Il y a trois jours, dans son émission Crimewatch, la BBC a tenté de reconstituer l’enquête sur la disparition de la petite Madeleine McCann. On s’en souvient, c’était le 3 mai 2007, dans une station balnéaire, au sud du Portugal. Coïncidence, la diffusion était programmée en plein milieu du procès qui oppose les parents de la fillette à Gonçalo Amaral, le policier qui a mené les investigations. L’émission a fait exploser l’audimat. Il faut dire que le lancement avait été mitonné. Il fallait s’attendre à des révélations fracassantes de la part des enquêteurs de Scotland yard, peut-être même à des arrestations en direct d’après certains tabloïds… Interviewé par une télévision espagnole au lendemain de cette diffusion, Amaral, a résumé l’avis de pas mal de Portugais : « Zéro nouvelle ! ». Continue reading
Étiquette : Gonçalo Amaral
Le 3 mai 2007, Madeleine McCann a disparu. Elle était supposée dormir dans la chambre de l’appartement de vacances que ses parents louaient dans le complexe touristique l’Ocean Club, au sud du Portugal. Elle allait avoir 4 ans.
Vers 22 heures, ce soir-là, sa maman s’est éclipsée du restaurant où elle dînait avec son mari et des amis pour s’assurer que tout allait bien dans le petit deux-pièces. Elle ouvre la porte… Les jumeaux, âgés de deux ans, dorment à poings fermés, mais sa fille n’est pas dans son lit. La fenêtre est ouverte, le volet est levé. Elle donne l’alerte.
Une affaire qui va faire couler beaucoup d’encre. Très vite, elle prend une dimension internationale. Le 9 mai, Interpol diffuse une fiche de recherche. La presse britannique se déchaîne et remet en cause le travail des policiers portugais. Le Premier ministre Gordon Brown intervient. Des enquêteurs de Scotland Yard débarquent. Un fonds de soutien est créé, le milliardaire Brian Kennedy le cautionne, le patron de Virgin aussi. Le site internet reçoit 5 millions de visiteurs en 24 heures. Les parents engagent un directeur de communication. Plusieurs millions d’euros de dons, peut-être dix. Les chiens renifleurs détectent des traces suspectes. Gonçalo Amaral, le policier de la PJ responsable de l’enquête, met la pression sur les parents. Il pense qu’ils ont dissimulé la mort accidentelle de leur enfant. Le pape reçoit les McCann. Un ancien pédophile est arrêté. Amaral est viré… Il écrit un livre. La mère aussi… On ne sait toujours pas ce qu’est devenue la petite Maddie.
« Jamais auparavant dans l’histoire, autant de monde s’est intéressé au sort d’une petite fille », écrit Duarte Levy dans le bandeau du blog consacré à cette affaire.
Pour son roman Belle famille, paru chez Gallimard, Arthur Dreyfus, lors d’une interview sur France Culture, dit avoir fait un rapprochement entre cette affaire et Le Rouge et le Noir. Pour le personnage de Julien Sorel, Stendhal se serait inspiré des mésaventures d’un criminel, Antoine Berthet, qui a été guillotiné en 1828. (Je crois que ce n’est qu’une hypothèse.) Dreyfus a été captivé par le côté magique de cette histoire. Les parents couchent leurs enfants, ils vont au restaurant, puis… « Quelques heures plus tard, ils reviennent, elle a disparu, il n’y a pas une trace d’ADN dans l’appartement, il n’y a pas une trace d’effraction, les frères n’ont pas été réveillés. C’est comme si l’enfant s’était évaporée. Donc, il y a quelque chose d’assez magique dans cette disparition. »
Son livre, c’est l’histoire d’un petit garçon. Il a 9 ans, il s’appelle Madec Macand. Et il n’est pas anglais, mais français. Durant la première partie, c’est le personnage central. Un enfant à l’esprit vif, qui découvre la vie et qui s’interroge sur la mort. C’est d’ailleurs la dernière phrase de l’épilogue : « Madec aime bien mourir ».
Puis il disparaît. Il n’y a pas de mystère, on sait ce qui lui arrive. L’intrigue est basée sur le comportement de sa mère. L’auteur n’a pas cherché à se rapprocher de la réalité, mais de l’aspect humain, psychologique. Un enchaînement de gestes non réfléchis qui enferment la femme dans ses mensonges. Au point qu’elle ne parvient plus à faire la part du vrai du faux. Il ne soutient aucune hypothèse. Il ne cherche pas à démontrer la vérité, il en invente une. Il la rêve. « L’écrivain ne fait rien d’autre que cela : rêver la vérité ».
Arthur Dreyfus a 26 ans. C’est son deuxième roman. Dans cette interview, il raconte qu’une lectrice l’a interpellé pour lui demander si le fait de partir d’un fait divers pour écrire un livre, ce n’était pas un peu comme regarder dans un caniveau… Et il lui a répondu que la seule chose qui l’excitait, en tant qu’écrivain, c’était justement de regarder dans les caniveaux…
Ce n’est pas une très bonne réplique, mais son livre est remarquable à bien des égards. Je n’ai aucune compétence pour juger un écrivain, mais en tant que simple lecteur, je dois dire que ce monsieur a du talent. Il farfouille dans les âmes.
Dans la vraie vie, la famille McCann a systématiquement attaqué tous ceux qui parlaient de « leur » affaire d’une manière estimée déplaisante. On dit d’ailleurs qu’ils ont récupéré une petite fortune en dommages et intérêts. Je ne sais pas s’ils attaqueront Gallimard en justice. Leur dernier exploit juridique remonte à quelques mois. Ils s’en sont pris à trois personnalités du petit écran portugais, un présentateur-vedette, un psychologue et un journaliste.
Quant à Gonçalo Amaral, qui avait été condamné en première instance pour son livre L’enquête interdite (Bourin Éditeur), la Cour d’appel lui a finalement donné raison. Les McCann ont bien tenté un recours devant la Cour suprême de justice, mais celle-ci a rejeté leur demande. L’ancien policier va donc pouvoir récupérer une partie de ses biens qui avaient été placés sous séquestre et remettre son livre en vente. Sa vie privée en a pris un sérieux coup, mais c’est le bout du tunnel, comme il dit. Pourtant, je crois qu’il n’en a pas fini avec les McCann.
Je ne sais pas si un jour on saura ce qui est arrivé à la petite Maddie. Les disparitions d’enfants restent souvent inexpliquées. Mais cette affaire marquera son époque par sa médiatisation mondiale, via l’Internet, et par l’argent qui a été fait autour.
Et puis, il restera ce roman.
17 réponses à “La disparition de la petite Maddie devient un roman”
moi j ai eleve 6 enfants , une chose est sure , certaine , bravo a cette famille qui arrive a coucher (extraordinnaire !! ) , endormir ensuite (bravo !) en plein site merveilleux , une ambiance vacances somptueuses , ils arrivent a endormir sur le coup des 20 heures trois petits dont 2 deux deux ans , dans la meme chambre d hotel , une fratrie ! donc ils se connaissent et papote , mais ces parents là n ont aucun soucis !!
bravo a eux , franchement j aimerais connaitre leur systeme , moi meme en me fachant , meme en soudoyant , meme en etant tout ce que je veux , j ai 50 ans , je n ai jamais pu endormir des petits dans la meme chambre en periode de vacances a 20h.
ou alors les enfants n ont pas bien dormi pendant 48h et etaient extremement fatigues , mais a ce moment là les parents aussi … .
Moi je pense que c pas humain de laisser 3 enfants aussi jeune dans un appartement, que la mére a emdormi avec une dose de medicament pour dormir pour que les parents puisse aller au restaurant, je pense que les parents sont coupable!!! Et on ce demande aussi si la petite maddie aurais survécu a la dose de medicament, les parents l’ont-il tuer? On c pas seul dieux le c, j’espere qu’un jour on sera la veriter et j’espere pour eux que ce sera pas les parents les coupable car sinon honte a eux et a l’angleterre!!!
Histoire tragique, mais je ne peux m’empêcher de penser que l’on ne laisse pas trois tout petits dans une chambre d’hôtel inconnue, sans surveillance.
« Ces dossiers où l’humain , le respect de la vie et à plus forte raison, si c’est la vie d’un enfant, doivent marquer plus la conscience de ceux qui les traitent, que ceux qu’ils recherchent… »
Je voudrai rajouter qu’il faut souhaiter du mieux pour le policier espagnol si investi dans « sa mission », mais je crois que ce travail de police judiciaire doit faire des dégats dans plus d’une vie privée des fonctionnaires , qu’ils soient de police ou de gendarmerie
Ces dossiers où l’humain , le respect de la vie et à plus forte raison, si c’est la vie d’un enfant, doivent marquer plus la conscience de ceux qui les traitent qu’ils recherchent…
Mais, je crois que là aussi , cela évolue , des defreefs et des appentissages de prise de distance sont plus importants, mais il y aura toujours des dossiers qui touchent, qui perturbent autant les parents que les enquêteurs, car les enquêteurs sont aussi souvent des parents
Courage à tous
C’est effectivement là un très bon second roman pour Arthur Dreyfus !
http://culturez-vous.over-blog.com/article-arthur-dreyfus-belle-famille-roman-240-pages-janvier-2012-gallimard-17-90-100054245.html
La misère, les misères ont toujours été des sujets de romans…mais ce roman là est exceptionnel de par l’action des parents, la médiatisation, les incompréhensions qui virent à la haine …engendrés car on est dans l’irréel…et les sous…
Les parents ne comprennent pas que les autorités n’y arrive pas, les soupçonnent …et les autorités qui ont déployé force et courage, pensent que ça ne peux être qu’eux…
La misère est pour Maddie, ses petits frères marqués à jamais car peu de parents arrivent à retrouver une disponibilité totale pour ses autres enfants, quand la vie d’un autre les hante jour et nuit…quelque soit la vérité…
Dans les forces de l’ordre, beaucoup aussi de ceux qui se sont investis dans une affaire, doivent en ressasser longtemps les circonvolutions qui n’ont pas abouti…bien malgré eux…
Et, on voit parfois dans les familles qui ont eu tellement d’espoirs d’aboutir ensemble, qui ont mis tellement de confiance, on voit parfois qu’il y a tellement d’incompréhension dans la non réponse que la souffrance peut se transformer en agression de l’autre…une sorte d’une auto défense …
Il faut être sacrément psychologue et lucide, distant, grand, pour mesurer l’action et le ressenti des parents dans de telles circonstances…
Cela peut arriver à tout le monde, on ne le souhaite à personne…
Ce qui est fabuleux dans cette histoire c’est à aucun moment les parents des trois petits enfants n’ont été interpelés ni acusés d’abandon et d’irresponsabilité en laissant seule trois petits êtres sans aucune chance de se défendre.
Je suis très inquiet pour les deux frères de cette fillette disparue.
« Les disparitions d’enfants restent souvent inexpliquées »
Heureusement que ce n’est pas une généralité et, je dirai de moins en moins, car les moyens mis en oeuvre ont changé , des cellules sont plus importantes tout de suite, on a appris à trés bien chercher pas trés loin, et , depuis la mise en place de l’alerte enlèvement , tous les enfants qui en ont fait l’objet , ont été retrouvés vivants
Il y aura toujours, malheureusement, des cas non élucidés malgré l’énergie, la rigueur et les moyens employés…la part de la chance fait aussi partie de l’enquête et cela est souvent trés douloureux et difficilement compréhensible pour tous les parents…
Terrible destin pour Maddie surtout ,mais aussi pour toute sa famille…
Tout l’argent du monde ne peut remplacer votre enfant…
Pour ne pas sombrer , chacun a ses médicaments…la reherche de la vérité , de la réalité du sort de votre enfant, est toujours un terrible combat pour tous les parents…
Courage à tous et à tous ceux qui oeuvrent pour essayer d’y arriver…
Si j’étais élu président, je doublerai les crédits et les personnels de toute la chaine judiciaire
Je me suis toujours demandé comment des parents pouvaient laisser seuls des enfants de 4 et 2 ans, pour aller dîner au restaurant avec des amis. Or, je ne me souviens pas d’avoir entendu le moindre mea culpa de leur part à ce sujet.
Mr Douguet @
Vous savez comme la culpabilité traverse nombre de parents, même dans les suicides d’adolescents …elle arrive souvent aprés…quand toutes les questions sont restées sans réponse…
Mais, heureusement que tous les enfants dont les parents vont diner au restaurant ne disparaissent pas…
« Madec aime bien mourir ». Il faut savoir raconter ces enfants là, et je crois qu’on ne peut les raconter qu’en montrant leurs parents et des adultes avec l’ampleur de leur ambivalence envers l’enfance. Mais je ne lirai pas ce livre. Je suis fatiguée et triste de voir mourir des enfants, qui ne disparaissent pas, qui sont « corporellement » présents. Mais qui ont disparu et dont le corps n’attend plus même leur retour d’exil.
Merci Monsieur Moréas de cet article sur un livre que je viens de terminer moi-même et qui est, en effet assez remarquable, par le fond et la forme.C’est féroce, drôle souvent, délirant parfois, poétique aussi.
J’ai entendu l’interview en question sur France Culture, et A.Dreyfus,s’il dit en effet qu’il regarde souvent dans le caniveau pour chercher son inspiration, rajoute que c’est parce que le caniveau reflète le ciel. Jolie pirouette n’est-ce pas?
Cela m’étonnerait que les avocats des McCann s’attaquent à Gallimard. Quelle publicité supplémentaire ce serait pour ce livre qui a reçu un accueil très favorable de la critique.
Mais les McCann ont besoin d’argent pour payer leurs avocats, Carter Ruck ( 400 livres sterling l’heure pour ces défenseurs de Pinochet) . L’argent est le nerf de la guerre et toute personne contredisant leur version des faits ( scénario de l’enlèvement par un pédophile) est un ennemi potentiel ( ils ont plusieurs procès en cours). On, pourrait croire que , maintenant que Cameron a dégagé 3,5 millions de livres, aux frais du contribuable britannique pour que Scotland Yard fasse une revue de l’enquête, ils pourraient se passer de leurs détectives privés qui se sont fait surtout remarquer, soit par leur incompétence ( Método) soit par leur malhonnêteté ( Halligen). Mais non, ils sont là pour le long terme et de leur QG de Rothley, ils morigènent politiciens,journalistes et même policiers, comme si cette affaire était une bataille de longue haleine dont ils sont les généraux, une bataille dont la cause a été oubliée depuis longtemps.
N’empêche, quelque chose ne tourne pas rond dans cette fuite en avant.
Dans cette course en avant, quelque chose ne tourne pas rond en effet : ils ont perdu un enfant. Sont-ils coupables ? Je n’en sais rien. Mais en l’absence de la moindre preuve qui aille dans un sens ou un autre, ils sont coupables d’avoir organisé une opération inédite. On ne peut absolument raisonner et rationnaliser l’attitude de parents, qu’ils aient perdu ou tué leur enfant !
Vous avez eu raison de faire un roman de ce drame. Je l’ai fait aussi, pour des drames similaires. Ne transigez pas avec l’urgence de l’histoire qui vous enserre la gorge.
http://ysengrimus.wordpress.com/2010/03/01/adultophobie-l%E2%80%99expression-sans-concession-de-l%E2%80%99epouvante-lancinante-de-mon-imaginaire-de-parent/
et ce, malgré la vindicte myope et la veulerie salace qui vous attend dans le tournant.
Paul Laurendeau