On sait combien au ministère de la Justice on est respectueux des traditions, mais de là à épingler un poisson d’avril dans un article du Code de procédure pénale, il fallait oser…
Eh bien, c’est fait !
Dans le décret du 1er avril 2010, qui reprend certaines dispositions concernant l’assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE), dans la partie concernant les mineurs, il est dit ceci (art. D. 32-26) : « En cas d’assignation à résidence avec surveillance électronique au domicile des représentants légaux du mineur, le juge d’instruction spécialement chargé des affaires concernant les mineurs, le juge de l’enquête ou des libertés ou le juge des enfants compétent pour ordonner la mesure recueille préalablement l’accord écrit de ces derniers. »
Petit hic, le juge de l’enquête ou des libertés n’existe pas, sauf dans la tête des gens qui préparent la réforme de la procédure pénale (le titre envisagé dans le pré-rapport est juge d’instruction et des libertés). Les rédacteurs de ce texte ont donc pris un sacré raccourci en institutionnalisant un magistrat aux contours encore imprécis, qui doit en principe venir combler le vide laissé par la suppression du juge d’instruction.
On suppose que les susnommés, et les signataires de ce décret (François Fillon et Michèle Alliot-Marie), ont voulu parler de l’actuel juge de la détention et des libertés…
Il faut dire que notre législation est tellement ondoyante qu’ils ont bien des excuses, allez ! Le principal, n’est-il pas, c’est qu’il y ait le mot « liberté »…
Bien vu ! Légifrance a mis à jour le code de procédure pénale avec la coquille, sans rien y voir. Il faudrait pourtant une loi organique pour créer une nouvelle catégorie de juge, puisque la liste exhaustive figure dans le statut de la magistrature. La désinvolture de la direction des affaires criminelle, qui rédige ce genre de textes, est proprement sidérante. Les temps sont durs pour l’État de droit…
@ Edouard 13/04 8:54 :
« Aujourd’hui le véritable problème reste cette hémorragie législative. »
Si seulement il s’agissait d’hémorragie, on pourrait espérer en finir vite, quitte à pratiquer quelques saignées thérapeutiques en complément.
Mais c’est plutôt une crise de diarrhées irrépressibles qui rendent l’atmosphère nauséabonde et les voisins nauséeux.
Le malade s’affaiblit cependant lentement.
Il faudrait l’envoyer rapidement en convalescence avant que le pire n’arrive : choléra pour tout le monde (à moins que ce ne soit la peste).
A-t-on les vaccins indispensables ?
Voir le blog de Me Eolas pour d’autres poissons textuels et ce cocorico : « Notes [1] Merci à Georges Moréas d’avoir soulevé le poisson, et aux collègues des différentes listes de discussion d’avoir cuisiné la bouillabaisse ».Bon, en général ce sont les nullités qu’on soulève pas le poisson et il n’en manque pas !!!
Voilà ce que c’est de jouer gagnant alors que les dés de la partie n’ont pas encore été fabriqués.
C’est typique de l’exercice du gouvernement par anticipation manipulatoire…
Le commentaire que j’ai laissé sous le précédent billet était trop laconique et donc susceptible d’une mauvaise interprétation : « Commentaire à effacer : « affligées ».
J’entendais signaler le lapsus calami (ou machinae)avant que MON commentaire fût effacé.
A force de faire évoluer la novlangue étatique, au rythme des
– « ministère de […] l’intégration […] et du développement solidaire » pour le ministère expulsant les vils estrangers
– « Vidéo protection » pour la surveillance continue de la populace
– « Ministère de la justice et des libertés » pour celui en charge de la suppression du juge d’instruction et de la rédaction à tour de bras de texte d’alourdissement des peines
moi je comprends qu’ils s’y perdent eux même !
Tout citoyen (à défaut de députés et sénateurs vigilants aux gros poissons) est tenu désormais d’anticiper les erreurs manifestes d’appréciation dans les projets de décret du gouvernement, aussi ondoyants, flottants et bâclés dans les eaux saumâtres de la putréfaction ambiante soient-ils.
Ne nous en faisons point d’trop, ce genre de projet n’arrivera jamais à maturité, car, de l’aveu même de MIAM, c’est un avorton mort-né.
A vouloir tous embarquer dans le même aéronef pour en finir au plus vite avant d’avoir entamé la cérémonie funèbre du J.I., il ne restera bientôt plus personne à la barre et sur le tarmac pour prétendre détruire le reste des libertés garanties par notre code d’instruction criminel qui en a vu bien d’autres, depuis 1810 et 1959.
Il n’est pas dit que cette « erreur » n’entache pas tout le texte et le rende donc inaplicable…
Aujourd’hui le véritable problème reste cette hémorragie législative. Depuis plus d’une dizaine d’années, rare sont celles qui non pas leurs nouvelles lois.
Comment un ministre de la justice peut se dire crédible si il n’a pas sa loi, à son nom ?
Hors toute ces lois sont faites dans le cadre de problèmes ponctuels et souvent électoraliste, avec pour seul constante de ne jamais tenir compte de l’équilibre globale de notre système pénale.
En faite, préalablement à toutes reforme concernant le juge d’instruction, ou la procédure pénale d’une manière plus générale, il me semble urgent qu’il y est une réflexion importante sur l’ensemble du code de procédure pénale.
Trop de loi tue la loi. La plus grande insécurité qui existe aujourd’hui en France est celle que nos ministre ont créé, avec un code de procédure pénale tous les jours un peu plus incompréhensible.
Il parait que l’on appel cela l’insécurité législative …
Facile de comprendre qu’il s’agit d’avancer à pas masqués vers cette suppression odieuse du Juge d’Instruction ! Ce gouvernement n’est pas à une mauvaise action près : soit brutale , soit à pas de loups ( pardon les Loups ) – j’ignore l’avenir mais la France ne va pas sortir en bon état de pareille gouvernance ! c’est le moins qu’on puisse dire !
Je suis TOTALEMENT OPPOSEE A LA SUPPRESSION DU JUGE D’ INSTRUCTION , c’est le Peuple dans son ensemble qui en fera les frais – qui plus est , nous ne sommes pas Américains que je sache – il ne pourrait pas aller là-bas et y rester le petit nicolas ?… :-(((
Ecrire n’importe quoi dans un décret, fût-il daté du 1er avril, montre combien la rigueur juridique semble en perdition au niveau de l’Etat.
Maître Robert Badinter doit se pincer pour le croire
Un juge d’instruction, tant que la fonction existe encore officiellement, devrait être chargé de retrouver le rédacteur coupable de cette forfaiture (car ceux qui signent les décrets le font le plus souvent les yeux fermés) et le faire envoyer dans les bois de justice.