Après l’incarcération d’un policier, mis en examen pour un délit aggravé, le voyage du président Macron en Nouvelle-Calédonie a été éclipsé par l’omniprésence dans les médias de certains représentants de syndicats de police et les commentaires d’incertains responsables de la police.

Et pourtant, ce déplacement est important, dans la mesure où le chef de l’État cherchait à débloquer les discussions entre les indépendantistes et les loyalistes, en vue d’établir un nouveau statut pour ce territoire français du pacifique sud, après les trois référendums d’autodétermination qui ont acté le « non » à l’indépendance.

Emmanuel Macron s’est donc livré à un exercice d’équilibriste, depuis le « Caillou » en affirmant que « nul, en République, n’est au-dessus des lois », tout en comprenant l’émotion des policiers après la mise en détention de l’un de leurs collègues. Du en même temps, quoi ! On est loin de la déclaration de François Mitterrand, en 1983 : « La République doit être honorée et servie par tous les citoyens, et plus encore par ceux qui ont pour mission et pour métier de la défendre. Si certains policiers, une minorité agissante, ont manqué à leur devoir, le devoir des responsables de la République, c’est de frapper et de faire respecter l’autorité de l’État. Dès l’annonce des événements séditieux de vendredi dernier, j’ai demandé au Premier ministre Pierre Mauroy de prendre les sanctions nécessaires. Il a agi comme il fallait… »

C’est gaullien, cela rappelle le « quarteron de généraux en retraite » du putsch de 1961.

Pour mémoire, après la fronde des « policiers en tenue » de 1983, le préfet de police a été appelé à démissionner, le directeur général de la police s’est fait virer, un policier a été mis à la retraite d’office, sept ont été suspendus et deux représentants syndicaux, dont le secrétaire général USC-Police, ont été révoqués pour avoir organisé « un acte collectif contraire à l’ordre public ».

Et pourtant, les forces de l’ordre avaient d’autres raisons qu’aujourd’hui de manifester leur colère : deux de leurs collèges avaient été abattus de plusieurs balles, et un autre gravement blessé, lors d’un banal contrôle routier : 12 policiers, morts en service, depuis que la gauche était aux manettes.

« La police est malade de la justice », pouvait-on déjà, à l’époque, entendre dans les rangs des manifestants. Des propos inadmissibles, évidemment, et pourtant, il y a 40 ans, après une loi d’amnistie généreuse (notamment des membres d’Action directe), l’abolition de la peine de mort, le raccourcissement de la sûreté pour les peines perpétuelles, la suppression des quartiers de haute sécurité, la suppression de la Cour de sûreté de l’État, la disparition du délit de l’association de malfaiteurs (rétablie en 1986), les policiers, même les plus modérés, savaient que ce n’était pas tenable. Un sentiment renforcé après l’adoption par les députés d’une contre-loi pour abolir la loi « sécurité et liberté », jugée liberticide, adoptée en catastrophe avant les Présidentielles de 1981. Une mauvaise pioche de Giscard d’Estaing qui avait misé pour sa réélection sur un tour de vis sécuritaire alors que les Français aspiraient à plus de liberté.

Contrairement à ce que nous racontent les experts blabla, les policiers n’ont jamais été aussi bien protégés par le code pénal, ils n’ont jamais eu autant de pouvoirs que ceux que leur octroie aujourd’hui le code de procédure pénale, et les magistrats sont bien plus compréhensifs qu’autrefois dans leur manière d’interpréter leur action, tenant largement compte de la difficulté du métier. La contrepartie, c’est l’intégrité. Non seulement, l’agent dépositaire de l’autorité publique qui dérape doit être sanctionné, mais, du fait de sa fonction, plus sévèrement qu’un autre.

Autrefois, dans les écoles de police, on avait coutume de dire aux élèves que dans l’exercice de la profession qu’ils avaient choisie, ils encouraient trois risques : physique, administratif et judiciaire. Sauf à changer de régime politique, il ne peut en être autrement.

Ceux qui « parlent dans le poste » sont une minorité envahissante, je suis sûr qu’il y a plein de policiers, plein d’agents de l’État qui doivent penser différemment que ces trublions politisés. Le Bureau national de l’UNSA (Union national des syndicats autonomes), s’est d’ailleurs désolidarisé du communiqué de presse commun Alliance/UNSA Police, qui a suivi la mort de Nahel, et a condamné les termes utilisés : un « combat » contre des émeutiers qualifiés de « nuisibles ».

Quant à nos dirigeants, ils se sont tus. La gauche est montée au créneau et deux députés ont saisi la justice.

Police : on attend la saison 2.