Il y a quelques jours, l’avocat de Yoni Palmier a déposé une plainte contre X pour violation du secret de l’instruction. Yoni Palmier, c’est l’individu soupçonné d’être l’auteur des quatre meurtres commis dans l’Essonne, entre novembre 2011 et avril 2012. Or en juillet dernier, il a reçu une lettre de l’une de ses connaissances qui s’accuse de deux de ces meurtres et affirme avoir commandité les deux autres. L’information avait été tenue secrète. Mais récemment, elle est parue dans la presse, ajoutant encore un peu de mystère à une enquête criminelle particulièrement tortueuse. Une enquête où chaque nouvel élément semble vouloir contredire le précédent.

Le 27 novembre 2011, Nathalie Davids, une jeune femme de 35 ans, laborantine à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, est retrouvée  agonisante dans le parking de son immeuble, à Juvisy-sur-Orge, dans l’Essonne. Elle a reçu sept balles de calibre 7.65 mm, dont une dans la tête. L’assassin a probablement vidé son chargeur. On peut donc penser à un tir de panique ou d’acharnement. La victime décède à l’hôpital sans avoir repris connaissance. L’enquête menée par la police judiciaire de Versailles (service compétent sur la grande couronne parisienne) progresse rapidement. Dans la semaine qui suit, un homme est arrêté. Il s’agit de Michel Courtois. Amoureux éconduit, il harcelait Nathalie au téléphone. Lors de sa garde à vue, il reconnaît les faits. «J’ai fait tout ça par amour », dira-t-il lors de son audition.  Après avoir emprunté une moto à des copains de bar, il aurait suivi une voiture pour s’introduire dans le parking, en prenant soin de placer un bout de scotch sur la cellule électrique de la porte pour assurer sa retraite. Ensuite, il se serait dissimulé, attendant le retour de sa maîtresse. Un véritable guet-apens. Donc, un assassinat. D’une manière plus ambigüe, d’après Le Monde, il aurait déclaré : « Je pense que c’est moi qui ai tué Nathalie, parce que tous les éléments qui sont à charge contre moi tendent à prouver que je suis l’auteur de l’assassinat ». Une phrase que l’on sent bien dans la bouche d’un policier mais qu’il est difficile d’envisager dans celle d’un suspect… Le seul élément matériel contre lui provient de l’analyse de vêtements et d’un sac sur lesquels des traces de poudre auraient été découvertes. Une contre-analyse n’a cependant pas permis de trancher quant à l’origine de ces traces.

La presse a présenté Michel Courtois, âgé de 46 ans, comme un homme un peu « simplet ». Pourtant, sur cette vidéo de TF 1, il est bien loin de l’image que l’on a donnée de lui. Il dit qu’il ne comprend pas ce qui lui arrive… De fait, rapidement, il s’est rétracté, disant avoir subi des pressions policières. Son avocat, Me Yassine Bouzrou, va plus loin. Il estime que les aveux lui ont été « extorqués ». Ce qui n’est pas l’avis de sa consœur, Me Sarah Valduriez, qui assistait Michel Courtois durant la garde à vue. Elle a déclaré au JDD : « J’étais avec lui lors de toutes les auditions. Les policiers ont toujours été très respectueux (…)  Il a avoué en ma présence, je lui ai même demandé s’il savait ce qu’il faisait. De toute façon, tout a été filmé. » Voilà de quoi convaincre les OPJ encore récalcitrants de l’utilité de l’avocat durant la garde à vue…

En tout cas, pour le meurtre suivant, le 22 février 2012, Michel Courtois a un alibi : il est derrière les barreaux. Cette fois, c’est le voisin de Nathalie Davids qui est visé, Jean-Yves Bonnerue, un cadre technique de 52 ans. Il est abattu dans ce même parking alors qu’il est penché sur le coffre de sa voiture. Une balle dans la tête. Même calibre. C’est lui le premier qui avait découvert Nathalie baignant dans son sang et qui avait appelé les secours. C’est d’ailleurs lors de son audition que les enquêteurs ont appris l’existence de Michel Courtois. D’une certaine manière, il les a mis sur la piste.

De toute évidence, ces deux meurtres sont liés. D’autant, on l’apprendra par la suite, qu’ils ont été perpétrés avec la même arme : un pistolet automatique de calibre 7.65.

Un mois plus tard, le 17 mars, à Ris-Orangis, c’est un retraité de 80 ans qui est tué d’une balle dans la nuque dans le hall de son immeuble. Puis, le 5 avril, à Grigny, c’est le tour d’une mère de famille de 48 ans. Elle n’est pas agressée, juste trois balles dans la tête, alors qu’elle pénètre, elle aussi, dans le hall de son immeuble.

Rien ne relie ces deux crimes aux précédents, si ce n’est le rayon d’action et l’arme utilisée.

La PJ de Versailles met le turbo, d’autant que l’affaire Merah a traumatisé la France entière. Une centaine d’enquêteurs sont sur le coup. Le 6 avril, les policiers lancent un appel à témoins pour retrouver une moto de marque Suzuki de couleur bleue et blanche sur laquelle le meurtrier aurait pris la fuite, après avoir tiré sur cette femme, à Grigny. Ce sont des jeunes de la cité qui ont rapporté la chose aux policiers. Et les motos, ils connaissent suffisamment pour fournir des détails précis. Les magasins spécialisés du département sont visités un à un, le fichier des cartes grises est passé au crible… Le propriétaire de l’engin est finalement retrouvé. Il est inconnu des services de police. Mais, à l’adresse indiquée sur le document, vit Yoni Palmier. Et son profil colle bien à l’enquête. Les planques commencent. Il s’agit de ne pas lui donner l’alerte et d’éviter le scénario de Toulouse.

Huit jours plus tard, il est cueilli en douceur alors qu’il sort du domicile de ses parents. Dans son box, on retrouve la moto. C’est un homme de bientôt 34 ans, né dans le Val-d’Oise, de parents antillais. Il a déjà été condamné pour violences et plusieurs fois pour le délit de port d’arme de 6° catégorie. Officiellement, il subsiste grâce à « diverses allocations », comme dit la procureure d’Évry, mais son train de vie ne correspond pas. C’est en recoupant ses déclarations que les policiers sont amenés à perquisitionner dans un lieu où il a autrefois vécu, et dans lequel ils vont découvrir, dans une poubelle, une douille percutée qui provient de l’arme des crimes. Devant cet élément probant, Yoni Palmier accepte de mener les enquêteurs dans un second box, à Draveil, où sont dissimulées plusieurs armes, dont le fameux PA 7.65. Il déclare que la moto et les armes appartiendraient à un homme dont il ne connaît pas l’identité, probablement celui qui aujourd’hui revendique les meurtres. Mais existe-t-il ?

Yoni Palmier nie donc les faits. Il aurait été manipulé par ce mystérieux personnage. Mais pourquoi ces meurtres ? Quel pourrait être le mobile ? On parle d’actes « d’opportunité ». Ainsi, dans l’hypothèse où Yoni Palmier serait bien le coupable, le meurtre de Jean-Yves Bonnerue aurait été fortuit. Il serait venu sur les lieux, là où Nathalie Davids a été tuée, simplement parce qu’il connaissait l’endroit pour y avoir loué autrefois des emplacements de parking. Et il aurait tiré sur cet homme qui déchargeait ses courses, sans aucune raison. Cela ne tient pas la route. Quant aux deux autres crimes, cela pourrait être une sorte de plagiat de l’affaire Merah.

Autant d’extrapolations qui laissent dubitatif… Ce qui surprend, c’est le modus operandi du premier meurtre par rapport aux suivants. Nathalie Davids est tombée sous les balles d’un tueur compulsif tandis que les autres victimes ont été froidement exécutées.

À ce jour, les enquêteurs n’ont pas trouvé de liens entre Yoni Palmier et Michel Courtois. Lorsque l’avocat de ce dernier a demandé sa remise en liberté, en faisant valoir que deux assassins pour le même meurtre, c’était un de trop, le procureur s’y est opposé ; et la Cour d’appel de Paris lui a donné raison. Mais, bizarrement, quinze jours plus tard, le 11 juin, les deux juges d’instruction en charge de l’affaire ont accédé à sa demande. Comme si le dossier s’était enrichi d’un élément nouveau.

On l’espère. En attendant, quatre personnes ont été tuées avec la même arme. Apparemment, il n’existe aucun mobile, aucune raison, et pour le premier meurtre, deux suspects sont mis en examen. L’un est en prison, l’autre en liberté. Deux hommes qui ne se connaissent pas. Et, quelque part dans la nature, un autre individu a revendiqué ces crimes.