Le baron Édouard-Jean Empain aurait pu être l’un des personnages de Dallas, le célèbre feuilleton américain dont le premier épisode a été diffusé aux États-Unis deux semaines après la fin de son calvaire : une séquestration qui aura duré 63 jours.
Les rapts avec demande de rançon étaient très mode à l’époque. Pour les seules années 1975-1980, les services chargés de la lutte contre le grand banditisme en ont recensé une quarantaine. Mais parmi ceux-ci, le plus marquant a été sans conteste celui du baron Empain. Une affaire exceptionnelle par sa durée, mais surtout par la personnalité de la victime, à la fois joueur, fêtard, coureur de jupons et patron d’un groupe industriel d’une importance capitale pour l’économie française, et même pour la sécurité nationale.
Avertissement
Le texte qui va suivre réunit à la fois des informations venant de journalistes, d’écrivains, de policiers et de personnes qui préfèrent rester dans l’anonymat. Je n’ai rien inventé, mais je n’ai pas pu tout recouper. À chacun de faire preuve de circonspection.
La pièce se déroulera en trois actes :
Acte I : La fin de la saga d’une famille milliardaire
Acte II : Jeux de piste pour la remise de la rançon et fusillade sur l’autoroute des vacances
Acte III : La garde à vue d’Alain Caillol et le voile enfin levé sur son mystérieux coup de téléphone
Lorsqu’il prend la tête du groupe Empain, Édouard-Jean a trente ans. Sa décision surprend tout le monde. Quoi, ce Belge un rien je-m’en-foutiste, cet éternel jeune homme qui n’a même pas fait une grande école, veut intégrer le cercle fermé des capitaines d’industrie !
Il est accueilli du bout des lèvres par ses pairs et avec une grande méfiance de la part des autorités politiques. Aujourd’hui, on dirait qu’il n’entrait pas dans les cases.
Pourtant, son ambition est débordante. « Rien ne pouvait m’arrêter », dira-t-il sur le tard – persuadé que son enlèvement a été orchestré dans le seul but de l’éliminer du monde des affaires et de mettre un terme à son élan de conquêtes (Les barons Empain, Yvon Toussaint, 1996, Fayard / Les barons Empain, une dynastie fracassée, documentaire, d’Alice Gorissen et Tanguy Cortier, 2015, Flair production). On ne connaîtra jamais la vérité, mais le résultat est là : il a été contraint de passer la main et d’abandonner à des gens « plus raisonnables » le groupe tentaculaire créé par son grand-père, le général Édouard-Louis-Joseph Empain.
En 1981, il vend ses parts du groupe : « J’ai été faible et ils en ont profité. »
Pendant plus de deux mois, le Quai des Orfèvres en son entier a été mobilisé sur cette enquête : un enlèvement crapuleux, sans plus, en apparence. Tandis que dans l’ombre s’agitaient des gens plus discrets sans que l’on sache, aujourd’hui encore, si leur objectif premier était de tendre la main à Édouard-Jean Empain ou lui maintenir la tête sous l’eau.
Un retour embarrassant
C’était le 26 mars 1978, le dimanche de Pâques, vers 21 h 30, ses ravisseurs déposent le baron dans le sud de Paris. Eux qui réclamaient une rançon de 80 millions de francs, y seront de dix francs de leur poche, « pour prendre le métro ». Continue reading
3 réponses à “L’affaire Empain par le trou de la serrure, acte I : La saga d’une famille milliardaire”
Cher Georges,
Après neuf ans d’abstinence, je redécouvre votre blog, et vos formidables talents de conteur en font une délicieuse fontaine de jouvence!
A titre personnel, je ne fais confiance à personne, jamais… sauf à vous? 😉
Rodikol aka C.Bastocha 😉
Super intéressant : on attend la suite avec impatience !
Oui. De plus la photo est extraordinaire.