Depuis que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a changé son fusil d’épaule, le processus est en marche : un millier de caméras supplémentaires vont bientôt surveiller les rues de la capitale. Ce qui rejoint la volonté affichée par la ministre de l’Intérieur de tripler le nombre de caméras sur les voies publiques d’ici deux ans.
Il est loin le temps où l’on fustigeait le maire de Levallois, Patrick Balkany, qui dès 1993 avait doté sa ville d’un réseau de vidéosurveillance !
En 1995, dans une loi relative à la sécurité voulue par Charles Pasqua, un article entier est consacré au sujet. Une fois n’est pas coutume, ce texte est simple et bien ficelé. En résumé, il impose une autorisation préfectorale pour toute installation dans un lieu public, il limite à un mois la conservation des enregistrements et spécifie que chacun a le droit de se faire communiquer les images où il apparaît.
On parle aujourd’hui d’environ 20.000 installations sur la voie publique. Mme Alliot-Marie a annoncé l’année dernière que ce nombre serait porté à 60.000. Trois mois après cette annonce, elle a créé une commission nationale composée de représentants de la police, de la gendarmerie, des transports, etc. Ce qui laisse penser qu’une fois de plus, on a mis la charrue avant les bœufs.
En fait, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu en France une étude préliminaire sur le sujet. On s’est contenté de sondages qui donnent en général un pourcentage important de gens favorables, voire très favorables, à la vidéosurveillance. Pourtant, il est impossible aujourd’hui de prouver l’impact de cette technique sur la criminalité. Ce ne sont pas les caméras dans les banques qui ont fait baisser le nombre de hold-up, mais le fait tout simple qu’on y trouve de moins en moins d’argent. Non, la principale utilité est subjective : dans un climat d’insécurité, on se sent protégé par la présence d’une caméra. Fausse sécurité, affirment les opposants : il existe pas loin de 10.000 caméras dans les couloirs et les gares de la SNCF et de la RATP, comment voulez-vous surveiller toutes ces images ? On les enregistre et on les ressort après-coup.
L’aspect négatif est plus sournois. Certains estiment que nous pourrions inconsciemment modifier notre comportement quand nous nous sentons « filmés ». La vidéosurveillance aurait alors sur nous un effet « engourdissant » et nous imposerait une manière d’agir uniforme. Ce qui à long terme pourrait devenir un outil de contrôle de la société.
Dans un document paru dans Le Monde diplomatique, Noé Le Blanc (ici) nous dit : « Au Royaume-Uni, un individu peut être filmé par les caméras de vidéosurveillance jusqu’à trois cents fois par jour. Partout célébré, souvent imité, ce « modèle » de lutte contre la délinquance bat néanmoins de l’aile. De l’aveu même de ses promoteurs, il serait un « échec complet ». »
Nos voisins anglais ont essuyé les plâtres. Cela devrait nous faire réfléchir : faut-il investir des sommes considérables dans un système qui semble ne pas donner satisfaction ?
En 2002, au Canada, le Commissariat à la protection de la vie privée a demandé l’avis de l’ancien juge de la Cour suprême, M. Gérard La Forest. « La vidéosurveillance exercée sans motif valable, a-t-il répondu, constitue une grave menace à la vie privée, encore plus grave lorsque l’enregistrement est continu ».
Alors, faut-il empiéter sur notre liberté individuelle, renoncer à notre vie privée, pour un système dont on n’est pas certain de l’efficacité ?
Si l’on veut se faire une opinion objective, il faut tracer un tableau des avantages et des inconvénients.
Avantages :
– Surveillance de déplacements de masse et possibilité de prévenir des actions concertées.
– Éléments de preuves pour poursuivre en justice les auteurs de crimes ou de délits.
– Sentiment de sécurisation dans la population (c’est à la fois un avantage et un inconvénient).
– Effet dissuasif (incertain).
Inconvénients :
– Création d’un faux sentiment de sécurité (Une caméra n’empêchera pratiquement jamais une agression).
– Déplacement de la criminalité vers des zones non protégées.
– Une fois l’installation effectuée, possibilité de détourner son utilisation à d’autres fins que la sécurité.
– Classement possible de la population sur des aspects physiques (surtout avec l’arrivée de la biométrie).
– Possibilité de couplage avec d’autres techniques de surveillance.
– Le coût.
Ainsi, pour l’installation de 1000 caméras dans les rues de la capitale, le budget est estimé à plus de 40 millions d’euros. Mais comme on n’a pas les sous, il a été prévu un partenariat public-privé. La mairie doit financer les travaux de voirie et l’État versera un loyer à des sociétés prestataires de service. Au bout de la chaîne, c’est la police qui doit assurer l’exploitation. Au grand dam des syndicats qui estiment que cela va se traduire par une diminution des effectifs sur le terrain.
En tout cas, la préfecture de police devra mettre la main à la poche, car le matériel actuel est obsolète et elle a déjà bien du mal à en assurer correctement l’exploitation.
Il appartient donc à chacun de se faire une opinion, avec en toile de fond le sempiternel balancement entre sécurité et liberté individuelle.
À Paris, tout le monde n’est pas d’accord avec le projet de vidéosurveillance, loin s’en faut. Au sein de la municipalité, certains y vont en traînant les pieds, notamment les Verts. Jacques Boutault, le maire du II° arrondissement organise un débat public, le vendredi 28 novembre 2008, pour discuter « les enjeux de l’installation des caméras de vidéosurveillance dans l’espace public ». J’y participerai. Si vous êtes intéressé, vous pouvez venir (ici), ou me transmettre vos questions.
10 après a rédaction de cet article les mentalités en matière de sécurité n’ont pas changées et le phénomène de l’accélération de la vidéoprotection ne cesse de s’accentuer. De nombreuses villes de province s’équipent et s’équiperont encore afin de préserver des espaces sécurisés et les évènements tragiques qui ont touchés la France ne risquent pas de freiner cet élan du tout sécuritaire.
La mentalite des petits bleds planque derriere ses rideaux n’a pas vraiment change… a ceci pret que les pandores vous affirmeront qu’il est tres aleatoire de se fier a ces temoignages ( en laissant de cote la Corse, un peu trop typee, etudiez les affaires celebres ou il est fait etat d’un « corbeau » ).
Maintenant, un element rassurant est a peu pres acquis ; un secret « local » servant de levier a un chantage conservera une incidence strictement locale…. En serait-il de meme dans une grande agglomeration, et pire ! dans la capitale ?
Les tabloids vivent presqu’exclusivement grace a l’indiscretion de personnes tenues au « secret professionnel »… qu’en serait-il d’une proliferation irraisonnee de cameras ?… Pourquoi pas une generalisation du port du bracelet electronique reserve aux delinquants mineurs pour connaitre avec certitude l’identite des personnes presente a tel moment dans un tel endroit, tant qu’a faire ?
Oui, les cameras peuvent avoir un effet dissuasif dans certains lieux de grande affluence… mais les problemes ainsi esquives ne sont-ils pas tout simplement reportes en d’autres lieux ?
Quelques experiences probantes pourraient nous ouvrir les yeux sur l’efficacite de certaines mesures securitaires « miracles » ( ou purement politiciennes ?).
La prohibition americaine… qui a offert a Cosa Nostra un moyen d’expansion auquel les affilies eux-memes n’auraient jamais songe… et qui a permis, entre autre, au pere d’un futur president d’asseoir une fortune deja consequente.
Les lois repressives sur le port d’arme… dont l’effet se fait exclusivement ressentir sur les gens ordinaires… Les dignitaires trafiquent sans vergogne et sans grand risque, du simple pistolet aux missiles strategiques… et les malfrats, port-d’arme obligatoire ou pas, ont de tous temps deniche les moyens d’attaque ou de defense convoites.
La securisation des documents d’identite… sans vouloir en faire une specialite Corse, il suffit de constater avec quelle facilite les « personnes de confiance » de notre elite ventilent les « vrais-faux-passeports » pour se donner une idee precise des difficultes, pour la delinquance de pointe, de se fournir…. aupres des officines d’etat… ou clandestines.
En y reflechissant bien, et depuis longtemps, j’en suis parvenu a denicher la vraie question ; la proliferation de la delinquance de haut niveau tient-elle plus a l’intelligence des postulants… ou a l’avidite des corrompus qui les protegent ?
L’Italie creve de ne pouvoir trouver une voix assez forte pour repondre a cette question.
Un envoyé spécial (ou autre émission) à la TV, tendait à prouver l’efficacité possible de ces caméras : assassinat gratuit dans la rue au couteau. Le criminel s’enfuit et prend le bus… un témoin le voit monter dans le bus. Et là le jeu de caméra fonctionne : celle qui est dans le bus, puis celles du métro… sur l’intégralité de son trajet d’après crime… en trois jours l’individu est retrouvé car son trajet de retour à la maison une fois filmé a permis de visualiser son physique et localiser son quartier de vie…
Bien sûr, tout cela est liberticide… Orwell au secours !
Mais la satisfaction (mesurée) de la famille de la victime apprenant qu’en trois jours le tueur était retrouvé par le travail de la police n’est pas à négliger… et elle est compréhensible.
Souriez , vous êtes filmé !
Remarque quand on vivait dans un pti village , jadis, on était également TRÈS surveillé… par ses voisins-voisines, même sans caméra… 😉
Après avoir vécu à Paris je vis à Londres depuis quelques mois, et le caractère très mixte des résultats de la vidéo surveillance me parlent tout à fait. La perspective dissuasive semble la plus privilégiée: il y a des pancartes « CCTV in operation » à peu près partout. Cela dit ça semble faire plutôt du sens dans un environnement urbain où les espaces de vie (cafés, restaurants, commerces, bureaux de poste, etc.) sont extrêmement concentrés (et non relativement bien distribués comme à Paris) et où les quartiers résidentiels sont 100% résidentiels: dans ces quartiers il peut donc n’y avoir vraiment personne dans la rue en début de soirée ou même en journée.
Puisque vous avez voix au chapitre et que l’on va installer des caméras à Paris, puis-je suggérer que l’on installe une surveillance vidéo (dissimulée, pas dissuasive) avec prise de vue sur le coin rue Légouvé / passage des Marais, dans le 10ème arrondissement. Quand j’habitais dans le quartier les agressions nocturnes y étaient très très fréquentes. Autant que ces caméras servent à quelque chose…
A Ploërmel, les caméras n’ont pas été très utiles le 6 septembre lorsque la statue de Jean Paul II a été déguisée de façon spectaculaire par quelques militants : http://atheisme.org/ploermel3.html
Il faut dire qu’il n’y a eu aucune dégradation.
Il faudra une carte précise (qui sera l’inverse de celle du tendre) afin de déterminer un itinéraire amoureux sans crainte des représailles honnêtes.
Qu’il y ait une utilité à la présence de caméras de surveillance dans les lieux publics cela est une certitude. Maintenant est-ce assez ? Il faudrait à partir des expériences menées ici ou là procéder à un examen approfondi de cette technologie. Pour ce qui est de la polémique, elle est nécessaire, salutaire et démocratique. Enfin, considérant vos vitupérations contre « les philosophes de tout poil » et autres « droitsdel’hommiste », je ne vois pas le lien avec le billet de George Moréas au moins que vous ne vouliez parler de ceux qui ont un avis différent sur le sujet et qui relierait cela à des questions philosophiques… Alors Bravo!
Diogène
Bonjour,
Pour ma part je considère que les caméras de surveillance sont utiles:
– Il n’y aurait même qu’une infime chance d’identifier l’auteur d’un crime par ce moyen que leur présence est donc justifiée.
– Polémiquer sur sur leur effet dissuasif ou non revient à polémiquer sur la nécessité de la possession de la dissuasion nucléaire par une nation.
– De toute façon en général ça ne gêne que ceux qui on quelquechose à cacher. Pour ma part je circule sans même y penser et çà ne change pas ma façon de me comporter.
– Y en marre des « phlosophes de tout poil » et des « droitsdel’hommistes » hypocrites qui sont les premiers à villipender la police quand ils sont victimes et que les moyens n’ont pas permis de leur rendre justice.
– Il y a d’autres économies à faire dans la gabegie générale de la fonction publique.
– J’en passe et des meilleures.
Merci par ailleurs pour votre blog avec des sujets toujours intéressants.
Le port des capuches et passe-montagnes (en hiver) sera-t-il bientôt interdit ?