LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Jack Lang, de bois

Un homme broyé par une psychose publique. C’est le sentiment qu’on ressent devant la calamité qui s’est abattue sur Alain Hodique. En 2001, il est conseiller commercial chez Total, et son épouse est la directrice de l’école maternelle de Bucquoy, près d’Arras, dans le Pas-de-Calais. Le couple prépare sa retraite. Ils veulent acheter une petite maison dans le Gers. Des gens comme tout le monde. Puis un jour, par la voix d’un enfant de cinq ans, un bébé, le ciel leur tombe sur la tête. La mère du chérubin prévient la gendarmerie : Monsieur Hodique s’est livré à des attouchements sur ma fille… On est en pleine paranoïa médiatique, pas un journal qui ne consacre un article à la pédophilie, exploitant ainsi à outrance notre sensibilité. C’est tellement odieux de s’attaquer à un enfant… Les gendarmes enquêtent, et, bientôt, c’est quatre, cinq enfants, tous entre trois et cinq ans, qui ont subi les assauts de cet « obsédé ». L’affaire grossit, les parents se révoltent, les enfants en rajoutent – comme tous les enfants, évidemment.

nicolas.1173303332.jpgL’un d’eux dira même que le méchant monsieur lui a mis son sexe dans la bouche. « Il était comment ? » demande le juge, pour tenter d’étayer le témoignage. « Comme celui de papa », répond le gamin. Greffier, n’écrivez pas ! Une fillette racontera que son petit frère, Nicolas, a, lui aussi, subi des tripatouillages. J’imagine le juge… Il se frotte les mains, il félicite les gendarmes, il pose devant la presse. Le procureur se fend d’un communiqué satisfait. Mais personne ne vérifie vraiment les déclarations de la bambine: l’enfant s’est inventé un frère, le petit Nicolas. À cause de Sarkozy ou de Pimprenelle ?

Alain Hodique se retrouve derrière les barreaux, mis en examen pour viols et agressions sexuels sur mineurs de moins de quinze ans. Il y reste 380 jours. Bien sûr, il perd son emploi. Sa femme est priée de ne plus approcher les enfants. Et le ministre de l’éducation nationale se fend d’une lettre, adressée aux associations de parents d’élèves : « J’ai appris les actes scandaleux et odieux commis par l’époux de la directrice de l’école maternelle de Bucquoy (…) Je partage la souffrance des jeunes victimes et l’émotion des familles (…) Je peux vous assurer que toutes les mesures seront prises pour sanctionner les fautes qui ont été commises…»

Pour la petite histoire, ce même ministre a défendu avec vigueur l’élaboration de la loi sur la présomption d’innocence (sic). Comme le procès tarde un peu, la justice condescend à laisser sortir ce criminel, liberté assortie d’un contrôle judiciaire draconien, avec cette astreinte invraisemblable : sa femme et lui ne doivent ni se voir, de près ou de loin, ni se parler. Y sont pas beaux les juges !

L’affaire a duré plus de cinq ans. Cinq années pendant lesquelles les époux Hodique ont été montrés du doigt, vilipendés, repoussés de la société. On les aurait bien lynchés, mais personne n’a osé jeter la première pierre. Ils ont vécu de rien, avec un demi-traitement versé à Madame par l’éducation nationale, abandonnés de la plupart de leurs amis – et leur petite maison dans le Gers est partie en frais de procédure, frais d’avocats, etc.

Cinq ans de galère. Les magistrats se cramponnent. Comme d’autres, ils ne veulent pas admettre qu’ils ont pu se tromper. La cour d’appel prononce un non-lieu. Mais monsieur Hodique ne peut se contenter d’une demi-mesure. Son honneur est en cause. Il se pourvoit en cassation. La semaine dernière, enfin, la cour de cassation a rendu son verdict : Alain Hodique est innocent. Les enfants n’étaient que de petits affabulateurs, comme tous les enfants. Et les parents…pimprenelle-et-nicolas.1173303443.jpg

À ce jour, Madame Hodique n’a pas retrouvé son poste, et monsieur Hodique attend toujours une lettre d’excuses de la part du juge, du procureur, du garde des sceaux – et surtout de Jack Lang, puisqu’il s’agit encore de lui. Il parle vraiment beaucoup trop, cet homme, et jamais au bon moment. Interviewé sur RTL par Jean-Michel Apathie, il a tenté d’éluder la question avant d’avouer qu’il ne se souvenait pas de cet… incident. Il aurait ensuite écrit à monsieur Hodique : « S’il apparaissait que, par souci de protéger les enfants, j’aurais indûment mis en cause la présomption de votre innocence, j’en ressentirais alors un immense regret et je ne manquerais pas de vous en faire part. » Là, on sent que ça a du mal à sortir… La classe, pour monsieur Lang, serait qu’il décroche son téléphone, et qu’il appelle cet homme. Il pourrait l’inviter au restaurant, et s’expliquer, s’excuser, devant un plat de choucroute, et un petit vin d’alsace, les coudes sur une toile cirée, dans un bistroquet, bien loin de la place des Vosges.

Ouais, ce serait la classe…

À défaut, il peut toujours relire La goutte d’or, de Michel Tournier : « Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, – alors, tais-toi ! »

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Les époux Hodique ont été invités par Pierre Rancé, le 3 mars 2007, dans Paroles d’accusés, sur Europe 1.

6 Comments

  1. Dylan BAILLOEUIL

    Vous êtes sérieux ?? j’étais l’un de ses enfant que vous appelez  » Les enfants n’étaient que de petits affabulateurs », et mes souvenir (encore présent aujourd’hui dans ma vie), me donne limite moins envie de vomir que votre publication et encore moins que les commentaires qui suivent…j’y était ses jours la, j’ai vue et j’ai vécu ses choses alors c’est vrai la justice a mal fait son boulots puisqu’il es libre …

  2. SEGARD JEAN

    J’ai lu avec un certaiun intéret votre article et je pense que notre justice fait beaucoup de dégats.Déjà avec le temps que l’on passe devant les tribunaux,et ceretains coimme Jack Lang n’en ont que faire des histoires des autres.Ils mettent souvent leur nez où il ne faut pas et en plus il ne défendent en aucun cas ceux qui sont soi disa

  3. Anonyme

    Aujourd’hui mardi 17 juin, l’émission « Toute une Histoire » qui passe (quotidiennement ?) vers 14h30 avec Jean Claude Delarue annonce qu’ils cherchent des témoignages sur le thème « vous avez été déçu de votre procès ? »
    Le numéro que l’émission 08 20. …….

  4. David

    Effroyable Justice, qui semble trop bien remplir son rôle, faire peur même aux plus innocents d’être ses prochaines victimes. Comment ne pas compatir à la souffrance et l’humiliation de ces malchanceux citoyens tombés aux griffes d’une Machine détraquée ? C’est réussi, c’est effrayant.

  5. Georges Moréas

    Réponse à Dan :
    Vous avez raison. D’ailleurs, Monsieur Alain Hodique m’a écrit pour me le faire également remarquer. Ce sont les familles des enfants qui ont souhaité se pourvoir en cassation. Le procureur de Douai a cherché le moyen juridique, et a trouvé une erreur de procédure commise par le juge d’instruction. En l’occurrence, celui-ci n’avait pas mis fin à la situation de témoin assisté de Madame Hodique. Les arcanes de la justice font qu’une faute commise par un magistrat au détriment d’une personne citée dans le dossier d’instruction se retourne contre cette même personne…
    Pour l’heure, Madame Hodique attend que Gilles de Robien mette fin à la suspension dont elle fait l’objet depuis 2001.

  6. Dan

    Monsieur,
    Je suis surpris de lire dans votre article que le non-lieu prononcé par la cour d’appel puisse être considéré comme une demi-mesure et que Alain Hodique ait déposé lui-même un pourvoi en cassation ! Ne serait-ce pas plutôt le procureur qui est à l’origine de ce pourvoi ?

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