Il y a quelques jours, un jeune homme est convoqué devant une chambre correctionnelle pour des violences volontaires à la suite d’une bagarre de rue. Au dernier moment, l’avocat qu’il avait choisi lui a fait faux bond. Pris par le temps, il décide de demander un avocat commis d’office. À l’accueil du public de l’ordre des avocats, porte close : c’est la grève ! Il décide alors de se défendre tout seul. Pour cela, il lui faut prendre connaissance de son dossier. Oui mais pour avoir accès à votre dossier, lui répond-on au greffe, il faut venir avec votre avocat.
On n’en sort pas. Il se retrouve donc bien seul devant ses juges mais le ténor de la partie adverse (qui lui ne fait pas grève), ne veut rien savoir : il exige une décision immédiate. Après avoir vérifié la bonne foi du prévenu, le président a estimé que le jugement ne serait pas équitable : Affaire renvoyée !
Ce n’est pas toujours le cas.
La justice, c’est souvent l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. C’est la raison d’être de l’aide juridictionnelle. Le meilleur moyen de se rapprocher de l’engagement de toute société démocratique : l’égalité de tous devant la loi. Continue reading
10 réponses à “Grève des avocats : faut-il aller vers une « sécurité sociale » du droit ?”
En tant que bailleur, j’ai l’expérience répétitive de locataires mauvais payeurs qui utilisent l’aide judiciaire pour résister à l’expulsion. Au bout du compte, ils sont bien sûr très généralement condamnés à payer, y compris les frais d’Huissiers, mais ne le font jamais, ayant organisé leur insolvabilité entre temps. Alors je dis : d’accord pour la généreuse aide judiciaire, mais quand des gens utilisent l’argent public (le nôtre) pour être finalement condamnés en justice, l’équité imposerait, s’ils sont défaillants, que l’Etat paye le créancier à leur place. Sinon -et c’est malheureusement le cas actuellement- le système est totalement perverti par la malhonnêteté de certains.
Financer l’AJ par l’impôt !!!! En gros, je paye pour que mon agresseur soit défendu ? Ouais, la double peine quoi…
Je ne comprends pas la fronde des avocats concernant le prélèvement sur les intérêts de la CARPA pour financer l’aide juridictionnelle, si comme le dit l’article, ces intérêts ont vocation à être utilisés « pour la formation, pour l’organisation des consultations gratuites, pour la défense de certaines personnes non prises en charge par l’aide juridictionnelle (…) pour couvrir les frais afférents à une mission d’aide publique sans recourir à la participation de l’État. ».
Si l’aide juridictionnelle bat de l’aile, la priorité me paraît bien de lui donner tout ce qui en est l’accessoire…
Quant à la suppression de la postulation, voir la profession pousser des cris d’orfraie, moi ça me fait rire. Ce truc, dans mon boulot, je le perçois juste comme une opportunité de se servir deux fois de la bonne soupe: l’avocat saisi va chercher son postulant, et les deux ont de quoi manger…
Prélever sur les intérêts de la CARPA reviendrait à demander aux médecins de payer la CMU de leur poche, ou aux enseignants de payer pour les bourses scolaires des élèves pour reprendre les termes du Bâtonnier parisien… Vous trouvez ça logique?
Je constate juste que les intérêts de la CARPA (qui sont des intérêts sur des fonds client…) financent des activités accessoires à l’aide juridictionnelle, qui est mal en point.
Votre comparaison ne me paraît pas tenir la route.
Mais que les médecins paient la CMU ou que les enseignants paient les bourses scolaires, à un niveau de revenus, ce ne me paraît pas absurde.
» Nul rempart ne sauvera celui qui, enivré de sa richesse, a renversé l’auguste autel de la Justice: il périra. » Eschyle.
Et des revenus démesurés, chez les enseignants, chez les médecins, les avocats le savent bien, ce n’est pas monnaie rare. Alors oui, il y a aussi des crève la faim. Pour eux, Eschyle ne dit rien.
Avec un bémol important à ce que vous dites : les intérêts de la CARPA n’ont pas vocation initiale à appartenir aux avocats…
Papy,
Quant à la propriété des intérêts aux clients et pas aux avocats, je ne dis pas le contraire, puisque je précise qu’ils naissent sur des fonds client.
Bémol important, c’est d’un ton et demi ? 🙂
Merci de cet article clair, précis, équilibré, et à rebours des choses approximatives que l’on lit et entend ces jours-ci.
Une piste très peu utilisée hélas par les magistrats, surtout judiciaires (et sans doute sous-exploitée par les avocats eux-mêmes, alors même qu’elle ne peut que motiver à assurer la défense des plus démunis): les articles 37 et 75 de la loi du 10/7/1991 sur l’aide juridictionnelle, et qui permettent à l’avocat de demander lorsqu’il gagne la procédure, en lieu et place de la pathétique indemnité d’AJ, la condamnation de la partie adverse à lui verser directement une somme remplaçant les rais et honoraires que le client ne peut lui verser.
Jean-Éric Malabre, avocat, ancien président de l’Anafé (association nationale d’assistance aux frontières des étrangers)
C’est le système entier de l’AJ qui doit être revu. Lorsque l’usager ne paie rien, c’est comme en matière de soins, il a tendance à abuser du système.
Doit-on, parce que l’intéressé a des revenus très faibles, lui payer (même mal) un avocat tous les 6 mois pour réclamer une diminution de la pension alimentaire dont il est redevable ? Laisser un salarié faire convoquer un employeur devant le conseil de prud’hommes pour 55 € ? Permettre à un usager d’assigner la SNCF devant le juge de proximité pour obtenir le remboursement de son billet de train au motif qu’il est arrivé en retard car l’horloge de la gare n’était pas à l’heure exacte, et qu’il a raté son train ?
Toutes procédures que j’ai personnellement vues, et qui ne sont pas rares. Et qui engorgent les juridictions.
Regardons un peu à l’étranger : aucun système de ce genre…
Alors, OK pour l’AJ, et même OK pour bien mieux payer les avocats, mais il faut faire un tri préalable et ne pas autoriser chacun à engager une procédure inutile ou vouée à l’échec aux frais du contribuable.
Et il faut aussi surveiller la prestation produite : après tout, c’est de l’argent public.
Je me rappelle une demande de pension alimentaire contre un père naturel formée par une étudiante dont l’avocat n’a pas produit la copie de l’acte de naissance, seul document permettant au juge de vérifier qu’elle agissait bien contre son père… et ce malgré la demande du juge.
Et ces demandes dans lesquelles l’avocat se contente de reproduire la réclamation de son client en visant un vague texte, sans aucune motivation en droit. J’ai de nombreux exemples de ce genre en magasin.
Dernière observation : le système permettant de financer l’AJ, on l’avait : c’était le timbre à 35 € que devait acquitter tout demandeur à une procédure, sauf … les bénéficiaires de l’AJ. Sarko l’avait créé, Taubira l’a rapidement abrogé. Les tribunaux ont encore tout le matériel qui permettait d’enregistrer l’acquittement du timbre.
Il suffit de le remettre en vigueur, de le porter à une somme supérieure, somme qui sera le cas échéant remboursée au demandeur par son adversaire si ce dernier est perdant à la procédure, et d’exiger que même le bénéficiaire de l’AJ en paie une partie, 15 € par exemple, le prix de 2 paquets de cigarettes.
Mais voilà, ce serait reconnaître que le gouvernement précédent avait eu une bonne idée. Pas sûr que notre Président « Normal » et son gouvernement en soient capables… Le conflit va donc continuer, et se terminera sans doute par une de ces usines à gaz coûteuses et peu productives dont la France a le secret. Et nos socialistes se demanderont pourquoi donc les électeurs se tournent vers d’autres formations politiques…
L’idée de filtrer les demandes des justiciables me parait pertinente : elles doivent être substantielles, qualitatives, sinon c’est l’engorgement assuré.
Par contre, je suis en désaccord sur le rétablissement du droit de timbre de 35 € lors de l’introduction d’une procédure ! c’est une vraie-fausse bonne idée. La vérité, c’est qu’il faut en finir avec le budget de misère de la justice, son personnel bien insuffisant par rapport aux autres pays, notamment l’Allemagne. L’AJ doit être acquittée par l’impôt.