Après la libération, en Allemagne, de Brigitte Mohnhaupt, l’ancienne dirigeante de la Fraction armée rouge (FAR), la France s’amignonne avant de se décider à libérer, oui ou non, les membres d’Action directe.
Il faut dire que la loi d’amnistie voulue par Mitterrand, peu après son élection, n’a pas été une franche réussite. Ce ne sont pas les victimes de la série d’attentats des années 1982-1983, qui viendront me démentir.
Pour l’heure, c’est Nathalie Ménigon qui est dans les starting-blocks.
Elle est notamment détenue pour les assassinats du général René Audran, en 1985, et du PDG de la Régie Renault, Georges Besse, en 1986. Elle a été condamnée par deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité en 1987. Il y a tout juste vingt ans.
Cette personne, tout comme sa complice, Joëlle Aubron, libérée pour raisons médicales en 2004 (décédée en 2006), n’a jamais, à ma connaissance, exprimé le moindre regret, le moindre remord, pour les centaines de victimes d’Action directe. Cela prouve une conviction inaltérable dans l’idéologie de la lutte armée.
Une conviction inaltérable…
Georges Besse a été assassiné pour avoir eu le tort de diriger une entreprise dont l’un des vigiles aurait tué un militant maoïste (sic). Ce sont à peu près les termes de la justification d’Action directe. Mais, pour le général Audran, l’argumentaire est encore beaucoup plus flou. Il est même inexistant.
En effet, Audran n’est pas un militaire comme les autres. Il est ingénieur général de l’Armement, directeur des affaires internationales au ministère de la Défense. En 1985, même sous la gauche, la France est toujours l’un des pays parmi les plus grands marchands d’armes du monde. Or, dans le microcosme interlope de ces businessmen, cet homme est une exception. Il est efficace, et tout simplement honnête. Autrement dit, il gêne une foule de gens dans quantité de pays. Car, rien n’est possible sans lui. Et quand Audran dit non, ce sont d’énormes commissions qui s’évaporent. On a ainsi parlé, durant l’enquête qui a suivi sa mort, de malversations qu’il aurait découvertes au sein de son service. Des pots-de-vin engrangés lors d’une vente de systèmes d’armements à l’Arabie Saoudite, par une poignée de cadres de la société Thomson et quelques hauts fonctionnaires de la direction générale de l’armement. Mais bien d’autres gens auraient pu lui en vouloir. C’est l’époque où la France ouvre au méchant Saddam Hussein une ligne de crédit illimitée en matière d’armement, ce qui déplaît fortement à l’Iran. Aussi, le méchant ayatollah Khomeiny, via un intermédiaire bien placé, demande à la France, sans doute dans un louable souci d’équité, de lui fournir des missiles, du genre Crotales ou Exocet, ou autres babioles. Quoique cette transaction fût inenvisageable sur le plan diplomatique, il semble bien que les autorités françaises acceptent, du moins de fermer les yeux sur une négociation secrète. Autrement dit, l’Élysée est OK – mais pas Audran. Il met son veto. Les Iraniens ne sont pas contents, les intermédiaires perdent des sommes colossales et certains responsables de notre pays perdent la face. Tout ça pour un petit général !
Or, à cette époque, les services secrets iraniens soutiennent le terrorisme international. Un certain Sabri al-Banna, alias Abou Nidal, joue un rôle capital dans cette nébuleuse. Et il a été démontré que cet individu a eu plusieurs contacts avec Action directe.
Dans ce petit monde dépravé, il n’y a ni morale – ni fin à mon histoire. Mais on sait depuis longtemps que, même si les motivations sont différentes, tous les mouvements terroristes, Action directe, ETA, FLNC, etc., ont rempli des contrats (attentats, meurtres, enlèvements…) afin de récupérer des fonds, ou des armes, pour servir « la cause ».
Le général Audran est peut-être mort pour ne pas avoir cédé à la corruption. Mais aujourd’hui, la question est de savoir si Nathalie Ménigon et ses complices doivent être libérés ! Pour les militants du collectif Ne laissons pas faire, la cause est entendue. Ils ont purgé la peine incompressible qui s’attache à leur condamnation à perpétuité, et ils doivent être libérés.
En droit, ils ont raison. Mais le droit est-il bien fait ? Comment nous expliquer, à nous, le petit peuple, qu’une peine à perpétuité n’est valable que pour une durée limitée ? Si l’on veut que notre justice conserve cette mansuétude, il faudrait alors lui adjoindre une peine complémentaire, et inciter ces gens à se faire oublier – ailleurs. Loin de leurs victimes et des malheurs qu’ils ont semés.
Jadis, on appelait ça le bannissement.
8 réponses à “Action directe en action”
Des CENTAINES de victimes? je crois que vous allez loin. 80 attentats dont des assassinats, ce qui est déjà énorme, n’en rajoutons pas
[…] On imagine mal François Hollande faire adopter une loi d’amnistie pour absoudre des terroristes, comme l’a fait François Mitterrand, en 1981, pour des membres d’Action directe. Six ans plus tard, ils étaient de nouveau arrêtés […]
[…] On imagine mal François Hollande faire adopter une loi d’amnistie pour absoudre des terroristes, comme l’a fait François Mitterrand, en 1981, pour des membres d’Action directe. Six ans plus tard, ils étaient de nouveau arrêtés […]
René Audran a été exucuté sur ordre de l’O.T.A.N. (témoignage d’Oswaldo LeWinter ancien n° 2 de la CIA en Europe). Quant à Georges besse, action directe n’a là aussi pas grand chose à voir avec sa mort. Nouvellement affecté à la direction de Renault Besse était surtout l’ancien patron d’eurodif qui faisait affaire avec l’Iran. Action directe a servi de couverture pour dissimuler un règlement de comptes, à coup d’attentats et de bombes, d’un contentieux entre la France et l’Iran à propos du programme nucléaire de ce dernier.
@michel les sources ?
Eternelle querelle entre justice ( chimerique sous sa forme humaine… pour la-haut, on peut toujours y croire ) et legitimite.
A-t-on seulement condamne le ramassis de cretins etoiles qui presiderent, depuis l’etat-major, aux vaines boucheries de 14-18 et ordonnerent des executions massives des recalcitrants « pour l’exemple »… meme pas ! juste un simulacre de proces… Les bourreaux conscients (?) de Dreyffus connurent-ils un pire sort ?
A Ouvea un sniper flingua deliberement un preneur d’otages en le tirant au travers du mollet d’un otage… un gendarme toujours traumatise dans tous les sens du terme… car vire depuis ; pour garantir la tranquillite du corps d’elite… alors que la veuve de l’un des chefs kanaks a l’origine de ce carnage tous azimuts touche une confortable… pension d’Etat !
Les arcanes de la politique ont ceci de commun avec ceux de la religion; on y croit plus ou moins, on se pose des tas de questions, mais on craint toujours -plus ou moins aussi- de blasphemer.
Juppe n’a rien fait de plus que la majorite des hommes politiques de son niveau… et bien moins pire que certains de ses comparses dont l’esprit criminel parfaitement connu des hautes spheres et des medias se repait du silence de plomb qui entoure ses turpitudes… qu’y a-t-il la de nouveau depuis que la classe bourgeoise a vire les aristos du pouvoir ? Rien qui ne se soit acquis par des luttes sanglantes !
Executer Menigon ?… Comme aux belles heures de la loi du Talion ?… Pourquoi pas !… Mais si elle avait porte votre nom, qu’elle eut ete votre fille, votre soeur, votre mere qui, poussee a des extremites condamnables pour avoir cru en des chimeres pernicieuses, certes, mais peu differentes de celles des budgetivores que nous engraissons, eussiez-vous jete la premiere pierre d’un coeur aussi allegre ?… Et tant qu’a se mettre a plusieurs dizaines pour commettre une execution drapes derriere des lois ne s’appliquant pas a ceux qui les votent, comment enseigner a nos descendants que tout meurtre releve des plus bas instincts ?
Dilemme !
quand on voit un personnage comme Alain Juppé occuper le poste de numéro deux du gouvernement français, on ne peut qu’être favorable à la libération et même à la réhabilitation de Nathalie Ménigon et de tous les criminels de France qui ont “purgé leur peine” (ou non).
Compte tenu de ses antecedants, je trouve choquant la presence de Juppe au gouvernement (meme si je la comprends). Pour autant il n’a pas de sang sur les mains. La rehabilitation apres des crimes graves devrait passer par le repentir. Pas le moindre de signe pour les anciens d’AD.
Indépendamment de l’identité de ses victimes et de la place qu’elles occupaient dans la société, quand on voit un personnage comme Alain Juppé occuper le poste de numéro deux du gouvernement français, on ne peut qu’être favorable à la libération et même à la réhabilitation de Nathalie Ménigon et de tous les criminels de France qui ont « purgé leur peine » (ou non). C’est immoral sans doute, mais c’est permis, comme beaucoup de choses aujourd’hui… On a aussi le droit, et c’est mon cas, d’être outré par la même libération.
Vous évoquez le bannissement, que je vois comme l’une des rares « solutions » qui permettent de concilier la justice et la morale, et je suis d’accors avec vous.
Dommage, simplement, que cette solution soit issue d’une époque où l’Etat, à défaut de pouvoir se poser en champion de la morale, montrait parfois qu’il pouvait en être le gardien. On en est très loin aujourd’hui, mais celà ne justifie pas « tout ». Pour ce qui me concerne, Nathalie Ménigon aurait dû se voir infligé le traitement qu’elle a réservé à d’autres, on aurait du l’exécuter.
Par simple égard pour les familles de victimes qui passent presque pour des bourreaux aujourd’hui ! C’est hallucinant, et surtout scandaleux.