LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Société (Page 8 of 40)

À la recherche d’un maintien de l‘ordre républicain

Dans son discours de fin d’année, le président Macron s’est montré menaçant, stigmatisant les Gilets jaunes et affirmant que l’ordre républicain serait assuré « sans complaisance ». Une réflexion qui a fait réagir pas mal de policiers, dont ceux du syndicat contestataire (et contesté) « France Police – Policiers en colère » qui rappelle que depuis le 17 novembre, « plusieurs manifestants pacifiques ont été probablement mutilés par nos LBD [lanceurs de balles de défense] et nos grenades de désencerclement ». Et les syndicalistes de s’interroger pour savoir ce que les policiers doivent faire de plus pour être moins complaisants avec les Gilets jaunes !

Charpentier, 1957

Il faut reconnaître que dans notre pays, un tel usage de la force et des armes pour disperser des manifestants nous ramène loin en arrière.

Si au temps d’une vie notre mètre étalon est Mai-68, le préfet de police, le ministre de l’Intérieur et autres, devraient relire (ou lire) la lettre individuelle que le préfet de police Maurice Grimaud, adressa à chacun des policiers parisiens, quel que soit son grade, près d’un mois après le début des manifestations : « … Je veux parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force. » Dans ce courrier, tout en se montrant solidaire de « ses » hommes, il a le courage de leur dire que la réputation de la police – notre réputation, écrit-il – est en jeu : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. » Mais Grimaud ne s’est pas contenté d’écrire, bien calé dans son fauteuil de cuir, en regardant depuis sa fenêtre Paris s’enfiévrer. Non, chaque jour, il était sur le terrain, sillonnant les rues de la capitale, seul, sans garde du corps, au volant de sa 4 L banalisée, parlant avec les uns, avec les autres. Et ses commissaires l’ont imité : ils sont allés dialoguer. « Une manifestation dans laquelle on a pu établir des contacts se passe infiniment mieux que celle où l’on va comme sur un champ de bataille », dira-t-il, quarante ans plus tard.
La stratégie utilisée lors des manifestations de Mai-68 dans la capitale a assis la réputation de la police française dans le monde entier.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Un autre préfet avant lui, Louis Lépine, avait tenté de faire entrer dans les mœurs un maintien de l’ordre apaisé en tentant de répondre à cette gageure : tenir la rue contre les « trublions » tout en respectant le droit de chacun à manifester sans risque pour sa vie. Continue reading

Gilets jaunes : manifestants, trublions ou révolutionnaires ?

Pour la première fois depuis longtemps, la France connaît un mouvement populaire, spontané, sans arrière-pensée politicienne, juste pour dire : « Ça ira ! » En manifestant ainsi, en dehors des clous, les Gilets jaunes prennent des risques : le risque d’un mauvais coup ou d’une bouffée de lacrymogène, mais surtout celui d’être confrontés à une législation qui dénature le droit de manifester ses opinions, notamment en créant une responsabilité collective qui tient plus de la loterie que de la justice.

En fait, nous dit l’article 431-3 du code pénal, tout rassemblement sur la voie publique susceptible de troubler l’ordre public devient un attroupement. Et le code de la sécurité intérieure (art. 211-9) rappelle qu’un attroupement peut être dispersé par la force après deux sommations de l’autorité compétente. Le manifestant qui n’obtempérerait pas, risquerait, d’abord de subir des « violences légitimes », et/ou un an de prison, trois s’il a le visage masqué, et même cinq s’il est porteur d’une arme par nature ou par destination.

Pourtant, à l’issue de la manifestation de samedi dernier sur les Champs-Élysées, une vingtaine de personnes se sont retrouvées devant la 23° chambre correctionnelle de Paris, celle des comparutions immédiates, non pour délit d’attroupement mais pour « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ». Il leur a donc été appliqué la loi « anti-bande » du 2 mars 2010, indigne héritière de la loi anti-casseurs des années post soixante-huitarde. Lors de la discussion de cette dernière, à l’Assemblée nationale, le député Mitterrand avait dit : « Cette loi est dangereuse parce qu’elle altère gravement le droit de rassemblement. »

Sa remplaçante ne vaut pas mieux. Elle est d’ailleurs sévèrement critiquée par les juristes, qui considèrent qu’il s’agit là d’un droit flou et dérogatoire : l’association de malfaiteurs du pauvre, en quelque sorte. Sous prétexte de protéger les citoyens des violences de groupes, disait en 2009 le Syndicat de la magistrature, « ce texte contribuera à pénaliser à la fois les plus démunis et ceux, militants et citoyens, qui veulent agir ensemble pour faire connaître leurs droits ».

On est en plein dedans. Continue reading

Mélenchon : les limites juridiques, judiciaires et politiques de l’enquête préliminaire

La semaine dernière, une quinzaine de perquisitions simultanées ont été menées au domicile de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches, ainsi que dans les locaux de La France insoumise. L’opération de police judiciaire a été menée en enquête préliminaire sous la houlette d’une demi-douzaine de substituts du parquet.

Avec sa verve habituelle, le président de la FI, a dénoncé une « énorme opération de police politique », affirmant dans une conférence de presse qu’il allait demander l’annulation de la perquisition au siège de son parti.

Ce n’est pas gagné !

L’enquête préliminaire découle de l’enquête « officieuse » du début du siècle dernier. Une pratique adoptée par les policiers en l’absence de textes pour encadrer leur travail. Cette enquête ne leur donnait évidemment aucun pouvoir, mais comme elle n’existait pas, ils en prenaient beaucoup.

Cette expérience de terrain a été légalisée en 1958, avec l’adoption du code de procédure pénale qui a sonné la fin du code d’instruction criminelle de 1808. L’enquête préliminaire est une enquête de « consentement », autrement dit sans contrainte, qui permet de vérifier l’existence d’un soupçon, afin que le procureur de la République puisse engager des poursuites ou classer le dossier. Elle peut être diligentée à l‘initiative d’un officier ou d’un agent de police judiciaire de l’article 20, ou à la demande du procureur de la République. Ce qui, aujourd’hui, est le plus souvent le cas. La formule « le parquet a ouvert une enquête préliminaire » était rarement utilisée il y a seulement quelques dizaines d’années.

L’enquête préliminaire présente un deuxième volet, qui cette fois n’est pas basé sur le soupçon, mais sur un fait concret, un crime ou un délit qui a été réellement été commis et constaté, lorsque la période de flagrance est écoulée et qu’aucun juge d’instruction n’a été saisi.

Mais dans un monde de plus en plus sécuritaire, les choses ont évolué Continue reading

L'affaire Empain par le trou de la serrure, acte IV : Rien ne sera plus comme avant

Après sa libération, le baron Empain pensait être accueilli un peu comme un naufragé que l’on serre fort dans ses bras, à son premier pas sur la terre ferme. Ce fut exactement le contraire. L’amour de sa femme s’était évaporé au fil des révélations sur sa vie privée et, au sein de son entreprise, on était déjà passé à autre chose : après 63 jours de captivité, le baron Édouard-Jean Empain n’existait plus. Après avoir été séquestré, mutilé, martyrisé, comment admettre que son monde a tourné la page !… Plus d’un aurait craqué.

Empain est parti aux États-Unis, sac au dos. Une sorte de voyage initiatique. Une initiation à la vie. L’histoire ne dit pas s’il a fait un crochet par Vegas, mais c’est probable, car, après sa libération, sa réaction primaire a été : on m’a enlevé parce que j’avais du fric, je vais tout claquer.

 

« Au lieu de me parler d’amour, on m’a mis sous le nez ma vie privée »

Six mois plus tard, Édouard-Jean Empain est de retour. Il donne une conférence de presse pour montrer qu’il existe toujours et qu’il compte bien reprendre la présidence de son groupe. Il se veut consensuel, mais le pli de la bouche est amer. Il félicite René Engen, l’homme qu’il a tiré de « sa » verrerie, dix ans plus tôt, pour en faire son directeur général, et qui, durant son absence, a su maintenir le groupe à flot. Mais en même temps, il déclare qu’on a voulu l’écarter, lui, le trublion de l’establishment. Il remercie la police de l’avoir sauvé, « mais ce qu’elle a trouvé dans mes tiroirs, il n’était pas utile d’en faire part à ma famille ».

Pour reprendre le collier, il cherche à dédramatiser, mais à l’évidence, il n’arrive pas à passer l’éponge. Les autres non plus. Les portes se ferment. Ses relations avec René Engen se détériorent. Son refus de payer la rançon est comme un cactus entre les deux hommes, même si Engen se défend, affirmant qu’il lui a probablement sauvé la vie.

Sa vie ! C’est une question qui doit vibrionner dans la tête du baron : une fois la rançon versée, ses ravisseurs l’auraient-ils éliminé ? Ce n’est pas sûr. Il ne représentait pas un danger pour eux dans la mesure où il n’a jamais vu leur visage et, sans le concours (involontaire) d’Alain Caillol et celui de la DST, les policiers n’auraient même pas pu retrouver la villa où il était séquestré.

Il s’en est sorti vivant, mais c’est un homme cassé. Continue reading

L’affaire Empain par le trou de la serrure, acte III : L’agent de la DST piège le ravisseur

Je me demande à quoi pensait le commissaire Pierre Ottavioli, les yeux rivés sur l’ambulance qui emportait son seul témoin, le seul homme capable de déverrouiller cette affaire, et de sauver, peut-être, la vie du baron Empain.

En effet, la fusillade à peine terminée, le chef de la brigade criminelle s’était fait un devoir d’aviser la famille et les proches de l’otage. Une épreuve difficile, car, il faut bien le reconnaître, à ce moment-là, la situation n’est pas brillante : l’un des ravisseurs a été tué et les autres ont réussi à s’enfuir, à l’exception d’un seul, celui qui s’achemine vers l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à grand renfort de sirènes à deux tons. Comment expliquer à des gens qui vous ont fait confiance qu’on est dans le potage ! Je suis en route, je vais sur place, leur a-t-il probablement dit. Surtout, ne pas donner l’impression que l’on baisse les bras. C’est ainsi, malgré l’embouteillage, qu’escorté de deux motards, il est arrivé à temps pour tenter de convaincre le ravisseur survivant de collaborer. Il ne sait encore rien de lui, si ce n’est son nom, Alain Caillol, un type qui n’a le profil ni d’un terroriste ni d’un dur, bien qu’il soit inscrit au fichier spécial de la répression du banditisme (FSRB) depuis 1974, à la demande de la PJ de Montpellier. Un portrait qui lui donne l’espoir de le raisonner et de lui faire dire l’endroit où l’otage est détenu. Mais il n’est pas aisé d’obtenir des confidences dans ces conditions. « J’enrageais de ne pouvoir interroger vraiment cet homme étendu sur une civière alors que, j’en étais sûr, il détenait la clé du problème » (Échec au crime, Grasset,1985). Caillol ne lui a rien dit.

Vu les circonstances, les médecins de l’Hôtel-Dieu se montrent particulièrement efficaces, mais, du fait de ses blessures, les 48 heures de la garde à vue de Caillol n’en sont pas moins sérieusement écornées.

La vie d’Empain est tirée au sort

Pendant ce temps, le reste du gang des ravisseurs a regagné la planque. Ça doit chauffer. Il y a cependant un point sur lequel ils semblent d’accord : il faut mettre les voiles. Le vendredi soir, avant même que les radios annoncent la fusillade, sous sa tente, le baron Empain sent qu’il se passe quelque chose, un remue-ménage, un va-et-vient inhabituel. Puis, on lui retire son téléviseur. Mais ce n’est que le lendemain matin que l’un de ses geôliers lui remet un journal où l’intervention de la police est relatée en détail. Empain se dit « tout est foutu ! » Plus tard, dans l’après-midi, le même homme lui annonce froidement : « Il n’y a plus que deux solutions : on te tue ou on te libère. » Ils vont se réunir pour voter.

On imagine la nuit du baron Empain, enchaîné sous son toit de toile, ballotté entre la crainte et l’espoir.

Et ce n’est que le dimanche, un peu avant midi, qu’il lui est proposé un étrange marché : ils ont voté pour sa libération, à condition qu’il accepte de payer lui-même la rançon. « Oui, oui, je paye ! » Il leur signe trois reconnaissances de dettes pour un montant de 45 millions de francs, avec un règlement étalé dans le temps. Sa signature, obtenue sous la contrainte, n’a aucune valeur légale, il le sait très bien, mais à ce moment-là il est probablement sincère, prêt à payer n’importe quelle somme pour que son calvaire prenne fin.

Je suppose que cet arrangement a été proposé par ceux qui ont voté contre son exécution. C’est-à-dire ceux qui se relayaient auprès de lui et qui, d’une certaine manière, l’admiraient pour sa résistance et son courage. Alain Caillol dira plus tard « c’était un sacré mec ! » En fait, cette rançon à crédit, c’est une bouteille à la mer que lancent les ravisseurs, un moyen de sauver la face.

Pourtant, le 20 mai 1981, ses « créanciers » se rappelleront à lui, alors que trois d’entre eux, à la suite d’une erreur de procédure, ont été relâchés. Un appel à son domicile : « Nous sommes libres, il va falloir tenir vos engagements ou mourir. » Il n’a pas payé : les temps avaient changé. Continue reading

L’affaire Empain par le trou de la serrure, acte I : La saga d’une famille milliardaire

Le baron Édouard-Jean Empain aurait pu être l’un des personnages de Dallas, le célèbre feuilleton américain dont le premier épisode a été diffusé aux États-Unis deux semaines après la fin de son calvaire : une séquestration qui aura duré 63 jours.

Les rapts avec demande de rançon étaient très mode à l’époque. Pour les seules années 1975-1980, les services chargés de la lutte contre le grand banditisme en ont recensé une quarantaine. Mais parmi ceux-ci, le plus marquant a été sans conteste celui du baron Empain. Une affaire exceptionnelle par sa durée, mais surtout par la personnalité de la victime, à la fois joueur, fêtard, coureur de jupons et patron d’un groupe industriel d’une importance capitale pour l’économie française, et même pour la sécurité nationale.

Avertissement 

Le texte qui va suivre réunit à la fois des informations venant de journalistes, d’écrivains, de policiers et de personnes qui préfèrent rester dans l’anonymat. Je n’ai rien inventé, mais je n’ai pas pu tout recouper. À chacun de faire preuve de circonspection.

La pièce se déroulera en trois actes :

Acte I : La fin de la saga d’une famille milliardaire

Acte II : Jeux de piste pour la remise de la rançon et fusillade sur l’autoroute des vacances

Acte III : La garde à vue d’Alain Caillol et le voile enfin levé sur son mystérieux coup de téléphone

 

Lorsqu’il prend la tête du groupe Empain, Édouard-Jean a trente ans. Sa décision surprend tout le monde. Quoi, ce Belge un rien je-m’en-foutiste, cet éternel jeune homme qui n’a même pas fait une grande école, veut intégrer le cercle fermé des capitaines d’industrie !

Il est accueilli du bout des lèvres par ses pairs et avec une grande méfiance de la part des autorités politiques. Aujourd’hui, on dirait qu’il n’entrait pas dans les cases.

Pourtant, son ambition est débordante. « Rien ne pouvait m’arrêter », dira-t-il sur le tard – persuadé que son enlèvement a été orchestré dans le seul but de l’éliminer du monde des affaires et de mettre un terme à son élan de conquêtes (Les barons Empain, Yvon Toussaint, 1996, Fayard / Les barons Empain, une dynastie fracassée, documentaire, d’Alice Gorissen et Tanguy Cortier, 2015, Flair production). On ne connaîtra jamais la vérité, mais le résultat est là : il a été contraint de passer la main et d’abandonner à des gens « plus raisonnables » le groupe tentaculaire créé par son grand-père, le général Édouard-Louis-Joseph Empain.

En 1981, il vend ses parts du groupe : « J’ai été faible et ils en ont profité. »

Pendant plus de deux mois, le Quai des Orfèvres en son entier a été mobilisé sur cette enquête : un enlèvement crapuleux, sans plus, en apparence. Tandis que dans l’ombre s’agitaient des gens plus discrets sans que l’on sache, aujourd’hui encore, si leur objectif premier était de tendre la main à Édouard-Jean Empain ou lui maintenir la tête sous l’eau.

Un retour embarrassant

C’était le 26 mars 1978, le dimanche de Pâques, vers 21 h 30, ses ravisseurs déposent le baron dans le sud de Paris. Eux qui réclamaient une rançon de 80 millions de francs, y seront de dix francs de leur poche, « pour prendre le métro ». Continue reading

Benalla, l’homme qui se croyait sorti de la cuisse de Jupiter

Le pouvoir, ça se prend. Ce doit être la devise d’Alexandre Benalla. Il a su, non sans maestria, profiter de la faiblesse de ce nouveau monde que l’on nous promet, celui qui veut nous coconner pour mieux faire de nous des moutons.

La police est un bon exemple de cette régression des valeurs humaines et les policiers qui se battent pour conserver l’audace du métier sont hélas ! de moins en moins nombreux.

Les flics sont sortis du roman.

Ce qui fait mal aux tripes, entre autres, dans cette affaire, c’est que si Benalla avait été un vrai policier, tout le monde aurait trouvé « normal » qu’il tape sur des manifestants non violents. D’ailleurs, personne ne relève le fait que le jeune homme, une fois à terre, ait été rudement molesté par les CRS, comme on peut le voir sur une vidéo diffusée par Mediapart. Tout ça en agissant sous les ordres d’un pékin qu’ils ne connaissaient probablement pas, mais qui a su se glisser dans la peau du chef.

On perd nos repères.

Et la police aussi, depuis que le pouvoir en a fait un instrument politique. Mais les poulets vont y laisser des plumes, car nos dirigeants restent défiants vis-à-vis de la « grande maison ». Dans une interview accordée au Monde daté de ce jour, le secrétaire général du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), le commissaire Jean-Paul Megret, ne dit pas autre chose : « Il y a quelques mois, on nous a prévenus que le Groupe de sécurité du président de la République (GSPR) allait quitter le giron de la police nationale pour devenir une entité à part, sous l’autorité unique de l’Élysée, et qu’il pourrait recruter en dehors de la police et de la gendarmerie. Cette logique est dangereuse. »

C’est le moins. Ça sent la barbouze ! Continue reading

De Empain à Pétronin : le business des enlèvements

Après 63 jours de séquestration dans des conditions inhumaines, au lendemain de la libération du baron Empain, la presse est dithyrambique sur l’efficacité de la police judiciaire parisienne. C’est le triomphe du commissaire Pierre Ottavioli, le patron de la brigade criminelle, qui a mené cette enquête de main de maître avec le concours de la BRI des commissaires Marcel Leclerc et Robert Broussard.

Tout a été dit sur cette affaire : le 23 janvier 1978, Édouard-Jean Empain, âgé de 40 ans, PDG du groupe industriel Empain-Schneider, quitte son domicile de l’avenue Foch, à Paris, vers 10 h 30. Son chauffeur l’attend pour le conduire à son bureau situé rue d’Anjou. C’est alors qu’une estafette coince la 604 Peugeot. Cinq individus masqués et armés surgissent et les neutralisent tous les deux. L’homme d’affaires est bâillonné, enchaîné et jeté dans la Peugeot qui démarre avec les ravisseurs, abandonnant le chauffeur ligoté dans la fourgonnette.

Le lendemain, Jean-Jacques Bierry, le principal collaborateur du baron, récupère dans la consigne d’une gare la troisième phalange de l’un de ses doigts et un mot d’Empain lui-même, indiquant le montant de la rançon : 80 millions de francs, soit plus de 40 millions d’euros, si du moins j’en crois un convertisseur qui tient compte de l’érosion monétaire.

C’est la première erreur des ravisseurs  Continue reading

La fiche S bien ?

Après chaque acte terroriste, c’est un leitmotiv : les services de renseignement ont-ils commis une boulette en laissant dans la nature un individu faisant l’objet d’une fiche S ? Selon un sondage récent, les Français pensent que oui, puisqu’une très large majorité se déclare favorable à l’expulsion des étrangers fichés et à l’incarcération préventive des plus dangereux. Étant donné que cette fiche est rédigée à l’initiative des services du ministère de l’Intérieur, nous serions donc 87 % à accepter qu’un service de police décide unilatéralement de l’emprisonnement d’une personne, un peu comme le faisait le KGB au temps de l’Union soviétique ou les services secrets grecs sous la dictature des colonels.

Étonnant, non !

D’autant que la fiche S ne constitue qu’une feuille de route destinée aux agents intervenants pour leur indiquer la marche à suivre en présence de tel individu. Continue reading

Affaire Grégory : épluchage de la garde à vue de Muriel Bolle

Les avocats de Muriel Bolle contestent la validité de la garde à vue de leur cliente, effectuée dans les locaux de la gendarmerie de Bruyères, dans les Vosges, en novembre 1984. Ils estiment que lors de ses auditions les droits de la défense n’ont pas été respectés, notamment du fait qu’elle n’était pas assistée d’un avocat, comme c’est la norme aujourd’hui. Ils ont déposé une QPC dans ce sens, contre l’avis du parquet général pour qui les règles actuelles de la garde à vue ne peuvent être rétroactives.

Une réflexion pétrie de bon sens, même si, au lendemain de la loi du 14 avril 2011 qui a profondément remanié la garde à vue, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a dit exactement le contraire : tous les procès-verbaux de garde à vue antérieurs à cette loi sont susceptibles d’être contestés dans la mesure où la personne gardée à vue n’a pas bénéficié des garanties procédurales voulues par la CEDH (ratifiée par la France en 1974) : droit de se taire et droit de se faire assister d’un avocat.

Mais cette décision, qui aurait pu être une bérézina judiciaire, ne fut finalement qu’une pirouette juridique, notamment en raison de l’article 173-1 du code de procédure pénale qui limite le délai de contestation à six mois à compter de la notification de mise en examen.

Puis d’un seul coup surgit un cas que personne n’avait envisagé : une mise en examen 33 ans après la garde à vue ! Continue reading

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