Sept douaniers ont été mis en examen pour vol en bande organisée, blanchiment et association de malfaiteurs. Ils ont été pris la main dans le sac alors qu’ils subtilisaient de l’argent liquide dans des bagages qu’ils étaient censés contrôler. « Grâce à leurs techniques professionnelles, nous dit Mme Sylvie Moisson, procureur à Bobigny, ils repéraient des valises susceptibles d’appartenir à des trafiquants et de contenir de grosses sommes d’argent… ». À ce jour, 5,5 millions d’euros auraient déjà été saisis par les enquêteurs de l’Office des stups (OCRTIS).

Euh !…

Je dois avouer que l’on a du mal à comprendre. Ainsi, grâce à leur flair, nos douaniers seraient capables de repérer les valises contenant la recette des narcotrafiquants ! On se demande alors comment il peut y avoir encore de la drogue qui passe nos frontières… Ce n’est pas très sérieux. Et même s’il est classe de protéger la réputation de la douane, il ne faut quand même pas nous prendre pour des imbéciles.  Derrière ces arrestations, quasiment en flag, on ne peut s’empêcher d’imaginer l’existence d’une véritable organisation criminelle. Et nous, simples spectateurs de l’actualité, on se demande si cet argent n’était pas plutôt une rétribution pour services rendus. Car il y a une sacrée différence entre subtiliser de l’argent dans des bagages et participer activement à un trafic international de stupéfiants.

Le directeur général des douanes, M. Jérôme Fournel, a bien senti la patate en mettant immédiatement en branle l’Inspection des services et en tenant des propos, dans Le Figaro, qu’on aimerait parfois entendre dans la police : « Si les soupçons se confirment (…) il s’agira ensuite de faire un retour d’expérience pour comprendre d’où sont venues les éventuelles failles… »

Les « ripouseries » sont rares chez les douaniers : 27 révocations ces huit dernières années, la plupart pour de petites choses. La douane est d’ailleurs reconnue pour être à la pointe de la lutte contre le trafic de stupéfiants. C’est l’une de ses priorités. Grâce à sa position clé aux points névralgiques du territoire et à son réseau d’informateurs, elle est à l’origine de deux tiers des saisies effectuées en France. Car si en 2004 la loi a permis de rémunérer officiellement les indics de police, pour la douane, ce système existe depuis longtemps. Il est bien difficile de connaître la part des « aviseurs » dans les affaires de douane (au-delà de 3 100 €, il faut l’accord du DG), mais, dans un rapport du Sénat qui date de 2003, il était dit que le montant annuel qui leur était versé était « probablement de plusieurs millions d’euros par an ».

On compte environ 18 000 douaniers. Ils dépendent du ministre du budget. Dans le temps, des policiers étaient détachés auprès d’eux pour assurer certaines missions, mais aujourd’hui, il existe des « officiers de douane judiciaire ». Ils disposent des mêmes pouvoirs que les OPJ de la police ou de la gendarmerie mais uniquement dans certains domaines (art. 28-1 du CPP). Pas en matière de trafic de stupéfiants, sauf exceptions (al. 8). Lorsque les douaniers découvrent une plaquette de shit dans une valise, c’est la police qui dresse la procédure pénale, alors qu’eux vont gérer l’aspect financier.

Entre celui qui ferme les yeux sur la bouteille de Scotch et l’autre qui pinaille à la cigarette près, on a tous une histoire à raconter sur le gabelou de service, mais là, l’image risque d’en prendre un sérieux coup. Il y a encore une dizaine d’années, le produit des amendes et confiscations obtenu par les douanes était plus opaque qu’aujourd’hui. Le trésor public n’en récupérait que 40 %, le reste servait au fonctionnement de l’institution. À l’époque, il n’était pas inhabituel pour les policiers d’appeler la douane lors d’une saisie de drogue, d’armes, ou autres. Et nous nous partagions la prime. Comme dans cette affaire où nous avions récupéré un semi-remorque plein de flacons de parfums en provenance d’une boutique hors-taxe d’un aéroport. Leur propriétaire cherchait à les revendre en douce. Les douaniers ont saisi la marchandise et nous, la semaine suivante, nous croulions sous les parfums… Ce n’était pas illégal, mais c’était quand même limite.

Que voulez-vous, il y a des métiers où il est bien difficile de rester vertueux.