Il y a quelques jours, un jeune homme est convoqué devant une chambre correctionnelle pour des violences volontaires à la suite d’une bagarre de rue. Au dernier moment, l’avocat qu’il avait choisi lui a fait faux bond. Pris par le temps, il décide de demander un avocat commis d’office. À l’accueil du public de l’ordre des avocats, porte close : c’est la grève ! Il décide alors de se défendre tout seul. Pour cela, il lui faut prendre connaissance de son dossier. Oui mais pour avoir accès à votre dossier, lui répond-on au greffe, il faut venir avec votre avocat.
On n’en sort pas. Il se retrouve donc bien seul devant ses juges mais le ténor de la partie adverse (qui lui ne fait pas grève), ne veut rien savoir : il exige une décision immédiate. Après avoir vérifié la bonne foi du prévenu, le président a estimé que le jugement ne serait pas équitable : Affaire renvoyée !
Ce n’est pas toujours le cas.
La justice, c’est souvent l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. C’est la raison d’être de l’aide juridictionnelle. Le meilleur moyen de se rapprocher de l’engagement de toute société démocratique : l’égalité de tous devant la loi. Continue reading
7 réponses à “Aide juridictionnelle : l’amertume des avocats”
Le système judiciaire ne semble pas toujours juste, parfois on croit qu’il faut avoir beaucoup d’argent pour être vainqueur dans la justice. La vérité n’est pas loin de cela, mais la justice met à disposition de tout le monde des représentants afin de bien équilibré les disputes. Il faut savoir que ce sont des avocats professionnels qui ont opté de prendre certains cas pro bono donc, vous avez un bon représentant.
Le nombre d’avocats explose, passé de 39.454 en 2002 à 58.224 au 1er janvier 2013, soit + 47.57 % en 11 ans, avec de très fortes disparités : augmentation exponentielle à Paris, très importante en zone urbaine, modeste en zone rurale. Cela participe de l’augmentation du budget de l’aide juridictionnelle et des difficultés de toutes les juridictions dont la taille du barreau explose (le nombre de magistrats en activité est lui passé de 7005 en 2002 à 8.258 en 2010 et de nouveau sous la barre des 8.000 aujourd’hui, et continuera à diminuer les prochaines années faute d’anticipation par nos gouvernants des départs en retraite), pas forcément d’une meilleure défense du justiciable. L’offre finit pas créer la demande en justice, y compris si elle n’a aucune chance d’aboutir (une demande de délai de paiement par un débiteur bénéficiaire du RSA…) ou ne participe pas de l’intérêt bien compris du justiciable (l’encre du dernier jugement du JAF est à peine signée et le délai d’appel écoulé qu’il est de nouveau saisi d’une demande d’augmentation/diminution de la pension de 20 euros ou sous prétexte du motif le plus futile soit-il de conflit parental), et la demande et/ou défense en justice est juridiquement pitoyablement soutenue (à se demander même parfois si les pièces du dossier ont seulement été lues). Pour exercer (comme magistrat) dans un tribunal dont le barreau est passé de 130 en 1999 à plus de 250 aujourd’hui, je constate que ces situations très exceptionnelles deviennent, non pas généralisées mais à ce point fréquentes que nul ne s’en offusque quasiment plus. Des deniers publics pour financer l’aide juridicitionnelle et donc la profession d’avocats oui, mais à la condition d’arrêter cette fuite en avant. A défaut, une taxe sur le chiffre d’affaires des cabinets est justifiée.
Un avocat commis d’office peut être spécialisé … dans les divorces ou le droit des affaires (dans le cas d’un mis en cause pour, disons, une affaire de moeurs, ça peut être un contre emploi, loin de garantir le plein exercice de ses droits). Certains policiers peuvent être plus compétents en droit (du moins dans la spécialité qui interesse immédiatement le pauvre justiciable) que certains avocats : j’ai été sidéré par la nomination au titre d’avocat de Mr Millot, et par le commentaire de http://www.lemonde.fr/politique/article/2014/03/11/bastien-millot-l-un-des-ex-dirigeants-de-bygmalion-est-devenu-avocat_4381196_823448.html « une épreuve de validation des connaissances qui concerne 900 ou 1 000 pages » (pour mémoire, un technicien ou ingénieur en electronique/informatique doit se farcir des documentations de plus de 1000 pages couramment, pas pour un examen de complaisance)
« Il s’agit d’instaurer une taxe qui sera payée par les avocats afin de pouvoir payer ces mêmes avocats lorsqu’ils assurent une mission de service public.
Il est vrai que ce principe est déjà appliqué avec le prélèvement d’un euro sur les remboursements de la sécurité sociale (plus t’es malade, plus tu paies) »
à mon avis ceci est faux. le système prévu en matière de sécurité sociale n’est pas le même qu’ici.
le médecin ne paie pas pour que son malade soit remboursé : c’est le malade qui paie.
ici ce devrait donc être le justiciable.
Or le projet prévoit que l’avocat doit payer, faire son travail et être ensuite indemnisé de son travail (les tarifs sont fixés par l’Etat).
résumons : le système proposé est incroyablement dingue : payer pour collaborer à un service public.
quelle profession pourrait l’accepter ?
Bonjour,
je suis surpris de votre réponse.
Vous appelez « site Sénat » ce qui est en réalité la question d’un sénateur au gouvernement. Celui-ci n’indique pas lui-même d’où il tire ce chiffre.
Dans le document dit « site Assemblée nationale » qui est un rapport d’information daté de 2011, pouvez vous citer la page à laquelle vous vous référez s’il vous plaît ? Qu’appelez vous « tous les pays de richesse comparable » ?
Quant au bâtonnier de Paris, qui est à la tête des avocats pour réclamer une augmentation de l’aide juridictionnelle, je ne le considère pas comme une source fiable et impartiale sur ce sujet .Vous êtes bien sûr libre de penser le contraire.
Dans le rapport d’évaluation pour 2012 de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ ; un organisme associé au Conseil de l’Europe qui me semble pour ma part être l’autorité de référence sur le sujet), il est indiqué (graphique 2.22, page 47) que la France dispose d’un budget pour l’aide juridictionnelle de 5,6 euros/habitant et se classe 12e/39 (si on compte ensemble les composantes du Royaume-Uni).
Le budget est inférieur à celui (pour prendre des exemples de grands pays) à ceux des Pays-Bas, de la Finlande, de la Suisse, du Danemark, de l’Irlande ou de la Suède. En revanche, il est supérieur à celui de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie, de l’Autriche ou de la Pologne.
La moyenne n’est pas de 8 euros comme vous l’indiquez, mais de 6,8 euros. Elle est très affectée par les valeurs exceptionnelles des composantes du Royaume-Uni : 53,5 euros pour l’Irlande du Nord, et 45,7 euros pour le reste de la Grande-Bretagne. La médiane en revanche est à 2,1 euros (médiane = la moitié des pays ont une valeur inférieure à cette somme).
Si on prend en considération le budget annuel alloué à l’aide juridictionnelle alloué en pourcentage du PIB, la France se classe 15e/39.
C’est pourquoi je pense qu’il est factuellement erroné d’affirmer que « Le financement de l’aide juridictionnelle est devenu l’un des plus faibles d’Europe. »
Vous affirmez que « Le financement de l’aide juridictionnelle est devenu l’un des plus faibles d’Europe ». Disposez vous d’une source impartiale et fiable pour le justifier, et pouvez vous l’indiquer ? Merci.
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Réponse :
La France ne consacre à l’aide juridictionnelle que 4,9 euros par habitant contre 8 euros en moyenne en Europe (site Sénat).
Sur le critère du PIB, la France se classe 37ème derrière tous les pays de richesse comparable pour son budget consacré à la justice (site Assemblée Nationale pdf).
Le financement de l’AJ en France est l’un des plus faibles en Europe (discours du bâtonnier de Paris en 2013).
La solution est simple et évidente : un % du bénéfice et non du CA pour chaque cabinet d’avocat, avec un seuil en dessous duquel le cabinet est exempté (bénéfice < à 1,5 fois le Smic ). Bien sur cela provoquera les hurlements des cabinets ayant des bénéfices plus que confortables …..
Et autre problème pour que le système soit équitable, il faudrait que l'ensemble des honoraires soient déclarés. Ce qui est loin d'être certain et notamment chez les cabinets les plus florissants. A ma connaissance les contrôles fiscaux approfondis sont plus que rares dans cette profession…….