LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Mohamed Merah : Loup solitaire ou agent dormant ?

Alors que les négociations se poursuivent pour obtenir la reddition de l’auteur présumé des meurtres de Toulouse et de Montauban, déjà on s’interroge sur son profil : loup solitaire ou agent dormant ?

Les deux plus grandes craintes en matière de terrorisme.

Le loup solitaire est l’individu qui partage une identité idéologique ou philosophique avec un groupe et qui un jour décide de passer à l’acte. En solo. Sans avoir reçu d’instructions et même parfois sans participer activement à la vie de ce groupe. Internet favorise de telles focalisations. C’est un peu la rébellion de la fourmi dans la fourmilière.

Pour Nicolas Lebourg, chercheur à l’Université de Perpignan, cité dans le blog du Monde Droites extrêmes, c’est une tactique inventée par l’Américain Joseph Tommasi, en 1974, pour qui le terrorisme individuel est le seul susceptible de passer entre les mailles des filets de protection mis en place par les États. Métapédia, date le loup solitaire de la fin des années 90, lorsqu’aux États-Unis, un certain Alex Curtis prônait l’utilisation de tous les moyens « individuels » pour lutter contre tous les non-Blancs. Mais peu importe l’origine, cette stratégie terroriste, quasi mythique, consiste à échauffer des esprits faibles pour les inciter à passer à l’action – de leur plein gré. Ces gens se croient chargés d’une mission. Quelle qu’elle soit. Ici des assassinats, mais il peut tout aussi bien s’agir de lettres de menaces, de colis piégés, du plastiquage des radars routiers, etc.

Le norvégien Anders Breivik, qui aurait agi pour combattre « l’islamisation de l’Europe par les gouvernements socialistes », semble bien cadrer avec cette définition.

Qu’en est-il de Mohamed Merah ? Il est trop tôt pour le dire. Mais il aurait effectué plusieurs « stages » aux frontières du Pakistan et de l’Afghanistan, peu après sa sortie de prison. Ce qui incite à penser qu’il a pu faire l’objet d’un endoctrinement et d’un recrutement par un réseau islamiste clandestin derrière les barreaux de sa cellule. On pourrait donc se trouver en présence d’un agent dormant. C’est une technique qui date du siècle précédent et dont le KGB s’était fait le spécialiste. Ce service secret favorisait l’implantation sociale d’un espion et le laissait mener une vie normale. Il pouvait se passer des années, voire des dizaines d’années, avant qu’il ne soit « réactivé ». Certains ont été identifiés (pas nécessairement arrêtés, mais « retournés ») au plus haut niveau de l’administration française.

La préparation de l’attentat du World Trade Center montre qu’Al-Qaida utilise cette stratégie, du moins sur de courtes périodes.

Dans le cas qui nous intéresse, il appartient désormais aux enquêteurs de déterminer dans quelle case se trouve le suspect. C’est très important. Car s’il a été recruté, formé, puis finalement activé pour commettre ces assassinats, cela voudrait dire que la France est devenue une cible pour les terroristes. Et qu’il y a la volonté très nette d’influer sur la campagne présidentielle.

Si c’était l’un des objectifs, c’est une réussite.

Les enquêteurs ont identifié l’assassin, pourtant, l’enquête est déjà critiquée, comme on peut le lire sur le site OWNI. Avec en filigrane cette question : aurait-on pu éviter le massacre de jeunes enfants ? En fait, il semble bien qu’il y ait eu des hésitations, des lenteurs. Mais comment faire travailler ensemble des dizaines de fonctionnaires appartenant à des services différents, aux méthodes différentes et avec autant de chefs au-dessus d’eux ? Si l’on ajoute la pression politique et médiatique, c’est l’usine à gaz. Plus tard, cela nécessitera un débriefing, et j’espère qu’il sera rendu public.

Quant à la question qui nous tarabuste : pourquoi le RAID n’intervient pas ? Je n’ai pas la réponse. C’est la première fois qu’une telle situation se produit, du moins lorsqu’il n’y a pas d’otage. Soit Mohamed Merah détient des explosifs, et l’on craint un guet-apens, soit personne n’ose prendre le risque de le tuer, pour ne pas aller contre la volonté du président de la République, qui a dit : « J’le veux vivant ! »

Expulsions : petits arrangements policiers avec la loi

Aujourd’hui, les expulsions reprennent. Une fois sur dix, elles ont lieu avec le concours de la force publique. Pour les policiers, c’est un sale boulot. Et dans certains cas, c’est tout simplement insupportable…

Au mois d’octobre dernier, dans un commissariat de la banlieue parisienne, l’ambiance n’y est pas : il faut procéder à une expulsion. Dans cette commune ouvrière, comme on disait autrefois, du temps où il y avait du boulot, c’est monnaie courante. Et le plus souvent, ce sont les locataires des cités HLM qui sont visés. Mais là, ça ne passe pas. Cette femme que les policiers doivent jeter à la rue, ils la connaissent. Elle ne fait pas partie de ces fricoteurs qui utilisent toutes les ficelles pour ne pas payer leur loyer. Non, elle élève seule ses enfants et elle ne trouve que des emplois précaires et mal rémunérés. Au fil des mois, les quittances de son petit HLM se sont accumulées pour atteindre une somme qu’elle ne pourra jamais rembourser.

Tout a été fait selon les règles : commandement à payer, décision de justice, information au préfet (pour la demande de relogement : sans effet), commandement de quitter les lieux… Mais où voulez-vous qu’elle aille, cette femme ? Comme elle ne s’exécute pas, l’huissier demande l’assistance de la force publique. Certes, le préfet peut refuser, notamment pour assurer « la protection de la famille », mais il doit alors motiver sa décision et il engage fortement sa responsabilité, car le bailleur peut se retourner contre l’État.

Le commissaire a fait traîner au maximum, mais cette fois, c’est réglé. Le dossier est en ordre. Il faut exécuter la décision de justice.

Pourtant, il n’est pas satisfait. Et, près de lui, ses adjoints renâclent. Comme il entretient de bonnes relations avec le maire (de gauche), il décide une tactique que l’on n’apprend pas dans les écoles de police. L’air de rien, il va traîner ses guêtres dans les locaux de la mairie, et raconte, à qui veut l’entendre, l’histoire de cette femme qui va se retrouver dans la rue avec ses enfants, à la veille de l’hiver. Ses propos font boule de neige. À la mairie, personne n’est dupe, mais tous jouent le jeu.

Le lendemain matin, une douzaine de gaillards sont regroupés devant l’entrée de l’immeuble. Certains agitent des pancartes rédigées à la hâte : Non aux expulsions ! Des curieux s’agglutinent. Les voisins papotent. Lorsque l’huissier et les policiers débarquent, ce sont plusieurs dizaines de personnes qui sont rassemblées. La plupart sont des badauds et ne savent même pas de quoi il retourne, mais peu importe : il s’agit d’un attroupement. Dans ces conditions, il existe donc un risque de trouble à l’ordre public. Ce que le commissaire signifie à l’huissier qui, sans doute un peu complice, le mentionne dans son constat : l’expulsion est reportée sine die.

Il paraît que la pilule a été plus difficile à faire passer du côté de la préfecture. (Raison pour laquelle je ne donne pas le nom de cette ville.) En tout cas, cette mère de famille et ses enfants ont passé l’hiver sous un toit.

Bien sûr, le loueur doit encaisser ses loyers. Il n’est pas possible que certains paient et d’autres pas. Mais je me demande, dans la mesure où le « droit au logement opposable » s’applique aux personnes qui sont menacées d’expulsion sans proposition de relogement, s’il ne serait pas plus simple pour l’État (et peut-être pas plus cher), de prendre des arrangements financiers directement avec les organismes HLM. Ce serait autrement élégant. Je dis ça sans rien n’y connaître, d’autant que les textes sur le logement sont un véritable embrouillamini. En tout cas, la loi Boutin ne va pas dans ce sens puisque les départements ont abandonné la gestion des fichiers de demandeurs d’HLM au profit des seuls bailleurs.

Alors que le droit au logement a valeur constitutionnelle, l’État esquive.

Le printemps arrive. La trêve est finie. Je suppose que l’ordre de requérir la force publique pour expulser cette femme est déjà sur le bureau du commissaire, et les policiers vont devoir prêter main-forte à l’huissier de justice. C’est leur job. Mais je me dis qu’ils vont en avoir gros sur la patate.

Meurtre de Léa : un suspect est arrêté, il ne sera peut-être pas jugé

Il n’y a pas de haine dans les propos de Karine Bonhoure. L’assassin présumé de sa fille a été arrêté ; elle veut juste qu’il soit jugé. Ce qui semble la moindre des choses. Et pourtant, aujourd’hui, rien n’est sûr. Les avocats du suspect demandent l’annulation de la garde à vue. Pourtant, policiers et magistrats n’ont commis aucune erreur. Bien au contraire. Alors…

« Peut-on imaginer que l’assassin de ma fille soit libéré avant tout jugement et qu’on annule sa détention provisoire ? » me demande-t-elle au téléphone. Et elle me lit la requête des avocats, Me Amel Belloulou-Amara et Laurent Epailly : annulation des auditions faites par les policiers et des interrogatoires du juge, de la perquisition, des saisies, des constatations sur la scène de crime, du rapport médical, etc.

Le suspect, Gérald Seureau, a fait des aveux circonstanciés. Il existe de nombreuses preuves matérielles contre lui qui justifient sa mise en examen pour meurtre aggravé de viols. Et il pourrait être blanchi sans autre forme de procès !

Quel déni de justice.

En cette nuit de la Saint-Sylvestre 2011, une vingtaine de jeunes gens se sont réunis pour le réveillon. Léa et Gérald font connaissance. Elle a 17 ans, il en a 24. Un flirt d’une nuit de fête… A l’aube, ils quittent leurs amis. Tous deux se dirigent vers une propriété en partie buissonneuse où vivent les Sœurs de Saint-François d’Assise. Que s’est-il passé ensuite…

Dans la matinée, la mère de Léa s’inquiète de ne pas voir revenir sa fille. Elle appelle des amis et finit par joindre Seureau – qu’elle ne connaît pas. Il affirme qu’ils se sont séparés vers 6 ou 7 heures du matin. Elle prévient la gendarmerie. Le jeune homme fait la même réponse aux gendarmes. Finalement, vers 21 h, le père se rend au commissariat accompagné de Seureau, qui est le dernier à avoir vu la jeune fille. Il répète ce qu’il a déjà dit : il a quitté Léa vers 6 ou 7 heures. Mais son comportement est bizarre et, lorsqu’il retire l’un de ses gants, les policiers remarquent des traces de griffures sur le haut de sa main. Ils lui demandent des explications. Le jeune homme s’effondre en gémissant : « Je vais aller en prison… Je vais aller en prison… »

À 22 h 45, il est placé en garde à vue. L’OPJ du commissariat informe le barreau pour demander un avocat. Le suspect a craqué, mais lorsqu’il a abandonné Léa, elle était encore en vie. C’est du moins ce qu’il affirme. Et il est d’accord pour accompagner les enquêteurs sur place. Ceux-ci se précipitent. Ils font prévenir l’avocat que, vu l’urgence, ils se transportent sur les lieux de l’agression, du viol, du crime… Ils ne savent pas très bien. Lorsqu’ils arrivent, il est 00 h 35. Léa est morte depuis longtemps. Elle a sans doute agonisé de longues heures. Le procureur, tenu informé, décide de saisir la police judiciaire. Service qui reprend la garde à vue à 1 h 15. Seureau s’entretiendra avec l’avocat de permanence, comme il l’a demandé, durant environ 25 minutes. C’est seulement après qu’il sera interrogé sur le fond. Il passe des aveux complets, d’ailleurs en partie recoupés par ses premières déclarations et par les investigations effectuées durant la garde à vue. Il s’est acharné sur la jeune fille avec une rare violence et il l’a violée à plusieurs reprises. Elle s’est débattue, bien sûr, lui arrachant une gourmette à son nom qu’il porte ordinairement au poignet et qui est retrouvée près du corps. Des tortures qui ont duré longtemps. Un médecin constate les traces de coups et de griffures sur le suspect. Des témoins déclarent avoir vu le jeune homme alors qu’il portait des vêtements déchirés et tâchés de sang. Vêtements qui seront retrouvés lors de la perquisition à son domicile. Des traces de sperme seront même découvertes, plus tard, lors de l’examen clinique du corps de la victime.

Pour les policiers et les magistrats, c’est une affaire carrée : des aveux détaillés et recoupés, des éléments matériels, et même des prélèvements ADN.

Oui, mais…

Trois mois plus tard, sur la pression de la Cour européenne des droits de l’homme, les parlementaires votent en catastrophe une loi pour modifier les conditions de la garde à vue. Deux points essentiels : la présence de l’avocat durant l’audition d’un suspect et l’obligation de l’informer de son droit à garder le silence. Jusqu’à ce jour, cédant à des lobbys autistes et à la pression de certains syndicats de police, le gouvernement s’était refusé à toute modification. En 2009, Nicolas Sarkozy avait missionné un comité de réflexion sur la justice pénale qui est resté lettre morte. Cette même année, les juges de Bobigny, qui, eux, avaient senti la patate, avaient demandé aux OPJ de suivre les directives européennes en matière de garde à vue. Ils ont à l’époque été fustigés par de nombreux policiers et la chancellerie leur a tourné le dos. Et pourtant, dans au moins deux affaires distinctes, la Cour européenne a estimé que les enquêteurs « auraient dû anticiper l’évolution de la jurisprudence européenne ». Ensuite, mais un peu tard, la Cour de cassation a mis les choses au clair : « Les États sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme sans attendre une condamnation par celle-ci ou un changement dans leur législation » (Cass., ass. plén., 15 avr. 2011).

En ce qui concerne la présence de l’avocat, la clé de la jurisprudence européenne tient dans le célèbre arrêt Salduz : pour qu’un procès soit équitable, il faut que le suspect ait accès à un avocat dès le premier « interrogatoire » de police – « sauf à démontrer à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit ».

Or, dans l’affaire du meurtre de Léa, la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Montpellier a estimé que les policiers et les magistrats avaient respecté la procédure telle qu’elle existait au début de l’année 2011. Et que l’application rétroactive de la loi sur la garde à vue pouvait générer un trouble à l’ordre public. On parle dans ce cas de « sécurité juridique » : protéger les citoyens contre les effets non souhaités du droit.

Les avocats de Seureau ont alors porté l’affaire devant la Cour de cassation qui, le 17 janvier 2012, a cassé la décision de la Cour d’appel. Pour la juridiction suprême, les premières déclarations du suspect sont justifiées par la nécessité de rechercher une personne en péril, ce qui légitime à la fois l’absence de l’avocat et l’absence de notification du droit de se taire. En revanche, les auditions réalisées ensuite sont irrégulières. Une petite phrase qui vise expressément les aveux recueillis par la police judiciaire. En clair, il semblerait donc que la partie de la procédure qui précède la découverte du corps reste valable. Quant au reste…

C’est à présent à la chambre d’instruction de la cour d’appel de Toulouse de se prononcer*. L’audience qui devait se tenir le 8 mars a été repoussée au 26 avril 2012. Il lui appartiendra de déterminer précisément quels procès-verbaux doivent être annulés. Les aveux, c’est sûr, mais quid des autres actes concomitants effectués durant l’enquête en crime flagrant ? Et l’information judiciaire ! Pourrait-elle être invalidée ? C’est le flou juridique.

Il devrait toutefois subsister suffisamment de charges pour envoyer le suspect devant une Cour d’assises. Et il appartiendra au Président de celle-ci de boucher les trous de la procédure. Les policiers, les magistrats, les experts qui ont participé à l’enquête pourront être entendus comme témoins et rapporter ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu. Leurs dépositions marqueront sans doute les jurés. Et si, comme dans l’affaire des enregistrements clandestins effectués au domicile de Mme Bettencourt, ces preuves obtenues « illégalement » étaient néanmoins recevables ?… Eh non ! La décision de la chambre criminelle ne vise que des preuves fournies par une personne privée : un OPJ, lui, est tenu de respecter la loi.

Ce gouvernement se targue de vouloir protéger les victimes. Alors comment admettre que son inertie ait mené la famille de Léa à la situation inverse ? En tardant à aligner la loi française sur les règles européennes, il a placé Karine Bonhoure face à l’absurde. Elle qui s’était tue depuis la mort de sa fille a lancé une pétition sur Facebook afin d’attirer l’attention sur cette situation invraisemblable : un suspect est arrêté, il ne sera peut-être pas jugé.

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* Le 7 juin 2012, la Cour d’appel de Toulouse a estimé la garde à vue illégale.

Un nouveau crime dans le code pénal : la disparition forcée

Il ne s’agit pas d’un acte typiquement crapuleux. C’est le fait d’agents de l’État ou du moins de personnages qui agissent en son nom. Des spécialistes des coups tordus que, chez nous, autrefois, du temps de la lutte contre l’OAS, on appelait des barbouzes. La disparition forcée est l’arrestation arbitraire, voire l’enlèvement, d’opposants politiques ou de militants des droits de l’homme, et leur maintien en détention dans un lieu tenu secret.

À ce jour, en France, de tels comportements sont assimilés à des crimes contre l’humanité et sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité (art. 212-1, al. 9 du code pénal). Ce n’est pas seulement un article symbolique. Ainsi, actuellement, à la suite d’une plainte déposée par plusieurs associations ou ONG, un juge d’instruction du tribunal de Meaux est en charge d’une enquête sur des exactions commises au Congo. Les faits remontent à mai 1999. En pleine guerre civile, des réfugiés ont voulu profiter d’un couloir sécuritaire pour rejoindre Brazzaville. Des centaines de personnes ont alors été arrêtées pour interrogatoire. On ne les a jamais revues.

Et, en 2010, un procès historique s’est tenu devant la Cour d’assises de Paris pour juger certains des responsables des crimes commis sous la dictature chilienne.

Plus récemment, plusieurs organisations pour la défense des droits de l’homme ont attiré l’attention sur l’Algérie, signalant des arrestations qui pourraient bien ressembler à des disparitions forcées. Comme ce fut le cas en novembre 2011, pour Nouredine Belmouhoub, défenseur des droits de l’homme et porte-parole du Comité de défense des anciens internés des camps de sûreté, séquestré durant trois jours par de pseudo-policiers.

D’après les chiffres des Nations unies, dans 90 pays, sur les cinq continents, ce sont 40 à 50 000 personnes qui auraient disparu depuis 1980. Mais la monstruosité a été atteinte les décennies précédentes en Amérique latine, durant la « guerre sale », alors que les services secrets de plusieurs dictatures militaires coordonnaient leur action répressive. Avec, pour le moins, la complicité passive de la Maison Blanche. Certains pensent d’ailleurs que d’anciens membres de l’OAS réfugiés dans ce coin du monde ont coopéré à cette sauvagerie. Notamment pour mettre en place l’opération Condor, qui rappelait (en plus grand), les « Crevettes Bigeard » : des cadavres, les pieds coulés dans le béton, largués en mer depuis des hélicoptères. Ces faits, reconnus par certains, ont toutefois été démentis par le général Marcel Bigeard lui-même.

Plusieurs pays ont œuvré pour mettre en place une procédure qui viserait à protéger les populations et à réprimer ces actes. Une première résolution en ce sens a été signée en 1978. Finalisée en 2006 par une convention internationale adoptée à la fois par le Conseil des droits de l’homme et par l’Assemblée générale des nations Unies. La France a eu un rôle moteur dans l’histoire de cette convention.  Elle a donné une impulsion à la démarche et elle a présidé les négociations jusqu’à la signature du texte. Aujourd’hui, elle fait partie des dix membres du nouveau comité des Nations unies chargé de faire respecter la Convention et de traiter les plaintes individuelles. À ce jour, 91 États sont signataires.

« Où sont les centaines d’enfants nés en captivité ? » demandent ces femmes.

La première réunion de la « Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » s’est tenue à New York en mai 2011 sous la présidence de l’Argentine. Elle était parrainée par la présidente de l’ONG des « Grands-mères de la place de Mai », Estella de Carlotto, toujours à la recherche de l’enfant que sa fille a mis au monde alors qu’elle se trouvait en détention, avant d’être assassinée.

La France a été le premier pays d’Europe à ratifier cette convention. Il était donc urgent qu’elle adapte son code pénal et sa procédure pénale. Ce qui, entre parenthèses, aurait dû être fait en 2011. Le mois dernier, au nom du gouvernement, Michel Mercier, le garde des Sceaux, a déposé un projet de loi en ce sens. Un peu noyé, il faut le dire, parmi d’autres modifications comme le jugement, l’exécution des peines ou l’extradition des étrangers dans le cadre d’une meilleure coopération judiciaire au sein de l’Europe. Mme Le Pen sera sans doute contente d’apprendre que les étrangers pourront exécuter leur peine en dehors de l’Hexagone. Sous certaines conditions, va sans dire. D’autre part, le fonctionnement d’EUROJUST sera repoli, principalement au niveau de l’information au sein de l’Union. Par exemple, une fois la loi adoptée, EUROJUST pourra consulter les principaux fichiers français.

Cette  nouvelle infraction criminelle sera inscrite dans le code pénal sous le titre « Des atteintes à la personne constituées par les disparitions forcées ». La peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté qui pourra aller jusqu’à 22 ans.

La disparition forcée est nécessairement commise par des agents de l’État ou sous l’autorité de l’État et, que l’on soit en haut ou en bas de la hiérarchie, le simple fait d’être au courant et de n’avoir rien fait pour l’empêcher est considéré comme de la complicité. Il y a donc implicitement dans le texte, nécessité de désobéir, de s’opposer, ou du moins de dénoncer. Quel que soit le pays où les faits ont été commis, les juridictions françaises sont compétentes à partir du moment où les suspects se trouvent sur le territoire national.  Les personnes morales peuvent également être poursuivies.  La peine et l’action publique se prescrivent par 30 ans, comme en matière de terrorisme ou de trafic de stups. Alors qu’aujourd’hui, considérés comme des crimes contre l’humanité, ces agissements sont normalement imprescriptibles. Les disparitions forcées commises avant 1982 ne pourront donc plus faire l’objet de poursuites pénales si aucune procédure n’a été engagée.

Pour mieux matérialiser la portée de cette loi, si elle avait existé lors de l’enlèvement de Ben Barka, en 1965, devant la brasserie Lipp, à Paris, les deux policiers français mis en cause auraient risqué perpette. Ils ont pris 8 ans et 6 ans. Et les juges auraient pu remonter la hiérarchie… Jusqu’à quel niveau… ? Je ne sais pas. De toute façon, à un moment ou à un autre, ils se seraient heurtés au « secret défense ».

Quant aux crimes et délits commis durant la guerre d’Algérie, on oublie. Ils ont fait l’objet d’une loi d’amnistie votée le 31 juillet 1968. Le texte vise même expressément les infractions commises par les militaires.

Notre histoire est une leçon.

Fortune de mer pour le Costa Allegra

Le paquebot a-t-il lancé un appel de détresse (Mayday ! Mayday !…) ou un simple message d’urgence (Pan ! Pan !…), comme le font les marins pour demander une aide ponctuelle ou pour signaler une situation délicate ? À présent que les passagers, l’équipage et le navire sont à l’abri, la question pourrait bien se poser, car si aucune rémunération ne peut être demandée pour sauver des vies humaines, il en va différemment pour l’assistance aux biens. Le thonier français qui a remorqué le Costa Allegra doit donc percevoir une indemnité. Mais sur quelle base ? Le capitaine et l’équipage ont-ils réagi pour éviter un naufrage ou simplement pour dépanner un navire en difficulté ?

D’après L’Express, qui rapporte les propos du directeur général de la société de sauvetage « Les abeilles international » : « C’est le commandant qui lance l’alerte. Il envoie un mayday avec sa position (…) Tous les navires dans la zone de navigation reçoivent le SOS… »

A : Seychelles - B : La Réunion - C : Mayotte (Google)

Le Trévignon, un thonier senneur de 90 mètres de long, immatriculé dans le nouveau département de Mayotte (976), mais propriété d’un armateur breton, le capte sans doute comme les autres. Mais c’est lui qui est le plus rapide. Il faut dire qu’à son bord, il y a une équipe de protection de la marine nationale (les eaux sont dangereuses, là-bas), laquelle est probablement dotée de moyens de transmission performants. C’est d’ailleurs le Cross de La Réunion (Centre régional opérationnel de secours et de sauvetage) qui demande au capitaine s’il peut se dérouter. Pour ce bâtiment de pêche, construit pour traîner de lourds filets, le remorquage du paquebot ne pose pas de problèmes majeurs. Ses moteurs sont suffisamment puissants.

Si le « mayday » est considéré comme un appel au secours, ce n’est toutefois pas suffisant pour déterminer la gravité de la situation. Qui dit sauvetage, dit perdition. C’est du moins ce que l’on peut penser. Or, ce n’est pas tout à fait la position de la jurisprudence française. Ainsi, la Cour d’Appel de Montpellier a considéré qu’un yacht, incapable de tenir un cap, à la suite d’une simple avarie, était en péril, même si la météo se montrait clémente. Mais la proximité des terres était un élément déterminant. De toute façon, hors des eaux territoriales, c’est la Convention maritime internationale qui fixe les règles de l’assistance aux navires. Convention que la France a ratifiée en 2001.

Et ce n’est pas simple…

En mer, en cas de problème, il ne faut jamais saisir l’aussière que votre sauveteur vous lance, sinon, vous perdez la propriété de votre bateau… En revanche, si c’est le sauveteur qui la récupère… À moins que ce soit le contraire, je ne me souviens plus. En tout cas c’est l’histoire que m’avaient racontée de « vieux loups de mer » dans un bistrot de Puerto de Mogan, aux Canaries. Mais la bouteille de whisky avait déjà pris une sacrée claque… Allez, il faut tordre le cou à la légende : le sauveteur d’un bateau en détresse n’en devient pas automatiquement le propriétaire. Pour cela, il faudrait qu’il soit considéré comme une épave (le bateau s’entend).  Or, un navire, même abandonné par son équipage, n’est pas considéré comme une épave dès lors qu’il peut reprendre la mer après réparations. En France, c’est la loi du 3 juillet 1985 et un décret de 1987 qui fournit des éclaircissements sur le sujet. Et, en dernier recours, c’est le ministre en charge de la Marine marchande, aujourd’hui le ministre de l’Écologie, qui peut prononcer la déchéance des droits du propriétaire. Pour la petite histoire de la campagne présidentielle, en décembre dernier, François Hollande s’est déclaré favorable au retour d’un ministère de la Mer. Ce qui, pour un pays maritime comme la France, n’est quand même pas si bête.

Mais l’Allegra ne bat pas pavillon français et l’incident s’est produit en haute mer. Et il n’y avait pas de péril imminent. Alors ? En droit maritime, il n’y a assistance maritime que si un navire se trouve confronté « au péril de la mer ». Le danger peut être immédiat ou non et il n’implique pas obligatoirement la perdition. En fait, sauvetage ou assistance, on s’en fiche un peu. Une simple menace pour les personnes ou les biens est suffisante pour justifier l’intervention. On peut donc penser, dans le cas présent, que le remorquage du paquebot constitue bien une assistance maritime et non un simple dépannage. À ce titre, le thonier devrait donc recevoir une indemnité pour avoir aidé à préserver le bateau et le matériel de bord. Et non pour avoir sauvé les passagers. Car l’assistance aux personnes est un devoir qui ne peut donner lieu à une rétribution ni même au remboursement des frais engagés.

Quel pourra être le montant de cette rémunération d’assistance ? D’après les textes, elle doit être équitable. Dans un litige opposant deux plaisanciers, 2 % de la valeur des biens sauvés ont été estimés raisonnables par les juridictions françaises. Mais ici, il ne s’agit pas d’un petit voilier… Il est d’ailleurs vraisemblable que le montant des frais de remorquage ait déjà été négocié par l’armateur. Raison pour laquelle, les autres bâtiments ont escorté le convoi sans se saisir de l’aussière.

En tout cas, outre la fierté d’avoir respecté la règle de la solidarité des gens de mer, on peut espérer que les marins-pêcheurs du thonier breton n’auront rien perdu à interrompre leur campagne de pêche. Et, comme Madame Kosciusko-Morizet a d’autres chats à fouetter, par intérim, je m’autorise un coup de chapeau.

Affaire Neyret : la procédure a-t-elle été bâclée ?

En tout cas, c’est ce que pensent les avocats. Ils ont saisi la Cour d’appel et demandent ni plus ni moins l’annulation du dossier. Les magistrats de la chambre d’instruction ont reporté au 5 avril prochain l’examen des différentes demandes. Ils pourraient les rejeter en bloc, invalider certains actes de la procédure ou, éventuellement, l’annuler en entier. Voilà de quoi faire rêver Michel Neyret dans sa cellule !

Cela semble toutefois peu probable. Il faut en effet se souvenir que l’affaire a été traitée par l’Inspection générale des services (IGS), donc (on l’espère) par des policiers d’un haut niveau procédural ; et par la Juridiction interrégionale spécialisée de Paris (JIRS), composée de magistrats triés sur le volet. On peut donc penser que le dossier est bien saucissonné.

À moins que…

Si l’on en croit Le Point qui, depuis le début, suit l’enquête de très près, certains éléments soulevés par les avocats semblent néanmoins sérieux.

Si j’ai bien compris, une grande partie des faits reprochés aux protagonistes de cette affaire repose sur des écoutes téléphoniques. Des écoutes capricieuses, à en croire Me Kaminski, l’avocat de Stéphane Alzraa (celui qui aurait fait profiter de ses largesses le commissaire Neyret).  C’est lui qui a porté la première estocade : son client a été entendu sur des écoutes téléphoniques qui n’étaient pas dans la procédure. Ce qui pose un vrai problème. Car on peut soit en déduire qu’il s’agissait d’écoutes administratives (donc en principe inutilisables en justice), soit que c’est le souk dans la procédure.

Je dois avouer que la deuxième version me plaît bien. Car, en fait, il est extrêmement difficile de s’y retrouver lorsqu’une douzaine d’individus sont placés sur écoute simultanément. Cela est vrai pour les policiers qui doivent faire la part des choses dans un flonflon de mots souvent anodins, et encore plus pour les juges qui, eux, doivent se faire une opinion sur des propos extraits d’une ou plusieurs conversations. Ainsi, lorsque les avocats relèvent que les premières écoutes téléphoniques sont antérieures à l’ouverture de l’information judiciaire, indéniablement, ils marquent un point. Il semblerait que ces enregistrements aient été effectués par la brigade des stups, alors qu’elle travaillait sur une autre affaire. Si c’est le cas, comme il s’agit d’éléments pouvant faire penser à un crime ou un délit qui ne concerne pas leur enquête, ils ne peuvent en faire état dans leur procédure. La bonne règle veut alors que l’on en avise le procureur qui juge de l’opportunité d’ouvrir une enquête préliminaire. Mais, dans le cas présent, les faits se passent à Lyon, le proc de Paris n’est donc pas « territorialement » compétent. Il doit passer le relais. Et s’il craint des fuites, car l’affaire pourrait mettre en cause des policiers, voire des magistrats, il lui reste la possibilité de saisir un service à compétence nationale, comme l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) ou un office central de la police judiciaire.

Or, la question que l’on se pose depuis le début de cette affaire, c’est pourquoi avoir saisi les policiers parisiens d’une affaire pour laquelle ils n’avaient pas compétence ? La question reste sans réponse. Mais le sentiment de nombreux policiers de province est double. Un, il y a eu méfiance des autorités vis-à-vis des policiers qui n’appartiennent pas au sérail (la PP) ; deux, l’IGS sait montrer beaucoup de « souplesse » dans ses enquêtes. Opinion renforcée par des affaires récentes, comme celle du trafic supposé de titres de séjour ou même l’affaire des fadettes d’un journaliste du Monde.

Me Kaminski, a donc aujourd’hui beau jeu de dire que les critères de compétence du parquet et du juge d’instruction n’ont pas été respectés, « puisqu’aucune des infractions n’a été commise à Paris, aucun des suspects n’y réside et qu’ils ont tous été interpellés en province ».

Cela suffit-il à faire tomber la procédure ? Pour les avocats du commissaire Christophe Gavat, l’ancien chef de la PJ de Grenoble, la question ne se pose même pas, car ils se demandent encore pourquoi leur client a été mis en examen. Pour eux, le dossier est vide.  Le policier est soupçonné d’avoir détourné des scellés (de drogue), à la demande de Michel Neyret, afin de rétribuer des indicateurs. L’air de rien, lors de son arrestation, France 3 a rappelé que ce commissaire atypique (il veut être comédien), lorsqu’il était en poste à Perpignan, a arrêté le maire UMP de Saint-Cyprien, lequel s’est suicidé en prison. Et que dans une affaire de trafic de cocaïne, il a également mis en garde à vue un autre élu de ce parti politique. « Le fait qu’il se soit attaqué à des notables de l’UMP peut-il expliquer les déboires qu’il connaît aujourd’hui ? » s’interroge innocemment le journaliste.

Cette histoire peut-elle avoir un lien avec les idées politiques des uns ou des autres ?  Je ne veux pas le croire. Mais si Michel Neyret et ses collègues avaient eu le « bon » profil, les enquêteurs auraient peut-être reçu la consigne d’y aller avec des gants… Alors que là, le directeur central de la PJ leur a tenu la tête sous l’eau, tandis que des fuites dans la presse faisaient monter la pression. Et, dès la fin de sa garde à vue, Michel Neyret a été suspendu par le ministre de l’Intérieur. « Il ne faut jamais faire quoi que ce soit d’illégal », a virilement déclaré Claude Guéant sur France 2. Depuis, d’autres policiers ont eu un traitement moins ferme.

Alors ce dossier, vide, bâclé ou solide ? Je n’en sais rien. Il faut attendre la décision de la chambre d’instruction de la Cour d’appel. Et dans quelques mois, ou des années, la justice passera, et nous saurons peut-être si autre chose se cachait derrière l’apparence des faits. Mais avec le temps, cela n’intéressera plus personne.

Le discours de la haine

La Cour européenne des droits de l’homme vient de nous faire un vaccin de rappel sur les limites entre la liberté d’expression et la propagation d’idées fondées sur l’intolérance qui incitent à la haine. Et, pour que l’on comprenne bien, elle énumère les différents cas : haine raciale, haine sur l’orientation sexuelle, haine religieuse, discours négationniste, etc. Enfonçant le clou avec des exemples.

Lorsqu’elle s’arrête sur le discours politique, la Cour cite deux cas. L’un en Turquie, où le président d’un parti avait dénoncé l’intervention des États-Unis en Irak et l’emprisonnement du dirigeant d’une organisation terroriste. Et l’autre en Espagne, où des parlementaires avaient protesté contre des mauvais traitements infligés à des membres de l’ETA lors d’une opération policière, mettant en cause la responsabilité du roi d’Espagne. Il s’agit en fait de contre-exemples, puisque dans ces deux cas, elle a donné tort aux juridictions nationales qui avaient prononcé une sanction (en violation de l’article 10 de la Convention européenne sur la liberté d’expression).

La Cour européenne se montre donc très circonspecte dès qu’il s’agit de l’intervention d’un homme politique. Au point de s’entortiller un peu les pinceaux. Ainsi, dès les premières lignes de sa fiche thématique, elle attire l’attention du lecteur sur la conclusion – ce qui est quand même assez original. Si elle rappelle que les sociétés démocratiques doivent sanctionner ou prévenir toutes les formes d’expression fondées sur l’intolérance qui propagent, promeuvent, justifient ou incitent à la haine, elles doivent aussi préserver le droit pour les personnes de s’exprimer librement – notamment les journalistes et les hommes politiques. Si j’ai bien lu entre les lignes ces derniers peuvent, par leur discours ou leurs écrits, chercher « à heurter, choquer ou inquiéter », sans pour cela avoir de sombres arrière-pensées.

Extrait de la fiche thématique de la CEDH (février 2012)

On comprend bien que ce petit rappel à l’ordre n’a rien à voir avec les Présidentielles françaises. Il ne faut pas être nombriliste…

Pourtant, ces derniers jours, dans l’arène politique, l’animosité est palpable. Au point que parfois, on a l’impression qu’il y a de la haine. Et nous sommes sans doute beaucoup à avoir noté la violence du meeting de Marseille, tant dans les propos et l’attitude du président de la République que dans la mise en scène. Aussi, tout comme François Chérèque, le number one de la CFDT, on peut se poser la question : « Pourquoi autant de violence ? » Une élection présidentielle, ce n’est pas un match de foot. Et, au moment de glisser notre bulletin dans l’urne, on ne doit pas se demander ce à quoi l’on échappe en ne votant pas pour tel autre candidat, mais plutôt ce qui nous attend dans les cinq ans à venir.

Vers une chasse aux sorcières dans la police ?

Dans un article du 14 février 2012, Le Monde pose le problème de la reprise en main de la police en cas de victoire de François Hollande à la Présidentielle. La question vaut d’être posée, car, ces dix dernières années, la police a fortement été marquée par Nicolas Sarkozy. Au premier abord, on peut se dire que les mal-pensants ont été depuis longtemps écartés et que les postes clés sont aujourd’hui tenus par des fidèles, mais les réformes entreprises sont plus profondes. Il y en a eu des bonnes. Et d’autres plus discutables, comme la création de la DCRI ou le rattachement de la gendarmerie à l’Intérieur. En tout cas, il ne faudrait pas tout casser, comme dans le passé…

En 1981, beaucoup de policiers, comme moi, attendaient un grand chambardement. Nous pensions que notre Maison valait mieux que les copinages, les réseaux ou autres petits arrangement, et qu’il y avait là un beau défi pour la gauche : rabibocher les Français avec leur police.

Quelle déception !

Cette année-là, le 19 mai, Valéry Giscard d’Estaing nous dit au revoir. Il nous fait le coup de la chaise vide. Ce sera un adieu. Son successeur, lui, prépare son investiture. Avec le réalisateur Serge Moati et le comédien Roger Hanin, François Mitterrand met la dernière touche à son périple dans les galeries du Panthéon : des roses rouges et une musique de Beethoven. Un grand spectacle populaire. Mais dans les jours qui ont précédé ces événements, l’effervescence était ailleurs. Dans les ministères la consigne était de faire place nette. Ainsi, à Beauvau, on a assisté à un va-et-vient de mystérieux « déménageurs ». Enfin, n’exagérons pas, rien à voir avec les convois de camions de Mai-68. À cette époque, dans la crainte d’un coup d’État, ce sont toutes les archives secrètes de la rue des Saussaies qui avaient alors quitté le ministère.

Si, si, nous sommes bien en République ! Celle de Coluche qui, candidat pour rire, avait lancé son slogan de campagne : « Jusqu’à présent la France était coupée en deux, avec moi, elle sera pliée en quatre. »

Il n’y aura pas de chasse aux sorcières annonce Gaston Defferre, avant même de prendre ses fonctions. N’empêche que certains serrent les fesses. Au SAC, le fameux Service d’action civique cher à Pasqua, c’est l’affolement. Et si on déterrait de vieilles affaires ! Dans une sorte de soubresaut, quelques gros bras envahissent la demeure du sous-brigadier de police Jacques Massié, à Auriol. Ils le soupçonnent d’avoir viré à gauche. Ils tuent toute la famille. Le SAC est dissous l’année suivante et les six hommes du commando sauvent probablement leur tête grâce à Robert Badinter qui, entre temps, a fait adopter la loi contre la peine de mort.

Defferre se veut grand seigneur. Toutes les décisions seront prises, assure-t-il, en concertation avec les syndicats. Dans la police, on rêve… Douche froide, le nouveau locataire de l’Élysée congédie les policiers pour les remplacer par des gendarmes – qui, eux, n’ont pas de syndicats. Et, un peu plus tard, il créera la fameuse cellule élyséenne dont les principaux responsables, bien des années après, passeront en justice pour avoir pratiqué des écoutes illégales.

Le nouveau ministre s’entoure de Maurice Grimaud, le préfet de police de Mai-68, de Bernard Deleplace, le secrétaire général de la Fédération autonome des syndicats de police (FASP), et de Frédéric Thiriez (qu’il n’a sans doute pas choisi), un jeune énarque, originaire du nord de la France, comme le premier ministre Pierre Mauroy,

L’état de grâce ne dure pas longtemps. Le 6 octobre, Gaston Defferre, dans un discours à l’Assemblée nationale, accuse les policiers de racisme. Le syndicat des commissaires réagit sèchement. D’autant que les cadres de la police sont dans le flou. Ils se plaignent de ne pas recevoir de consignes précises. La boutique tourne à vide. En fait, on ne sait pas trop qui commande. Le 3 novembre, à Lyon, le brigadier Guy Hubert est tué par des braqueurs. Mouvement de colère lorsque l’on apprend que les auteurs appartiennent à Action directe, dont deux membres importants (Rouillan et Ménigon) ont été amnistiés peu avant par le président de la République. Le ministre de l’Intérieur est violemment pris à partie lors des obsèques du policier lyonnais. Peu après, il remet une décoration à l’un des collègues de la victime, qui lui n’a été que blessé, et il lui dit : « Vous, au moins, vous avez de la chance, vous êtes blessé et décoré. »

L’ambiance se détériore. Le jeu de chaises musicales va commencer. Marcel Leclerc, le patron de la brigade criminelle, est proposé pour la place de sous-directeur à la PJ-PP. Mais les syndicats de gauche l’estiment trop à droite. Ils font barrage. Defferre recule et lui propose alors de prendre la direction du SRPJ de Marseille. Leclerc refuse. François Le Mouel, le directeur de la PJ parisienne, menace de démissionner. La tension grimpe au 36. Defferre affirme que cette décision n’a rien à voir avec les opinions politiques du commissaire. Finalement, Leclerc est affecté à l’IGPN, le cimetière des éléphants. Du coup, Olivier Foll, son adjoint, renonce à prendre la tête de la brigade criminelle. C’est une jacquerie. Pour couronner le tout, François Le Mouel, l’un des rares grands chefs de la police qui affiche des idées socialistes, met ses menaces à exécution. Il démissionne. Un bras… Defferre, qui se transforme en bras d’honneur.

Les deux années suivantes sont des années noires. La majorité de gauche tiraillée entre son désir de s’émanciper du tout-répressif et la réalité au quotidien : crimes, délits, terrorisme, etc., ne parvient pas à trouver le point d’équilibre. Tandis que la plupart des chefs de service font le dos rond, et s’accrochent à leur fauteuil, les opportunistes jouent des coudes, et les bannis du gouvernement précédent règlent leurs comptes. Ceux qui se contentent d’être flics, la grande majorité, assistent désabusés à la démolition de leur maison, attendant en vain qu’à l’horizon un sage se profile et leur donne enfin une feuille de route.

Pour récupérer le coup, Pierre Mauroy nomme en catastrophe un secrétaire d’État pour la police, Joseph Franceschi. Celui-ci appelle à ses côtés l’ancien patron de la FASP, Gérard Monate. Ce sera son conseiller technique. Du coup, la Fédération est omniprésente dans toutes les décisions. La Franc-maçonnerie aussi.

Mais derrière les hommes de lumière il y a aussi les hommes de l’ombre. En effet, sur le trottoir d’en face, d’autres tirent les ficelles. En apparence, c’est le directeur de cabinet de l’Elysée, Gilles Ménage, qui mène le jeu. Mais il est probable qu’en arrière plan, Michel Charasse et le secrétaire général, Jean-Louis Bianco, sont les véritables chefs d’orchestre. Lorsque les choses vont se tendre, Frédéric Thiriez, servira de fusible. Fort opportunément, la DST sort alors un dossier sur son passé trotskyste, et, dans la foulée, on parle aussi de ses relations avec une personne proche du Canard Enchaîné. Exit Thiriez.

Le 31 mai 1983, tandis que l’Assemblée nationale examine en deuxième lecture l’abrogation de la loi « sécurité et liberté », jugée « liberticide », à Paris, un banal contrôle d’identité se transforme en drame. Deux gardiens de la paix sont tués, Émile Gondry et Claude Caïola. Un troisième, Guy Adé, est très grièvement blessé. C’est la goutte d’eau. La fronde menace. Quelques jours plus tard, lors de la cérémonie à la mémoire de ces hommes, dans la cour de la Préfecture de police, Gaston Defferre et Joseph Franceschi sont accueillis par des huées et des coups de sifflet. Puis, spontanément, les policiers décident d’aller manifester devant le palais de Justice. Au fil du parcours, le cortège grossit. Ils sont trois ou quatre mille en arrivant place Vendôme. La Chancellerie est gardée par deux escadrons de gendarmes mobiles et quelques dizaines de gardiens de la paix. Ceux-ci mettent képi bas devant leurs collègues. Le Garde des sceaux, Robert Badinter, déclarera plus tard sur Europe 1 que, depuis la fenêtre de son bureau, alors que les policiers entonnaient La Marseillaise, il les a nettement vus, le visage défiguré par la haine, lever le bras « dans un geste qui lui a rappelé les tristes souvenirs de son enfance ». Une déclaration étonnante pour un homme d’une telle culture. Bilan de cette journée noire : le préfet de police démissionne, le directeur général de la police est remercié, un policier est mis en retraite d’office, sept sont suspendus, et deux représentants syndicaux sont révoqués pour « participation à un acte collectif contraire à l’ordre public ». C’est la plus grave atteinte aux libertés syndicales depuis la triste époque de l’occupation allemande.

Lorsque Defferre et Franceschi quittent la place Beauvau, en 1984, la police est KO debout. Heureusement, Pierre Joxe, le successeur sera à la hauteur.

« Il y aura des changements à opérer », confie François Rebsamen dans cet article du Monde. « Il ne s’agit pas de descendre trop bas dans la hiérarchie, ni de faire un grand chambardement. Mais ceux qui ont impulsé des comportements peu républicains ou des pratiques professionnelles éloignées de l’esprit républicain doivent être remplacés. Il faudra redonner confiance à l’ensemble des préfets ».

La confiance ! Oui, aux préfets aussi… Mais n’oubliez pas, Monsieur le futur ministre de l’Intérieur, que les policiers ne sont efficaces que par leur initiative. Et l’initiative ne se commande pas, elle s’encourage.

Du petit cadeau à la corruption

« Il n’y a aucune preuve contre moi… », a dit M. Éric Woerth, à la suite de sa mise en examen pour deux délits qui visent des faits liés à sa carrière politique. Il a peut-être raison, car les infractions qui consistent à user de son influence pour obtenir un service, un avantage, voire de l’argent, sont parmi les plus difficiles à réprimer. Qu’il s’agisse de corruption ou de ces délits dits d’atteinte à la probité, comme le trafic d’influence, le favoritisme, le détournement de fonds publics, etc. D’autant que dans ces affaires, les protagonistes sont d’accord entre eux et chacun y trouve son compte. Non seulement il n’y a pas de victime « physique », mais, le plus souvent, tous les participants tombent sous le coup de la loi. Donc, aucun n’a intérêt à dévoiler le pot aux roses.

Si, la plupart du temps, ces dossiers sont mis à jour par des journalistes, ils ne peuvent aboutir que par la pugnacité de certains juges d’instruction. En d’autres temps, Mme Eva Joly disait d’ailleurs que ces enquêtes (je crois qu’elle parlait de l’affaire Elf) ne pourraient pas sortir dans un système judiciaire du type accusatoire. Et même l’avocat général Philippe Bilger, qui voulait « achever le juge d’instruction », a fait machine arrière, déclarant dans Marianne2 : « Je n’ose imaginer ce qu’aurait été la justice actuellement si nous n’avions pas des juges d’instruction… »

Ces infractions sont liées au pouvoir. Elles ne concernent pas que les élus ou les membres du gouvernement, mais tous les gens qui détiennent une parcelle de pouvoir – comme les fonctionnaires. À noter qu’une loi de juillet 2005 a introduit la corruption privée dans le Code pénal.

L’agent public est soumis à une obligation de moralité qui lui interdit d’accepter un cadeau susceptible de mettre en doute son impartialité ou sa probité. S’il passe outre, il peut tomber sous le coup de la loi. Pourtant, tout est dans la mesure. Il ne viendrait à l’idée de personne de chercher des poux dans la tête au facteur qui sonne à notre porte, en fin d’année, pour « vendre » ses calendriers ? Certains pays, notamment en Afrique, interdisent aux fonctionnaires d’accepter le moindre cadeau, alors que d’autres, comme la Suisse, admettent le « cadeau de peu de valeur offert par courtoisie » (canton de Berne). Le code de déontologie américain donne, lui, toute une liste de petits cadeaux que le fonctionnaire peut accepter. Alors que pour le voisin canadien, tout présent doit être retourné au donateur ou à l’État.
« Par essence, si le cadeau est banalisé, voire systématisé, cela signifie que le système en lui-même est corrompu », dit Frédéric Colin, Maître de conférences à l’Université Paul-Cézanne à Aix-en-Provence (Actualité juridique – Fonctions publiques, chez Dalloz).

Pour le policier français, la bonne règle voudrait qu’il n’accepte aucun cadeau ni aucune récompense. Il n’est pourtant pas inhabituel que la victime d’un vol, par exemple, tienne à montrer sa reconnaissance aux enquêteurs qui ont retrouvé ses bijoux, ses tableaux… C’est ainsi que l’ancien Orphelinat de la police (aujourd’hui Orpheopolis) a reçu parfois des donations d’une valeur assez inhabituelle. Je me souviens d’une anecdote… Le producteur de la série télévisée du Commissaire Moulin avait obtenu l’autorisation (rare) de tourner quelques séquences dans la cour mythique du 36. Et, pour remercier, il avait pris l’initiative de faire parvenir au directeur de la PJ une caisse de champagne. Celle-ci lui avait été retournée avec un mot sec, du genre : Un policier n’accepte pas de cadeau. Tout le monde n’a pas forcément le charisme de M. Jean-Pierre Sanguy, puisque c’est de lui dont il s’agit. Pour la petite histoire, c’est ce même personnage qui, quelques années auparavant, dans une affaire dramatique qui avait sérieusement perturbé la brigade antigang de Nice, et qui s’était traduite par la mort d’un jeune gardien de la paix, avait écrit au magistrat pour lui demander d’être inculpé au même titre que ses hommes. Alors que l’information judiciaire avait été ouverte pour assassinat.

Et, lorsqu’on se tourne vers la presse, le quatrième pouvoir, les choses ne sont pas plus évidentes. Si la plupart des rédactions mettent en commun les cadeaux que les journalistes reçoivent, c’est à l’initiative de chacun. Je crois savoir que cela se passe ainsi au Monde, notamment pour les livres envoyés par les éditeurs. Dans un autre journal, en fin d’année, une amie a reçu une caisse de bons vins. Situation embarrassante, lorsqu’on a le code de déontologie comme livre de chevet… Difficile de retourner le présent sans froisser le donateur. Discrètement, elle a fait suivre la caisse au comité d’entreprise. J’espère qu’ils en ont fait bon usage… Mais quid de ces voyages de presse offerts par des annonceurs publicitaires ! Ou de ces journalistes ou pseudo-journalistes qui chaque année figurent sur la liste de la promotion à la Légion d’honneur ! Il n’y a pas de honte, disent certains, à accepter une médaille. Et pourtant, M. Woerth est bien soupçonné d’avoir utilisé ce stratagème pour faire embaucher son épouse par Patrice de Maistres, le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt. Heureusement, certaines journalistes ont une autre opinion de leur métier. Comme Françoise Fressoz et Marie-Ève Malouines qui en janvier 2009 ont refusé cette distinction.

Pour les fonctionnaires, les limites entre le pénal et l’administratif sont parfois bien floues. Ainsi, lorsque l’on nous dit que le commissaire Michel Neyret s’est fait offrir un voyage au Maroc, que faut-il en penser ? Eh bien, s’il a accepté ce cadeau en échange ou en remerciement d’un service, c’est de la corruption passive (corruption active pour le corrupteur). Mais s’il n’existait aucune contrepartie à ce cadeau, alors, cela ne regarde pas le juge. Il s’agit d’une faute qui entraine une sanction administrative.

Pas facile de démêler l’écheveau. Et il faut bien reconnaître que la France est un peu à la traîne pour lutter contre la corruption. D’autant que la prolifération du « Secret défense » a encore compliqué les choses. Le FBI, par exemple, n’hésite pas à utiliser tous les moyens pour parvenir au flagrant délit. La preuve absolue en la matière. Chez nous, il n’y a guère d’exemple. L’affaire Schuller, peut-être, en 1995. Dans laquelle, une information recueillie par le juge Éric Halphen a permis aux enquêteurs de surprendre une remise de fonds de la main à la main. Il s’agissait, on s’en souvient, de l’affaire des HLM de la Ville de Paris (résumé sur Wikipédia). La création de la brigade centrale de lutte contre la corruption (BCLC) date seulement de 2004. Mais, à ce jour, on ne lui a jamais donné les moyens suffisants pour être véritablement performante. Elle compterait cinq fois moins d’enquêteurs que son équivalent en Belgique. Pire, ces dernières années, la sous-direction des affaires économiques et financières a plus ou moins été démantelée. Bien sûr, il y a Tracfin. Mais ce service ne brille pas par sa transparence. D’ailleurs n’est-il pas assimilé à un service secret ? Je pose seulement la question… Transparence International France remarque que seulement deux condamnations mineures ont été prononcées à ce jour au titre de la Convention sur la corruption entrée en vigueur il y a dix ans. Alors que dans le même temps, l’Allemagne a prononcé 42 condamnations et les États-Unis, 88.

Alors, soit nous sommes un pays particulièrement vertueux, soit, malgré les effets de manche et les mouvements d’épaule, la volonté politique n’y est pas.

Le miracle de la petite fille du manège

Lorsqu’on parle de la police, on pense arrestations, gardes à vue, P-V, etc. Mais la police, c’est aussi l’histoire d’Églantine.

Elle a 7 ans et demi. L’autre samedi, grimpée sur une moto miniature, elle devait rire aux éclats sur ce manège du Jardin d’acclimatation, à Paris. Comme tous les enfants de son âge. Soudain, son écharpe se coince dans les rayons de l’une des roues. Tout va très vite. La petite fille s’étrangle. Deux promeneurs surprennent la scène. En un clin d’œil, le manège est arrêté. Ils se précipitent vers l’enfant. L’un est médecin, l’autre pompier: bouche à bouche, massages cardiaques… Six minutes plus tard, les pompiers de Paris sont sur place et, sept minutes après, le médecin du SAMU arrive à son tour.

Un flash d’urgence tombe sur les portatifs des policiers. Pour l’heure, certains font la chasse aux vendeurs à la sauvette qui proposent des « Tour-Eiffel » souvenirs aux touristes du Champ-de-Mars. Le genre de mission que les policiers n’apprécient pas beaucoup. Mais, depuis le vote de la LOPPSI 2, c’est un délit fermement pourchassé (6 mois de prison et/ou 3 750 € d’amende). Plusieurs milliers de ces vendeurs de porte-bonheur ont d’ailleurs été interpellés l’année dernière.

Mais les messages crépitent et prennent vite une tournure dramatique. Les policiers abandonnent leur mission. Ils sont un peu loin, mais peu importe. Ils foncent sur les lieux de l’accident. Au cas où… Lorsqu’ils arrivent, tout le monde s’affaire, pourtant le médecin a le front sombre : impossible de ranimer la petite fille. Il faut la transporter à l’hôpital de toute urgence… Les motards sont commandés. Sirènes hurlantes, ils ouvrent la circulation. L’escorte fonce dans Paris. Des policiers prennent les parents en charge, et, dans la voiture qui suit le convoi, durant le trajet, ils les rassurent et tentent de leur donner confiance. Les autres, ceux qui restent sur place, recueillent des témoignages et se livrent aux premières constatations… En fait, ils n’auraient pas besoin d’être si nombreux, mais ils ont du mal à partir. Ils attendent des nouvelles.

Il faut 15 minutes à l’ambulance pour parvenir à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Un sacré challenge pour les motards, un samedi après midi, sur le périphérique humide ! Les urgentistes ont été prévenus. L’enfant est prise en charge sans attendre. Tout est prêt. Hélas ! Il n’y a guère d’espoir. Impossible de la ranimer. Son pronostic vital est engagé.

On sait ce que cela veut dire…

Et, mardi dernier, miracle ! Contre toute attente, Églantine sort du coma.

Le papa est venu au commissariat pour annoncer la bonne nouvelle et remercier tout le monde. Un grand moment d’émotion parmi les policiers.

Aujourd’hui, c’est à peine croyable !… Églantine a quitté l’hôpital. Elle marche, elle parle et elle a des réactions normales. Elle est juste un peu fatiguée.

 

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