LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Qui veut la peau d’Interpol ?

L’élection récente du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol a causé un sacré remous dans les rangs de l’Organisation internationale de Police criminelle (OIPC), ou plutôt un tourbillon qui risque de lui faire boire la tasse. À première vue, on pourrait se dire que l’homme est à sa place, puisqu’il s’agit d’un ancien policier. Mais son ascension jusqu’aux grades les plus élevés ne s’est pas faite sans violence. Il est d’ailleurs présenté par de nombreuses ONG comme l’un des personnages influents les plus autoritaires du Golfe, pour qui les « droits de l’homme » se résument au droit de la fermer. En France, il fait l’objet de plusieurs plaintes, dont l’une, déposée par Me William Bourdon, le tient pour responsable des tortures infligées à Ahmed Mansoor, détenu à l’isolement depuis quatre ans. Celui-ci, poète, blogueur et défenseur des droits de l’homme, aujourd’hui âgé de 52 ans, a été arrêté en 2017 et condamné en 2018 à dix ans de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux des « informations fausses et trompeuses ».

Sur Twitter, Grégory Doucet, le maire de Lyon, où se trouve le siège d’Interpol, s’est offusqué : « Comment un homme suspecté de tortures peut-il prendre la tête de l’organisation mondiale des polices ? » Cette réaction épidermique inquiète, car l’OIPC a un projet d’agrandissement sur la ville pour un budget de plus de 60 millions d’euros, dont une partie doit être financée par nos impôts – avec un bémol (une menace ?) : sur un coin de table, l’option de transférer son siège dans un autre pays. Les Émirats arabes unis ont évidemment ouvert grand leur coffre-fort : le symbole de cette prestigieuse organisation quittant « la patrie » des droits de l’homme pour un  État monarchique qui cherche à se blanchir d’une image ancrée dans le totalitarisme n’a pas de prix.

En soutenant et en facilitant l’élection de Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol, les autorités émiraties ont posé une première pierre. Si ce projet devait se concrétiser, quelle serait la position de l’Europe, alors que le parlement européen vient de prendre une résolution condamnant la situation des droits de l’homme dans ce pays ? Une résolution qui a été rejetée par les Émirats et par l’Observatoire arabe des droits de l’homme, une émanation du Parlement arabe.

On est en pleine guerre des droits de l’homme !

L’OIPC-Interpol, dont l’un des principes fondateurs est basé sur l’interdiction d’intervenir « dans les questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial », risque donc de s’engluer dans une mouscaille politique. D’autant que pour faire tourner cette énorme boutique, il faut beaucoup d’argent. En 2021, le budget de fonctionnement s’élève à 145 millions d’euros qui sont couverts pour 72 millions par les contributions statutaires des 195 pays adhérents, et le solde par les contributions volontaires de ces pays ainsi que les financements privés. On a reproché par exemple à Interpol d’accepter l’argent de fabricants de cigarettes ou de laboratoires pharmaceutiques, cependant, il n’y a pas de conflit d’intérêt : la lutte contre les trafics autour de ces activités est bien de sa compétence. L’Union européenne, le Canada et les États-Unis sont les principales sources de financement volontaire. La France est l’un des principaux donateurs en nature (personnel, locaux, équipements…). Le quart des effectifs d’Interpol est composé de policiers et de gendarmes détachés. Continue reading

La police européenne va de l’avant

L’Europe est souvent critiquée mais s’il y a un domaine dans lequel l’évolution est notoire, c’est la police. Helmut Kohl, en 1991, aurait été le premier à envisager la création d’une agence de police européenne, à l’image du FBI. On est loin du compte, même si petit à petit on s’en approche. Et pourtant, depuis près de 20 ans, il existait une structure plus ou moins secrète créée d’une manière empirique par la volonté de plusieurs pays européens. Ou plus exactement par la volonté de quelques hommes, des praticiens, qui ont su forcer la main des pouvoirs politiques.

logo_DRISa mise en place a été envisagée à l’issue de la prise d’otages perpétrée lors des JO de Munich en 1972.  Le fonctionnement d’Interpol étant apparu trop rigide pour faire face à de telles actions terroristes, il s’est constitué une sorte de bureau de liaisons. Les gouvernements des États membres de la CEE l’ont entériné en 1976, en créant officiellement (mais en dehors de tout traité), le groupe TREVI. Sa création a été suffisamment improvisée pour qu’aujourd’hui encore on ne sache pas trop d’où vient son nom. Probablement parce que la première réunion a eu lieu à Rome, pas très loin de la célèbre Fontaine de Trevi et qu’elle était présidée par un Hollandais du nom de Fonteijn. En France, plus tard, les parlementaires ont voulu en faire un acronyme (Terrorisme – Radicalisme – Extrémisme- Violences internationales), mais personne n’y a cru. Continue reading

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