Après sa libération, le baron Empain pensait être accueilli un peu comme un naufragé que l’on serre fort dans ses bras, à son premier pas sur la terre ferme. Ce fut exactement le contraire. L’amour de sa femme s’était évaporé au fil des révélations sur sa vie privée et, au sein de son entreprise, on était déjà passé à autre chose : après 63 jours de captivité, le baron Édouard-Jean Empain n’existait plus. Après avoir été séquestré, mutilé, martyrisé, comment admettre que son monde a tourné la page !… Plus d’un aurait craqué.
Empain est parti aux États-Unis, sac au dos. Une sorte de voyage initiatique. Une initiation à la vie. L’histoire ne dit pas s’il a fait un crochet par Vegas, mais c’est probable, car, après sa libération, sa réaction primaire a été : on m’a enlevé parce que j’avais du fric, je vais tout claquer.
« Au lieu de me parler d’amour, on m’a mis sous le nez ma vie privée »
Six mois plus tard, Édouard-Jean Empain est de retour. Il donne une conférence de presse pour montrer qu’il existe toujours et qu’il compte bien reprendre la présidence de son groupe. Il se veut consensuel, mais le pli de la bouche est amer. Il félicite René Engen, l’homme qu’il a tiré de « sa » verrerie, dix ans plus tôt, pour en faire son directeur général, et qui, durant son absence, a su maintenir le groupe à flot. Mais en même temps, il déclare qu’on a voulu l’écarter, lui, le trublion de l’establishment. Il remercie la police de l’avoir sauvé, « mais ce qu’elle a trouvé dans mes tiroirs, il n’était pas utile d’en faire part à ma famille ».
Pour reprendre le collier, il cherche à dédramatiser, mais à l’évidence, il n’arrive pas à passer l’éponge. Les autres non plus. Les portes se ferment. Ses relations avec René Engen se détériorent. Son refus de payer la rançon est comme un cactus entre les deux hommes, même si Engen se défend, affirmant qu’il lui a probablement sauvé la vie.
Sa vie ! C’est une question qui doit vibrionner dans la tête du baron : une fois la rançon versée, ses ravisseurs l’auraient-ils éliminé ? Ce n’est pas sûr. Il ne représentait pas un danger pour eux dans la mesure où il n’a jamais vu leur visage et, sans le concours (involontaire) d’Alain Caillol et celui de la DST, les policiers n’auraient même pas pu retrouver la villa où il était séquestré.
Il s’en est sorti vivant, mais c’est un homme cassé. Continue reading
7 réponses à “L'affaire Empain par le trou de la serrure, acte IV : Rien ne sera plus comme avant”
Merci donc à l’excellent porte parole de Michel D.
On comprend que ni les commanditaires ni leurs motifs n’ont été identifiés, et évidemment, (n’est ce pas l’intention de l’auteur?), on se demande quelle part la direction du groupe industriel et l’état, ou un état, a pris dans cette affaire quand celle ci est présentée dans son contexte économique.
On s’en tape d’un riche séquestré, parlez-nous plutot de Michel Sardou
tres bon récit !
trop jeune, je ne connaissais pas ce fait divers mais j’ai pris grand plaisir le lire !
Merci.
Toujours aussi bien raconté !
Pour ceux qui seraient intéressés, un des protagonistes raconte sa version des faits :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/salaud-mais-pas-trop-13-alain-caillol-et-le-kidnapping
Merci commissaire pour cet histoire hélas bien réelle, et qui vaut allègrement nombre de « polars ».
Une question que vous effleurez, mais pour laquelle vous ne donner quasi aucun indice : la première équipe auteur du rapt et de la détention inhumaine du baron Empain. Si on devine assez facilement son origine ( ex militaires reconvertis dans la barbouzerie et/ou mercenariat ), j’avoue resté sur ma faim en ce qui concerne ses commanditaires et leurs objectifs. Ces derniers auraient ils été d’ordre politique ou/et économique ?
Histoire sagement racontée pour la fin, un peu fataliste : ainsi se terminent les choses et la vie
Merci pour cette belle saga et ne tardez pas trop à nous en racontez d’autres, hein m’sieur !
@ bientôt donc
Formidable épilogue, merci Commissaire!
« Ceux auxquels j’ai directement affaire sont les sous-officiers et les hommes de troupe : ils me parlent, mais en maquillant leur voix, ce qui serait assez comique en d’autres circonstances. Les autres, les chefs, dont je devine la présence à une certaine agitation autour de ma tente, se taisent. »
C’est un peu « L’ennui des seconds couteaux » 😉
Vous avez le sens de la formule, et peut-être une bonne perception des êtres et des événements.
rodikol