Il existe une police de la toile comme il existe une police criminelle, mais ses enquêteurs utilisent ni les traces Adn ni le gyrophare. Ils effectuent le plus souvent leurs enquêtes, les pieds dans les charentaises et le nez sur un écran d’ordinateur.
Alors que le secrétariat d’État à la famille va prochainement assurer la diffusion de petits films destinés (ici) à sensibiliser les jeunes (et les parents) aux dangers de l’Internet, on peut se demander quels sont les moyens dont disposent police et gendarmerie dans ce domaine.
Je me souviens qu’à la fin des années 60, les services techniques de la DST avaient découvert que le simple rayonnement des ordinateurs du ministère de l’intérieur pouvait être intercepté à plusieurs dizaines de mètres. Des soupçons d’espionnage avaient alors plané sur des agents de l’est qui occupaient un appartement dans un immeuble de la rue des Saussaies.
Mais en police judiciaire, la prise de conscience date de 1984, avec l’affaire dite du CCC (chaos computer club), un groupe de hackers de Hambourg, manipulé par le KGB, qui avait réussi à infiltrer de grandes entreprises travaillant pour la défense nationale. « On s’est rendu compte, déclare le commissaire Yves Crespin, chef de la Befti, dans une interview accordée en octobre 2008 au magazine PC Expert, que l’on n’avait rien : aucun moyen d’enquête, aucune compétence. On a dû faire appel à la DST (…) et à la brigade financière de Paris, où ils avaient des ordinateurs. Un groupe a ainsi été constitué, puis il a grandi au fil du temps. Il a pris le nom de Sefti (service d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information) en 1994, puis Befti. Aujourd’hui, la brigade compte vingt-neuf personnes… » Des policiers qui jouent au chat et à la souris, comme on le voit sur leur logo.
Parallèlement, à la même époque, la direction centrale de la police judiciaire met sur pied un service à compétence nationale, la BCRCI (brigade centrale de répression de la criminalité informatique), qui en mai 2000, devient un office central : l’OCLCTIC (office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication).
Quant à la gendarmerie, elle possède un département important, à Rosny-sous-Bois, au sein de l’IRCGN (institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale), qui a été créé en 1990.
Ces différents services traitent de la cybercriminalité, qu’on peut répartir en deux volets :
– Les infractions dans lesquelles l’informatique est l’objet même du délit (intrusion, contrefaçon, etc.).
– Les infractions pour lesquelles l’informatique n’est qu’un moyen pour parvenir à ses fins (escroqueries, pédophilie, etc.).
De plus, ils apportent une aide précieuse dans les enquêtes traditionnelles, en fournissant des moyens de surveillance et d’interception, ou en participant aux « perquisitions informatiques ».
A noter que l’OCLCTIC a ajouté à sa palette la lutte contre les réseaux internationaux qui se sont spécialisés dans la contrefaçon de cartes bancaires (yescards).
En dehors des policiers et gendarmes, il existe de nombreux services plus ou moins officiels qui s’intéressent à l’informatique, soit dans un souci de protection des sites, soit au contraire dans le dessein inavoué d’espionner ses adversaires ou ses concurrents. Mais là, on n’est plus dans la cybercriminalité, mais dans la guerre cybernétique ou cyberguerre. Il ne s’agit pas de fiction. Ainsi, dans un rapport récent (quelques jours) remis au Congrès américain, il est indiqué que la Chine aurait pris une avance considérable dans le domaine de l’espionnage informatique.