LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Sécurité (Page 4 of 8)

Data-surenchère dans les services secrets

Depuis déjà un certain temps, la DRM (direction du renseignement militaire) s’efforce de convaincre les autres services de mutualiser les moyens techniques. Elle dispose pour cela d’un argument-choc : le Geoint – pour Geospatial Intelligence.

 « La guerre se gagne par la géo-intelligence » a affirmé récemment son directeur, le général Christophe Gomart. Il y a un siècle, il aurait été fusillé pour de tels propos. D’autant qu’il s’adressait à des jeunes gens lors d’un discours tenu sur « l’Intelligence campus entreprise », un lieu où l’Armée et les industriels espèrent recruter de nouveaux cerveaux.

Satellites espions, satellites d'observation, satellites militaires, satellites de télécommunication, satellites météorologiques...

Satellites espions, satellites d’observation, satellites militaires, satellites de télécommunication, satellites météorologiques…

C’est en janvier 2015 que la DRM s’est lancée dans l’aventure en ouvrant, sur la base de Creil, le CRGI (centre de renseignement géospatial interarmées). De quoi s’agit-il ? D’un système tarabiscoté qui mobilise les informations provenant de différentes sources (cybersurveillance, écoutes, sources humaines, documentation ouverte…) en les plaquant sur des images provenant des satellites, des drones, des avions de surveillance, etc. Les techniciens parlent de « chaînes traditionnelles d’exploitation des sources ouvertes ou maîtrisées et de représentation géophysique opérationnelle ». Pourquoi pas !

Pour faire simple, on mélange les images avec les données des sources de renseignement, et l’informatique mouline un résultat. Ce qui donne une sorte de Google earth en live et en 3D. Imaginez, le petit bonhomme jaune au milieu d’un camp djihadiste ! Continue reading

Perquise de nuit

Un projet de loi « longuement mûri par la chancellerie », nous dit un communiqué de presse de Matignon, doit consolider la place de l’autorité judiciaire dans la lutte contre le crime organisé et son financement. Mais comme ce projet vise également la lutte antiterroriste et donne de nouveaux moyens au préfet, il faut bien reconnaître que le message est un peu brouillé.

Piles codes 2Quelle est la raison de cette nouvelle loi ? Simple ! Il s’agit de boucler la boucle : 1/ on donne « des moyens sans précédent » aux services chargés de lutter contre le terrorisme – 2/ On donne à la police judiciaire des pouvoirs équivalents – 3/ on pérennise les pouvoirs de police administrative de l’état d’urgence.

Pour faire un nœud à la boucle, et l’on n’en parle plus, je suggère de réactiver un ancien article du code de procédure pénale, l’article 30, qui donnait des pouvoirs de police judiciaire aux préfets.

Ces textes à répétition compliquent tellement la procédure pénale que plus personne n’y comprend rien.

C’est notamment le cas en matière de perquisition. Continue reading

L’inflation sécuritaire

L’état d’urgence est déclaré pour 3 mois. Et, selon une procédure qui semble maintenant habituelle, le gouvernement a sauté sur l’occasion pour modifier en catastrophe la loi de 1955. Une époque où François Hollande réclamait son biberon et où Manuel Valls était encore dans les tuyaux. Une loi qui, à l’époque, avait été jugée suffisante pour faire face à un terrorisme qui a fait au moins 4 000 morts. Et ceux qui à nos yeux représentent encore la France des droits de l’homme se taisent. J’allais dire se terrent. Après un simulacre de débat parlementaire proche des propos tenus au café du coin, ce consensus gauche-droite à quelque chose de… déroutant. On sent bien qu’on se fait bananer, mais on l’accepte, car la peur échappe à la raison. La com’ a pris le pas sur la démocratie. Et ça marche bien, du moins si l’on en croit les sondages.

CapturePourtant, cette impression d’être plus dans la réaction que dans l’action ne s’applique pas au président actuel. Du moins je ne le crois pas. À la différence de son prédécesseur, François Hollande est un calculateur, il veut tout planifier. Et à chaque nouvel événement, il avance un pion dans une stratégie longuement mûrie, quitte à en changer en cours de partie. Continue reading

Le business des écoutes et des données personnelles

Au moment où les États-Unis sont en train – timidement – de faire machine arrière sur le Patriot Act, la France se dote d’une véritable armada de machines électroniques pour surveiller ses propres ressortissants – et à l’occasion, les étrangers de passage dans notre beau pays. Dans cette guerre secrète contre le crime et le terrorisme, qui s’est amplifiée ces dernières années, pas de chars, pas d’avions, pas d’armes, mais un chiffre d’affaires en pleine érection. On peut se demander à qui profite le crime et combien cela va nous coûter… Dans quelle poche va-t-on prendre les sous ? Au détriment de quels services publics ?…

Nous sommes tellement habitués à ces projets qui capotent, comme Ecomouv ; ou d’autres qui aboutissent, mais dont la facture a été multipliée par 2, 3, 4…

Extrait brochure ThalesTiens, par exemple, parlons de la plateforme nationale d’interceptions judiciaires (PNIJ). En 2007, il était question d’une enveloppe de 17 millions d’euros. En 2010, elle était de 42 millions, et en 2014, de 47. En cette année 2015, alors que les premiers essais ont commencé dans certains services de police et de gendarmerie sur le ressort des cours d’appel de Paris, Versailles et Rouen, on se rapprocherait des 55 millions. C’est du moins ce que dit Le Canard enchaîné daté du 20 mai 2015, ajoutant malicieusement, que, pour l’instant, seuls les clients d’Orange peuvent être mis sous écoute. Continue reading

La loi sur le renseignement est-elle constitutionnelle ?

Le gouvernement n’a pas souhaité solliciter le Conseil Constitutionnel sur le projet de loi sur le renseignement. À gauche comme à droite, certains députés – très peu – ont renâclé, estimant que cela jetait la suspicion sur un texte qui concerne nos libertés fondamentales. Puis une voix inattendue s’est élevée, celle de l’ancien Premier ministre François Fillon : il s’est fait fort de réunir 60 parlementaires pour sauter le pas.

FillonDu coup, je me suis abonné à son compte twitter, histoire de ne pas l’oublier, quand le moment sera venu.

La politique est quand même un drôle de truc… En 2006, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy soutient une loi pour lutter contre le terrorisme. Celle-ci prévoit entre autres de recueillir les données conservées par les opérateurs de téléphonie mobile sans l’aval d’un magistrat. Tollé parmi les sénateurs socialistes, qui dénoncent le passage d’un contrôle judiciaire à un contrôle administratif. Ils saisissent le Conseil constitutionnel. Continue reading

Loi sur le renseignement : les petits, les gros, les bons et les méchants…

Lundi 13 avril, les députés vont débattre de la nouvelle loi sur le renseignement. La discussion risque de tourner court puisque, fait rare dans l’hémicycle, droite et gauche sont quasi d’accord. Dans le même temps, devant les portes de l’Assemblée, des opposants vont manifester. « Les citoyens doivent montrer qu’ils refusent de céder à la logique de surveillance généralisée et sans garantie présentée comme indispensable par le gouvernement », disent les organisateurs.

Téléphone  2À défaut d’y trouver les syndicats de police, seront représentés dans cette manifestation: les magistrats, les journalistes, les avocats ainsi que les défenseurs des droits de l’homme. Et pourtant, je ne suis pas sûr que cette loi, mitonnée par des cerveaux de la politique, de l’armée et de la police, fasse l’unanimité chez les agents de terrain.

En tout cas, elle met un terme à la légende de la France « pays des droits de l’homme ». Et pour paraphraser la déclaration de 1789, une société où la séparation des pouvoirs n’est pas affirmée, « n’a point de Constitution ».

Bizarrement, la presse n’est guère convaincante lorsqu’elle dénonce ce projet de loi. Probablement en raison de la difficulté à visionner, à comprendre et à décrire les procédés techniques. Les journalistes ne sont pas les seuls à ramer. Certains députés eux-mêmes reconnaissent ne pas y piper grand-chose, se contentant de faire confiance au grand… ordinateur, Jean-Jacques Urvoas.

Je me demande si cette loi portera son nom ! Continue reading

Un avenir privé de vie privée

Du long séjour à l’Élysée de François Mitterrand, il restera la fin de la peine de mort, et de celui de François Hollande, la fin de la vie privée. Politiquement, cela n’a guère d’importance, puisque plus de la moitié des Français s’en ficheraient, selon un sondage tout récent d’Amnesty International. Ce désintérêt part d’un argument souvent entendu : on n’a rien à cacher ! Alors, qui a raison, celui qui se bat pour protéger sa bulle ou celui qui se dit que la sécurité passe avant tout ?

Sondage Amnesty International

Cliquer sur l’image pour le site

La vie privée ne se résume pas à deux mots. Mais comment la définir ? S’agit-il simplement des petits secrets de nos conversations ou de nos sms ; ou de la protection de notre ordi ; ou de nos données personnelles… Il serait réducteur de croire cela : notre vie privée, c’est notre personnalité. Au point que la cour de cassation a envisagé, il y a une cinquantaine d’années, et pour la première fois, l’existence de droits attachés à la personnalité. Ensuite, la jurisprudence a tracé la route, et, en 1994, lors de l’apparition du nouveau Code pénal, un chapitre a été consacré aux « atteintes à la personnalité ». La section 1 de ce chapitre vise les atteintes à la vie privée d’une personne, lorsque celles-ci sont effectuées sans son consentement.

Les droits de la personnalité concernent, outre le droit au respect de la vie privée, le droit sur les données à caractère personnel, le droit à la présomption d’innocence, le droit à l’image, le droit moral de l’auteur, le droit de réponse, les droits sur son propre corps… Continue reading

L’attentat de la rue des Rosiers vu avec nos yeux d’aujourd’hui

Il y a quelques jours, l’attentat de la rue des Rosiers est revenu dans l’actualité après que le juge Trévidic ait lancé des mandats d’arrêt internationaux contre trois suspects. Une annonce qui tombe à pic dans le contexte actuel, au point que cela fait un peu coup de com’. Mais ne boudons pas : la justice et les enquêteurs se sont montrés à la hauteur.

Pourtant, devant ce rappel d’un événement vieux de 33 ans, il m’a paru intéressant d’opérer un petit retour en arrière. Voici ce que j’écrivais, en 2007 dans La petite histoire de la PJ, sur l’année 1982 :

rue marbeuf

Cliquer sur l’image pour voir la vidéo de l’Ina

« La France est un champ de bataille. Action directe se scinde en trois. Une partie renonce à la lutte armée, un autre fait alliance avec la Fraction armée rouge et la dernière, dite branche lyonnaise, se lance dans des actions antisémites. En mars, une bombe explose dans le train Le Capitole : cinq morts, vingt-sept blessés. En avril, une voiture piégée explose, rue Marbeuf, à Paris [devant les bureaux d’un hebdomadaire libyen] : un mort et soixante-trois blessés. Continue reading

Lutte antiterroriste : où va-t-on ?

Après les événements tragiques du mois de janvier, Manuel Valls a annoncé un nouveau plan de lutte contre le terrorisme. Il s’agit, a-t-il dit, de prendre des mesures « exceptionnelles, et non pas d’exception ». Comme j’ai parfois du mal à comprendre le langage politique, j’ai sorti mon dico, lequel, pour le mot exceptionnel, donne cette définition : qui n’est pas habituel, qui n’est pas ordinaire, qui constitue une exception.

J’ai refermé.

Capture6Parmi ces mesures exceptionnelles, il y a celles qui existent déjà, comme le plan Vigipirate, qui mobilise plus de 120 000 policiers et gendarmes et 10 000 militaires, ou le remplacement de la DCRI par la DGSI, ou la création du SCRT (service central du renseignement territorial), qui se rapproche de plus en plus de ce qu’étaient les RG, supprimés en 2008.

Dans celles qui sont à venir, il y a la création sur 3 ans de 2680 postes dont 1400 pour le ministère de l’Intérieur, dont 1100 pour les services chargés de lutter contre le terrorisme, dont 500 pour la DGSI. Continue reading

Des policiers, larme à l’œil, sous le feu des applaudissements… la révolution n’est pas loin

La presse se répète un peu dans l’après 11-Janvier, les politiques mouillent le doigt pour prendre le vent, les analystes nous abreuvent d’idées réductrices et la vie reprend – mais pas comme avant.

Agent CharlieNormal, lorsque près de 4 millions de personnes relèvent la tête pour dire ça suffit, il y a nécessairement un avant et un après.

Pour envisager l’après, il n’est peut-être pas inutile de se souvenir de l’avant…

C’est au début des années 90 qu’apparaît pour la première fois l’expression « sécurité intérieure » dans un texte officiel, un décret qui installe un service destiné à la réflexion et à la recherche créé deux ans plus tôt par Pierre Joxe : l’Institut des hautes études de sécurité intérieure.

Mais rapidement la sécurité intérieure va devenir un enjeu politique. Ce qui, dans les années suivantes, conduit à autant de dispositions m’as-tu-vu qu’à des mesures sérieuses. Parmi ces dernières, certaines entraînent de sérieux bouleversements dans les services de l’État Continue reading

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