LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Droit (Page 6 of 20)

Vers un droit d’arrestation

Une nouvelle loi antiterroriste (la 5ème, la 6ème depuis le début du quinquennat de François Hollande ?) va remiser l’état d’urgence au musée des oubliettes. En attendant que n’arrive « l’état d’extrême-urgence ».

Menottes 2Le plus perturbant, à mon avis, dans ces mesures mi- judiciaires mi- administratives, c’est la création d’une détention de quatre heures à la bonne volonté des forces de l’ordre et hors la présence d’un avocat. Il faut bien comprendre que, sous prétexte de lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, cette disposition est faite pour s’appliquer à tout le monde. Vous comme moi. Il s’agit d’un pas supplémentaire dans une technique d’enquête inédite qui consiste à interpeller une personne à qui l’on n’a – légalement – rien à reprocher. Comme dit le vieux Panicault dans Topaze (Marcel Pagnol) : « Les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher. »

Vous me direz, quatre heures, c’est vite passé ! Continue reading

Perquise de nuit

Un projet de loi « longuement mûri par la chancellerie », nous dit un communiqué de presse de Matignon, doit consolider la place de l’autorité judiciaire dans la lutte contre le crime organisé et son financement. Mais comme ce projet vise également la lutte antiterroriste et donne de nouveaux moyens au préfet, il faut bien reconnaître que le message est un peu brouillé.

Piles codes 2Quelle est la raison de cette nouvelle loi ? Simple ! Il s’agit de boucler la boucle : 1/ on donne « des moyens sans précédent » aux services chargés de lutter contre le terrorisme – 2/ On donne à la police judiciaire des pouvoirs équivalents – 3/ on pérennise les pouvoirs de police administrative de l’état d’urgence.

Pour faire un nœud à la boucle, et l’on n’en parle plus, je suggère de réactiver un ancien article du code de procédure pénale, l’article 30, qui donnait des pouvoirs de police judiciaire aux préfets.

Ces textes à répétition compliquent tellement la procédure pénale que plus personne n’y comprend rien.

C’est notamment le cas en matière de perquisition. Continue reading

L’avocat tend un piège

Les deux journalistes mis en examen pour extorsion de fonds au détriment du roi du Maroc se disent victimes d’une cabale. Pour eux, il n’y avait ni chantage ni pression, mais un simple arrangement commercial. Pourtant, l’enregistrement des entretiens avec l’avocat « royal » semble mettre à mal leur système de défense.

Mais ces enregistrements sont-ils recevables en justice ?

Des écoutes sauvages – Elles ont été effectuées par l’avocat du plaignant à l’insu des personnes enregistrées. Elles portent donc atteinte à la vie privée et sont susceptibles de poursuites en justice. La première fois, l’avocat marocain déclenche l’enregistrement de son iPhone avant le début de son entretien avec Éric Laurent. C’est son initiative. Lors des deux rendez-vous suivants, il semble qu’il procède de même, mais cette fois à la demande des enquêteurs.

PaperArtistPour Me Éric Moutet, l’avocat de Catherine Graciet, il ne fait aucun doute que dans ces conditions ces écoutes sauvages constituent un détournement de procédure ; et le défenseur d’Éric Laurent, Me William Bourdon, doit être sur la même longueur d’onde lorsqu’il dénonce un coup monté par « l’avocat de Rabat ». Continue reading

Renseignement : la peau de banane du Conseil constitutionnel

La loi sur le renseignement a été publiée au JO telle qu’elle a été votée par une forte majorité des parlementaires, à l’exception de 3 articles censurés par le Conseil constitutionnel. Ce qui laisse augurer d’une nouvelle loi. Et peut-être d’un nouveau débat de société – ce qui n’est pas fameux pour l’image du pouvoir en place. Mais il est intéressant de noter qu’en quelques lignes, les Sages ont de nouveau marqué leur terrain en rappelant que les pouvoirs exceptionnels de surveillance accordés par cette loi ne peuvent pas être utilisés pour des enquêtes judiciaires.

manifestant-seul-dans-fumee-gaz_manifs-lyon-2010_extrait-film-lyon-capital.1297499333.JPGLes techniques utilisées sont donc constitutionnelles uniquement dans la mesure où elles s’appliquent à la prévention des infractions et à la préservation de l’ordre public (la manifestation des éleveurs ?). Elles ne peuvent pas être mises en œuvre pour constater une infraction (faire un flag, par exemple) ou pour rassembler des preuves ou rechercher les auteurs d’un crime ou d’un délit. Continue reading

Terrorisme : une interprétation à géométrie variable

La qualification du terrorisme est loin d’être aussi simple qu’il n’y paraît. Surtout lorsque ce mot est récurrent dans le discours politique. Pour le code pénal, le terrorisme est défini soit comme un acte autonome, soit comme un acte se rattachant à « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Une définition suffisamment vague pour pouvoir être interprétée selon les opportunités. Trois événements récents nous en font la démonstration.

BerreAprès la double explosion sur un site sensible de Berre-l’Etang, le 14 juillet dernier, le mot d’ordre, largement repris par les médias, a été la malveillance. Donc pas de trouble grave à l’ordre public. Et cela malgré la découverte de trois dispositifs de mise à feu. Alors que 3 semaines auparavant on s’interrogeait sur les motivations de Yassin Salhi, cet individu qui aurait assassiné son patron avec lequel il aurait eu une altercation – avant de se tailler un costume de djihadiste. Au point que le procureur de Paris a dû se fendre d’un communiqué, comme pour justifier sa saisine : « Le choix de tuer quelqu’un à qui il en voulait n’est pas exclusif du mobile terrorisme », a-t-il dit. Continue reading

Insécurité juridique : l’hôtel Carlton sur l’autel du droit

L’affaire du Carlton de Lille se termine par une déculottée des juges d’instruction. Elle montre les limites de l’enquête pénale dans notre système judiciaire et le danger de ces infractions qui s’emboîtent comme des poupées gigognes. À force de triturer les lois, au nom de la sécurité, et de plus en plus souvent de la morale, notre pays souffre aujourd’hui d’un autre mal, plus tortueux : l’insécurité juridique.

L’insécurité juridique commence lorsque l’on ressent une inquiétude dans l’accomplissement d’une tâche familière. C’est le cas, par exemple, au volant de sa voiture, tant il est difficile d’éviter les chausse-trappes d’une signalisation parfois imprévisible. Mais c’est autrement plus grave dans notre vie quotidienne. Ainsi, pour revenir dans le domaine de la prostitution et de son corollaire, le proxénétisme, que risque-t-on à prêter son appartement à un ami dans l’hypothèse où il passerait la nuit avec une prostituée ?

L’insécurité juridique, c’est ne plus savoir ce qui est interdit, autorisé, légal ou obligatoire. Ce risque indéterminé incline à modifier son comportement, parfois même à renoncer à un projet, une envie. Puis-je cliquer sur ce site sans être confondu avec un pervers ou un terroriste ?

L’insécurité juridique nous fait baisser la tête car tout ce qui dépasse est suspect. Continue reading

Vers une réforme de la prescription

À la fin juin, la cour d’assises de Douai va avoir à se prononcer sur une affaire peu ordinaire : un octuple infanticide. La femme qui se trouvera dans le box a reconnu, qu’après avoir par huit fois accouché clandestinement, elle a tué ses nouveau-nés. Elle est mise en accusation pour meurtres par ascendant et meurtres sur mineurs de 15 ans, le tout avec préméditation, mais se présentera libre à l’audience.

Lorsqu’en juillet 2010, les propriétaires d’une ancienne ferme de Villers-au-Tertre (Nord), creusent leur jardin pour y installer un bassin, ils découvrent les ossements de deux bébés. Dominique Cottrez., la fille de l’ancien propriétaire des lieux est soupçonnée. Elle reconnaît avoir enterré les deux cadavres et dans la foulée avoue qu’il en existe six autres dans la maison qu’elle occupe actuellement. Cette femme, âgée aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, a dissimulé ses grossesses successives et tué ses enfants à leur premier souffle de vie. Des faits qui se seraient étalés sur une dizaine d’années, entre 1989 et 2000. Elle justifie en partie ses gestes meurtriers par la crainte que ses enfants ne soient ceux de son propre père, Oscar Lempereur, aujourd’hui décédé, dont elle subissait l’inceste depuis son enfance.

Les faits datant de plus de 10 ans, ses avocats demandent l’abandon des poursuites en faisant valoir la prescription. Continue reading

Pour les militaires, une justice presque ordinaire

Ainsi, depuis neuf mois, une enquête préliminaire est en cours pour vérifier si des soldats français ont commis des viols ou des agressions sexuelles contre de jeunes enfants en Centrafrique… On peut dire que cette discrétion est étonnante alors que, dans bien des affaires, notamment lorsqu’elles touchent des hommes politiques, on a pris l’habitude de lire dans la presse des extraits des procès-verbaux, voire des écoutes téléphoniques.

Bangui capture d'écran Francetv infoLa « grande muette » est donc fidèle à sa réputation – et la justice a respecté cette tradition. Du coup, nous, nous avons appris l’information d’un journal britannique. Ce qui la fiche plutôt mal. Et comme il en est de même pour les autorités de Centrafrique, cette affaire s’annonce comme un véritable bide diplomatique.

Devant ce mutisme, il n’est pas anormal de s’interroger : les militaires seraient-ils au-dessus des lois ? Absolument pas, a répondu le porte-parole du ministère chargé de la défense, les militaires sont des citoyens comme les autres. Continue reading

Terrorisme : comment se tirer une balle dans le pied

Les explications qui ont suivi l’arrestation de Sid Ahmed Ghlam, étudiant algérien de 24 ans, soupçonné d’avoir voulu commettre un acte terroriste contre une ou deux églises de Villejuif, laissent perplexe. Ce pied nickelé se serait blessé lui-même après ou avant avoir tué Aurélie Châtelain pour lui voler sa voiture.

Puis il aurait appelé les secours. Et les policiers auraient suivi la piste des gouttes de sang jusqu’à son propre véhicule dans lequel ils auraient remarqué des sacs de sport susceptibles de contenir un « arsenal de guerre », comme on a pu le lire dans la presse.

Une balle dans le piedSous le feu des déclarations anxiogènes des autorités, je me suis dit, comme beaucoup, qu’on avait eu chaud. Et puis, en réaction à une communication excessive, j’ai été victime du syndrome de l’éclairage du frigo : comment savoir si la lumière est éteinte une fois que l’on a refermé la porte !

Mais n’est-il pas normal de devenir suspicieux, voire parano, dans une société où les acteurs politiques sont sans cesse en représentation ! Une pièce sans entracte dans un théâtre où l’on est mal assis. Continue reading

La loi sur le renseignement est-elle constitutionnelle ?

Le gouvernement n’a pas souhaité solliciter le Conseil Constitutionnel sur le projet de loi sur le renseignement. À gauche comme à droite, certains députés – très peu – ont renâclé, estimant que cela jetait la suspicion sur un texte qui concerne nos libertés fondamentales. Puis une voix inattendue s’est élevée, celle de l’ancien Premier ministre François Fillon : il s’est fait fort de réunir 60 parlementaires pour sauter le pas.

FillonDu coup, je me suis abonné à son compte twitter, histoire de ne pas l’oublier, quand le moment sera venu.

La politique est quand même un drôle de truc… En 2006, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy soutient une loi pour lutter contre le terrorisme. Celle-ci prévoit entre autres de recueillir les données conservées par les opérateurs de téléphonie mobile sans l’aval d’un magistrat. Tollé parmi les sénateurs socialistes, qui dénoncent le passage d’un contrôle judiciaire à un contrôle administratif. Ils saisissent le Conseil constitutionnel. Continue reading

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