LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Georges Ibrahim Abdallah : un roman noir

Vendredi 25 juillet, en pleine nuit, les portes de la prison se sont refermées sur Georges Ibrahim Abdallah – dans le bon sens. Aux bleus des gyrophares, une demi-douzaine de véhicules l’ont escorté du centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) à l’aéroport de Tarbes, d’où il s’est envolé pour Roissy.

À quoi pouvait-il penser ?

Quelques heures plus tard, il était dans un vol pour Beyrouth. Plus de 40 ans qu’il n’avait pas revu son pays.

Ses 40 dernières années, il les a passées dans les prisons françaises, et durant tout ce temps, ce chrétien natif du nord du Liban est resté droit dans ses bottes, affirmant n’avoir pas de sang sur les mains, mais refusant de renier ses convictions propalestiniennes ou de se désolidariser des crimes revendiqués par les FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises). Un groupuscule qu’il a créé et qui se veut communiste anti-impérialiste, en tout cas bien à gauche de la gauche.

À l’exception de Carlos, tueur de flics, il était sans doute l’un des derniers taulards de la vague terroriste des années 1980.

Toutefois, à la différence de ce dernier, Georges Ibrahim Abdallah préfère l’ombre à la lumière. C’est un militant aux convictions solides qui, dès son adolescence, s’est aguerri au sein du Parti populaire syrien (PPS), puis du Front populaire de la libération de la Palestine (FPLP). Peu à peu, il se fait un nom auprès des pros de la lutte armée, dont un bon nombre deviendront des mercenaires de la Syrie, de l’Iran ou de l’Union soviétique.

Arrivé sur notre sol en 1979, Georges Ibrahim Abdallah cherche à implanter son réseau : les FARL ne sont pour l’heure qu’une petite entreprise familiale. Bien vite, ses membres seront opérationnels, même si leur première tentative échoue : le 12 novembre 1981, un homme d’une trentaine d’années vide le chargeur de son PA sur Christian Chapman, un diplomate de l’ambassade des États-Unis, alors qu’il sort de son domicile, à Paris, dans le 7° arrondissement. Il se réfugie derrière sa voiture (blindée). Il n’est pas blessé. Six douilles de calibre 7,65 sont retrouvées sur place. En quelques années, les FARL revendiqueront 6 attentats, dont l’assassinat en 1982 de Charles Ray, attaché de l’ambassade des États-Unis, et Yacov Barsimantov, deuxième secrétaire de l’ambassade d’Israël. Le premier est de la CIA et le second est un responsable des services secrets israéliens.

Le 24 octobre 1984, Georges Ibrahim Abdallah pousse la porte d’un commissariat de Lyon. Il affirme craindre pour sa vie, persuadé que des agents du Mossad sont à ses trousses et qu’ils veulent l’éliminer. On imagine la tête des flics… D’abord grognons, puis souriants lorsqu’ils apprennent qu’en fait de Mossad, ce sont des collègues de la DST qui le filochaient et qui se sont fait « détroncher ». Continue reading

Attentat de la rue des Rosiers : quand la politique s’emmêle

Deux éléments du dossier d’instruction, déjà anciens, mais soudainement débloqués par le gouvernement, ont replacé l’enquête concernant l’attentat de la rue des Rosiers sur le devant de la scène.

D’abord, l’arrestation de l’un des suspects, Walid Abdulrahman Abou Zayed, alias Osman, en Norvège, où il est installé depuis 1991 et où il a obtenu la nationalité norvégienne. Objet de l’un des mandats d’arrêt délivrés par le juge Marc Trévidic, un peu avant qu’il ne quitte ses fonctions au pôle antiterroriste, sa présence dans ce pays n’était pas un mystère. La presse s’en était d’ailleurs fait l’écho et un journaliste de Paris Match, Pascal Rostain, avait même tournicoté autour de son domicile, à Skien, en mars 2015. On peut donc raisonnablement espérer qu’il en était de même pour les services de renseignement français !

Alors, pourquoi ne s’est-il rien passé ?

Le fait que la Norvège ait assoupli l’an passé les règles de l’extradition est à prendre en compte, mais ce n’est pas satisfaisant. Si l’on compare ce cas à celui du Libano-Canadien Hassan Diab, suspecté d’être l’auteur de l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic, à Paris, en octobre 1980, et pour lequel les autorités françaises se sont battues bec et ongles pour obtenir l’extradition, on ne peut être qu’étonné de cette différence de traitement. (Diab a obtenu un non-lieu en France en 2018.)

Cette inertie politique des gouvernements successifs donne plus de crédibilité à la thèse, un rien complotiste, d’un « arrangement » entre le groupe terroriste Abou Nidal et le gouvernement socialiste des années 1980. Cet argument a été avancé par le préfet Yves Bonnet devant les médias, puis devant le juge d’instruction. En deux mots, d’après lui, la France aurait passé un marché non écrit avec Abou Nidal, lui garantissant l’absence de poursuites judiciaires s’il s’engageait à ne plus cibler la France. De quoi faire bondir un juge d’instruction !

Mais voilà que cette hypothèse serait confirmée par des documents récemment déclassifiés, datant de 1985, sortis tout droit des tiroirs de Matignon ! L’un de ces documents évoquerait cet accord. Du moins si l’on en croit certains avocats qui ont accès au dossier d’instruction.

Franchement, je ne suis pas convaincu, je ne vois pas trop les autorités françaises discutailler avec le groupe Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) du dissident palestinien Abou Nidal. Même si, dans le but de faire cesser les attentats à répétition des années 1980, François Mitterrand avait mangé son légendaire chapeau et s’était risqué à des négociations avec des diplomates de la Kalachnikov.

Pour tenter de se forger une opinion, il faut remonter le temps…

L’attentat antisémite a lieu le lundi 9 août 1982. Peu après 13 heures, un homme lance une grenade dans la salle du restaurant Jo Goldenberg Continue reading

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