Ces derniers temps, le journaliste Frédéric Ploquin a amicalement infiltré les réunions (arrosées) d’anciens de la PJ pour mieux recueillir les souvenirs, les confidences, voire les aveux, de ceux qui ont mené la vie dure aux beaux mecs du siècle dernier. Ces offices spécialisés de la police judiciaire (banditisme, stupéfiants, proxénétisme…), rattachés à la sûreté nationale, avant que la police ne devienne « nationale », étaient installés au 127 rue du Faubourg-Saint Honoré, à deux pas de la Place Beauvau. Des locaux qui abritaient une banque, réquisitionnés par l’État à la Libération. À la différence de leurs collègues du 36 quai des Orfèvres, les policiers de ces services disposaient d’une grande autonomie et fonctionnaient un peu comme des commandos, efficaces, mais peu soucieux de mordre la ligne. C’était avant que la police ne se militarise, avant que tout le monde ne soit coulé dans un même moule.
Frédéric Ploquin en a tiré un livre, C’était la PJ, aux éditions Fayard, sorti ces jours-ci.
Claude Bardon, l’un des derniers « survivants » de l’époque de l’après-guerre d’Algérie a quitté les paras pour la police. À la création de la BCDRC, que personne n’appelait le bureau central de documentation et de recherche criminelle (trop administratif), et qui plus tard deviendra l’Office du banditisme (OCRB), il pénètre le milieu parisien en se glissant dans la peau d’un « bordelier » qui « place des gonzesses ». Rapidement, les tuyaux affluent.
« L’adrénaline nous motivait, se souvient-il. Je n’avais rien d’un justicier ni d’un donneur de leçons, j’y allais pour le fun. » Et en fait, en deux mots, tout est résumé : ces flics à l’ancienne bossaient pour leur plaisir. Comme m’avait dit un jour un directeur : « Vous devriez payer pour faire ce métier-là ! »
Une drôle d’époque où, dans un commissariat, un soir de raout, on pouvait décider de brûler toutes les commissions rogatoires en retard ou de mettre discrètement le feu à un bidonville…
De quoi faire rêver certains policiers en activité ! Je parle du raout, évidemment.
Et les résultats sont au rendez-vous, pratiquement cent pour cent de réussites. « On était des prédateurs, des voyous, se souvient Bardon. On ramenait de la « viande » en permanence. Les cages étaient toujours pleines. On faisait peur, au point que certains gars se décomposaient en demandant ce qu’on voulait savoir. On était heureux quand on faisait une belle affaire. On était simples et frustes. »
Quoi, un avocat ! Continue reading
12 réponses à “Confidences de flics à l’ancienne ou l’histoire du 127”
Où es tu LULU ?. On t’aimait bien . Tu aurais pu vivre encore un peu, pour notre bonheur, pour notre lumière , avec ton sourire avec tes yeux clairs, ton esprit ouvert ton air généreux. Tu avais l’amitié savoureuse et tu nous régalais de ta façon de conchier les carriéristes de la Police , le cul vissé sur la chaise, envoyant leurs flics se faire trouer la peau. Tu aurais pu vivre encore un peu
mon fidèle ami, mon copain, mon frère, au lieu de partir tout seul en croisière et de nous laisser comme chiens galeux. Tu as quitté cette France en déliquescence dans la fumée de ta dernière cigarette. Les grands flics virés pour avoir payé des indics avec de la drogue faute de fric dans la caisse détournée par le Ministre,
une Police en déshérence, une justice qui ne porte plus son nom, tout cela t’insupportait . Mais tu aurais pu jouer encore un peu,
ne pas t’en aller sans qu’on ait pu faire, à ces rigolos mordre la poussière avec un enjeu du tonnerre de Dieu. T’aurais pu rêver encore un peu,tu aurais pu jouer encore un peu , au lieu de lâcher tes boules peuchère. Aujourd’hui sans toi comment va-t-on faire
Dans notre triplette on n’est plus que deux. Avec Gilbert THIEL l’un des derniers » Juge Courage », que tu priais malicieusement d’assurer ta rédemption, on se souviendra de la verve Marseillaise qui animait tes histoires de voyous, de ton sourire qui te faisait plisser le coin des paupières, de la sincérité de ton amitié et de cette tendresse dont tu as entouré Martine jusque dans ses dernières épreuves avant la nuit. Adieu Poulet. Adieu l’ami. Nous nous reverrons un jour ou l’autre si Dieu le veut.
LE TOMBEUR DE MESRINE A LÂCHÉ LA RAMPE…
SOUVENIRS ET HOMMAGE À UN TRÈS GRAND POULET
Par Alain Hamon
Agence de presse CREDO
Au risque de passer pour un vilain garçon, je l’écris sans haine et sans crainte : si Lucien Aimé Blanc (LAB pour les intimes) n’avait pas existé, Jacques Mesrine n’aurait sans doute jamais été neutralisé le 1er novembre 1979. Et, allons encore plus loin, si l’opération avait été menée de bout en bout par l’Office centrale de répression du banditisme (OCRB), dirigé par celui que l’on apostrophait sympathiquement à grands coups de « Lulu », peut-être l’ennemi public N°1 de l’époque n’aurait pas été troué de plus de balles qu’il en faut pour mourir… Je me souviens de « Lulu », acceptant de répondre à quelques questions à mon micro de RTL. C’était à l’issue de la conférence de presse triomphante du ministre de l’Intérieur, accompagné du directeur central de la PJ, de son homologue du 36 Quai des Orfèvres et du procureur général de Paris.
Et le chef de l’OCRB de me confier qu’il regrettait cette fin, avec pour ultime commentaire qu’il aurait de loin « préféré parler avec Mesrine, avant de monter les marches du palais de justice de Paris à ses côtés » Ressort géographique et administratif oblige, l’anti-gang avait été associée à l’hallali, terminant dans le sang le patient travail d’enquête d’Aimé Blanc et de ses gars. Celui-là même qui avait permis de remonter la trace de Charly Bauer, complice de Mesrine. Ce qui permit de surveiller, de filer le premier, jusqu’à tomber sur le second et de découvrir sa planque.
LA POLICE D’AIMÉ BLANC
C’est un indic’ d’Aimé Blanc qui avait balancé le tuyau qui permit à l’OCRB de retrouver Bauer. Et Maurice Bouvier refusant de payer à une « balance » la prime pourtant promise à « toute personne susceptible d’apporter aux autorités des informations sur Mesrine », LAB se débrouilla autrement. Bien avant qu’il le fasse lui-même dans un des deux siens, j’avais raconté dans un de mes bouquins comment le flic avait aidé son informateur et un complice à cambrioler une résidence huppée du 16e arrondissement de Paris. Pour ce faire, il leur avait fourni l’escorte de deux inspecteurs de l’OCRB qui avait surveillé la demeure tandis qu’elle était dévalisée, puis balisé le parcours du véhicule transportant meubles rares et œuvres d’art, afin qu’il ne soit pas inquiété par une patrouille intempestive. Mis en cause, plus tard, par plusieurs de ses pairs et collègues, pour ces méthodes « anachroniques », sa trop grande fréquentation des voyous et sa gestion des indicateurs, Lucien Aimé Blanc répondait en 1981 : « J’ai fait de la police comme on me l’a appris. Ce n’est pas à d’autres fonctionnaires de me mettre en cause, d’autant que ce sont souvent eux qui m’ont demandé de m’immiscer dans de curieuses combines et que j’ai obtenu des résultats satisfaisants ».
COUPS DE GUEULE
N’empêche, quelque temps plus tard, LAB était nommé directeur de la PJ de Lille, un placard capitonné pour celui qui, à la suite de la fin de Mesrine, était promu à un poste de directeur central PJ, à tout le moins d’adjoint. C’est justement la traque de Mesrine, et plus particulièrement l’épisode de l’enlèvement du vieux Henri Lelièvre, qui avait été l’occasion pour Lucien Aimé Blanc et moi de nous colleter. Un épisode d’anthologie ! Lui, sur le pas de la porte du Griffon, le bistrot jouxtant le siège de l’OCRB, me traitant de tous les noms d’oiseaux possibles, moi lui répondant, devant clients et plusieurs de ses gars : « Mais vous en êtes un autre, M. le divisionnaire ». En fait, il s’était pris un savon par le DCPJ (Maurice Bouvier dit la pipe car, même à vide, il tirait constamment dessus…). Aux yeux de ce dernier, RTL avait fait trop vite (et trop près) pour relater la remise de rançon, et la fusillade essuyée par l’équipage de l’OCRB le plus proche de la voiture du fils Lelièvre qui allait au contact. Lulu n’y était pour rien. C’est un de ses hommes qui, trois jours plus tôt, m’avait donné tout le dispositif, horaire de mise en place compris… Y avait plus qu’à suivre ! Mais, comme à son habitude, Lucien avait couvert son gars, dont j’attendis le décès pour lui dire que la fuite venait de celui-ci…
UNE VIE DE GRAND FLIC
Du démantèlement des labos d’héroïne de la French Connection, à l’affaire Mesrine, en passant par l’assassinat du juge Michel dont il était fier d’avoir été l’ami, de la brigade mondaine du 36 à l’OCRB du 127 st Honoré, en passant par l’antenne marseillaise de l’Office des stup’s, Lucien Aimé Blanc a eu une vie de flic bien remplie. Oui, il avait des méthodes pas toujours orthodoxes ; oui il avait profité personnellement de certains « chantiers » qu’il avait monté sur ordre ; oui il pouvait « aider » les truands à se détruite entre eux, en les montant les uns contre les autres ; oui il menait grand train, sortait la nuit, fréquentait des mères maquerelles, des repris de justice, des personnages peu recommandables. Mais seuls les voyous, les trafiquants, les assassins, quelques escrocs en col blanc auraient pu s’en plaindre. Car, c’est en vivant et en travaillant ainsi qu’il les faisait tomber… À tel point qu’il est impossible de savoir combien d’affaires résolues l’ont été grâce à LAB, qui préférait parfois refiler ses tuyaux à un autre service, afin de ne pas apparaître au moment de l’addition… Autres temps, autres mœurs. La police d’aujourd’hui ne pourrait se faire selon les méthodes d’Aimé Blanc. La majorité de ses chefs a bien trop peur de son ombre pour déborder du cadre… Des magistrats comme ceux qui appuyaient Lulu, n’existent plus, ou presque. Tous veulent laver plus blanc que blanc, mais sans mettre les mains au panier de linge sale, sans même ouvrir la porte de la machine… À l’époque où Lucien Aimé Blanc était aux affaires, seules les mains du grand flic qu’il était pouvaient rester barbouillées. Le linge de la délinquance et de la criminalité lui, finissait blanc. Adieu poulet !
Un petit commentaire tardif. Je connais quelques têtes sur la photo, dont la vôtre, et cela m’a permis de constater une fois de plus que ma mémoire des noms ne s’améliore pas.
J’ai connu quelques un(e)s des collègues cité(e) dans l’ouvrage de Frédéric Ploquin, et je peux notamment attester de l’anecdote relative au fait d’armer un pistolet automatique sans manoeuvrer la culasse, spécialité de Michel V., avec qui j’ai fait quelques temps équipe au GRB de l’antenne P.J. de l’Essonne, à Juvisy/orge (cela ne nous rajeunit pas) avant qu’il rejoigne l’OCRB. Mais, dans mon souvenir, l’arme était un Colt 45 et non un MAC 50. Je ne pense que cela change quoi que ce soit à la performance , Michel étant le seul de l’antenne à réussir cette technique.
Cordialement
Michel avait un Mac50 perso dt le ressort de culasse devait être qque peu fatigué, ce qui lui permettait d’armer le pistolet d’un geste sec du bras sans toucher la culasse…
Non Coco je n’ai jamais eu de Mac 50 perso ni d’arme perso d’ailleurs. J’ai parfois été fatigué, et même manqué de ressort de temps en temps, mais j’ai toujours veillé à ce que celui de mon flingue fût en bon état. J’ai aussi été inconscient à l’occasion mais pas jusqu’au point de monter en opération avec une arme trafiquée prête à s’enrayer.
J’en profite pour te saluer Georges, et te féliciter pour ton blog, Mes amitiés également aux intervenants comme Daniel, Jacques et d’autres avec qui j’ai travaillé et que j’ai appréciés.
Michel
Merci Michel de me corriger, ma mémoire s’effiloche indubitablement. Pardonne mon erreur et nul ne doute de ton sérieux professionnel, moi le premier. Très content de te lire (le blog de GM permet entre autre, avec l’amicale, de « rester au contact »), même si c’est +/- à l’occasion du départ de Lucien.
Un grand salut.
déjà novembre… On attend et on espère un nouveau billet
Voili voilà !
Merci pour cet article.
127 est un nombre premier, ce que n’est pas 36 🙂
(sur une émouvante photo où on retrouve le tôlier en 8e debout en partant à gauche ?) : eh bien dites donc, GM, l’ex police aux commandes, ça nous les conservait en forme hein !…
Les ouvrages de Frédéric Ploquin sont toujours des petits bijoux. Je lirai celui-ci avec sans doute autant de plaisir que les précédents. J’ai encore le souvenir ému du livre que m’avait prêté un détenu à une époque où je fréquentais le milieu carcéral. Il était consacré aux évasions et les pages où il était question d’une « belle » de la prison qui l’hébergeait avaient été si souvent lues par lui et ses codétenus qu’elles en étaient noircies par les mains qui les avaient feuilletées.
Bonjour ne parlez vous que des flics Parisiens? Il y a du de belles affaires a Lyon ou Grenoble a cette epoque…je possede un Paris match qui epoque CES annees…en particulier Verne et des hommes…