PARTIE 11 – A la fin des années 1970, la décrépitude du clan Zemour est en marche. Le guet-apens du café Le Thélème y est sans doute pour beaucoup. Un an plus tard, le 13 septembre 1976, la mort du chef des Siciliens, Jean-Claude Vella, abattu à Paris, puis celle de Marcel Gauthier, revolvérisé à Nice, suffiront, semble-t-il, pour effacer l’ardoise. L’honneur est sauf, se disent les Zemour. Edgard s’installe en Floride et Gilbert s’embourgeoise dans les beaux quartiers parisiens. Pour eux, le châtiment interviendra plus tard. Les règlements de comptes entre truands ne sont pas terminés pour autant. Maintenant, c’est Gaétan Zampa et Francis Vanverberghe (Le Belge) qui font tonner la poudre. Dans les années 77 et 78, c’est une petite dizaine de voyous qui passent ainsi l’arme à gauche, tous dans le sud de la France. Cette hécatombe, c’est la goutte d’eau. Après l’affaire du Palais de la Méditerranée, le casse de la Société Générale et quelques autres tripatouillages politico-mafieux, en 1978, en pleine période estivale, Nice va s’enrichir d’une brigade antigang.
Pendant ce temps, Patrick Henry est jugé pour le meurtre du petit Philippe Bertrand. La plaiderie de Robert Badinter et la mazarinade qui entoure l’exécution de Christian Ranucci, deux ans et demi plus tôt, vont lui éviter la guillotine. En janvier 1979, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il sera libéré vingt-deux ans plus tard. Il n’y aura d’ailleurs plus une seule exécution en France. Hamida Djandoubi, condamné pour tortures, viol et assassinat, est donc le dernier criminel à avoir été condamné à mort. Il a été guillotiné le 10 septembre 1977, à la prison des Baumettes, à Marseilles.
Le 19 mai 1978, les paras de la légion sautent sur Kolwezi, au Zaïre, afin de libérer des otages occidentaux détenus par des rebelles. Ce fait d’armes va sceller le destin d’un truand hors du commun, Bruno Sulak. Ce jeune homme, qui a sans doute choisi la légion pour ne pas tomber dans la délinquance, ne participe pas à cette opération militaire. Blessé dans son orgueil, il décide de ne pas rejoindre son régiment. Considéré comme déserteur, il va entamer une farandole de vols à main armée, dont certains seront mis en scène avec une certaine habilité, parfois teintée d’humour. Nous en reparlerons. Quelques mois plus tard, un terroriste palestinien prend plusieurs otages, à l’ambassade d’Irak, à Paris. La brigade criminelle, la BRI, et, très bizarrement, une toute jeune unité de la gendarmerie, le GIGN, se retrouvent sur place. Après de longues heures de négociation, le forcené accepte de se rendre. Broussard va le récupérer à l’intérieur de l’immeuble. Il le mène à une voiture où se trouve Ottavioli, le patron de la brigade criminelle. C’est alors que, depuis les étages de l’ambassade, une fusillade éclate. Les policiers ripostent. Tout ça sous l’objectif des caméras de télévision. Aux infos télévisées, on découvrira Broussard en train de se défiler, tandis que Pierre Ottavioli, figé sous les balles, reste droit comme le général de Gaulle, dans sa DS, lors de l’attentat du Petit-Clamart. Certains, par la suite, vont railler Broussard. Il s’en vexera. C’est pourtant lui qui avait raison. Lorsqu’il pleut du plomb, il vaut mieux se mettre à l’abri. C’est l’abc. Mais, hélas, dans cet échange de coups de feu, un policier a été tué, l’inspecteur Jacques Capella, et plusieurs autres ont été blessés. Les tireurs, tous protégés par l’immunité diplomatique, sortent « libres » des locaux de la brigade criminelle. Ils sont attendus, devant le 36, par une double haie de policiers en colère. Et l’on assiste à cette scène invraisemblable, où des tueurs sont protégés de la colère des flics par des gendarmes… Des gendarmes sur le ressort de la préfecture de police, lesquels participent à une opération de PJ, puis protègent des assassins de la vindicte des policiers, cela fait… deux premières, si je puis me permettre. Il faudra du temps pour dissiper le malaise né de ce déni de justice.
Cette même année, Giscard d’Estaing fait voter la loi informatique et libertés, qui vise à lutter contre l’utilisation abusive des fichiers informatiques.
Le 28 mars 1979, un arrêté modifie la direction centrale de la police judiciaire, et créé la sous-direction de la police criminelle et scientifique. Cette nouvelle structure chapeaute les laboratoires de police scientifique de Paris, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse, ainsi que les services d’identification judiciaire et la documentation criminelle. Le mois suivant, un 19° SRPJ voir le jour, celui des Antilles et de la Guyane. En juin, Simone Veil devient le premier président du Parlement européen, dorénavant élu aux suffrages universels. Ce qui apporte de l’eau au moulin de Jacques Chirac, qui, six mois plus tôt, a lancé l’appel de Cochin. Lors de cette déclaration, il a qualifié l’UDF et les giscardiens de « partis de l’étranger », pour leurs prises de positions proeuropéennes. Le 30 octobre 1979, c’est un ancien résistant, opposé à Jacques Chirac, qui est retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet, dans les Yvelines. Il s’agit du ministre du travail, Robert Boulin, dont le nom circule alors pour remplacer Raymond Barre, à la tête du gouvernement. Le commissaire Alain Tourre, du SRPJ de Versailles, prend la direction de l’enquête. On a dit tout et son contraire sur la mort de Boulin, jusqu’à suspecter la véracité de l’enquête judiciaire. A posteriori, on se doute bien qu’un policier qui se serait laissé séduire par le chant des sirènes de la politique, au point de torpiller une enquête criminelle, se serait retrouvé ou préfet, ou en prison. Or, Tourre a fait une carrière normale – et bien en-deçà de son mérite. Il a fini contrôleur général. Et, il a conclu à un suicide. La cour de cassation confirmera d’ailleurs ce résultat, douze ans plus tard, après que la famille du ministre ait épuisé toutes les voies judiciaires pour démolir cette procédure. Le suicide est culpabilisant, pour ceux qui restent. Robert Boulin passait pour un homme intègre, ce qui est rare en politique, il n’a sans doute pas supporté que Le Canard Enchaîné publie une lettre anonyme qui l’accusait d’avoir acquis, dans des conditions douteuses, un terrain à Ramatuelle. Qui est l’auteur de cette lettre anonyme ? Pourquoi a-t-elle été publiée sous cette forme ? Qui aurait pu profiter des circonstances pour laisser planer le doute sur la véracité de son suicide ? Et pourquoi ? C’était une autre enquête. Qui n’a pas eu lieu. Le journal satirique croule d’ailleurs sous les tuyaux, puisque dans le même temps, il sort une information qui va couler Giscard d’Estaing aux élections suivantes : l’affaire des diamants. En 1973, un mois après que Jean-Bedel Bokassa soit débarqué de son trône d’empereur (sic) de Centre Afrique, il aurait offert à Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, une plaquette de bijoux d’une valeur d’un million de francs. Giscard s’embarbouille dans ses explications. Il n’arrive pas à se justifier. Il ne s’en relèvera pas, avec le résultat que l’on connaît, en 1981.
Le 2 novembre 1979, Jacques Mesrine est abattu au volant de sa voiture, porte de Clignancourt, à Paris.
La création de la BRI de Nice – Nous étions une trentaine, assis en rond, par terre, dans une salle vide de tout mobilier. C’est ainsi que s’est tenue la première réunion de la brigade antigang de Nice. Alors que nous discutions, j’observais ces hommes (et cette femme), qui allaient constituer cette brigade de choc. Ils venaient des quatre coins de France. Et, à l’exception de Marcel, un « vieux » de 47 ans, tout de suite surnommé Pépé, ils avaient tous entre 25 et 35 ans. Nous avions à notre disposition une caserne entière, désaffectée, dans le quartier Saint-Roch – et pas un bureau, pas une chaise. J’étais un peu découragé. Tout était à faire. Heureusement, mon adjoint, le commissaire Pierre Guiziou, se montra d’une efficacité certaine. C’était un homme de contact, qui avait le don pour se faire ouvrir les portes – alors que moi, je préférais les claquer. Nous étions complémentaires. L’une de nos premières grosses affaires nous mena à Paris. Une filature de mille kilomètres. Je crois que nous avons été les seuls flics capables d’effectuer ce genre d’exercice, à notre initiative, sans en référer à qui que ce soit. Les lascars que nous surveillions préparaient un coup, mais nous ne savions pas quoi. L’un d’eux, surnommé l’ingénieur, était un spécialiste des systèmes d’alarme. Une nuit, il avait réussi à pénétrer dans une agence bancaire, et il s’était endormi. Au petit matin, les employés l’avaient réveillé. Il avait simplement voulu démontrer l’inefficacité des protections de la banque. Six mois de prison. Il y a des gens qui n’ont pas le sens de l’humour. En fait, nos truands voulaient répliquer le casse du siècle. Et la filoche nous amena justement devant ladite banque, la Société Générale de la rue de Sèvres, à Paris, là où notre ingénieur avait passé la nuit. En partant des caves d’un immeuble voisin, transformés pour les apparences en employés EDF, ils avaient imaginé percer un tunnel pour rejoindre les égouts et déboucher derrière le mur de la chambre forte de la banque. Lorsqu’on comprend enfin le scénario, on se congratule. C’est une superbe affaire, menée de A à Z par trente flics qui en veulent. L’ambiance se rafraîchit lorsque j’annonce qu’il va être temps de référer de notre aventure. Lucien Aimé-Blanc, le chef de l’OCRB, me reçoit gentiment, avant de me dire que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. « Je te donne un gars, si tu veux, en observateur ! » me propose-t-il. Je décline l’offre. Et je passe de la rue du Faubourg-Saint-Honoré au quai des Orfèvres. Broussard me reçoit gentiment. Il me dit que tout son service est mobilisé sur le cas Mesrine. « Tu as combien d’hommes sur le terrain ? me demande-t-il. – Douze ! – J’en mets douze de plus. » Et les 24 poulets de la grande BRI de Paris, et de la toute jeune (et petite) BRI de Nice, se mettent à planquer de conserve. Jusqu’au jour où l’on s’aperçoit que nos voleurs ont sans doute vu trop grand. La lance thermique, qu’ils ont prévue pour transpercer le mur de la chambre forte, nécessite un recul de plusieurs mètres, pour ne pas fondre avec le béton. Ils risquent de ne pas avoir l’espace suffisant. On se dit qu’ils vont abandonner. Tout ce travail pour rien ! Alors, avec Broussard, et son adjoint, le commissaire René-Georges Querry, on décide d’intervenir, avant qu’ils ne plient les gaulles. Délit impossible, argueront plus tard les avocats. C’était un peu vrai. Ils écopèrent de peines gentillettes.
C’était la première fois que je descendais dans les égouts parisiens.
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11 réponses à “La PJ, sous Giscard (3)”
Il y ‘avait aussi un certain Peloux Patrick ou Paul , je ne sais plus. Puis un italien , Martinelli. Si certains d’entre vous ont plus d’infos, je suis preneur.
quels sont les braquages commis par le gang des siciliens? A quelles autres activités illégales se livraient t’ils? merci de ces précisions.
un peu de proxénétisme, beaucoup de braquages et de casses, et à la fin des années 60 la « protection » des gros hôtels de passe de Paris. Sûrement qu’ils ont investit de l’argent dans le trafic d’héroïne aussi, comme l’ont fait toutes les grosses équipes de l’époque tellement ça rapportait
Bonjour j’aimerai si cela est possible la lite du clan Zemmour au complet. Je suis trop jeune et suis née aprés le drame de petite patte. L’histoire oublie toujour un détail et ce détail est devenu un homme.
clan Zemour :
William Zemour
Gilbert Zemour
Edgard Zemour
Roland Attali
Jean-Claude Attali
Georges Elbaz
Claude Gragnon
Jean-Pierre Lehbar
Roland Lenoir
Roger Bacry
Joël Arfailloux
Robert Lévy
Raphaël Dadoun
Albert Darmont
Jacques Amram
Izi Spighel
Joseph Khaïda
Marcel Barokhel
Clan des Siciliens :
Jean-Claude Vella
Marcel Gauthier
Albert Seferian
Jacques Piat
Pierrino Rotondo
Willy de Brabander
Pierre Abramovitch
Daniel Abramovitch
Jean-Pierre Maïone-Libaude
Jean-Claude Leclerc
Pierre Lothoz
André Gau
Nénesse Bennacer
mon pére était un ami de « petites pattes » jean-claude vella , le cousin de mon pére jacques piat « jacky kiki »montait au braquage avec jean-claude dans les années 60 et 70 ces kiki qui a donner le nom a la bande » les siciliens malheureusement il a été abattu le 1 avril 1997 a mougins »article dans nice-matin du 3 avril
Bonjour votre père était ami avec mon oncle?
car peut de gens connaisse sont surnom^^
Boulin suicide, on peut y croire; s’il y eut un homme politique de la V°a posseder suffisamment d’honneur pour ne pas etre contraint de le brandir sans arret en guise de cuirasse, ce fut bien lui. Son absence de mechancete l’a laisse desempare face a l’ancien associe de Jacques Foccard dans de affaires de charbon de bois normand restees, pour une part, tres fumeuses.
Reste une accumulation de faits pour le moins etranges MEME ! et SURTOUT face a la depouille d’un homme politique… – pour precision je possede un DUT de thanatopracteur-… il est rigoureusement interdit de proceder a un soin funeraire hors permission (demande) de la famille; aucun thanato ne s’y risquerait puisque cette pratique viole totalement certains rites religieux. D’autre part, et sur le meme registre ; non seulement les soins ne necessitent en rien l’ablation de la langue et le depouillage de la gorge ( si ca n’etait -et c’est la ou la bat blesse- pour en oter des traces, par exemple, d’ingestion de produits corrosifs ), mais cette pratique releve de l’absurde sachant qu’en procedant de la sorte on s’interdit la parfaite injection des circuits arteriels et veineux par le formaldéyde; le moindre vaisseau coupe se transformant en mini geiser sous la pression.
Pour poursuivre ( ce survol tres sommaire ) nul besoin d’etre un assidu des « Experts » et autres pastiches de la police scientifique ( dont les resultats n’en confinent pas moins, parfois, à l’incroyable au niveau reussite ) les lividites cadaveriques, une fois fixees, ne bougent plus… sauf ! si le corps est deplace avant l’arret du processus… ce qui doit etre rarement le cas si le « patient » n’y est pas aide.
Robert Boulin s’etait largement pourvu en somniferes. O.K… Curieusement, aucun rapport medical a ce sujet n’a fait l’objet ( a ma connaissance ) d’une publication alors que cette affaire fit couler assez d’encre pour y noyer tout un gouvernement… Delai operationnel du Valium (?); de 2 a 4 heures… Les legistes, qui ne beneficient malheureusement pas des miracles de precision offerts par les scenaristes de serie B, situent le deces entre 2 et 4 heures du matin…. ce qui revient a estimer la prise de ces medicaments autour des minuit… Reste quand meme un facteur troublant ; si R. Boulin etait venu directement de son domicile au lieu de sa mort, il y serait arrive vers 17h30… un sacre laps de temps pour une personne « pressee d’en finir »… et qui est passe chez lui vers 16 heures afin d’y prendre des dossiers pour se rendre « chez son avocat ».
Certes, nul n’est infaillible dans l’accomplissement de sa tache, mais la disparition des bocaux rattaches a l’autopsie ( une affaire aussi « maudite » que l’execution de JFK, decidement ) ne donna-t-elle pas lieu a des sanctions, elle ?
Oui, le suicide on peut y croire. Mais alors, doit-on admettre aussi que l’incroyable accumulation de vicissitudes qui ont entoure cette disparition releve du seul hasard ? Que personne ne s’est donne la peine d’embrouiller cette « simple » affaire a dessein ? Hmmm…
Il y a eu une volonté de détruire Boulin, c’est certain. Il devait remplacer Barre, et risquait de gêner les plans de Chirac. Mais l’arme utilisée c’était Le Canard Enchaîné, ni poison, ni revolver, ni violences. Ensuite, on peut faire travailler son imagination… J’ai entendu ce matin, sur France-inter, que Boulin détenait des dossiers compromettants. Ce serait le mobile. Dans les jours qui viennent, on va nous dire que le brigadier Jacques Massié a récupéré lesdits documents, au nom du SAC, raison pour laquelle il a été tué, ainsi que sa famille, dans sa maison d’Auriol (La PJ de 1981). Les dizaines d’OPJ du SRPJ de Versailles qui ont travaillé sur ce dossier et les différents procureurs, et le juge d’instruction, tous ces gens auraient maquillé la vérité ! Ce n’est pas sérieux. La vraie cagade de cette affaire, ce sont les constatations. Vu la personnalité de la victime, tout n’a pas été fait dans les règles, au départ de l’enquête.
La fille de Robert Boulin vient de demander la réouverture du dossier. D’après ce que vous dites, l’affaire est close. Boulin s’est suicidé. OK, mais vous remarquez en même temps que l’enquête sur la lettre anonyme adressée au Canard enchaîné n’a pas été menée. A votre avis, ça cache quelque chose ?