On a beaucoup lu et entendu qu’il existait contre Nicolas Sarkozy des indices graves ET concordants suffisants pour justifier sa mise en examen. Pourtant, la formule n’est pas exacte. En fait, le code de procédure pénale (art. 80-1) se contente « d’indices graves OU concordants rendant vraisemblable » que le suspect ait pu participer, comme auteur ou complice, aux faits dont le juge d’instruction est saisi. À notre époque binaire, cette conjonction de coordination (mais ou et donc or ni car) est pour le moins dérangeante.
Les choses étaient différentes par le passé. L’évolution n’est pas inintéressante. Ainsi, à une époque où les juges étaient moins surchargés et plus à même d’instruire à charge et à décharge, de simples indices étaient suffisants pour justifier une mise en examen. Une notion assez subjective. Puis, vers la fin des années 80 (époque où les policiers disparaissent des médias), les juges n’hésitent plus à mettre les mains dans le cambouis. Ils deviennent de véritables enquêteurs, perdant sans doute un peu de leur objectivité au fur à mesure que se renforce leur instinct de chasseur.
La loi du 15 juin 2000 a donc tenté de limiter les mises en examen au profit du statut de témoin assisté. Elle a cherché à durcir les conditions nécessaires. Lors des travaux préparatoires de ce texte, il était question d’utiliser une formule retenant « des indices précis, graves ou concordants » Continue reading
5 réponses à “Indices graves ET/OU concordants”
photo intéressante
L’indétermination ne s’arrête peut-être pas là. Le terme “grave“ est-il bien approprié? Parmi la foule de sens possibles, celui qui semble se rapporter à la question nous donne (CNRTL):
« Susceptible de conséquences étendues, de suites fâcheuses, dangereuses. »
… ce qui donnerait à ce terme un caractère de pléonasme dans cette situation (on donnerait des suites fâcheuses à un indice supposé en avoir)
Ne faudrait-il pas dire “incontestable » (ou assimilé) ou “convergents“: ce qui signifierait « suffisant en lui-même“ ou “pertinent par rapprochement“. Parce que pour en revenir à L’ADN, si on le retrouve dans un viol… n’est-il pas suffisant? … dans ce cas le “ET » supposerait en avoir 2 dans tous les cas.
Très intéressant !
« Ou’ est le plus souvent exclusif, mais il est par défaut inclusif, ce que négligent les adeptes du « et/ou » (dont je suis..).
La question des ET et des OU intéresse aussi l’informaticien. Vous savez, cette logique dite « booléenne », du nom d’un mathématicien anglais, fondateur de l’algèbre de la logique.
Quand on pose une question à une base de données, si on recherche, par exemple, les fruits qui sont OU des pommes, OU des poires, on va trouver des pommes… ET des poires dans les résultats (soit l’un, soit l’autre).
En revanche, si on recherche des fruits étant des pommes ET des poires, cela ne signifie rien. Ce genre de requête est valable pour d’autres cas : des personnes nées après le 1/1/1950 ET nées avant le 31/12/1951. On obtiendra les personnes nées en 1950… OU en 1951.
D’un point de vue juridique, on imagine mal le OU étant inclusif. La question semble bien être : existe-t-il OU des indices graves, OU des indices concordants… C’est donc bien soit l’un, soit l’autre – soit évidemment les deux. Qui peut le plus peut le moins…
Qu’en pensez-vous, chers commentateurs-trices ?
Si seulement il n’y avait que le « ou ».
Dans « indices graves OU concordants rendant vraisemblable », il y a aussi « indice », « grave », « concordant » et « vraisemblable ».
Autant pour « indice » et « concordant » j’imagine que la définition varie peu d’un individu à un autre, autant pour « grave » et « vraisemblable »…
Mais c’est le grand jeu des « non scientifiques ». Ils inventent des mots sans les définir, font des phrases et posent des questions avec. Et après ils passent des heures, des jours voire des années pour savoir ce que « ceioc fefe htyf » veut bien vouloir dire. Pour certains termes, la durée du débat se mesure même en millénaire (« le bonheur », « la vie »…).