Les avocats de Muriel Bolle contestent la validité de la garde à vue de leur cliente, effectuée dans les locaux de la gendarmerie de Bruyères, dans les Vosges, en novembre 1984. Ils estiment que lors de ses auditions les droits de la défense n’ont pas été respectés, notamment du fait qu’elle n’était pas assistée d’un avocat, comme c’est la norme aujourd’hui. Ils ont déposé une QPC dans ce sens, contre l’avis du parquet général pour qui les règles actuelles de la garde à vue ne peuvent être rétroactives.
Une réflexion pétrie de bon sens, même si, au lendemain de la loi du 14 avril 2011 qui a profondément remanié la garde à vue, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a dit exactement le contraire : tous les procès-verbaux de garde à vue antérieurs à cette loi sont susceptibles d’être contestés dans la mesure où la personne gardée à vue n’a pas bénéficié des garanties procédurales voulues par la CEDH (ratifiée par la France en 1974) : droit de se taire et droit de se faire assister d’un avocat.
Mais cette décision, qui aurait pu être une bérézina judiciaire, ne fut finalement qu’une pirouette juridique, notamment en raison de l’article 173-1 du code de procédure pénale qui limite le délai de contestation à six mois à compter de la notification de mise en examen.
Puis d’un seul coup surgit un cas que personne n’avait envisagé : une mise en examen 33 ans après la garde à vue ! Continue reading
Cette requête était assez incompréhensible dans la mesure où les contraintes du contrôle judiciaire sont justement faites pour éviter ce genre de situations. Trop souvent, la justice ferme les yeux sur l’article 137 du code de procédure pénale qui rappelle que si une personne mise en examen et présumée innocente peut être mise en détention, ce n’est qu’à titre exceptionnel. La pratique montre qu’on est loin du compte. Mais dans le cas présent, il est quand même difficile de penser que les suspects vont détruire des preuves d’une affaire passée au tamis depuis plus de trente ans, ou qu’elles vont soudain se rendre coupables d’une « concertation frauduleuse », comme il est dit à l’article 147 du code de procédure pénale.
C’est ce qu’il ressort de la nouvelle loi sur la prescription pénale du 27 février 2017. Auparavant, le délai de prescription en matière criminelle était de dix ans, mais dans les faits, cela ne change pas grand-chose, car certains dossiers semblent ne jamais se prescrire, comme la mort du ministre Robert Boulin (1979) ou l’attentat antisémite de la rue des Rosiers (1982).
