LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Agnès Le Roux a-t-elle été enterrée sous X ?

Au moment où Maurice Agnelet (qui se fait appeler Jean-Maurice Agnelet) est jugé une troisième fois pour l’assassinat d’Agnès Leroux, on peut se demander si l’embrouillamini juridico-policier qui a précédé ce nouveau rendez-vous devant la justice peut se reproduire de nos jours.

Rappelons les faits :

renee-le-roux_lecrapouillot.1190618145.jpgEn 1967, au décès de son père, Agnès Le Roux a hérité (entre autres) d’une partie des actions qu’il détenait dans le casino Le Palais de la Méditerranée, à Nice. Or, Le Palais, comme disaient les habitués, fait baver d’envie un certain Jean-Dominique Fratoni, alias Jean-do. Ce dernier, avec le soutien du maire, Jacques Médecin, vient en effet de créer le casino Ruhl, mais son ambition ne s’arrête pas là. Pourtant, malgré une situation financière difficile, Madame Renée Le Roux n’entend pas céder aux pressions de son concurrent. Agit-elle ainsi en fonction de son tempérament de bagarreuse ou répond-elle aux dernières volontés de son mari… On ne sait pas. Ce qu’on sait, c’est qu’elle n’a pas un bon feeling avec sa fille. Celle-ci, rejette en bloc, l’argent, les jeux, le pouvoir… et sa mère. En un mot, c’est une fille à papa. Pour marquer la rupture, en juin 1977, elle décide de vendre à Fratoni son droit de vote dans la société qui gère Le Palais. Et elle encaisse un chèque de trois millions de francs. (Ce qui correspondrait de nos jours à environ 1.5 million euros.) Enfin, quand on dit elle encaisse, ce n’est pas tout à fait vrai. Elle le dépose en Suisse, sur un compte ouvert en commun avec son amant, Maurice Agnelet. Peu après, cet argent est viré sur un autre compte dont cette fois Agnelet est le seul bénéficiaire.

Et Agnès Le Roux disparaît. Son amant ne bouge pas une oreille. C’est sa mère qui s’inquiète et qui signale sa disparition. Après quelques démarches infructueuses, le 22 octobre 1977, elle écrit au procureur. Sans résultat. Le 13 février 1978, elle finit par trouver l’argutie qui aura raison de cette apathie. Elle dépose plainte contre X pour séquestration arbitraire et insiste sur le fait qu’en octobre 1977, sa fille a été admise par deux fois à l’hôpital Saint-Roch de Nice à la suite de deux tentatives de suicide consécutives.

Le procureur décide alors l’ouverture d’une information judiciaire.

Agnès Le Roux a disparu depuis trois mois.jean-dominique-fratoni_lecrapouillot.1190618046.jpg

Au départ, les enquêteurs traînent les pieds. Pas plus que la justice ils ne croient à un enlèvement – et encore moins à un meurtre. Ils pensent plutôt à la fugue d’une enfant gâtée. Ils mettront trois mois de plus pour effectuer, via Interpol, la première diffusion internationale :

« Avis de recherche concernant Madame Agnès Le Roux, divorcée Hennequet, née le 14 septembre 1948 à Neuilly-sur-Seine, demeurant… »

« Avis de recherche concernant la découverte d’une femme amnésique… »

« Ou la découverte d’un cadavre non identifié, dont le signalement correspondrait à celui d’une femme de 1,76 m, type européen, corpulence mince, visage aux traits réguliers, yeux marron, aucun signe particulier… »

« Recherche également de son véhicule Range Rover, de couleur blanche, immatriculée 726 BEZ 75, numéro de série… »

On connaît la suite : Agnès Le Roux n’a jamais été retrouvée, son véhicule non plus.

On comprend bien que cette lenteur, cette inertie, de la justice (3 mois pour ouvrir une information judiciaire), de la police (6 mois pour effectuer une première recherche internationale) a enlevé toute chance de connaître la vérité – voire de sauver la jeune femme.

Que se passerait-il si Agnès Le Roux disparaissait aujourd’hui ?

Sa mère signale sa disparition. Le policier enregistre sa requête et établit une RIF (recherche dans l’intérêt des familles). Et cela s’arrête là, car il s’agit d’une personne majeure, donc libre de ses mouvements. Mais, plus tard, la mère découvre que sa fille a fait deux tentatives de suicide. Elle signale ce fait nouveau au policier qui mentionne alors qu’il s’agit d’une « disparition inquiétante ». Il en informe le procureur de la République et l’OCRVP (office central de répression contre les violences faites aux personnes). Cet office, crée en 2006, est dirigé par le commissaire divisionnaire Frédéric Malon. Composé de policiers et de gendarmes, il est basé à Nanterre, et possède des correspondants, policiers ou gendarmes dans tous les départements.

ocrvp_dcpj.1190618493.jpgIl est probable qu’à ce stade, le procureur décide d’une enquête préliminaire. Mais sans attendre, depuis une loi de 2002, les enquêteurs peuvent requérir l’aide des organismes publics (sécurité sociale, impôts…) ou des organismes privés (banques, opérateurs téléphoniques…), et la personne disparue est enregistrée sur le FPR (fichier des personnes recherchées) et sur le fichier Schengen. Si les premiers éléments sont inquiétants, le magistrat ordonnera l’ouverture d’une information judiciaire.

On peut donc penser, qu’aujourd’hui, les investigations pour rechercher Agnès Le Roux seraient plus rapides, et sans doute plus efficaces.

Hélas, a contrario, aucun progrès n’a été fait pour identifier les personnes qui meurent sans qu’on connaisse leur identité. On estime à 800 par an, le nombre de personnes non identifiées qui décèdent dans les hôpitaux, et deux fois plus sur la voie publique. Si les causes de la mort ne sont pas suspectes, aucune enquête n’est effectuée, car il n’y a ni crime ni délit. Si les causes de la mort sont douteuses, une enquête judiciaire est effectuée. Mais, même dans ce cas, l’identification est parfois impossible, ne serait-ce qu’en raison de l’état du cadavre (voir La PJ, mes débuts). Ces morts sont enterrés sous X, au frais de la commune sur laquelle le décès a été constaté.

Agnès Le Roux a-t-elle été enterrée sous X ?

Plusieurs associations, comme Manu association, l’APEV (aide aux parents d’enfants victimes), l’ARPD (assistance et recherche de personnes disparues), etc., se battent pour que toute personne enterrée dans ces conditions fasse au minimum l’objet d’un prélèvement ADN. Cela semble de bon sens. Certaines de ces associations vont plus loin, comme de répertorier dans le FNAEG (fichier national automatisé des empreintes génétiques) les personnes à risques (malades mentaux, malades Alzheimer, suicidaires, etc.) ou de donner un pouvoir d’investigation à certaines administrations, en dehors du champ judiciaire. D’autres souhaitent voir la mise en place d’un plan enlèvement, comme celui qui existe pour les mineurs en danger ou carrément le fichage génétique de toute la population (ce qui de toute façon nous pend au nez).

Il y a dans ces propositions du raisonnable et du déraisonnable, mais on doit écouter les gens qui ont créé ces associations, car ils ont tous un point commun : un proche qui a disparu. Et le silence. Et les portes qui se referment. Et cette lourdeur insoutenable, mélange de malheur et d’espoir.

 

La DST

On parle de la dissolution de la direction centrale des renseignements généraux et de la direction de la surveillance du territoire, et, simultanément, de la création d’un tout nouveau service appelé (probablement) Direction du renseignement intérieur (DRI). Si l’on connaît assez bien les RG, il n’en est pas de même pour la DST (ses agents disent la ST). Elle reste une maison mystérieuse. Et pour cause. Son organigramme, son activité, ses missions, ses résultats, tout est estampillé du sceau « secret-défense » – même le nom de ses fonctionnaires. D’ailleurs, vous entendrez rarement un flic revendiquer son appartenance à ce service – ou alors, c’est qu’il est des RG.

Ainsi, il va suffire d’un trait de plume, pour supprimer la DST ! Un paraphe au bas d’un document. Et c’est tout. En sa forme, issue de la résistance, c’est pourtant une vieille dame. Elle mérite la croix de guerre. Mais de tous ces gens qui aujourd’hui décident de son sort, qui connaît son histoire ?

En France, deux organismes se partagent le monde du renseignement : la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) et la DST.

le-rainbow-warrior_photo-wikipedia.1189549337.jpgLa DGSE est rattachée au ministère des armées. C’est notre service de renseignement, façon mielleuse de parler d’espionnage. Son action se porte essentiellement hors de l’Hexagone. Ses réussites sont inconnues du grand public et sa plus belle bavure a fait la une des journaux. C’est l’attentat contre le Rainbow Warrior, en 1985.

La DST est rattachée au ministère de l’intérieur. C’est notre service decanard_image-google.1189549439.jpeg contre-espionnage, chargé, en quelques sortes, d’éviter que d’autres pays nous fassent ce que la DGSE est supposée leur faire. Composée de fonctionnaires de police, et donc d’officiers de police judiciaire, elle devrait dépendre à ce titre des procureurs, ce qui est évidemment incompatible avec sa mission, qui est souvent borderline avec le code pénal. Ses réussites sont rarement médiatisées, ses échecs non plus. À l’exception de la charbonneuse histoire des micros du Canard Enchaîné, en 1973.

Un peu d’histoire – Tout a commencé au XIX° siècle. L’armée prussienne est en marche vers Paris, lorsque brusquement elle bifurque vers Sedan. Un agent secret a averti l’empereur Von Moltke que Mac Mahon quitte la capitale pour protéger la ville de Metz. Deux cent mille Français vont se faire piéger sur les capitulation-sedan_document-wikipedia.1189549627.jpghauteurs de Sedan, jusqu’à la capitulation de l’empereur Napoléon III. Des dizaines de milliers de morts plus loin, la France découvre avec stupeur que la Prusse a quadrillé notre territoire d’une multitude d’espions (30.000, selon la thèse d’un Allemand). En 1872, échaudée, l’Armée décide de créer un « service militaire de contre-espionnage ». Une dizaine d’années plus tard, sur l’initiative du général Boulanger, l’assemblée nationale vote une loi pénale (18 juin 1885) qui vient compléter le Code de 1810. C’est sans doute le traumatisme de cette douloureuse expérience qui conduit alors les officiers de l’armée à voir des espions partout. Ce qui explique en partie, en dehors d’un antisémitisme confirmé, les excès de l’affaire Dreyfus. Le tollé populaire soulevé par cette injustice amène le gouvernement à faire passer sous la houlette du ministre de l’intérieur le contre-espionnage et la surveillance des frontières.

En 1913, sous la menace allemande, une instruction du ministre de la guerre réorganise le contre-espionnage : À l’extérieur des frontières, compétence des militaires ; à l’intérieur des frontières, compétence des civils. Grosso modo, cette répartition subsiste de nos jours.

En 1933, alors qu’Hitler fait briller ses bottes, le Parlement vote une nouvelle loi pénale réprimant les actes et la pratique de l’espionnage. Dans la foulée, le gouvernement crée, au sein du ministère de l’intérieur, un « Contrôle général de la surveillance du territoire ». C’est un bien modeste service. Un noyau de policiers de la sûreté nationale implantés à Paris et dans quelques villes de province. Mais c’est l’ancêtre de la DST.

À la fin de l’année 1940, pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi, le service central de la ST fait ses cartons et prend la direction de l’Afrique du Nord. La ST est officiellement dissoute, à la demande des autorités allemandes, en novembre 1942. La plupart de ses membres prennent le maquis et travaillent avec le réseau AJAX. Quelques-uns pourtant se trompent de camp. Deux seront fusillés après la guerre.

À la Libération, le 16 novembre 1944, le général de Gaulle signe l’ordonnance qui créé une nouvelle direction au sein de la sûreté nationale. La ST devient la DST. Le lieutenant Roger Wybot, qui, depuis Londres, près de lui, a dirigé pendant trois ans la section du contre-espionnage du BCRA (bureau central de renseignements et d’action) est chargé d’organiser ce service. Il sera majoritairement composé d’anciens de la ST et de membres de la Résistance.

Wybot va régner en maître absolu sur ce service secret pendant quinze ans. On dit qu’il avait constitué des dossiers parfois compromettants sur nombre de personnages politiques et qu’il était devenu intouchable. Pas pour De Gaulle. Revenu aux manettes, il découvre que la DST a placé des micros dans son bureau. On raconte qu’il a pris un coup de sang et qu’il a viré Wybot, manu militari, si j’ose dire.

Jean-Paul Mauriat, qui a longtemps été le porte-parole de la DST, a déclaré dans un texte (que je n’ai pas retrouvé. Je cite donc de mémoire) : « La DST est un service qui n’a jamais failli à sa tâche et ceux qui ont eu l’honneur d’en faire partie ont tendance à considérer qu’ils étaient membres d’une communauté plutôt que fonctionnaires d’un service de police. »

À l’époque, la DST était essentiellement chargée du contre-espionnage. Elle possédait un service de documentation et d’archivage extrêmement rigoureux, assurait également la police des communications radioélectriques et, plus folklorique, la police de la colombophilie.

De nos jours, ses missions ont évolué (décret du 22 décembre 1982). Si le contre-espionnage reste le noyau de son activité, l’accent est mis sur la surveillance du monde musulman, le contre-terrorisme, et la protection du patrimoine économique et scientifique. Elle possède en outre des services techniques et informatiques particulièrement pointus – et probablement uniques en France.

Cette direction de la police nationale, à la différence de toutes les autres a toujours réagi rapidement aux changements de la société. Cette souplesse, c’est sa force.

Et la petite histoire – Nous étions une vingtaine. Bon nombre venaient de la marine marchande, où ils avaient bourlingué sur des mastodontes d’acier comme officiers radio. C’est cette spécialité qui intéressait la DST. Cette direction avait doncespionnage_image-google.1189549755.jpeg organisé un concours (très fermé) où les épreuves principales ne portaient pas sur le droit, mais sur la technique et la connaissance du morse. Et nous étions les survivants. Pour nous, pas d’école de police. Une affectation directe à la DST, avec, d’entrée de jeu, une carte tricolore, un pistolet, un vieil Unique de calibre 7.65, avec consigne de le laisser dans son tiroir, et un acompte de 2.000 francs (anciens) comme avance sur d’éventuels frais. Une paire de menottes, aussi, mais de toute façon vous n’arrêterez jamais personne… De la passerelle d’un cargo, d’un pétrolier ou autre rafiot, à la petite salle de la rue Cambacérès où nous devions recevoir notre formation, la mutation n’était pas évidente. Plus d’une fois, alors que le commissaire principal Jean-Paul Mauriat nous parlait de son métier nous faisait vivre ses expériences, j’ai surpris quelques-uns de mes amis les yeux dans… la vague. Pourtant, Mauriat réussit à faire passer le courant. Deux mois plus tard, il nous avait transmis un rien de sa passion et, à défaut de nous avoir formé au contre-espionnage, il avait fait de nous des officiers de police adjoints.

Jean-Paul Mauriat a terminé sa carrière comme sous-directeur à la DST. Lors de la garde à vue du préfet Georges Paques (arrêté pour espionnage au profit du KGB, alors qu’il était en poste à l’OTAN), je me souviens de son intervention. Catholique pratiquant, Paques demande à se confesser. On fait venir un prêtre, avec l’arrière-pensée de poser des micros. L’occasion est trop belle ! Mauriat s’y oppose. Il tient tête à l’état-major. Il y a des choses qui ne se font pas ! se contente-t-il de dire. Cette attitude m’a profondément marqué. Au point d’en tirer une doctrine : Même face à de sales gens, on fait son métier proprement. Un rien de noblesse chez le policier peut changer bien des choses. Lorsque j’ai appris la mort de Jean-Paul Mauriat, il y a quelques années, cette anecdote m’est revenue et, rétrospectivement, je lui ai tiré mon chapeau.

Sur la vingtaine d’OPA-radio, il en fallait cinq pour créer un service d’enquêtes. Je ne me souviens plus comment le choix s’est fait.

Il y avait Christian, dit Gaby, qui au retour d’un repas trop arrosé entonnait régulièrement le chant de la légion dans les couloirs du service.

Il y avait l’autre Christian, dit Coq, un gaillard d’environ 1,90 mètre et d’un peu plus d’un quintal qui s’avalait des sandwiches aux rillettes comme d’autres grignotent des petits-fours.

Il y avait Guy, alias Enrico, dit aussi le vieillard, pour les deux ou trois ans qu’il avait de plus que nous.

Et il y avait Robert, le Breton, dont je tairai le surnom, qui cachait son regard malicieux derrière le verre de ses lunettes.

Et moi, Geo, ou Jojo, selon les cas, à l’évidence « le meilleur d’entre nous ».

On s’est entassé dans un petit bureau, avec vue sur cour, au cinquième étage du 13 de la rue des Saussaies, le siège de la DST, à cette époque.

pigeons_image-google.1189549853.jpegÀ l’étage au-dessus, sous les toits, deux vétérans, Jeannot et Raymond, organisaient des rallyes de bateaux en papier dans les gouttières. Et de temps en temps, ils ouvraient leur placard, non pas pour y prendre un dossier, mais pour lamper un p’tit blanc. Faut dire que ces deux-là formaient la brigade colombophile. Des poulets chargés de surveiller les lâchers de pigeons… Ça ne s’invente pas.

Dans des bureaux voisins, on côtoyait untel qui refusait l’enveloppe contenant les frais mensuels, sous prétexte qu’il ne les avait pas gagnés. Ou cet autre, fusillé par les Allemands et laissé mort sur place, après le coup de grâce, alors que la balle avait glissé sur l’occiput, et s’était contentée de l’assommer. Ou encore l’écrivain, qui faisait le tour des bureaux pour vendre son dernier livre. Et bien d’autres encore. Un mélange de fonctionnaires frileux et de personnages hors du commun, et parfois hors du temps.

Et nous, les cinq petits OPA, nous regardions tout ça avec des yeux étonnés. A la fois abasourdis et émerveillés. Nous avions fait copains avec le gardien (j’ai oublié son nom) qui filtrait les entrées, au rez-de-chaussée. Il était là depuis des lustres, il connaissait tout le monde. Il nous racontait les derniers potins. Parfois, on avait du mal à y croire. Puis finalement, on s’était adapté. Nous formions une sacrée bande de bras cassés. Je ne sais plus qui le premier a parlé de la brigade des branleurs…

On a quand même fait illusion pendant quelques années. Et, s’il n’y avait pas eu mai-68…

À la fin du mois de mai 1968, Christian Fouchet, le ministre de l’intérieur est remercié. Raymond Marcellin prend la suite.affiche-mai-68-garde-mobile.1189579406.gif Pour lui, cette agitation estudiantine qui secoue le pays est le fait de groupuscules d’extrême gauches manipulés par des nations ennemies, et situées nettement à l’est (certains historiens se sont demandé par la suite, si la manipulation ne venait pas de l’Ouest !). Il enjoint au patron de la DST de mettre le paquet pour arrêter tout ça. Le préfet Jean Rochet n’est pas homme à résister à son ministre. Il décide la création d’un service, la SUBAC, doté de moyens importants, pour contrer ces… terroristes qui ont mis nos étudiants dans la rue. Lorsqu’un gouvernement décide d’utiliser un service secret pour régler un problème interne, c’est que quelque chose ne va pas dans ledit pays. En 68, la DST a perdu un peu de son âme.

Et chacun a suivi sa route.

Aujourd’hui, notre président de la République décide de remplacer les RG et la ST par une nouvelle direction, la DRI. Outre le peu d’originalité de cet acronyme, on peut se demander pourquoi. On peut se demander s’il n’est pas dangereux de mettre tant de pouvoirs entre les mains de l’homme qui va en prendre la tête. Les Américains, qui pourtant ont des problèmes plus épineux que nous avec le terrorisme, n’ont pas franchi le pas. Et même si la CIA a pris du poids depuis le 11-Septembre, il existe dans ce pays de nombreux services, de nombreuses agences, qui gèrent le renseignement. Notre Président n’est pas énarque, il s’en vante, et c’est sans doute une bonne chose, mais un énarque ne prendrait pas ce risque. Il appliquerait le précepte de base qui vise à la dispersion des pouvoirs – et des responsabilités.

 

Les flics ne veulent pas faire la manche

Le 17 juin 2004, l’administration s’était engagée à éponger le passif des heures supplémentaires des officiers de police, avant que ceux-ci ne basculent dans le régime cadre. Mais il semble qu’à l’époque, personne n’avait fait les comptes.. On les a faits depuis : la facture est salée, car c’est plus de cinq millions d’heures supplémentaires qui ont été dénombrées. Et on est sans doute bien en-deçà de la réalité…

coup-de-pied_picsou.1186127744.jpgAussi, l’administration a-t-elle fait machine arrière. Plus question de laisser aux intéressés le choix entre une indemnisation financière ou une compensation horaire (une sorte d’épargne-temps), à la place, on va imposer un règlement (peut-être partiel) étalé sur deux ou trois ans, et cela au taux du salaire horaire du smic.

Excédé devant tant de mauvaise foi, le syndicat (majoritaire) des officiers de police (SNOP) a claqué la porte.

J’ai exprimé une opinion sur ce blog, il y a quelques semaines, dans un article intitulé Les heures sup’. Je ne reviendrai donc pas sur le sujet, mais voici, avec son accord exprès, la réaction à ce blog d’un policier de terrain.

Monsieur Laurent Calliot écrit :

« Bien sûr, comparé à vous, je suis un jeune. Je suis dans la Police depuis 1988, entré comme inspecteur. Je suis un pur produit de la PPPJ (2ème DPJ)

« Effectivement, pour un flic élevé dans ce contexte, il paraît bizarre de se retrouver dans la rue pour demander le paiement des heures supplémentaires.

« Cependant, quand nous faisions ces heures, en retour on n’avait pas d’argent, mais de la considération de la part de notre hiérarchie directe (Chef de groupe, chef de service…).

« Je ne parle pas des petits dédommagements, qui permettaient d’amener maman au restaurant […] Ainsi, ayant fini par l’épouser, je suis donc parti en province, toujours comme inspecteur dans une antenne PJ. Cela m’a posé aucun problème quand on m’a annoncé que mes 250 jours de récupérations étaient supprimés [Note : Jours perdus lors de la mutation]. J’étais en province, les copains restaient là-haut […] Nous, on ne comptait pas.

« Et voilà qu’arrive la nouvelle police : plus de frais, plus de considération, de jeunes tauliers qui t’expliquent la police, te collent des blâmes quand tu rayes une aile de voiture, te demandent des rapports sur les nuits que tu passes dehors, te méprisent car tu t’es trompé sur la couleur du camembert statistique…

« La police veut que nous soyons catégorie A, parce que cela l’intéresse et nous dit « On va vous payer vos heures supplémentaires ». Bon d’accord, envoyez la monnaie. Je pense qu’elle ne savait pas alors ce que cela représentait, pensant à une information subversive syndicale.

« On va vous les payer 9 euros. Là, j’appelle cela du mépris. Mieux aurait valu les supprimer que de faire une telle proposition. On en revient au respect que j’évoquais plus haut. Ce n’est pas pour l’argent que les enquêteurs étaient sur le terrain et sacrifiaient leur vie privée.

« Juste un petit exemple, pour revenir sur un point concret de votre article. Peut-être que vu votre passé vous pouvez encore faire sauter un PV [Note : la réponse est non], nous, c’est plus possible. La moindre demande pour un stationnement est refusée et en plus vous avez le droit à une leçon de morale, comme si vous étiez complice d’un crime. Dernièrement une personne qui nous a permis de faire une équipe de bélier, est venue avec une TA à 16 euros. Je n’ai pas pu lui refuser, donc… je l’ai payée. De quoi je me plains, j’ai eu une grat de 20 euros. Je ne vous explique pas les heures faites pour tomber ce genre d’équipe en flag. 4 euros ! Maman, qui est donc devenue madame, se contentera d’un sandwich. De toute façon maintenant elle a épousé, alors…

« Cette petite réflexion a chaud, juste pour dire que même les plus anciens chez nous étaient dans la rue [note : manifestation du 14 juin 2007] et ils sont encore plus nostalgiques que vous de « la bonne époque », car ils espèrent encore la vivre. Mais on ne doit pas toujours prendre les gens pour des « chefs d’escadrille ». Je vous invite à aller sur le forum du SNOP, que vous citez dans votre article, pour comprendre cette expression.

« Juste un flic à qui votre article a fait mal, car il est injuste et me fait penser aux romantiques qui regrettaient l’époque de Napoléon […] »

 

Voilà ! Je ne connais pas cet homme, mais on sent dans ses propos combien il aime son métier. Et je trouve ça bien.

A noter que le Snop est de tous les combats, car dans une lettre à Frédéric Péchenard, le directeur général de la police nationale, ce syndicat s’inquiète du rapprochement entre la DST et les RG, et surtout des rumeurs qui courent sur la création d’une sorte de « sous-direction de l’information » qui serait rattachée aux services de sécurité publique. Les RG dans les commissariats de police ? Le Snop écrit notamment : « […] si les services de renseignements absorbés par ceux chargés de la sécurité publique continuent à s’acquitter de leurs missions actuelles, le risque d’interférence de l’autorité judiciaire sur l’activité de renseignement au profit du pouvoir exécutif n’est pas négligeable et pourrait alors poser un problème de constitutionnalité tenant à la séparation des pouvoirs. »

Le rapprochement entre la DST (service de contre-espionnage, mais aussi service de police judiciaire), et la DCRG (service de renseignements pour le gouvernement en place), commande déjà une certaine défiance. Mais si cette réforme est complétée par l’affectation de fonctionnaires des RG, amalgamés aux policiers chargés de la sécurité publique, on est en droit de montrer encore plus de circonspection.

Au fait, qu’en pensent les magistrats ?

 

 

 

Police Secours ne répond plus

Alors qu’il n’était « que » ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy a pondu plusieurs directives pour assurer la réception du public dans les commissariats, et cela dans les meilleures conditions possibles. Pas évident, vu la vétusté de certains locaux de police, et parfois le manque d’effectifs. Je crois que plusieurs de ses prédécesseurs avaient eu la même idée : la police est un service public au service du public.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Honnêtement, je crois que cela a peu changé. Lorsqu’on pénètre dans un commissariat, on a toujours ce même sentiment. L’impression qu’on dérange. Ou qu’on est en faute.

Mais, il y a pire.

L’autre jour, j’étais à Strasbourg, où j’aidais mon fils à déménager son petit appartement. À force d’ouvrir et de fermer la porte, les bras chargés d’objets divers, il est arrivé ce qui arrive un jour ou l’autre à chacun d’entre nous : la porte s’est refermée, les clefs à l’intérieur.police-secours_achille-talon-par-greg.1185454157.jpg

C’était le week-end, il fallait trouver un serrurier. Victimes de la pub, on compose le 118 008. Premier appel, pas le temps de s’expliquer : « On vous envoie un SMS », articule une voix pressée. Le texto arrive avec le numéro de téléphone d’une usine de métallurgie. Bon. Une erreur. On recommence. Cette fois, on a droit aux coordonnées de deux serruriers, mais aucun ne pratique l’ouverture des portes. Troisième appel. Je demande le numéro du commissariat de police le plus proche. Nouveau SMS. Je compose les chiffres inscrits sur mon téléphone. Un homme, me répond. J’expose mon problème. Il m’interrompt, pour me signaler que je suis en liaison avec la police autoroutière, et, très poliment, m’informe qu’il ne peut rien faire pour moi. Un instant, je l’imagine derrière l’écran de son radar, embusqué sur l’autoroute… Mais ce policier est humain. Il doit sentir dans ma voix un certain découragement, car, compatissant, il me conseille d’appeler le 17.

Ce que je fais illico, me reprochant in petto de ne pas y avoir pensé plus tôt.

Persuadé que Police Secours allait me… secourir. En l’occurrence m’indiquer les coordonnées d’un serrurier de permanence. Je tombe sur une boîte vocale. Une voix, peu amène, et pour être franc carrément agressive, m’informe que j’ai composé les urgences, que mon numéro de téléphone a été identifié et que j’encoure de très graves ennuis si par malheur mon appel n’est pas justifié. D’abord surpris, je ne réagis pas. Le message recommence, une fois, deux fois. Je me dis alors que je ne suis peut-être pas une urgence… Que je suis peut-être, sans le savoir, en train de commettre un délit… Que je m’expose à des poursuites. J’imagine une brigade spéciale… Ils identifient mon téléphone. Ils tapotent mon nom sur leur ordinateur pour voir si je suis fiché… Ou pire, avant de décrocher, ils transfèrent mon appel au laboratoire d’analyse et de traitement du signal (LATS), qui, comme chacun le sait effectue des analyses vocales pour le compte de la police. Pendant ce temps, la boîte vocale continue de papoter. Je m’inquiète. C’est trop long. Un service d’urgence, ça doit répondre vite, sinon ce n’est plus un service d’urgence. C’est bizarre. Finalement, pris de panique, je raccroche.

Alors, de cette mésaventure j’ai retenu deux choses :

D’abord, Police Secours ne répond plus – du moins à Strasbourg. À la place d’un homme ou d’une femme à l’écoute de son problème, on tombe sur une machine, une voix impersonnelle, menaçante, je-m’en-foutiste. Une voix qui n’est pas là pour vous réconforter, loin s’en faut. À la réflexion, je me demande même, dans l’hypothèse où j’aurais eu l’audace d’insister, si cette machine ne m’aurait pas demandé : « Vous avez été victime d’un accident, tapez 1 – Vous avez été victime d’un vol, tapez 2 – D’une agression, tapez 3… ». Ou pire : « Cette communication vous sera facturée 0,25 centimes d’euro la minute. Si vous acceptez tapez dièse… »

Ensuite, malgré le tapage publicitaire, les services de renseignement sont incapables de vous fournir autre chose qu’un renseignement au premier degré. Vous donnez un nom, une adresse, et l’on vous communique le numéro de téléphone. Point barre. Fini le temps où l’on s’expliquait avec la dame du téléphone, parfois accueillante, et, certes, parfois renfrognée, mais que diable! on finissait quand même par se comprendre.

Souvent on entend nos « chers dirigeants », pour faire passer une mesure désagréable qui concerne la sécu, nos retraites ou je ne sais quoi, nous parler de l’héritage qu’on veut laisser à ses enfants. « C’est ce que vous voulez pour vos enfants ? Moi, pas. » Eh bien, si je suis triste de ne plus pouvoir téléphoner à gare, à la poste, à la banque, et même à la… police, directement, simplement, et de discuter avec le chef de gare, le postier, mon banquier ou un policier, de mon petit problème, je suis encore plus triste de laisser à mes enfants ce monde… désincarné.

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L'ADN à toutes les sauces

Plusieurs centaines d’affaires, crimes ou délits, auraient été résolues grâce au fichier génétique. On nous assène ce résultat comme un justificatif à son décuplement. Pourtant, personne ne chicane sur son efficacité. Ce que bon nombre contestent, c’est son utilisation. Ou plutôt l’utilisation qui pourrait en être faite dans un avenir relativement proche.

couverture-meilleurdesmondes.1182519804.jpgCar, qu’on ne s’y trompe pas, le clonage des hommes est en marche. Demain, nos descendants seront peut-être programmés génétiquement pour s’intégrer dans l’une des cinq catégories de la population (de l’élite intellectuelle à la classe des travailleurs), comme dans le livre d’Aldous Huxley, Le meilleur des mondes. Il faut espérer que non. Mais…

Tout commence avec la découverte de l’ADN. On attribue celle-ci aux recherches sur des pneumocoques effectués en 1928, par l’anglais Fred Griffith. Toutefois, malgré les preuves qui s’accumulent, la communauté scientifique traîne les pieds. Elle n’accepte pas le principe d’un support matériel de l’hérédité. Sans doute un rien de religiosité chez nos érudits, ou le désir inavoué d’entretenir le côté magique de la vie. La structure en double hélice, tel qu’on représente l’ADN aujourd’hui, est finalement démontrée par Jim Watson et Francis Crickadn-collection-corbis.1182529636.jpg, en 1953.

Rapidement, la médecine s’empare de cette découverte. Les chercheurs les plus sérieux tentent d’identifier les malformations génétiques susceptibles d’expliquer certaines maladies, tandis que d’autres fouillent les gènes des criminels et des pervers à la recherche de « la petite bête » qui justifierait leur comportement asocial. On assiste à l’accroissement des tests génétiques. Puis on se dit, qu’il serait plus simple d’éviter les maladies plutôt que de les soigner. On s’attaque alors aux embryons. Avec une fâcheuse tendance à inciter à l’avortement les futures mamans, lorsque leur bébé présente un ADN douteux. Il faut dire que les parents admettent difficilement un rejeton qui ne correspondrait pas aux critères de notre époque. Pourquoi s’en priver, puisqu’on peut choisir… Les premiers pas d’une sélection prénatale sont donc franchis. Comme disait, il y a un demi-siècle, un responsable malfaisant d’un pays voisin : On veut une jeunesse saine. De nos jours, si la société se penche sur ce problème, ce n’est pas pour sélectionner une « race pure », mais pour de banales raisons économiques.

Revenons au fichier génétique français, le FNAEG, qui fait l’orgueil de certains hauts fonctionnaires de la police nationale. Il serait, dit-on, déjà gros de plus de quatre cent mille noms. Mais ce n’est pas suffisant. Pour qu’un fichier soit efficace, tout le monde vous le dira, il faut qu’il contienne un maximum de données. L’idéal serait donc d’archiverrg-renseignemente-generaux-fiches_umourcom.1182520222.jpg l’ensemble de la population. C’est quasiment fait. La Grande-Bretagne a rejeté – mais de peu – le projet de Tony Blair qui consistait à prélever l’ADN de tous les nouveau-nés. Et, dans l’aréopage européen, personne ne semble opposé à cette éventualité. Question d’efficacité. Pour nous rassurer, on nous dit que seules les parties non codantes du gène sont archivées. Oui, mais elles sont conservées 40 ans pour les condamnés et 25 ans pour les autres (100 ans en Grande-Bretagne). Aucune amnistie, aucun retrait possible. Il s’agit bien d’un stockage de données « à toutes fins utiles ». De son côté, le comité d’éthique (comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé) met de l’huile sur le feu en affirmant : « […] les régions non codantes sont vraisemblablement les plus riches en informations diverses. » Or, dans quelques années, affirment les chercheurs, l’ADN aura été entièrement décortiqué. Et qui peut prédire ce qui nous attend dans quarante ans ! Aujourd’hui, en 2007, le plus grand pays du monde, par son étendue et sa population, procède à la sélection des enfants à naître. Les Chinois ont en effet une démographie qui ne correspond pas à l’ambition économique de leurs dirigeants. Ils n’en sont pas encore à tripatouiller les gènes, mais cela pourrait bien venir. Qu’on ne s’y trompe pas, cette colossale base de données que constitue le FNAEG attire les fouineurs de tout crin. Certains se penchent sur le profil génétique du criminel, comme d’autres, en d’autres temps, ont palpé le crâne des enfants, à la recherche de la bosse des maths, ou pire encore. Le profiler de demain, n’aura rien à voir avec celui des séries télé. Il portera blouse blanche et ne s’intéressera guère au comportement psychologique des individus. Il se contentera d’éplucher des morceaux d’ADN.

Huxley, dans son livre, qui date de 1932, nous décrit une société où tous les enfants sont des bébés-éprouvette. Ils sont génétiquement programmés en fonction des besoins de la collectivité. Une sorte d’immigration contrôlée (à quand le ministère du contrôle prénatal ?). Et pour empêcher les gens de prendre conscience de leur servitude, on distribue le soma, la pilule du bonheur.

gandhi_google.1182520412.jpegAu XIX° siècle, un Américain a refusé de payer un impôt qu’il trouvait injuste. Il a du même coup inventé la désobéissance civile. En d’autres circonstances, Mohandas Gandhi et Martin Luther King, ont repris le flambeau. Chez nous, ceux qui refusaient la guerre d’Algérie, les objecteurs de conscience, n’ont pas agi différemment. Et, d’une certaine manière, n’a-t-on pas reproché à Maurice Papon d’avoir été incapable de faire front à un gouvernement fantoche, et de ne pas avoir fait preuve de désobéissance civile ? Alors, faut-il comme certains refuser le prélèvement ADN et se mettre ainsi hors la loi ? Faut-il encourager à la désobéissance civile ? Ce n’est pas à moi de répondre. Mais il ne me semble pas raisonnable de prendre le moindre risque pour notre avenir, même au nom de la sécurité, de l’efficacité, ou du progrès. Après tout, on nous rebat les oreilles sur les conséquences de la pollution à quelques dizaines d’années, sans posséder plus de certitudes sur l’évolution de la planète.

Le comité d’éthique demande la mise en place d’un contre-pouvoir et nombre de personnalités réclament un débat public. Mais rien n’y fait. Devant l’indifférence des gens, le rouleau compresseur poursuit son avancée. Je suis étonné de l’absence de réaction de certains cadres de la police, dont je connais la droiture, ou des syndicats de policiers ou de magistrats, d’habitude pourtant si prompts à réagir. Tous paraissent hypnotisés par la course aux résultats. Il y a quelques dizaines d’années, certains services de police obtenaient des bilans époustouflants – grâce à des méthodes beaucoup plus artisanales. Et pourtant, personne ne parle de réintroduire la « gégène » dans les commissariats. Dans l’immédiat, notre seule garantie est représentée par la commission nationale informatique et liberté (CNIL), un « machin » aux statuts flous et aux moyens dérisoires.hurle-a-la-lune.1182520523.jpg

Je crois qu’il faut soutenir les personnalités qui appellent à un débat public sur l’archivage de notre ADN. Je pense qu’il faut instituer un pendant au pouvoir exorbitant de ceux qui ont accès à ce fichier. Durant la campagne présidentielle que l’on vient de… subir, on a entendu bien des âneries, mais la pire, celle qui fait froid dans le dos, a sans doute été : « Je veux protéger les Français. »

Je pense qu’il faut recracher la pilule du bonheur.

 

 

 

 

 

Les heures sup'

Après les gendarmes, à leur tour les policiers grognent. Ils réclament le paiement des heures supplémentaires. Mais, eux, pour se faire entendre, ils ont des syndicats. Cependant, si ces syndicats sont affiche_snop.1181852943.jpgtous d’accord pour rouscailler, un seul, me semble-t-il, a appelé à manifester, ce jeudi 14 juin : le syndicat national des officiers de police (SNOP). Deux milles manifestants…, selon la police. Bon, on ne va pas discuter les droits syndicaux, mais si la SNCF faisait grève entre les deux tours des élections législatives, on ne manquerait pas d’y voir un fricotage politique. La fin justifie peut-être les moyens – mais c’est… moyen.

L’administration a comptabilisé six à sept millions d’heures supplémentaires qui seraient dues aux officiers de police. Elle envisage, même si elle s’en défend, d’effectuer un abattement de 40% et d’étaler le règlement du solde sur plusieurs années au tarif horaire de 9 € 25, ce qui doit correspondre à peu près au smic. On comprend mieux pourquoi les godasses à clous crissent sur le macadam.

Les heures supplémentaires sont calculées par un logiciel, le géopole. Sauf dans certains services où l’on ne fait guère confiance aux arcanes de l’informatique pour traiter cette question si délicate, et où l’on préfère se pencher sur un bon vieux cahier à carreaux, la pointe Bic à la main. À croire que ces fortes têtes ne font pas confiance à la robotique de l’auguste maison. Quant aux quidams, ils seraient en droit d’être dubitatifs, en songeant que ces mêmes machines gèrent aussi les fichiers de police … Mais ça… pas bien, ça mauvaises pensées.

Quelques vieux routiers, comme moi, se disent que la police a bien changé. Il n’y a pas si longtemps, on parlait de « récups ». Et chacun comptabilisait les siennes. Certains les prenaient, d’autres pas. Ou alors à l’occasion d’une mutation ou d’un départ en retraite, l’heureux détenteur de ces jours, de ces semaines, voire de ces mois de « congés compensateurs » passait alors un deal avec son patron. Et celui-ci signait les congés sans rien demander à personne. Et tout le monde s’y retrouvait. Mais, dans la police comme ailleurs, la confiance devient une qualité rare.

L’année prochaine, les officiers de police vont passer cadre « A » de l’administration, c’est-à-dire qu’ils vont rejoindre officiellement le corps de commandement. Une belle avancée. Cette réforme est normale, à la vue des diplômes qu’alignent les élèves officiers. De plus, elle est largement justifiée, car ce corps assume de fait le commandement, depuis que les commissaires ont passé la main. Ces derniers visent plus haut, « l’échelle lettres », celle des hauts fonctionnaires. Je crois même que mon grade va être supprimé. Si ce n’est déjà fait. Bon, tant que c’est que le grade…

Moi, ce qui me turlupine un peu, c’est que les flics cherchent à se fondre dans la masse des salariés Ilsflagrant_delit.1181853132.jpg veulent comme tout à chacun bénéficier des week-ends, des jours fériés, des 35 heures, etc. Les anciens m’avaient expliqué, alors que je n’étais qu’un bleu, qu’on exerçait un métier hors du commun (d’où l’interdiction du droit de grève), et qu’à ce titre, on devait travailler nuit et jour, si nécessaire. Je me souviens d’un inspecteur de la VP (voie publique) qui a passé une nuit de planque allongé sous une voiture pour se faire un siphonneur (voleur d’essence). Ou de ce groupe d’antigang dont aucun n’a décroché pendant près d’une semaine dans l’attente que les braqueurs sur lesquels ils bossaient depuis des mois passent à l’action. Pas question de louper le flag. Mouais ! Il y a un rien de nostalgie dans mes propos. Mais putain qu’on l’aimait ce boulot ! Alors, que des flics manifestent pour le paiement d’heures supplémentaires, à nous, les vieux, ça nous paraît… antinomique. Cela fait penser à ces lycéens qui, gravement, défilaient pour défendre leur retraite. Qu’on se rassure, ce job présentait aussi des avantages, par exemple, on pouvait faire sauter ses P-V, ou ceux de ses amis. Et, plus sérieusement, tous les cinq ans, on se prenait une année-cadeau pour la retraite. Ainsi, à 55 ans, on pouvait préparer ses gaules et ses appâts, le plein d’annuités dans la musette – et la rage au ventre d’être obligé d’abdiquer.

En cette période où le travail est denrée rare et où la génération des quadras voit sa retraite par le petit bout de la lorgnette, alors, je me dis (je ne vais pas me faire que des amis), qu’il est peut-être déplacé de tirer trop fort sur la corde.

La première fliquette de France

Nicolas Sarkozy a mis en chantier nombre de réformes sur la police. Certaines sont très abouties et d’autres encore embryonnaires. Maintenant, il appartient à Michèle Alliot-Marie de débrouiller l’écheveau et de déterminer ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas. On peut lui faire confiance, elle a montré… qu’elle en avait.

On aime ou on n’aime pas Sarkozy, mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne laisse pas indifférent. Ce type est une véritable tornade. En quelques années, il a réveillé uneles-jambes.jpg maison qui somnolait depuis un quart de siècle. Son passage a profondément modifié les mentalités au sein de la police nationale, et, maintenant qu’il est aux manettes, il s’agit de réformer les structures.

D’abord, l’actuelle direction générale de la police nationale (DGPN) serait supprimée pour faire place à une sorte de secrétariat générale, chapeautant cinq grandes directions, avec chacune une spécialité élargie.

Le renseignement. La DST et les RG doivent s’installer dans les prochains jours à Levallois. Il y a une réelle volonté de regrouper leurs activités. Dans ce dessein, on évacue la mission première de la DST : le contre-espionnage. Sans doute pense-t-on que ce n’est plus mode. On oublie aussi que ses agents sont officiers de police judiciaire, qualité incompatible avec le travail des RG. Sinon à créer une police politique.

L’investigation. Autrement dit la police judiciaire. Peu de changements prévus. Peut-être les enquêteurs vont-ils devenir des « investigateurs » ? La police technique et scientifique demeurerait au sein de cette direction.

La sécurité et l’ordre public. Ces deux missions seraient peut-être rattachées, avec une gestion commune des commissariats, des CRS et des escadrons de gendarmerie.

L’international. Une direction qui coifferait probablement le service de coopération technique internationale (SCTIP), mais récupérerait aussi Interpol et Europol.

L’administration et la formation.

Tout cela peut encore évoluer Mais cette réforme a un autre but, plus discret. Elle va renforcer la mainmise de l’Intérieur sur la préfecture de police de Paris. Une manière de minimiser les prérogatives de certains grands services de la capitale et surtout d’isoler un peu plus les magistrats, lesquels, qu’ils l’admettent ou pas, restent fortement tributaires de la PP pour traiter leurs dossiers. Certaines mauvaises langues ajoutent qu’en muselant la PP, on cherche aussi à diminuer l’influence des loges maçonniques dans la police… Mais ceux qui disent ça ne sont que des « faux frères ».

On murmure aussi que nombre de douaniers pourraient venir renforcer les effectifs de la police nationale, et qu’en revanche, la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) pourrait être rattachée au nouveau ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement (le MIIIC ?).

Mais le véritable bouleversement est sans conteste le mariage police et gendarmerie, dont les fiançailles sont annoncées par la mise en commun des budgets et des moyens. Cela va-t-il rasséréner les gendarmes ! On a tenté de masquer leur grogne, avant les élections, mais le ver est dans le fruit. Ceux-ci garderont leur statut de militaire, du moins dans un premier temps. Car à brève échéance, il deviendra indispensable d’équilibrer les rémunérations, les retraites, les conditions de recrutement ou d’exercice de la profession, etc. Les différences sont énormes, et, à travail commun, les inégalités vont percer. Chaque corps devra accepter de perdre certains avantages, avec l’espoir d’en gagner d’autres. Les syndicats de police devront être vigilants. Mais au fait, qui va représenter les gendarmes, puisqu’ils n’ont pas le droit de se syndiquer ?! La route sera longue.

alliot-marie_photo_cirpa.1179674403.jpgEnfin, madame le ministre de l’intérieur doit mettre sur pied une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), afin de succéder à celle qui a été votée le 10 juillet 2002, pour une période de cinq années. Rappelons que ladite loi a notamment renforcé les effectifs de police. Elle a sacrifié en revanche une partie de nos libertés sur l’autel de l’efficacité. Dans le film Zodiac (pas mal), qui vient de sortir dans les salles, on voit les policiers américains se heurter à des problèmes de droit pour confondre le serial killer. Il leur est interdit d’effectuer une perquisition sans motif, de récupérer les empreintes du suspect, etc. La personne qui m’accompagnait au cinéma (pas mâle) s’en étonnait. Je l’ai rassurée. En France, les flics n’ont plus à s’embarrasser de ces « petites choses ». Arrestations, gardes à vue, perquisitions, saisies, écoutes téléphoniques, etc., tous ces actes précédemment réglementés sont désormais à l’initiative du seul officier de police judiciaire, quel que soit le cadre juridique dans lequel il opère. C’est ça, l’efficacité. Zodiac ne peut pas nous échapper.

Bien qu’on l’ait soulagée de certaines responsabilités (ce qui ne doit pas trop lui plaire) et que la mise en place d’un Conseil national de sécurité, rattaché directement à l’Elysée, menace encore plus son autonomie, Alliot-Marie n’a pas trop à se plaindre. Elle récupère les clés d’une boutique en pleine mutation. Elle a du boulot. Certes, on lui a écrit sa feuille de route, mais la femme a du tempérament et rien ne prouve qu’elle ne se fendra pas d’un petit rewriting.

Action directe en action

Après la libération, en Allemagne, de Brigitte Mohnhaupt, l’ancienne dirigeante de la Fraction armée rouge (FAR), la France s’amignonne avant de se décider à libérer, oui ou non, les membres d’Action directe.

action-directe.1179232862.jpgIl faut dire que la loi d’amnistie voulue par Mitterrand, peu après son élection, n’a pas été une franche réussite. Ce ne sont pas les victimes de la série d’attentats des années 1982-1983, qui viendront me démentir.

Pour l’heure, c’est Nathalie Ménigon qui est dans les starting-blocks.

Elle est notamment détenue pour les assassinats du général René Audran, en 1985, et du PDG de la Régie Renault, Georges Besse, en 1986. Elle a été condamnée par deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité en 1987. Il y a tout juste vingt ans.nathalie-menigon_photot_le_figaro.1179232935.jpg

Cette personne, tout comme sa complice, Joëlle Aubron, libérée pour raisons médicales en 2004 (décédée en 2006), n’a jamais, à ma connaissance, exprimé le moindre regret, le moindre remord, pour les centaines de victimes d’Action directe. Cela prouve une conviction inaltérable dans l’idéologie de la lutte armée.

Une conviction inaltérable…

Georges Besse a été assassiné pour avoir eu le tort de diriger une entreprise dont l’un des vigiles aurait tué un militant maoïste (sic). Ce sont à peu près les termes de la justification d’Action directe. Mais, pour le général Audran, l’argumentaire est encore beaucoup plus flou. Il est même inexistant.

georges-besse_photo_annalesorg.1179233204.jpgEn effet, Audran n’est pas un militaire comme les autres. Il est ingénieur général de l’Armement, directeur des affaires internationales au ministère de la Défense. En 1985, même sous la gauche, la France est toujours l’un des pays parmi les plus grands marchands d’armes du monde. Or, dans le microcosme interlope de ces businessmen, cet homme est une exception. Il est efficace, et tout simplement honnête. Autrement dit, il gêne une foule de gens dans quantité de pays. Car, rien n’est possible sans lui. Et quand Audran dit non, ce sont d’énormes commissions qui s’évaporent. On a ainsi parlé, durant l’enquête qui a suivi sa mort, de malversations qu’il aurait découvertes au sein de son service. Des pots-de-vin engrangés lors d’une vente de systèmes d’armements à l’Arabie Saoudite, par une poignée de cadres de la société Thomson et quelques hauts fonctionnaires de la direction générale de l’armement. Mais bien d’autres gens auraient pu lui en vouloir. C’est l’époque où la France ouvre au méchant Saddam Hussein une ligne de crédit illimitée en matière d’armement, ce qui déplaît fortement à l’Iran. Aussi, le méchant ayatollah Khomeiny, via un intermédiaire bien placé, demande à la France, sans doute dans un louable souci d’équité, de lui fournir des missiles, du genre Crotales ou Exocet, ou autres babioles. Quoique cette transaction fût inenvisageable sur le plan diplomatique, il semble bien que les autorités françaises acceptent, du moins de fermer les yeux sur une négociation secrète. Autrement dit, l’Élysée est OK – mais pas Audran. Il met son veto. Les Iraniens ne sont pas contents, les intermédiaires perdent des sommes colossales et certains responsables de notre pays perdent la face. Tout ça pour un petit général !rene-audran.1179233589.jpg

Or, à cette époque, les services secrets iraniens soutiennent le terrorisme international. Un certain Sabri al-Banna, alias Abou Nidal, joue un rôle capital dans cette nébuleuse. Et il a été démontré que cet individu a eu plusieurs contacts avec Action directe.

Dans ce petit monde dépravé, il n’y a ni morale – ni fin à mon histoire. Mais on sait depuis longtemps que, même si les motivations sont différentes, tous les mouvements terroristes, Action directe, ETA, FLNC, etc., ont rempli des contrats (attentats, meurtres, enlèvements…) afin de récupérer des fonds, ou des armes, pour servir « la cause ».

Le général Audran est peut-être mort pour ne pas avoir cédé à la corruption. Mais aujourd’hui, la question est de savoir si Nathalie Ménigon et ses complices doivent être libérés ! Pour les militants du collectif Ne laissons pas faire, la cause est entendue. Ils ont purgé la peine incompressible qui s’attache à leur condamnation à perpétuité, et ils doivent être libérés.

En droit, ils ont raison. Mais le droit est-il bien fait ? Comment nous expliquer, à nous, le petit peuple, qu’une peine à perpétuité n’est valable que pour une durée limitée ? Si l’on veut que notre justice conserve cette mansuétude, il faudrait alors lui adjoindre une peine complémentaire, et inciter ces gens à se faire oublier – ailleurs. Loin de leurs victimes et des malheurs qu’ils ont semés.

Jadis, on appelait ça le bannissement.

Un fichier… gênant

Le fichier génétique, a été mis en place, on s’en souvient, pour protéger les enfants des méchants pédophiles. C’était en 1998. Dix ans plus tard, le texte, fortement induré par l’intervention efficace de deux ministres de l’intérieur, Daniel Vaillant et Nicolas Sarkozy, incitent les gendarmes à l’utiliser contre deux enfants de 8 et 11 ans.

On croit rêver. Pourtant, les gendarmes ne font qu’appliquer la loi, comme c’est leur rôle. Mais le pire, c’est qu’ils ne se posent pas de questions, comme s’ils voulaient s’intégrer à tout prix dans la mythologie grandguignolesque de la maréchaussée.

Je me souviens de cet adolescent qui avait fait bien pire que ces deux bambins-là… Le commissaire de police le prend entre quatre zieux dans son bureau. Il lui fait un sermon musclé – et il classe le dossier. En ce temps-là, les commissaires étaient un peu des juges de paix, et les flics des gardiens de la paix. Peu à peu, on a supprimé le mot « paix » du vocabulaire policier, et les flics sont devenus des combattants. Ils se battent pour lutter contre le terrorisme, le banditisme, le blanchiment d’argent, etc. Ce sont des guerriers. D’ailleurs, on leur a collé un uniforme sur le dos. Mais les militaires ne pensent jamais à la paix. Ce n’est pas leur problème. Ce commissaire face à cet ado aux frontières de la délinquance, ne l’a pas considéré comme son ennemi. Il n’a pas pensé à la rentabilité de son service. À cette petite croix qu’il pourrait ajouter sur la liste de ses statistiques. Il a dû se dire que ce garnement aurait pu être son fils, et que ce n’était pas forcément une graine de «blouson noir», comme on disait alors.

C’était il y a bien longtemps. Le vieux flic est mort, mais moi…, je me souviens.

enfants-genes-delinquants_umourcom.1178962790.jpgOn n’est pas des robots. Ces lois, voulues par des politiciens et rédigées par des technocrates, c’est vous policiers, gendarmes, qui êtes en charge de les utiliser, de les manier, dans la vraie vie, dans la rue. C’est vous qui êtes en première ligne. Inutile de se retourner vers le procureur ou le juge d’instruction. Car devant eux, c’est trop tard. Ce sont des magistrats. Ils sont là pour exécuter les lois, pour faire tomber la sentence.

Tandis que le policier, le gendarme, dispose de plus de latitude. Il lui appartient de relativiser l’importance de la bévue, de l’erreur, voire du délit, et de mettre en balance les conséquences de la faute et les conséquences de la sanction. Face à une justice parfois… désincarnée, il faut avoir le courage de fermer les yeux.

Certes, il est plus facile de solliciter des instructions que de prendre des décisions, mais c’est une mauvaise voie de se retrancher derrière la hiérarchie. Une voie, qui en d’autres temps, nous a conduits au Veld’Hiv.

La défaite des blogueurs

On aurait dû se méfier. « La toile » ne pouvait exister sans une araignée. Et c’est une grosse, une tueuse. Elle va nous piquer, et on ne s’en relèvera pas.

Tandis que la moitié des Français est persuadée que l’autre moitié n’est qu’un ramas d’électeurs bornés, tandis que les médias nous organisent un show politique qui ressemble à une série télévisée, tandis que les blogueurs, censés traduire la pulsation du « peuple », se contentent d’amplifier le phénomène en crachouillant des insultes, tandis qu’on se demande pour qui on va bien pouvoir voter, Internet va mourir.

prison.1177507313.gifNotre seule zone de liberté, depuis mai-68, cet écran, ce clavier, cette souris…, toutes ces petites choses qui nous relient au monde, vont être placées sous tutelle. Une loi fourbe et hypocrite va claquemurer notre liberté d’expression derrière une porte barreaudée, blindée des meilleures… arrière-pensées.

En effet, un décret est sous le coude, nous apprend le président du groupement des éditeurs de sites en ligne, Philippe Jannet, dans Le Monde du 21 avril 2007, un décret qui va reléguer la France, derrière la muraille de Chine. Car, qu’on se le dise, nous serons les premiers à aller aussi loin dans le contrôle des moyens d’expression. Même les Etats-Unis n’ont pas osé. Ce texte, sorti tout droit de l’esprit malade de quelques technocrates sarkosyens, va obliger les fournisseurs d’accès à Internet à conserver pendant un, deux ou trois ans, toutes les traces que nous laissons sur le web. Les sites que nous visitons, nos pseudos, nos mots de passe, nos numéros de comptes bancaires, nos numéros de cartes de crédit, chaque clic de souris, chaque frappe sur une touche, etc. – et les blogs, bien sûr. Car il n’est plus question de laisser des gens… ordinaires, vous ou moi, dire n’importe quoi sur n’importe quoi, ou sur n’importe qui. La première alerte est récente. Dimanche dernier, les blogueurs ont été informés que leur liberté était terminée. On leur a interdit la moindre allusion aux estimations du scrutin en cours. Et les médias ont relayé l’information, et personne ne s’est offusqué.

Amis blogueurs, de ce premier tour des élections présidentielles, il ne faut pas retenir la défaite d’untel, ni la chute abyssale du parti communiste, ni le score ridicule des chasseurs ou de José les belles bacchantes. Non, de ce tour de scrutin, il faut retenir cette interdiction. Car ce jour-là, les seuls vrais perdants ont été les utilisateurs d’Internet. C’est-à-dire nous tous. tetedemort.1177508170.jpg

Ce 22 avril 2007, on a introduit le poison dans les tuyaux.

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