisseurs individuels qui avaient lancé le canal de Suez ont perdu leur chemise, ou bien ? J’ai une idée comme cela en tête. Comme pour Panamá et Eurotunnel.
On dit que, au cours du conflit dans le Donbass, Poutine aussi a menacé d’utiliser l’arme nucléaire. Ce qui expliquerait fort bien que Hollande ait alors révélé le nombre d’armes nucléaires de la France.
Vous savez, quand les bombardiers stratégiques russes voletaient dans la Baltique et la Manche, et que des drones survolaient les centrales nucléaires et l’île longue.
Pendant ce temps, la Russie continuait de livrer du gaz que payaient les Européens, et l’Ukraine fournissait de l’eau à la Crimée qui fournissait de l’électricité.
Politicien, un métier bizarre.
Le plan de l’intervention française était tout ou partie partie l’œuvre du général Aussaresses (vous savez, le renseignement en Algérie, la torture). Entre la rédaction et l’action, il survit par chance à un accident de parachute. Dans son bouquin, il suggère très fort que c’est pour protéger le secret du plan.
À méditer svp. Mes amis et moi avons vécu trop de catastrophes après avoir travaillé sur des projets secrets. Je le dis, et parmi les barbouzes au courant de ces pratiques, Aussaresses l’écrit aussi.
Charles Michael
Alors consultez La Guerre de Crimée, d’Alain Gutman, auteur pour la meme période d’une excellente Guerre du Mexique.
Cela dit, ce n’est pas nous qui avons chargé à Balaklava, provoquant le mot de Canrobert: « C’est magnifique, mais ce n’est pas la guerre. »
Bien à vous.
MC
Aussi pointu qu’un ouvrage de Marc Ferro, drôle qu’un article du Canard et excitant qu’une aventure de SAS: merci pour ce moment Georges Moréas !
merci, ceux qui comme moi ne savent pas s’instruisent sans s’ennuyer ; si on remplace Canal de Suez par pétrole (ou autre ?) on a les ingrédients et le schéma de base de pas mal de conflits qui eux ne se sont pas éteints.
Toujours un vrai plaisir que de lire les billets de Georges Moréas, Flic aux multiples vies, et excellent conteur.
Très bon rappel,
Un peu dans la même veine, de la même époque Second Empire, une expédition anglo-française à… Sébastopol.
150.000 morts français.
Jamais compris ce qu’on allait y faire; pas comme aujourd’hui où c’est pour sauver la démocratie (disent-ils), si, si.
Bravo et merci pour cet éclairage.